CHAPITRE 13 part 1

♦️♦️♦️

Après une courte nuit de sommeil, je me réveille sous l'insupportable cacophonie du réveil. Cela a tendance à me rappeler le foyer. Il m'arrive lorsque je dors, d'avoir l'impression d'y être, de dormir dans mon petit lit au drap blanc et bleu. Que Kelsey n'est pas loin de moi, dans la chambre d'à côté... Mais tous ces songes s'envolent à l'instant même où Shirley, la surveillante, crie sans cesse de se lever sous peine d'être collé. Cela pourrait ressembler à un enfer, mais c'est ma vie. Et j'y suis vraisemblablement habituée.

Il est 6h30. Jade, d'habitude très matinale, doit être déjà au self. Il ne me reste qu'à me dépêcher si je ne veux pas manger seule.

Je m'habille rapidement et descends les escaliers, étonnement vides.

Un bruit fait rage derrière moi. Je me retourne et aperçois une fenêtre ouverte. Je vais la fermer, et observe le temps très nuageux dehors, avant de reprendre ma route jusqu'au self.

Personne n'est au self... Cela m'étonnait aussi qu'il y ait aussi peu de bruit à l'entrée du réfectoire ! Nous sommes pourtant mardi, mardi vingt neuf novembre j'en suis sûre ! Cela fait des jours que je ne dors pas, voyant la date du trente se rapprocher considérablement.

Je suis certainement dans un de ces cauchemars où je ne parviens pas à m'éveiller. Il le faut pourtant. J'ai lu quelque chose sur cela : Il faut compter le nombre de ses doigts à deux reprises pour être certain de ne pas rêver. Apparement au deuxième essai il est possible que quelque chose change si je rêve, ou quelque chose comme ça...

J'ai bien cinq doigts dans une main... Mon rêve est peut-être juste réaliste après tout... J'ai entendu Shirley crier il y a une vingtaine de minutes, elle ne devrait pas être loin.

Je me rends à sa chambre :

— Shirley?

Aucune réponse.

— Shirley, tu es là ?

J'entre dans la chambre et fait un rapide tour des lieux, mais personne ne semble être présent.

C'est la première fois que je mets les pieds dans la chambre d'un surveillant, et je suis bien étonnée... Ils sont traités comme des rois ! Un lit deux places avec des draps visiblement en soie, des lustres dignes d'un château. Et puis cet immense espace ! Tant d'espace gâché pour rien...

Bon, fini de se lamenter. Je reviens à la réalité : il n'y a personne et Shirley n'est pas là non plus... Nous sommes le vingt neuf, mon anniversaire est dans plus de six mois, ce n'est donc pas une fête surprise. Dommage...
J'en suis certaine, je ne dors pas ! Mais comment est-il possible qu'en seulement une nuit tout le monde disparaisse...?

Je pars inspecter les alentours, mais rien non plus : Les chambres, le salon, l'étude, les salles d'arts... tout est vide ! Je me croirai presque dans cette bande dessinée où tout le monde disparaît du jour au lendemain, laissant les héros seuls face à d'étranges phénomènes. Mon dieu... Il vaut mieux ne pas y penser, je risquerais de m'effrayer davantage en imaginant les pires scénarios possibles...

Je... je ne sais pas quoi faire. Je me suis imaginé pourtant des centaines de fois ce que je pourrais faire, si j'étais toute seule sur terre un jour – très étrange je l'avoue – mais là, je sais que quelque chose ne tourne pas rond

— Sophie... ils en ont après vous... m'avertit une voix.

Je me tourne dans tous les sens :

— Qui est-ce ?!

— Le cercle est en danger Sophie. Vous êtes tous en danger...

— Qu'est ce que ça veut dire?!

Pas de réponse, la voix s'est tue.

Ce n'est pas bon... vraiment pas bon !
Je repars dans ma chambre, prenant soin de ne pas faire de bruit. Je ne voudrais pas attirer une force étrangère.

Je traverse le couloir, et me rends jusqu'à la porte de ma chambre... qui a visiblement disparu, elle aussi... J'en suis sûre, c'est Romain... Il a dû une nouvelle fois faire un de ses tours, je dois être plongée dans une de ses illusions.

Je me concentre sur l'énergie qui m'entoure. Je ne peux peut-être pas détecter sa nature ou encore savoir qui la contrôle, mais je suis parfaitement capable de savoir si Romain est derrière cela. Nos énergies sont sœurs, complémentaires et aussi opposées, cela fait beaucoup certes, mais c'est ce qui me permet de connaître aussi bien Romain. Je me concentre et essaye de ressentir une quelconque énergie.

