Prologue

La cité de Yokar s'endormait sous une couche de neige fraîche. Ici, le froid mordait les pavés, se faufilant sous les portes des maisons endormies. Derrière les murs, les honnêtes gens s'enfonçaient dans des rêves ou, les plus chanceux, s'adonnaient à des plaisirs feutrés. Mais les rues, elles, appartenaient désormais aux ombres.

Une fois la nuit tombée, Yokar se métamorphosait. Les lanternes vacillantes dévoilaient des ruelles désertées, déserté des nobles et les marchands. L'obscurité accueillait le vice, les intrigues illicites et les prédateurs. La capitale perdait son éclat de jour pour montrer le vrais masque de la nature humaine, une vérité que Logan connaissait comme le dos de sa main.

Sa silhouette encapuchonnée longeait les murs. Avec attention, sans faire de bruit, il contournait les flaques gelées et les pavés craquelés qui pouvaient. Au détour d'une rue, il contourna un recoin, s'accroupit, puis bondit par-dessus un muret. Ses bottes, fabriquées dans un cuir souple, se posèrent sans bruit sur le sol durci par le gel.

Devant lui, une maison s'élevait dans la pénombre, imposante et immobile. Ses volets pourpres, ses murs d'un gris poli et son jardinet soigneusement entretenu la démarquaient des habitations voisines. Un sentier bordé d'herbes aromatiques serpentait autour de la demeure, libérant dans l'air des effluves de menthe et de lavande. Logan grimaça et ajusta son masque sur son nez. Les nobles, même en pleine nuit, refusaient d'admettre que Yokar empestait sous leur grandeur.

Il s'accroupit derrière un massif de lavande bleue, tandis qu'il fixait la maison. Il avait noté chaque détail lors de ses précédentes observations : la ronde des gardes, les portes laissées entrouvertes pour les domestiques, les volets qui ne se verrouillaient pas correctement.

Rien ne lui échappait.

L'immobilité ne lui pesait pas. Là où d'autres voleurs perdaient patience dans l'attente, Logan y trouvait une force. Le temps travaillait pour lui, après tout, nul ne pouvait gagner contre le sablier.

Lors de ses repérages, il n'avait rien laissé au hasard. Pendant des jours, il avait étudié la maisonnée, surveillé la gouvernante, et écouté les conversations des domestiques. Plus d'une fois, il s'était rapproché de bonnes, séduisant ces jeunes femmes avec des sourires calculés et des promesses discrètes. La patience et le charme ouvraient des portes bien avant ses crochets.

Devant lui, la gouvernante fermait les portes massives et rabattait les volets pourpres ; la maisonnée s'apprêtait à s'abandonner au sommeil. Logan, lui, attendait l'inverse : l'instant où l'obscurité le libérait de toute contrainte. Le maître des lieux avait quitté la ville, laissant ses appartements à la merci d'un visiteur silencieux.

Une cloche résonna au loin, onze coups lourds et réguliers. Logan redressa le dos, le voleur roula légèrement tandis qu'il ajustait son foulard noir, pour la seconde fois en trop peu de temps.

Maintenant.

Il quitta sa cachette, et rejoignit la maison à pas feutré. Bientôt, ses bottes, fidèles compagnons, s'agrippèrent à la rambarde d'une terrasse ornée de fleurs hivernales tandis que es doigts sûrs, saisirent une prise sur les sculptures métalliques. En quelques secondes, il atteignit le premier étage.

Accroupi devant une fenêtre entrouverte, il fit halte. Le froid mordait sa nuque, mais il n'en tira aucune gêne tandis que yeux parcoururent une dernière fois la rue déserte. La ville dormait, immobile sous son manteau glacé. Logan inspira une dernière fois, puis glissa son corps dans l'ouverture.

L'obscurité de la bâtisse l'accueillit, dense et immobile.

L'intérieur du manoir surpassait l'élégance affichée par sa façade. Tous les détails exhalaient d'une richesse pensée pour impressionner : des murs coffrés de bois sombre, des planchers lustrés à en capturer les reflets des chandeliers, et des encadrements ornés de motifs complexes. Logan progressait lentement, ses pas calculés glissant sur le parquet pour éviter le moindre grincement.

