CHAPITRE 14 part 1

Je ne peux pas croire qu'il a fait ! Je ne peux pas... pourquoi il a recommencé... tout est de sa faute, il n'aurait jamais dû !

Mes mains sont couvertes de sang et mon souffle est irrégulier. Tout le monde dort dans le lycée et pourtant nous sommes tous là, oui, tous les dix. À prier pour que notre destin ne s'annonce pas funeste.

Un grand gaillard vêtu d'un costume noir s'approche de nous. Il porte des lunettes noires cachant de moitié une cicatrise s'étendant sur une dizaine de centimètres au dessus de ses yeux. Sa démarche imposante et sa musculature bien plus que developper me rappelle d'avantage cette peur me dévorant de l'intérieur depuis plus d'une heure. Romain qui me paraissait bien présomptueux jusqu'à présent, semble s'être soudainement réveillé sous la décharge d'un électrochoc.

— Sophie et Romain, vous êtes attendus dans le bureau de Mme Haren. Vous connaissez le chemin. Je m'occupe de vos amis, alors si par malheur vous tentiez de vous échapper, ne comptez pas les revoir en vie, déclare t-il d'un ton sec et froid.

C'est un cauchemar... J'aurais aimé que ce soit un rêve, mais ce n'est pas le cas. Et pour m'en assurer, j'ai cette insupportable douleur dans l'épaule. S'il avait tiré quelques centimètres plus en bas, c'est dans le cœur que j'aurais pris cette balle.

Nous nous levons tous deux, et partons en direction du bureau.

— Tout est de ta faute Sophie, dit-il calmement, tout en essayant de s'en convaincre lui-même.

— Tu te moques de moi Romain !? C'est toi qui les a provoqués et encore tu oses m'accuser ?!
Je n'arrive pas à contrôler ma colère, et l'envie de vengeance m'envahit. Sans contrôler ma force et mon geste, je le pousse violemment et le menace :

— Cinq personnes Romain ! Ce soir vous en avez tué cinq, en plus de Kelsey et Mason ! Regarde ce que tu m'as fait Romain ! Tu as détruit une famille du cercle ce soir ! Et bientôt cela sera notre tour ! Jusqu'où faudra t-il que tu ailles ?! Ose me dire que tu ne te sens pas coupable, et je te jure que...

— Que quoi hein ? dit-il à son tour, il me plaque contre le mur, prenant soin de m'appuyer sur mon épaule blessée. Tu ne vas rien faire du tout, tu es faible ! Tu veux te venger c'est ça ? rigole t-il. Tu n'as qu'à le faire !

Il se recule, et porte ses mains près de sa tête :

— Je te laisse faire, fais-moi ce que tu veux ! Mais tu en assumeras les conséquences.

— Ne t'inquiète pas pour moi. Et je te préviens, que ce qui t'attend est bien pire que ce que tu peux imaginer, après ce que tu as fait, n'espère pas que je te pardonne un jour...

Je trace mon chemin, marchant devant lui. Il ne parle plus. Il a compris que cet fois-ci, cela ne se finirait pas aussi facilement.

♦️♦️♦️

Qu'est ce que j'ai fait ! Sophie a raison, c'est de ma faute ! Non pas pour les morts, ce ne sont que des dommages collatéraux. Mais si j'avais su contrôler ma colère cette nuit, nous n'en serions jamais arrivé là. J'ai beau n'avoir peur de rien, être têtu et obstiné, je ne doute pas d'un fait : ce que j'ai fait ne pourra que nous mener à notre perte, les hérétiques sont de retour...

Quelques heures plus tôt : 29 novembre, 18h30

♦️♦️♦️

Nous sommes en étude, comme tous les soirs... Cette routine commence à m'agacer. Romain n'est pas venu à sa dernière heure de cours. Personne ne s'en est soucié. Il faut dire qu'il a énormément de talent pour se faire oublier...
Je remarque qu'Hugo est pâle depuis un petit moment déjà :

— Hugo, ça va... ? demande Lily inquiète elle aussi.

Il ne répond pas.

Métis et Jade le regardent et baissent la tête aussitôt comme si de rien n'était.

— Hugo... ? je répète à mon tour.

— Tout va bien les filles, ne vous inquiétez pas, c'est juste qu'une de ses prémonitions se prépare, affirme Jade.

— C'est si douloureux ? s'étonne Lily.

— Il n'est pas très courageux aussi... ricane discrètement Métis.

Nous le fixons, et attendons ses informations. Un spasme le traverse soudainement et alors qu'il expire lentement l'air de ses poumons, son visage retrouve peu à peu des couleurs.

— Alors ?

— C'est le cercle noir, ils ont pris un train. Je... Je ne sais pas où ils vont, mais ils sont à la recherche de leur cinquième membre, dit-il sans comprendre lui même ce que cela signifie.

— Dans un train ?

— Ils savent où ils vont... réfléchit Métis.

