CHAPITRE 11 part 2
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« driiiiiiiiiiiing »
J'attrape mon téléphone et éteint le réveil. J'ai l'impression de n'avoir dormi que trois heures. Mes yeux sont gonflés et je ne peux m'empêcher de bâiller toutes les deux minutes. Vive la rentrée...
Jade ne dort plus depuis un bon moment. Elle a été convoquée à sept heures chez la directrice, et depuis elle n'est pas revenue. J'espère que tout va bien pour elle.
Une fois habillée, je descends et pars déjeuner. J'ai une boule au ventre que je n'avais pas eu depuis longtemps. Tout ça, parce que je stresse de me retrouver seule à table. La solitude en elle-même me dérange déjà. Mais l'idée que Romain et Shana puissent venir s'asseoir à côté de moi, me donne des frissons. Je serai certainement la prochaine personne sur leur liste de mort. Mais je suis chanceuse : j'aperçois Hugo venant de s'installer. Je vais le rejoindre :
— Tu as vu Jade ce matin ?
— Non pourquoi ? Elle n'est pas avec toi ?
— Apparemment la principale l'aurait convoquée à sept heure
— Mais personne ne convoque un élève à sept heures Sophie !
Il se lève et s'empresse de quitter le self. Encore un plateau que je vais débarrasser... Je cours après lui, mais il parle avec Jade :
— Tu n'es pas normale Jade, que t'arrive-t-il ?
— Mais rien Hugo ! Je n'ai rien. Laisse moi !
Je m'approche, mais à cet instant, Jade bouscule Hugo et part. Je n'essaye pas de la retenir, et accours vers Hugo :
— Qu'est ce qui vient de se passer ?
— Ça n'a aucune importance, Sophie, le vrai problème est : que s'est-il passé chez la principale ?
— Tu penses qu'elle nous aurait menti ?
— Ce n'est pas trop son genre, mais si elle a une bonne raison, alors oui. Je vais m'occuper de parler à Métis. Va en cours.
Ses ordres sont clairs. Je m'inquiète pour Jade, mais si Hugo pense pouvoir gérer la situation tout seul, il se trompe. Je m'en mêlerai quand même.
De toute la journée, Jade n'est pas venue. Je ne l'ai pas vue à midi et les autres non plus. Que se passe t-il... ?
À 18h, après le cours d'anglais, je rejoins ma chambre, espérant y trouver ma coloc. Je pose la main sur la poignée, et avant de l'abaisser, je colle mon oreille contre la porte. :
— Maman, je ne sais pas quoi te dire ! C'est de ma faute peut-être ? Non je sais bien que ce n'est pas de ta faute non plus, mais je ne peux pas partir ! C'est pas possible !
Je rentre dans la chambre, et Jade raccroche. Elle ne fait comme si de rien n'était, mais les larmes coulant sur ses joues ne me trompent pas :
— Jade... ? Que se passe t-il ?
Elle essuie son visage pâle mais ne me répond pas.
— J'ai parlé avec Hugo tout à l'heure... Il pense que tu ne t'es jamais rendue chez la principale...
— Mais quel idiot celui-la... Écoute Sophie, Hugo n'a pas à le savoir, mais nous quittons l'école Métis et moi...
— Comment ça vous quittez l'école !?
— Lorsque mon frère est mort, ma mère est tombée en dépression. Elle a arrêté de travailler et mon père a dû faire des crédits un peu partout. On s'en sortait bien jusqu'à présent, mais depuis quelques semaines, la banque ne cesse pas de réclamer de l'argent.
— Mais tu ne peux pas demander une bourse ?
— Toutes les bourses sont distribuées au début de l'année. C'est trop tard !
Je la serre dans mes bras pour la réconforter. Mais nous savons toutes les deux compte tenu du prix de l'école, nous ne trouverons jamais assez d'argent...
Ce n'est vraiment pas le bon moment pour être séparés. Après ce que nous venons de vivre, nous avons tous l'impression que le mal est derrière, alors que le pire reste à venir.
— Ne nous occupons pas de mon départ Sophie, tu veux ?
— Tu as raison, il nous reste deux personnes à trouver encore.
Les vacances de noël approchent à grands pas et les examens qui vont avec de même. J'ignore encore comment tout gérer...
Comme d'habitude, nous nous rendons à la bibliothèque, mais ce n'est pas pour parler cours :
— J'ai réussi à avoir quelques informations grâce aux documents du cercle blanc. Il y est marqué plusieurs noms. Tous ceux de l'ancien cercle, raconte Hugo, ignorant totalement l'attitude de Jade.
— Mais comment va t-on faire pour les trier ? Il doit y en avoir un grand nombre.
— C'est vrai Sophie, mais avec l'aide de Métis, nous avons garder seulement les noms qui se répétaient souvent dans le cercle. C'était peut-être un mauvais choix, mais, nous avons un nom d'une certaine élève de ce lycée : Anne-Fleur-Marie-Camille De La Villarmière.