C'est vraiment étrange... Je ne ressens rien... Ou du moins, pas une énergie, mais plutôt une barrière. Quelque chose ou quelqu'un m'a coincée là...

Des craquements se font entendre de l'autre côté du couloir. Mais la distance étant assez importante, je ne peux distinguer de silhouette. Je ne veux pas prendre de risque et me glisse dans la chambre voisine, observant discrètement les recoins du couloir. Le bruit se rapproche, il est à quelques mètres de moi ! Mais je ne vois rien ! Il n' y a rien ! Prise de panique, je cours me cacher sous le lit. Je suis dans un cauchemar... ce n'est pas croyable! Je suis seule, et face à quelque chose que je ne peux pas voir. Deux de mes plus grandes peurs !

Mais... alors ce serait donc mon enfer personnel fait sur mesure et regroupant mes plus grandes peurs ? Oh mon dieu ... Je n'en suis pas sortie.

♦️♦️♦️

— Sophie, Sophie !

Cela fait déjà plusieurs minutes que j'essaye de la réveiller, mais rien n'y fait ! Son poux est anormalement faible, son front bouillant, et sa marque blanche saigne, il n'y a aucun doute, la magie a créé ce phénomène.

Je ne peux demander de l'aide à l'infirmière, elle aurait trop de soupçon ! Puis n'oublions pas qu'il y a un traitre parmi nous comme Mason nous l'a appris, avant de mourir...

J'envoie un message à ma mère, et lui demande de venir m'aider. Elle trouvera un prétexte pour rentrer. Mais en attendant, il faut à tout prix que j'aille questionner Romain. Je parierai ma tête que le cercle noir n'est pas innocent dans cette histoire.

J'enfile une grosse veste sur mon pyjama, sors de ma chambre et parcours le couloir, sous les braillements des garçons.

Je toque à la porte de Romain. Il l'ouvre à moitié.

— Romain !

— Ma chère Jade, que puis-je faire pour toi ?
Je donne un grand coup dans la porte qui s'ouvre brusquement. Je me faufile dans la chambre et fais comme chez moi. J'attrape un tee-shirt sur un des lits et le lui jette pour qu'il s'habille. Je m'assure qu'il n'y ait personne d'autre :

— Arthur n'est pas là ?

— Non, il est déjà levé. Que me vaut donc l'honneur de ta visite ?

— Oh ! Arrête tes airs de garçon bourgeois bien éduqué ! On sait tous deux que ce n'est pas le cas.

Je me surprends moi-même à réagir comme je le fais. C'est probablement à cause de Métis. Elle ne se serait pas gênée pour faire de même.

— Pour ce qui est du côté bourgeois tu as tort, tu ignores la somme d'argent que possède ma famille ! se vante t-il. Bon, tu as de la chance que je t'accorde cinq minutes de mon très précieux temps. Alors dépêche toi, dit-il.

— Je sais ce que tu as fait à Sophie.

— Ah, vraiment, j'en suis heureux.

Il commence à partir mais je le rattrape :

— Comment on la sort de là ?

— Pourquoi je devrais t'aider ?

— Parce que Sophie te tient à cœur !

— C'est faux, je m'en fiche d'elle. Et qui te dit que la pierre n'appartient pas à Juliette ?

— Quelle pierre ? Je n'ai pas parlé de pierre !

Son visage se décompose et il part dans la salle de bains, accompagnant sa démarche de mort à des soufflements d'énervement. À mon tour, je cours dans les couloirs et retourne dans ma chambre. Je fouille tout, vide les placards, secoue chaque vêtement, mais je ne trouve rien. Au bout d'une vingtaine de minutes, la porte s'ouvre doucement et laisse place à ma mère venue m'aider :

— Tu n'es pas en cours toi !?

— J'ai demandé à Hugo et Lily de me couvrir.

— Que se passe t-il ?

— Je viens de parler à Romain. Il s'est trahi tout seul, et m'a parlé d'une pierre. C'est elle qui causerait tous ces symptômes.

— L'as-tu trouvée ?

— Non, j'ai fouillé toute la chambre, et sans succès.

— Ce n'est pas dans la chambre qu'il faut fouiller ! Si tu n'as pas été contaminée, c'est que la pierre se trouve dans ses affaires, un endroit où tu n'as pas accès.

— Elle suit des cours de musique, ça serait possible que la pierre soit là bas ?

