CHAPITRE 2 part 1

Les paysages de villes et de campagnes aux alentours défilent sous nos yeux ébahis. Et au bout de deux heures, nous traversons la rivière Shanon, avant d'enfin arriver à la gare d'Athlone. Cette ville m'est familière, même si je ne me souviens de rien. Pourtant, je suis presque sûre que petite, je venais me promener près de ce magnifique cours d'eau avec mes parents. Kelsey a les larmes aux yeux. On dirait que des souvenirs ont refait surface...

Nous passons dans les toilettes et nous nous changeons, portant maintenant les uniformes bleu et blanc assortis au blason de l'école. Nous enchaînons notre périple avec une balade en taxi jusqu'au lycée.

Je m'éveille doucement en entendant les rires de joie et d'enthousiasme d'adolescents. Il n'y a aucun doute, nous sommes arrivées. Je me redresse sur mon siège et observe les mouvements par la fenêtre : les étudiants sortent de belles voitures scintillantes au reflet du soleil, et les bruits de valises retentissent sur le parking. Les amis se retrouvent et les sourires naissent sur les visages. Une ambiance familiale se dégage de ce spectacle, tandis qu'une vague de bonheur s'empare de chacun d'eux. La rentrée semble en réjouir plus d'un.

— On y est  ! déclare le chauffeur.

Nous sortons du taxi, et récupérons nos affaires. Nous avançons vers ce grand et imposant bâtiment qui se dresse devant nous.
Les extérieurs sont magnifiques  ! Le sol est tapis d'un impressionnant gazon d'un vert prairie et encerclé de fleurs de variétés différentes. De part et d'autre de l'entrée se dressent d'imposantes sculptures végétales, et des fontaines aspergent les curieux s'aventurant dans les jardins. Personne, en dehors de nous deux, ne semble impressionné, même pas les élèves du premier cycle reconnaissables avec leur uniformes noir et blanc. Certains élèves portent des uniformes blanc et bleu tout comme nous. Ce sont les étudiants des deux derniers cycles. Sûrement une astuce pour nous différencier.

Nous rejoignons un attroupement devant la porte principale sans dire un mot. La directrice accompagnée de profs y attendent tous les élèves. Une fois le silence régnant dans la cour, la principale commence sa présentation.

Après un discours ennuyeux d'une bonne vingtaines de minutes, Madame Haren finit par se retirer, laissant place à d'autres professeurs formant les classes. Une chance pour moi, car mes jambes flageolantes ne tenaient plus debout...

La directrice semble me regarder depuis un moment déjà, alors qu'elle avait repris place au fond de l'estrade. Je suis paranoïaque, c'est certain. Mais lorsque l'on vous fixe incessamment d'un regard noir, vous ne pouvez que vous sentir mal à l'aise.

Ainsi, je tente de la surveiller à mon tour, d'un œil discret : reculant légèrement, elle glisse un mot dans l'oreille de l'enseignante à sa droite.
Il s'agit d'une petite blonde légèrement joufflue. Certainement de Mme Tirol, professeur de latin. Un léger sourire de gêne s'installe sur les lèvres de cette dernière qui me regarde hésitante à son tour.

Elles ont peut-être entendu parler de moi et de ma «  triste histoire  » comme dirait quelques uns... Tout le pays se souvient du crash du vol 754 à destination de Paris, le douze mars deux mille sept. C'est un détail que je ne parviendrai jamais à cacher. Cependant, en dehors de Kelsey et Kevin personne n'est au courant de mes soucis de mémoires. Et autant que cela reste ainsi.

Après une succession interminable de noms, je rejoins ma classe, me séparant à contre cœur de Kelsey.

L'intérieur du lycée a été refait, alors que les façades n'ont pas été touchées. On pourrait se croire dans une de ces séries américaines, où les casiers sont rangés le long de ces immenses couloirs. Un vrai labyrinthe...