Plus tôt dans la semaine, il s'était infiltré en plein jour, déguisé en fleuriste avec un panier d'herbes à la main et un sourire poli sur les lèvres. Cette visite lui avait offert tout ce dont il avait besoin : un aperçu du plan des lieux, des angles morts dans la surveillance, et des chemins de fuite pour le cas où les choses tourneraient mal. Cette maison, ne laissait aucune place à l'improvisation.

Comme les femme, les plus jolie sont les plus dangereuses.

Logan longea un couloir où des cadres dorés ponctuaient les murs. Le regard sévère d'un homme barbu et vêtu de pourpre attira son attention : Seigneur Callauh, un des Sages de la Cour, il l'avais croisé une fois dans le bas fond de la cité. Il détourna les yeux et accéléra son pas, ses doigts frôlant la poignée d'une porte imposante.

La suite.

La chambre débordait d'un luxe si ostentatoire qu'elle en devenait presque grotesque. Les hauts plafonds portaient des poutres de bois sombre drapées de soie bleue incrustée de poussières de pierre, qui scintillaient sous la lueur nocturne. Un ciel étoilé artificiel s'étendait au-dessus de lui, si saisissant qu'il stoppa un instant, le souffle brièvement coupé. Il s'arrêta et pensa à elle.

Si elle était encore là, elle aurait adoré cette pièce.

Il inspira profondément, refoulant ce souvenir.

Le lit, immense, trônait au centre, ses bordures pourpres et ses coussins moelleux s'empilant telle une invitation à l'oisiveté. Pourtant, ce n'étaient pas ces éléments typiques de la noblesse qui attirèrent l'attention de Logan. Des détails plus intimes brillaient dans l'ombre : des parfums à moitié vides alignés sur une coiffeuse, des rouges à lèvres abandonnés, une armoire débordant de robes somptueuses. Il fronça les sourcils.

Aucune femme ne vivait dans ce manoir. Le Maître des lieux, Sir Jorg, ne s'était jamais marié. Ses rumeurs d'isolement étaient aussi nombreuses que celles de son mépris affiché pour les avances féminines. Logan s'approcha d'une commode et, en glissant sa main derrière, découvrit quelque chose qui lui arracha un sourire : des prothèses de poitrine finement conçues et des collants pliés.

Il recula, ses yeux parcourant la pièce. Il ne pouvait pas nier l'évidence, mais il ne la jugea pas. Ce que Sir Jorg faisait dans ses instants de solitude ne concernait personne, et Logan, lui, avait fait des choses bien pires que porter des vêtements destinés à un autre genre.

Avec un hochement imperceptible, il balaya ces pensées et se concentra à nouveau sur son objectif. Ses yeux experts trouvèrent rapidement une alcôve dissimulée derrière un rideau de velours. Il écarta le tissu et découvrit une petite serrure intégrée dans le mur. Ses doigts effleurèrent le verrou. Une cachette pour les objets précieux.

Il sortit ses crochets, les glissa dans la serrure et commença à travailler. La résistance du mécanisme céda rapidement, et un petit coffre s'ouvrit devant lui. L'éclat métallique des pièces d'or et des bijoux précieux illumina l'obscurité. Logan esquissa un sourire.

Alors qu'il remplissait son sac, un cri retentit à l'extérieur.

Logan se raidit, ses doigts suspendus au-dessus d'une pièce scintillante. L'éclat doré reflétait la lumière pâle de la lune, mais son esprit, alerte, s'éloigna du coffre.Tout était trop calme. Ce genre de calme annonçait souvent le chaos.

Son instinct d'ancien soldat prit le dessus. Il s'approcha de la fenêtre en trois pas mesurés, précis, calculé. Ses doigts trouvèrent les volets, qu'il entrouvrit juste assez pour scruter la rue en contrebas. L'air froid s'engouffra dans la pièce, mordant ses joues. Rien ne bougeait, rien qu'un tapis de neige vierge éclairé par les lueurs des lanternes.

Puis un cri déchira la nuit.

Un hurlement guttural, chargé de panique, lui tordit les entrailles et logan resserra sa prise sur le bord du cadre. Ses yeux, habitués à scruter les champs de bataille, repérèrent bientôt des silhouettes dans la rue. Quatre formes noires, en mouvement.

