Prologue ( 1ère partie )


Planète Terre, Washington. 26 avril 2022.

Vickie.

— Pchuuuuut !

Je lève les yeux au ciel, sans répondre, bien qu'il m'en coûte de ne pas le faire. Une pique bien acérée que je retiens au bord de mes lèvres, mais que je ravale in extremis. Je me contente de m'assoir de l'autre côté du canapé, posant entre ma sœur et moi le seau de popcorn plein à ras bord, que je viens de ramener de la cuisine.

Evidemment, nul remerciement. Pas même un regard dans ma direction, alors que ses deux grosses fesses n'ont pas bougé du sofa depuis plus d'une heure. OK, j'exagère. Plantureuse mais pas obèse, ma sœur n'a pas un cul surdimensionné. Il est comme le mien, voilà tout : abondant. Rebondi. Dodu ? Ouais, mais mignon, je crois, si j'en juge par le nombre gars intéressés. Par le mien autant que par le sien, d'ailleurs.

Les sœurs Anderson. Unies comme les doigts de la main, quoi qu'il arrive. Bien que nous ayons trois ans d'écart, nous passons souvent pour des jumelles : même blondeur nordique due à nos origines nord-européennes, même si nous sommes nées aux Etats-Unis, même physique avantageux, mêmes yeux bleu vif dardés sur le monde. Même taille aussi, qui dépasse le mètre soixante-quinze, à quelques centimètres près en ma faveur.

Rien à faire, la génétique est là, et prouve son importance encore une fois. Et je suis bien placée pour le savoir : mon tout récent diplôme de docteur en génétique humaine, après plus de dix ans d'études, vient d'être épinglé dans mon bureau à peine investi, puisque je viens d'être embauchée par LabTech il y a à peine deux mois.

C'est d'ailleurs la seule différence entre ma sœur et moi, enfin si l'on excepte notre différence d'âge. Scientifique jusqu'au bout des ongles pour moi, plus axée sur l'histoire et la géographie pour elle. Deux disciplines qu'elle a choisies en priorité, et qu'elle étudie toujours à l'université, en sixième année déjà.

Une passion qui me vaut d'avoir accepté de regarder une émission sur une chaine documentaire et de me taper un reportage barbant sur les civilisations précolombiennes alors que nous sommes samedi soir. Merde, et dire qu'on aurait pu sortir !

Sa main sort et ressort du seau posé entre nous deux, tandis que ses yeux fixent sans discontinuer l'écran. Elle ne me voit pas plus qu'elle ne porte attention à mes soupirs de lassitude, je crois. Bordel !

— Cassie, je...

— Chuuut !

Super, je viens de me faire remballer deux fois en moins d'une minute ! Je me fais l'effet d'être une plante verte, recouverte d'une cape d'invisibilité. Apparemment, je ne suis pas là, à ses yeux. Et je vaux moins que le reportage dont elle se gave. Super sympa...

Lasse, je tourne le regard vers la télé, troublée par cet intérêt si intense de ma frangine. Est-ce que je suis aussi chiante quand je parle de mon propre travail ? Je ricane soudainement, devant l'énormité de ma pensée : évidemment que ça doit paraître barbant ! Des gènes, des allèles, des acides aminés, tout ce qui m'intéresse, mais qui doit sembler rébarbatif à ses yeux aussi !

OK, j'admets. Et du coup, je peux faire un effort pour essayer de comprendre son enthousiasme soudain. Mes yeux se posent sur les images et mes oreilles tentent de capter le discours du présentateur. Mais j'avoue ne pas y comprendre grand-chose.

— Tu te rends compte ? intervient soudain Cassie. C'est juste dingue !

— Quoi ?

— Mais cette civilisation ancienne, qu'ils viennent de retrouver !

Je fronce le nez, et essaie de comprendre. Mais à part des images satellites et quelques courtes séquences prises visiblement par un drone, je ne saisis pas grand-chose. Mes yeux se plissent, et j'essaie de me concentrer sur la voix du présentateur :

— .... vieille de plusieurs millénaires ! Cette découverte met en évidence le déplacement de plusieurs milliers de mètres cube de terre pour construire Cotoca, soit bien plus que la civilisation pré-inca Tiwanaku, souvent prise pour référence.

Hum, tu m'en diras tant. Je jette un œil à ma sœur, qui n'en rate pas une miette. Les yeux exorbités, elle a même arrêté de gober les grains de maïs dorés pour poser ses deux mains sur le tissu du canapé, le buste en avant, et le regard fixe.

— Waouh ! C'est juste... époustouflant ! Ça révolutionne tout ce que l'on croyait savoir sur les civilisations les plus anciennes, Vickie. Plusieurs milliers d'années !

Elle détourne enfin le regard de l'écran, vers moi, l'œil brillant et le sourire de celle qui vient de gagner le gros lot à la loterie. Lorsqu'elle bondit et se précipite dans le couloir, sans doute vers sa chambre, je hoquette de stupeur.

— Faut que j'appelle Heïko. Je suis certaine qu'il a déjà des infos !

Je ne l'arrête pas. Quand elle est comme ça, ça ne sert à rien d'essayer de la stopper lorsqu'elle veut contacter son maître de stage, et professeur d'archéologie, accessoirement. Parce que je suis pareille : entière, et passionnée. Et même si c'est dans un autre domaine, les signes ne trompent pas. Elle est entièrement tournée vers sa passion !

— ...la civilisation Casarabe surprend par son ampleur, d'autant qu'une seconde colonie, distante de plusieurs centaines de kilomètres, laisse à penser que les Cotoca et les Landivar vivaient à la même époque...

A partir de là, je décroche.

Cassie s'est enfermée dans sa chambre, et semble être partie pour des heures de discussions mouvementées sur la découverte.

Moi ? J'ai d'autres chats à fouetter, dont faire bonne impression à mon nouveau patron. Je suis la nouvelle, et j'ai tout à prouver, hélas... Vu que la soirée est fichue, autant l'utiliser à bon escient.

J'éteins le poste et me refugie dans ma chambre. Au programme ? Mise en place des protocoles demandés hier à la dernière réunion, pour déterminer quel est le meilleur choix pour isoler le gène Cro dans la séquence d'ADN présélectionnée.

Tout un programme...

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