Après avoir regagné une salle de cours, je m'assieds au dernier rang contre la fenêtre, près des radiateurs. Ce n'est pas comme si j'avais l'embarras du choix. En effet, alors que tout le monde trouve une place à côté d'un ami, je suis la seule « abandonnée » et en retrait. M Loops commence à se présenter et à parler des objectifs pour l'année. Mais je suis perdue dans mes pensées et observe le ciel bleu et dégagé de tous les nuages. C'est étrange comme la température change aussi rapidement dans ce pays...

Quelqu'un toque à la porte :

— Vous pouvez rentrer monsieur Cleerz.

Un jeune garçon s'approche et s'excuse:

— Bonjour Monsieur, je sais que cela est impardonnable le jour même de la rentrée, mais voulez vous bien m'excuser de mon retard ? Cela n'arrivera plus.

— Bien, bien monsieur Cleerz. Il y a de beaux efforts sur la politesse... Allez prendre place le plus rapidement possible, et faites vous oublier s'il vous plait.

Il s'avance dans la salle, et analyse les places libres. Me voyant seule, il s'approche et vient se positionner devant moi. Il me sourit puis me demande poliment, et assez fort pour attirer l'attention :

— Cette place est-elle prise mademoiselle  ?

— Non monsieur, vous pouvez vous assoir, je vous en prie, je lui répond ironiquement.

Il prend place, et me demande à voix basse  :

— J'en fais un peu trop non  ?

— Légèrement...

Et nous rions assez discrètement pour ne pas attirer l'attention un peu plus sur nous.

— Il faut dire qu'ils abusent aussi sur la politesse. Tu ne trouves pas  ?

— Je suis nouvelle...

— Ah  ! Comment t'appelles-tu  ?

— Sophie.

— Sophie... dit-il réfléchissant à haute voix. Moi c'est Romain. Bienvenue  !

Charmant garçon... Aussi poli et amusant que beau. Il a de très beaux yeux verts, son visage me fait penser à quelqu'un... Ses cheveux châtain clair, en bataille, lui donnent un air de mauvais garçon. Tout comme une très grande majorité d'élèves ici, il a un sac, une montre, et des chaussures certainement plus chères que le prix d'un loyer  !

Je sors de mes pensées lorsque nous recevons un document à remplir. Des questions sont posées : nom, prénom, ancienne adresse...
Romain tourne la tête pour inspecter ce qui est écrit sur ma feuille, quand il remarque qu'une question reste sans réponse :

— Tes parents sont au chômage ? ricane t-il.

— Non... je... compléterai ça plus tard.

Au même instant, M Loops s'avance vers moi et me glisse quelques mots discrètement :

— Excusez moi, j'avais oublié votre situation actuelle. Remplissez le principale mademoiselle Anaya, nous nous chargerons du reste.

J'acquiesce en souriant et il s'éloigne, reprenant sa démarche de canard boiteux. Romain a tout entendu, ce qui me met vraiment mal à l'aise... Moi qui voulais passer la plus inaperçue possible...

Je sens son regard sur moi. Je me retourne hésitante lorsque je remarque qu'il me sourit gêné, comme s'il avait compris et qu'il compatissait. Je baisse la tête et rougis.
Je ne veux pas que tout le monde sache que je n'ai plus de parents. Personne n'a à le savoir. Et si quelqu'un l'apprenait, cela soulèverait trop de questions.

Ayant apparemment envie de discuter, il change de sujet :

— Tu vas choisir quoi comme option sinon ?

— Je sais pas trop... Tout d'abord astronomie et certainement musique.

— Oh  ! Tu aimes l'astronomie ? me demande t-il surpris.

— Oui, c'est quelque chose qui me passionne. C'est la base même de...

— De tout, me coupe t-il.

— Exactement...

♦️♦️♦️

C'est incroyable qu'elle aime l'astronomie autant que moi  ! À la différence que c'est une passionnée. Alors que moi, je suis lié à tout ça... Son visage m'est familier. Il est probable que ce soit elle que j'ai aperçue dans la ville d'à côté hier. Cela serait une sacrée coïncidence  ! Surtout après ce qui s'est passé...