— Ils ont sûrement eu des informations, conclue Lily.

— Ou quelqu'un leur en a donné sans le vouloir... déclare Jade se tournant vers moi

— Je n'ai rien dit ! J'ai juste dit à Rom... Oh non...

— Qu'est ce que tu lui as dit Sophie !?

— Je ne pensais pas que cela pourrait avoir un quelconque rapport avec le cercle !

— Où vont-ils Sophie !? s'impatiente Hugo.

— Dans mon ancien foyer...

Nous ne prenons pas le temps de réfléchir à l'éventualité que les Deux Claires ne soient pas leur destination. Apparemment, l'intuition est le plus important des sens chez nous. Et pour ce qui est de mon intuition, elle est vraiment mauvaise lorsque je pense à Tom et Kevin.

***

À la suite de deux heures de train, quelques minutes de taxi et une bonne dose d'adrénaline, nous arrivons sur les lieux.

J'entre la première et pars interroger la secrétaire :

— Oh Sophie ! Comment vas-tu et que fais-tu ici à une heure pareille !?

— Bonjour, je venais juste rendre visite à Bridie.

— Bridie ?

— La surveillante principale du foyer.
Elle ne semble pas comprendre.

— Vous savez, la femme plutôt âgée, d'une soixantaines d'années. Elle porte toujours de longues jupes...

Je tente de la lui décrire, accompagnant mes explications de grands gestes insignifiants, même pour moi. Je n'ai jamais été la plus doué aux mimes...

— Non, je suis désolée, Sophie, je ne vois pas du tout de qui tu veux parler. Mais vas au réfectoire si tu le souhaites ! Tu pourras faire un petit coucou à tes anciens camarades !

— Merci...

Je prends la direction du réfectoire, assez étonnée de cette conversation. Bridie serait-elle partie à la retraite il y a quelques semaines ?

— Sophie ! s'écrie Melody, jeune orpheline de dix ans.

— Oh Melody! Comment tu vas ?

— Très bien ! Tu reviens au foyer Sophie ?

— Non... Je venais juste faire un petit détour...

— Oh super !

J'observe le réfectoire qui me parait assez vide

— Dis-moi Melody, où sont Orla, Hugo et les autres ?

— Qui !?

— Tu sais, Tom et Hugo, mes deux meilleurs
amis... les deux garçons de mon âge, et Orla la rousse aux yeux bleus très clairs...

J'arrête mon explication voyant qu'elle aussi n'a pas l'air de se souvenir.

— Je vais aller dire bonjour aux autres... je finis par dire.

— Super ! se réjouit-elle.
Je souffle un coup et tente de faire disparaître cette boule dans mon ventre, signe de mauvais présage.

Melody me prend la main, et me tire vers les tables où mangent mes anciens amis. Je remarque que le nombre d'orphelins dans le foyer a énormément diminué.

Je commence à comprendre... je fais aussitôt demi-tour et sors afin d'avertir les autres :

— Il n'y a plus personne !

— Comment ça ?

— Je pense que le cercle noir les a enlevés.

— Je ne pense pas, ils n'iraient pas se fatiguer autant, intervient Métis.

— Plus personne ne se souvient d'eux, comme s'ils n'avaient jamais existé.

— Ce que tu nous décris ressemble fortement au travail de Romain, réfléchit Hugo.

— Mais pourquoi se mêler de leurs histoires ? Ils cherchent juste leur dernier élu, tout comme nous, s'interroge Lily.

— Tu verras au fil du temps, Lily, que ces démons n'aiment pas se prendre la tête. Il leur est plus facile de tuer que d'essayer de comprendre autrement. Et conclusion, s'ils sont venus ici pour trouver leur dernier membre, c'est par la force qu'ils le feront.

♦️♦️♦️

— Bon ! Tout le monde en ligne, ordonne Romain.

— Qu'est-ce qu'on fait ici ! pleure un garçon.

— Et en silence ! rajoute notre « chef ».

J'adore chez lui ce côté imposant. Mais c'est ce même côté qui le rend parfois insupportable !

— Juliette ! Viens là, m'ordonne t-il.

Je suis ses ordres avec le sourire aux lèvres. Je ne veux pas montrer à Shana que la relation entre Romain et moi est presque morte. Elle pourrait très bien en profiter...

Arrivée à ses côtés je lui chuchote à l'oreille :

— Entends-moi bien, c'est la dernière fois que tu me parles sur ce ton !

— S'il y a une personne qui a le droit de donner des ordres ici, c'est bien moi !

— Parce que tu es le premier à être arrivé dans le cercle cela te donne tous les droits ?

— Exactement !

— Sans vouloir te déranger « chef », se moque Enzo en s'adressant à Romain. Mandy a été très claire sur ses attentes. Il ne faudrait pas la décevoir, continue t-il.

— C'est exact, avoue t-il. Qui est Bridie Halvey?