— Si c'était le cas, d'autres enfants auraient été touchés. Es-tu au courant d'une soi-disant « épidémie » ? continue t-elle.

— Non, à ma connaissance, seule Sophie est encore au lit.

— Cette pierre n'a donc pas assez de puissance pour contaminer une pièce entière, réfléchit-elle.

— Dans ses affaires personnelles ?

— Oui ! Comme son sac, son uniforme. Quelque chose qu'elle a toujours avec elle. Qu'est ce que cela pourrait être ?

— Sa veste ! Je ne vois que ça, j'ai déjà fouillé le reste.

J'attrape son cardigan, et fouille dans ses poches. J'en sors une pierre violette, ressemblant à celle de Juliette. Ce n'est pas étonnant...

— Pose la ! s'écrie ma mère. Si elle a contaminé Sophie par le simple fait qu'elle était proche d'elle, il pourrait t'arriver la même chose. Donne la moi.

— Et toi alors ?

— Il faut bien que j'arrive à l'identifier. Je vais la prendre et essayer de trouver des informations dans l'archive du cercle blanc.

— Mais tu ne trouveras rien dans les archives du cercle blanc si cette pierre appartient au cercle noir...

— C'est hors de question que quelqu'un reprenne le risque de partir chez Juliette, tu as vu ce qui s'est passé la dernière fois ?
C'était une question réthorique. Je ne réponds pas et laisse ma mère partir avec la pierre. Espérons qu'il ne lui arrive rien.

Je n'irai pas en cours aujourd'hui. Hugo et Lily doivent me couvrir durant toute la journée. Puis s'ils n'y parviennent pas, je sais que Romain nous aidera. Si nous lui disons que le cercle est menacé de ne plus rester secret, il prendra peur et nous viendra en aide. Je préfère envoyer un message à Hugo et m'assurer que tout va bien. En attendant sa réponse, je n'ai d'autre choix que d'attendre au chevet de Sophie.

♦️♦️♦️

Le vide... voilà ce que symbolise cette présence que je ne peux pas voir. C'est assez étrange, mais j'ai peur du vide. Ce n'est pas vraiment la même chose que le vertige. Je peux escalader une falaise de trente mètres sans avoir peur – c'est un peu exagéré là – mais j'ai peur du « rien » comme c'est le cas lorsqu'il fait noir. Il n'y a rien, ou du moins je ne peux rien voir, alors je ne me sens pas bien. Pour ce qui est de la solitude, je suppose que cela vient du manque de mes parents. Ou de la peur du regard des autres. C'est évident que lorsqu'on est seul, on se fait remarquer plus rapidement qu'en groupe. Quand je suis avec mes amis et que l'attention est sur nous, je me sens moins mal car tous ne regardent pas que moi.

Quoi qu'il en soit, si ce rêve est alimenté par de la magie puisant son énergie dans mes peurs, il va falloir que je m'en débarrasse. Et au plus vite ! Avant que toutes mes peurs ne se retrouvent face à moi en même temps.
Je sors ma tête de sous le lit, et observe la chambre toujours vide.

D'un seul coup, une présence invisible m'attrape par les pieds et me sort de ma cachette, me poussant violemment dans les airs, avant que j'atterrisse la tête la première dans le mur. Aïe...

Ma vue est trouble, et je ne parviens pas à me relever.

Je n'ai jamais appris à me battre. Et encore moins avec un être invisible ! Je ne sais pas si mes capacités peuvent servir ici. Mais il faut que j'essaye.

♦️♦️♦️

Mon téléphone sonne. C'est sûrement Hugo. Je l'attrape et décroche :

— Jade ! J'ai trouvé des documents sur la pierre.

— Ah maman ! Alors ?

— C'est une pierre de rêve obscur, elle appartient au cercle noir. Elle est assez spéciale car l'énergie conservée à l'intérieur se nourrit des côtés sombres, et des peurs de la personne. Pour ce qui est de la transmission, tu n'as rien à craindre. L'élu choisi une victime pour la pierre. Il n'y a que Sophie qui peut donc être touchée.

— Qu'est-ce qu'on peut faire pour l'aider ?

— Rien. C'est bien ça le problème. Parce que cette pierre a pour but de faire passer les élus du bien vers le mal. Et la seule manière d'empêcher cela, c'est que Sophie parvienne à se débarrasser de ses peurs, mais sans ses capacités.

— Que se passera t-il dans le cas contraire ?

— Toute la bonne énergie que Sophie puiserait, se transformerait en énergie noire. Et c'est irréversible...

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