Le prof me sort de mes pensées – quel idiot celui-là... –  Il s'avance vers moi des copies à la main  :

— Monsieur Cleerz, vous qui vouliez à tout prix vous faire pardonner, distribuez le test de mathématiques s'il vous plait.

— Mais avec grand plaisir, que ne ferais-je pas pour vous  !

J'attrape le tas de copie, me retenant de rire et sous l'oeil moqueur de Sophie je me mets à les distribuer et nous commençons.

Le reste de la journée est passé vite. La sonnerie de seize heures retentit et le prof nous distribue nos clefs de casier.
Je quitte la classe et me dirige vers l'escalier, quand je vois Sophie perdue  :

— Sophie, besoin d'aide  ?

— Ça serait gentil oui... me dit-elle gênée.

— Casier combien  ?

— 130.

— Ils sont au premier étage. Je vais venir avec toi, mon casier est le 122, c'est à côté.

♦️♦️♦️

Romain me guide dans le lycée, jusqu'aux casiers. J'y pose mes affaires pour me débarrasser et Romain part un peu plus loin faire de même. J'envoie un message à Kelsey, lui demandant où nous pourrions nous rejoindre.

Je lève la tête, lorsque je vois Romain revenir vers moi, mais accompagné d'une autre élève, une seconde année elle aussi. C'est une très belle rousse, mince et grande. Ses boucles parfaites rebondissent majestueusement. Je remarque que son uniforme n'est pas complet et sa chemise, censée être dans la jupe, est sortie, tout comme Romain. Cette dernière ne passe pas inaperçue. Tous la regardent presque jaloux de sa beauté, ou même de son assurance. Le bruit de ses bottines à talon résonne sur le sol du couloir attirant l'attention sur elle. Les autres élèves la saluent, lui sourient, d'autres l'arrêtent quelques secondes pour lui parler. Mais elle est bien décidée à venir vers moi :

— À qui ai-je l'honneur ? me questionne t-elle avec de grands airs.

— Sophie... je lui répond avec un sourire de lèche botte.

— Oh ! Une des deux nouvelles qui viennent de... Portman, commence t-elle avec dégoût.

— C'est Portumna en réalité. Mais je suis née ici, à Athl...

— Cela m'est égale, me coupe t-elle. Tu as beaucoup de chance d'être dans un tel lycée, ce n'est pas donné à tout le monde. Surtout aux pauvres comme toi... Je te conseille vivement de faire attention à chacun de tes faits et gestes, je ne te raterai pas, sois en sûre.
La colère me monte :

— Ah  ! Excuse-moi, c'est vrai que n'étant pas du même rang social que toi, je suis exclue de certains droits....

— Tout à fait ! Ici, nous travaillons dur. Cette école ouvre les portes des plus grandes écoles. Ne pense pas une seconde prendre la place de l'un de nous. Nos parents bossent tous les jours pour payer cette école, et toi tu as droit à une bourse... Retourne dans ton lycée et ne t'avise plus de me parler comme ça.

Avant même que j'ai le temps de me défendre, elle repart sûre d'elle, suivie de près par Romain, qui n'a pas réagi durant toute la scène.

Je le savais... Je l'aurais parié ! Si cet incident n'était pas survenu aujourd'hui, il se serait produit dans quelques jours. Je ne sais pas pourquoi, mais j'ai le don d'attirer les filles comme elle. Et c'est toujours pareil, elles me détestent toutes !

Alors qu'elle était à trois mètres devant moi, elle se retourne me jetant un dernier regard, qui visiblement m'a déstabilisée, parce que les quelques affaires que je tenais encore dans mes bras tombent au sol sous ma maladresse. Elle sourit diaboliquement, avant de reprendre son petit « défilé » dans les couloirs.

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