— C'est moi... s'exclame avec courage une vieille femme s'avançant vers nous.

— Bien ! Enzo, approche, se réjouit Romain.

Suivant les ordres de ce dernier, Enzo s'approche :

— Tu es le dernier à être arrivé, et tu n'as pas encore eu le temps de te faire plaisir. Alors si tu veux, je te laisse le faire. À moins que... tu n'aies pas assez de courage pour l'achever... dit-il d'un air méprisant pour le tester.

— Bien sûr que je vais le faire ! Je ne laisserai ma place pour rien au monde !

♦️♦️♦️

— Où ont-ils pu les emmener d'après toi, Sophie ? me demande Hugo.

— Je n'en sais rien...

— Il n'y a que toi qui connaisses la ville, on ne peut pas savoir à ta place.

— Réfléchis... Un lieu plutôt vide, éloigné de tout, où ils pourraient faire du bruit sans se faire remarquer.

— Eh bien...

— Allez Sophie ! C'est certainement la vie de tes amis qui est en jeu ce soir !

— Peut-être la décharge publique...

— Ils n'iraient pas se salir les mains à ce point. Un autre endroit... ? Un parking reculé, un cimetière désert ?

— Il y a un bâtiment près de la sortie de la ville. Si mes souvenirs sont bons, il y avait tous pleins de petits locaux en vente sur plusieurs étages. Et rien ne s'est vendu. Depuis il est vide.

— C'est là qu'on ira en premier ! Dépêchons-nous, nous n'avons plus le temps de traîner.

Les taxis se font rares à cette heure-ci, surtout dans ce genre de quartier. Nous devons courir le plus rapidement possible et espérer arriver à temps.

Arrivés devant le bâtiment, Hugo nous donne quelques conseils pour agir avec précautions :

— On fouille ensemble le rez de chaussée. J'irai seul sur le premier étage. Jade sur le second, Lily et Métis vous vous partagerez l'aile nord et sud du troisième, et Sophie sur le quatrième. Si vous les trouvez ou si vous avez le moindre souci, appelez les autres.

Sans perdre de temps, nous fouillons le rez-de-chaussée, et montons à nos étages respectifs.
C'est assurément stressant de ne pas avoir d'arme comme dans les films. Nos seuls instruments de combats sont nos capacités, mais lorsque l'on ne sait pas trop les contrôler... D'autant plus qu'il ne serait pas judicieux que je les exploitent. Je pourrais utiliser de l'énergie noire sans m'en rendre compte. Et cela serait une catastrophe ! Je suis un peu comme Hugo au final. Il a une capacité incroyable, mais il ne peut pas s'en servir pour se défendre. Du moins pas maintenant. D'après ce que j'ai compris, à la formation du cercle, quand nous serons tous ensemble, il sera capable de créer des prémonitions. Mais seulement si nous trouvons nos deux recrues manquant à l'appel.

Seule, la lampe torche de mon téléphone à la main, je vais de couloir en couloir et de pièce en pièce, essayant de les trouver, ou du moins les entendre. Je ne suis pas très rassurée... Les seuls bruits audibles sont les craquements des morceaux de verre sous mes pieds. Je suis obligée de me retourner à plusieurs reprises pour m'assurer que je ne suis pas suivie. Je secoue machinalement mes bras et resserre mes ongles dans la paume de ma main, prenant de grandes inspirations. De vraies manies de stressée...

La lumière de ma lampe torche créée des ombres sur les murs qui me rappelle mon précédent rêve. Des milliers des frissons traversent mon dos lorsque je me remémore ce souvenir plus qu'effrayant. Tout ce que nous craignons enfant et que nous oublions en grandissant existe réellement... Qui pourrait croire à de telles histoires...

Au fur et à mesure que j'avance vers l'aile sud, j'entends du bruit. Mais celui ci disparaît aussitôt lorsque je change de pièce. J'ai pourtant tout fouillé !

Je m'arrête dans le local où le son est le plus fort. Je vérifie la pièce en entier, et finis par trouver ce que je cherchais : une bouche d'aération. Je ne compte pas m'y introduire et ramper dans les tuyaux. Non, il n'y a que dans les films où elles mesurent deux mètres de long sur trois mètres de large. Je veux seulement essayer de comprendre où celle-ci peut mener.
Je n'ai pas reçu de messages des autres, et j'espère que tous vont bien. Avant de continuer, je préfère m'en assurer. Je me dirige vers les escaliers de secours, lorsque je remarque que le son est aussi fort. Le bruit vient d'un étage au-dessus. Il doit y avoir un toit ! Pourquoi ne pas y avoir pensé plus tôt...

J'envoie un message groupé aux autres pour qu'ils me rejoignent. La connexion est vraiment mauvaise... Je n'ai pas le temps d'attendre que celle-ci soit meilleure. J'ai déjà échoué plusieurs fois à sauver des vies, je ne referai pas la même erreur.

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