Trois d'entre elles encerclaient un homme à genoux. Le reflet d'une lame scintilla un instant, plantée profondément dans son flanc. Et déjà, la neige sous lui se tachait de noir, s'élargissant en une flaque irrégulière. Chaque seconde arrachait un peu plus de vie à la victime.

Logan resta immobile, ses mains crispées contre le bois glacé. Une lutte interne grondait en lui, brutale et sans merci. Il n'avait aucune raison d'intervenir. Il n'était pas un héros, et rien dans cette scène ne l'appelait à le devenir. Sa place se trouvait ici, à remplir son sac de richesses avant de disparaître dans l'obscurité. Se mêler à cette affaire ne lui rapporterait rien.

Il ferma les yeux, tenta d'ignorer le cri qui résonnait encore dans son esprit. Pourtant, sa respiration s'accéléra, chaque battement de cœur martelant une seule certitude : il ne pouvait pas détourner le regard.

Le temps ralentit. Puis ses jambes bougèrent.

Logan bondit à travers la fenêtre ouverte, atterrissant dans un buisson en contrebas. Les branches sèches griffèrent sa capuche, mais il ne ralentit pas. Ses bottes s'enfoncèrent dans la neige, le froid s'insinuant à travers le cuir et mordant ses chevilles.

Son poignard apparut dans sa main, sa lame fine captant la lumière des étoiles. Il s'avança vers la ruelle, chaque pas creusant la neige et envoyant des volutes blanches s'élever autour de ses jambes.

Les souvenirs jaillirent sans prévenir. Des champs de bataille noyés dans le brouillard, des hurlements, le tintement des lames qui s'entrechoquaient. L'adrénaline inonda son esprit, et son sang froid disparut. La violence l'avait toujours trouvé, peu importaient ses tentatives pour s'en échapper. Elle faisait partie de lui, une vieille compagne qu'il ne pouvait renier.

Il accéléra. L'un des assaillants leva la tête juste assez pour le remarquer. Trop tard.

Logan s'élança.

La lame traversa la glotte du premier homme dans un bruit humide. Un gargouillis étranglé jaillit de sa gorge tandis qu'il s'effondrait.

Logan pivota. Le second agresseur, alerté par le bruit, tourna les yeux vers lui en dégaînant son arme courte. Logan frappa avant même qu'il ne puisse lever son arme. Sa lame s'enfonça dans son flanc avec une précision chirurgicale. L'homme s'écroula.

Le troisième recula d'un pas, la peur illuminant ses yeux. Ses lèvres s'ouvrirent pour crier, mais Logan bondit en avant. La lame perça la gorge, le faisant taire à jamais. D'un geste fluide, Logan tira sa dague vers le haut, et le corps s'effondra dans un amas désarticulé.

La ruelle retrouva son silence.

Logan recula d'un pas, son souffle saccadé formant des nuages dans l'air glacial. Ses doigts tremblaient légèrement, crispés autour de la poignée de son poignard. Du sang chaud dégoulinait le long de sa lame, traçant des sillons rouges sur le métal poli avant de goutter dans la neige.

Il baissa les yeux sur les corps éparpillés, une nausée familière lui remontant dans la gorge. Ses yeux s'attardèrent sur ses mains : cramoisie, encore une fois. Un poids qu'il avait juré de ne plus porter.

Mais il n'y avait pas d'excuse. Pas d'échappatoire. Peu importait les raisons, la vérité restait la même.

Logan avait tué.

Il détourna le regard et s'approcha de la victime à genoux. L'homme haletait faiblement. Le voleur s'agenouilla à ses côtés, son regard glissant sur la plaie béante dans son flanc.

Pas de rouge. Pas de chaleur ou d'odeur métallique. Un liquide noir s'échappait lentement, glacé et épais, presque visqueux.

Logan posa ses mains sur la plaie, ses paumes fermes mais hésitantes. La chair meurtrie irradiait une chaleur étrange, comme si la vie, sur le point de s'éteindre, tentait de s'accrocher à son corps.

— Respirez, murmura-t-il. Je suis là.

Mais rien dans cet homme n'avait de sens. Cela défiait tout ce que Logan connaissait de la vie, et du sang qui la maintenait en mouvement

— Respirez, murmura-t-il. On va vous sortir d'ici.

L'homme ouvrit des yeux vitreux, cherchant celui de Logan tandis que sa main glacée attrapa le poignet du voleur.

