Chapitre 2 : Silence
Un nouveau jour se lève sur Dahlia, la population s'éveille lentement pour se préparer à aller travailler. Quant à Karah, elle est d'ores et déjà prête à partir chasser. En effet, la jeune archère quitte le confort de son lit avant tout le monde afin de pouvoir aller chasser au plus tôt, après avoir pris un bain et revêtu sa tenue de chasse.
La voici donc affublée de son haut simple, vert pâle et sans manches, d'un pantalon brun sombre, ainsi que d'une paire de chaussures en cuir à revers. Elle prend également soin de ne pas oublier le reste de son équipement se composant de protections en cuir aux épaules ainsi qu'aux avant-bras, et d'une dague qu'elle porte à la ceinture. Cette dernière lui a été offerte par son père, qui s'est chargé de la forger lui-même afin que sa fille puisse se défendre en cas d'attaque, pouvant venir d'animaux sauvages ou bien d'humains.
Karah s'admire d'ailleurs dans le reflet de sa lame, observant un instant ses yeux bruns, puis ses longs cheveux tombant sur ses épaules. Elle pense même l'espace d'une seconde à changer de coupe, non pas pour plaire à quelqu'un ou parce qu'elle trouve que sa coupe actuelle ne lui va pas, mais tout simplement par envie de varier, de changer un peu de tête.
Mais en y réfléchissant plus sérieusement, elle ne pense pas se raccourcir les cheveux, mais plus simplement se les attacher en queue de cheval. Mais à peine le temps d'y penser, qu'elle est surprise de voir son père arriver derrière elle grâce à sa lame, qui conserve son éclat grâce à l'application de son père dans sa conception, mais aussi au soin avec lequel la jeune fille traite son outil.
—Papa ? Mais qu'est-ce que tu fais encore là ? s'étonne Karah en rengainant sa lame dans son fourreau.
—Oui oui je sais ma chérie je suis en retard, très en retard. Je dois filer, bonne chasse, lui souhaite-t-il en l'embrassant sur le front, après avoir fini de s'habiller en quatrième vitesse.
La jeune fille a alors tout juste le temps de le saluer à son tour avant que la porte d'entrée ne se referme. Ce n'est pas la première fois qu'elle voit son père aussi pressé, après tout il arrive assez souvent en retard, mais ses compétences empêchent son employeur de pouvoir se passer de ses services. Il faut dire que son travail est toujours fiable, robuste et dure longtemps, comme peut en témoigner la dague de Karah.
Un petit déjeuner rapide et une coupe en queue de cheval plus tard, la voici fin prête à partir en chasse, sans oublier son arc et ses flèches bien entendu. Elle selle ensuite Argo, son cheval qu'elle a un jour trouvé dans la forêt, à côté du corps sans vie de son ancien propriétaire qui avait sans doute fait une chute fatale. La garde de Dahlia ne s'étant pas opposé à ce que l'animal demeure chez elle, la famille s'en est occupé, et Karah a commencé à l'utiliser pour partir chasser.
Au moment de quitter l'écurie, la jeune cavalière est saluée par Lin, le fameux jeune homme au bras de glace qu'elle rencontre presque chaque matin. Les deux jeunes gens discutent alors un instant, et Lin complimente la nouvelle coupe de Karah, une queue de cheval avec une mèche tombant sur le côté droit de son visage, ce qui l'embelli selon lui. Elle l'en remercie, puis se demande enfin ce qu'il peut bien aller faire en ville de si bonne heure, et cela presque tous les jours.
—Ah oui c'est vrai que je ne te l'ai encore jamais dit. Et bien, je suis ce qu'on pourrait appeler un ménestrel, et je fais un peu le tour des auberges et des tavernes pour jouer et chanter quelques chansons.
La jeune fille est étonnée d'entendre cela, tout d'abord parce qu'elle n'imaginait pas qu'un mage puisse choisir de devenir ménestrel, mais aussi parce qu'elle ne voit aucun instrument.
—Mais...comment tu fais pour jouer...sans instrument ?
—Ah ça je ne peux pas le dire. Après tout, un mage ne dévoile jamais tous ses secrets, plaisante-t-il avec un large sourire, tout en écartant les bras pour montrer qu'il n'a réellement aucun instrument sur lui.
Ce geste met également en évidence son bras fait de glace jusqu'à l'épaule, grâce à son long manteau vert menthe ne possédant qu'une seule manche, qu'il a de toute façon retroussé. En effet, Lin n'est pas un mage comme les autres, son bras droit est véritablement fait de glace, ce qui ne l'empêche pas de le mouvoir comme un membre de chair et de sang.
Karah l'a remarqué dès leur première rencontre, mais elle n'a jamais osé lui demander ce qui l'avait conduit à avoir un tel membre. D'autant plus que la démarcation entre la chair et le reste du bras donne des frissons à la jeune fille, car des lambeaux de peau et de muscle se mêlent à la glace, laissant penser que son membre originel lui a été arraché.
Elle a beau éviscérer des animaux en rentrant de la chasse, elle ne s'est toujours pas habituée à la vue du bras de Lin. Mais il est temps pour Karah et Lin de se séparer, le mage ménestrel vers la ville, et la chasseuse vers la forêt des Anthores. Ils se saluent donc, et se souhaitent mutuellement bonne chance pour leurs tâches respectives.