— Une bourgeoise française... marmonne Jade.
— Elle est en section une du premier cycle. Tout comme Métis, elle a un an d'avance. Mais à la différence, c'est une élève... comment dire... cherche Hugo
— Coincée, paumée et sans aucun ami, finit Métis agacée par les airs de ce dernier.
— C'est ça... Et comme cela fait quelques jours que je l'observe déjà, dit Hugo.
— Sans nous en avoir parlé avant... continue de marmonner Jade.
— J'ai remarqué qu'elle aimait beaucoup la musique. Elle s'est inscrite au cours de musique du lycée, et se rend tous les soirs dans la salle de musique, juste avant le repas. Et comme tu joues du piano Sophie... Je me suis dit que tu pourrais aller la voir.
— Pour lui dire quoi exactement ? Je ne peux pas l'aborder et lui dire comme ça : Tu ne ferais pas partie, à tout hasard, d'une organisation secrète, créée par des dieux et ayant pour but de préserver l'équilibre du monde ?
Me voyant aussi de mauvaise humeur que Jade, il s'arrête et baisse la tête, réfléchissant sûrement à la reformulation de sa phrase. Le pauvre n'y est pour rien, je suis juste sous pression à cause du futur départ des deux sœurs. C'est pour cette raison que je me reprends :
— Je... Je vais y aller...
— Merci Sophie.
J'attrape mes affaires, et file dans le salon principal de l'internat. Je traverse ensuite le petit couloir en face, et j'arrive devant une porte décorée de notes de musique. Aucun doute, j'y suis.
Je n'ai pas le droit d'entrer normalement. Seuls les élèves inscrits au cours sont autorisés. Je n'aurai qu'à me faire passer pour un des élèves. De toute façon, à cette heure ci, aucun prof ou surveillant ne sera là.
J'entre dans la pièce, la boule au ventre, même si je sais qu'il n'y a pas de quoi dramatiser.
J'entends une mélodie, je reconnais immédiatement la prélude de la première suite pour violoncelle de Jean Sébastien Bach.
L'interprétation est si parfaite que je ne pense même pas à la possibilité que c'est un élève qui puisse jouer un tel chef d'oeuvre. Sûrement un CD en marche. D'autant plus que je n'aperçois personne. Plusieurs instruments sont installés : un saxophone, des guitares, des flûtes à bec. Mais le magnifique piano à queue au fond attire mon regard. Je m'en approche et m'assieds sur le siège.
— Tu es pianiste ? m'interroge une voix tremblante et aiguë.
Je me retourne, mais ce son semble provenir de nulle part.
— Ici... continue t-elle.
Je me penche vers l'arrière, et aperçois une jeune blonde cachée derrière un violoncelle. À en juger par son uniforme parfaitement repassé, sa tête d'ange, ses taches de rousseurs et ses petites nattes d'élève modèle, je suis bien tombée sur Anne-Fleur-Marie-Camille.
— Tu veux bien jouer ? demande t-elle timidement, tête baissée.
Je mets de longues secondes à comprendre ce qu'elle me demande, mais après avoir saisi, je m'installe correctement sur le siège poussiéreux, et regarde les touches blanches et noires, sans vouloir les caresser. Je n'avais pas joué seule depuis longtemps et j'avais perdu cette passion. Mais tout a changé il y a deux ans, lors de ma rencontre avec Kevin, il m'avait redonné goût à la musique. Il me manque tellement...
— Tu sais jouer hein ?
Sentant que cette dernière commence à perdre patiente, je tape sur les premières notes.
À vrai dire, je ne connais pas la mélodie que je joue. Mais elle m'est simplement familière...
Peut-être qu'un de mes parents était musicien et que malgré la perte de mes souvenirs, cet air de berceuse mélancolique reste ancré dans ma tête. Il m'arrive parfois de rêver d'un extrait de cette musique. Je n'ai jamais été une excellente musicienne, mais jouer à l'oreille est mon point fort. Et ce que j'aime par dessus tout, c'est cette sensation de quitter ce monde et de créer le mien. On devient beaucoup plus sensible aux émotions et à ce qui nous entoure. Et lorsque des problèmes brouillent mon esprit, ils disparaissent en jouant.
Une fois fini, je redescends peu à peu dans notre monde sous les applaudissements de ma camarade.
— C'est très joli... dit-elle plus aisément. Mais je ne t'ai jamais vue dans les cours de Mme Walter.
Je commence à rougir me sentant mal à l'aise. À première vue, ce n'est pas une grosse infraction du règlement, mais étant une élève boursière, je n'ai le droit à aucune erreur.
— Je ne dirai rien, mais tu devrais venir. Et bien que tu aies des amis, tu as l'air tellement seule... je dirai presque perdue... La musique t'aidera à te retrouver, j'en suis sûre !
Je contourne son affirmation :
— Oui, je pense que tu as raison, je vais m'inscrire au cours.
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