— Tu dois... m'écouter...

Le froid dans cette voix ne ressemblait à rien de ce que Logan avait connu.

L'homme, allongé dans la neige, avait l'air étrangement jeune et vieux à la fois. Sa peau, lisse et pâle comme de la cire, mais ses traits portaient un poids qui défiait le temps.

Un frisson remonta l'échine du voleur. Ce regard ne cherchait pas de l'aide. Il exigeait quelque chose, mais Logan n'avait plus rien à donner.

— Prends mon collier, prends mon sac... Ma vie, murmura l'homme, sa voix brisée par une quinte de toux. Des filets de sang noir s'échappèrent de ses lèvres fines et tombèrent sur la neige, dessinant des éclats sombres dans le blanc pur.

Logan recula d'un pas, secouant la tête.

— Je ne comprends pas... Je ne sais même pas qui vous êtes.

Le mourant esquissa un sourire, si fragile qu'il vacilla telle une flamme.

— Je suis... le Savant. Celui dont personne ne connaît le nom... ni le visage.

La voix de l'homme, à la fois rauque et brisée, portait un poids que Logan n'avait jamais entendu.

Le cœur de Logan s'emballa. Une vague de panique le saisit à la gorge. Il tourna la tête à gauche, à droite, son regard parcourant les ruelles immobiles comme celui d'un animal acculé. Mais tout restait figé. Les ombres dansaient sous les lanternes. Personne.

Pourtant, quelque chose grondait, juste en dehors de sa perception. Une tension sourde, à peine perceptible, mais bien là.

L'homme leva une main tremblante, ses doigts osseux et tordus avide de plus.

— Écoute-moi, murmura-t-il, sa voix à peine plus qu'un souffle. Le destin de notre monde... dépend de toi. Tu es le seul qui puisse m'accueillir.

Il marqua une pause, ses lèvres tremblantes s'ouvrant pour laisser passer une quinte de toux brutale. Du sang noir jaillit de sa bouche et éclaboussa sa cape. Logan recula, pris entre le dégoût et une fascination morbide.

— Malheureusement, tu es au mauvais endroit, au mauvais moment, reprit l'homme.

Logan serra les dents. La colère s'immisça dans sa panique, un instinct naturel qu'il avait appris sur les champs de bataille.

— Je ne suis pas capable de ça ! cracha-t-il. Je suis un voleur, rien de plus !

Mais ces mots sonnaient faux. Même en les prononçant, Logan sentit leur fragilité. Une tentative désespérée de s'accrocher à une identité qu'il savait déjà en train de lui échapper. Quand l'inconnu parlait, il savait que ses paroles étaient vérités.

L'homme étendit la main avec une lenteur douloureuse et agrippa celle de Logan. Ses doigts glacés se refermèrent avec une force inattendue, comme si ce dernier fragment de vie était tout entier concentré dans cette poigne.

— Promets-le-moi, murmura le Savant.

Non, il ne voulait pas, mais encore une fois, pour une raison qu'il ignorait, il était incapable de refuser. Ce contact volait toute chaleur de son corps, le vidant de son énergie. Ses genoux tremblèrent. Il voulut retirer sa main, mais les doigts du Savant ne faiblissaient pas.

— Je ne peux pas... balbutia-t-il.

Le visage de l'homme changea soudain. Ses traits, qui s'étaient affaissés dans l'agonie, se durcirent un instant.

— Promets-le-moi ! rugit-il, sa voix éclatant comme un coup de tonnerre.

Logan recula sous l'impact, mais sa main restait prisonnière. Ce cri n'appartenait pas à un mourant. C'était un ordre, une injonction qui lui transperça l'esprit comme une lame.

Ses lèvres bougèrent avant même qu'il ne réalise ce qu'il faisait.

— Je le promets.

Les mots s'échappèrent, irréversibles.

— Trouve-la, murmura-t-il. L'auberge du Voyageur... La forêt de Mariol. Une année... Elle sera prête...

Une vague de désespoir l'envahit aussitôt. Après tout, il avait déjà brisé tant de promesses. Qu'était une de plus ?

Le Savant sembla s'apaiser. Sa main se relâcha légèrement, mais ses yeux, vidés de toute lumière, continuèrent de fixer un point au-delà de Logan. Une tache, sur un mur.