La jeune archère brune commence un peu plus tard sa traque, après avoir laissé Argo à l'orée de la forêt. Ses premières pistes ne sont guère concluantes, car elles finissent toutes par disparaître, sans doute effacées par le temps ou bien la pluie qui s'est abattue sur les environs durant la nuit.
Mais l'une d'entre elle finit par se démarquer, elle est beaucoup plus récente et indique qu'un daim est passé par là, ce qui pourrait être une prise de taille, plus grande que les habituels lapins et autres petits animaux. Elle suit donc la piste de sa nouvelle proie pendant un petit quart d'heure, avant de finalement l'apercevoir en train de boire dans une petite étendue d'eau. L'occasion est trop belle, Karah s'empare donc discrètement de son arc, puis de sa flèche, mais au moment de la tirer de son carquois, un son inquiétant attire son attention.
En effet, se rend compte qu'elle n'est pas la seule à convoiter la chair de ce daim. N'osant esquisser le moindre geste, l'archère aperçoit du coin de l'œil un Faragon, tapis dans les fourrés à peine à quelques mètres d'elle. Elle lâche donc sa flèche, et pose la main sur sa dague, prête à dégainer pour se défendre. Elle est bien entendu terrorisée par ce prédateur sombre et massif, et fait tout son possible pour ne pas attirer son attention en respirant trop fort, ou bien en ne calmant pas son cœur qui s'emballe.
Elle reste donc totalement immobile et silencieuse, le moindre son pourrait causer une mort horrible, mais il lui reste une chance de s'en tirer. En effet, le Faragon ne semble pas en avoir après elle, mais après le daim. La patience, un silence absolu et un sang-froid impressionnant peuvent donc la sauver, et éviter de se faire attaquer. Il lui est cependant impossible de s'empêcher de sursauter de peur lorsque le prédateur se lance brusquement à la poursuite du pauvre daim, pour finalement planter ses canines acérées dans sa chair.
Les Faragons sont connus pour infliger de terribles souffrances à leurs proies, ainsi, ils ne les achèvent pas rapidement, mais les gardent prisonnières de leurs crocs tandis qu'elles se débattent pour tenter de sauver leur vie. Mais Karah n'a pas de temps à perdre à observer le carnage, elle doit avant tout s'éclipser aussi discrètement que possible pour éviter de finir elle aussi dans la gueule de ce Faragon. Fort heureusement, ce dernier est trop occupé avec sa proie pour la voir s'éloigner, lui permettant ainsi de remonter à cheval et de rentrer au grand galop chez elle.
Elle aura décidément pu voir la mort de près, beaucoup trop près à son goût, il lui faut donc quelques instants pour s'en remettre, avant de déposer Argo à l'écurie. La voilà donc revenu les mains vides, mais elle s'en fiche, pour elle, il vaut mieux revenir vivante avec les mains vides, plutôt que de mourir pour une proie. Mais puisqu'elle se retrouve seule à la maison et qu'elle a besoin d'en parler, Karah rejoint sa mère à la librairie où elle travaille, et pourquoi pas lui donner un coup de main en passant.
Et elle tombe bien, car Mira a énormément de livre à ranger sur de nouvelles étagères après une grosse réception. Elle est évidement surprise de voir sa fille arriver, mais voit bien dans son regard que quelque chose ne va pas, elle profite donc de l'aide de Karah pour discuter avec elle. La jeune fille raconte donc ce qu'il s'est passé dans la forêt, qu'elle a vu un Faragon de près, trop près, mais qu'heureusement pour elle il en avait après le daim qu'elle traquait.
Mira est à la fois choquée et soulagée d'entendre cela, ces prédateurs au pelage noir sont sans pitié et rares dans la région. Même Karah explique qu'il n'était pas censé se trouver là, normalement ce sont des animaux nocturnes, encore heureux qu'ils ne chassent pas en meute, sinon elle ne serait probablement pas revenue en vie.
Sa mère n'est certes pas contre un peu d'aide, mais elle voit bien que Karah a besoin de repos et de calme après ce qu'il s'est passé. Elle lui demande donc de rentrer à la maison, de se faire une bonne infusion, et de dormir un peu en attendant le déjeuner, ce qui devrait lui faire du bien. La jeune archère souhaite aider sa mère, mais après réflexion elle se dit qu'elle a sans doute raison. Mira embrasse donc sa fille, et continue son travail après le départ de cette dernière.
Elle suit alors le conseil de sa mère, et fait une petite sieste jusqu'au retour de sa famille pour le déjeuner. N'ayant ensuite aucun animal à dépecer, elle occupe son après-midi en prenant soin de la maison, de sa lame, de son destrier, puis en s'exerçant au tir à l'arc sur une cible en bois construite par son père.
Plus tard, au moment de se coucher dans son lit douillet, Calebb souhaite lui faire part d'une découverte. Il s'agit d'un livre trouvé dans les affaires ayant appartenu à leur grand-père, le jeune garçon pense qu'il tient là un conte. Mais il se fait tard pour Karah, elle range donc ce livre dans sa besace posée sur sa table de chevet, et lui promet qu'elle y jettera un œil demain pour s'assurer qu'il s'agit bien d'une histoire, et si elle convient à un enfant de dix ans.
Calebb est un peu déçu de devoir attendre, mais il voit bien que sa grande sœur est épuisée. Il la laisse donc s'endormir en paix, tout en étant impatient d'être au lendemain soir, car il raffole des histoires que content les livres. Mais pour l'instant, la famille s'endort et se laisse bercer par les bras de Morphée, en attendant un autre lendemain.
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