Bientôt, son corps fragile s'affaissa dans la neige. La vie quitta ses traits en une seconde, et il s'alourdit comme une poupée brisée.

Logan resta là, accroupi, incapable de bouger. La neige fondait lentement sous ses genoux, mais il ne sentait plus ni le froid ni la douleur. Les derniers mots de l'inconnu s'effacèrent dans un râle et sa poitrine se souleva une dernière fois, avant de s'immobiliser. Le silence retomba, aussi tranchant qu'une lame.

Puis le corps changea.

Sous les yeux écarquillés de Logan, la peau autrefois lisse se flétrit, se craquela, se plissa sous un soleil invisible. Des rides profondes creusèrent le visage, rattrapé par le temps, retenu jusque-là,. Ses cheveux blanchirent, puis tombèrent par mèches. Une odeur âcre emplit l'air, celle de chair brûlée et de cendres humides.

Le voleur recula, ses bottes glissant sur la neige glacée. Ce n'était pas naturel. Rien de tout cela ne l'était.

— Je ne peux pas... murmura-t-il, la voix brisée.

Un grondement sourd roula dans le ciel et Logan leva les yeux : des nuages d'un gris métallique s'étaient amassés sans bruit pour masquer la lumière des étoiles.

Il se pencha pour ramasser les affaires du Savant : un collier étrange, sculpté dans une pierre noire veinée de lumière verte, et un sac en cuir usé.

C'est alors qu'il sentit une force.

Quelque chose attrapa Logan, brutal et implacable. Une force invisible le projeta en arrière. Son dos heurta le mur glacé de la ruelle, le souffle coupé. Il chercha à se dégager, mais ses bras restaient figés, verrouillés par des liens invisibles.

Un tourbillon de fumée verte s'éleva du corps effondré du Savant. Les volutes épaisses se déployaient dans l'air, tels des serpents hypnotiques. Une lueur malsaine traversait ces spirales mouvantes, ces même qui projetaient des éclats verts contre les murs de la ruelle.

La fumée se tourna vers lui.

Elle le fixait, ou du moins, Logan le ressentait ainsi : une intelligence ancienne, concentrée sur sa proie.

— Non ! hurla-t-il.

Il tenta de détourner la tête, mais la fumée fut plus rapide. Elle s'élança, telle une lame tirée d'un fourreau, et s'enroula autour de ses bras, resserrant son étreinte sur ses jambes. Ses genoux plièrent sous la pression, et une douleur sourde martela son crâne.

Puis elle força sa mâchoire.

Un froid liquide traversa ses lèvres tandis que la fumée s'engouffrait dans sa gorge. Une brûlure fulgurante dévora son œsophage, pour se répandre dans sa poitrine comme du métal en fusion. Il suffoquait, luttait pour une bouffée d'air qui ne venait pas. Ses poumons, les pauvres, se contractaient, cherchant à expulser ce poison, mais chaque inspiration ramenait davantage de cette fumée infernale.

Le monde autour de lui se déchira.

Des éclats de lumière jaillirent derrière ses paupières. Des visions brutales et chaotiques. Un ciel rouge vif, strié par des éclairs, brûlait devant lui. Une montagne éventrée vomissait une lumière aveuglante. Des visages hurlants surgissaient, leurs bouches tordues par des cris qu'il ne comprenait pas.

Un dernier fragment apparut.

Une femme, droite et immobile au milieu de ce chaos. Ses yeux, si brillants qu'ils le transperçaient. Elle ne parlait pas, mais savait qu'il devait la trouver. Puis tout s'éteignit.

Logan rouvrit les yeux, haletant comme s'il venait de briser la surface après une noyade. Le froid mordit ses joues, mais sa gorge brûlait encore. Il tomba à genoux, ses jambes rencontrant la neige dure avec un bruit sourd.

Ses mains s'enfoncèrent dans le sol gelé, mais il ne sentait ni la morsure du froid ni l'humidité. Non, une chaleur étrange, pulsa sous sa peau.

Un cri rauque s'échappa de sa gorge, primal et brut. Il s'éleva dans la nuit tel un hurlement de bête blessée, déchirant le silence figé de la ruelle.

Logan, le voleur, avait disparu.

Dans l'ombre, quelque chose d'autre s'élevait.

Cette nuit-là, un nouveau Savant prit vie.

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