Chapitre 1 : La chasse est ouverte


Avagrah, l'unique continent à la surface d'un monde en perpétuelle évolution. La magie occupe une part importante dans le quotidien des habitants des six grandes régions le composant. Qu'il s'agisse des royaumes d'Edelweiss, d'Améthys, ou de Calvado. Des glaciales terres nordiques de Mayall, des montagnes colorées d'Emerillos lévitant dans le ciel, ou des Terres Ardentes collectionnant les chaînes de volcans.

Tous ces territoires ont connu la magie lors de la première des six ères de leur histoire. Ces dernières s'étalent chacune sur deux mille ans, mais la sixième ère se trouve être assez particulière. Simplement parce que sept grimoires ont suffi à changer la face du monde. A dire vrai, il en aura suffi d'un seul d'entre eux pour tout déclencher.

C'est donc en ce début de mois de Mars de l'an 6X1135 que les premières pièces du puzzle commencent à prendre place. Le soleil indiquant onze heure du matin illumine la vile de Dahlia, connue pour ses remparts, mais aussi la diversité de couleur offerte par les façades peintes de ses habitations à colombage.

Mais ce n'est pas la seule beauté des environs, l'immense forêt des Anthores offre également un magnifique paysage de chênes rouges, où chantent gaiement les nombreuses espèces d'oiseaux. Sans oublier les faisceaux de lumière transperçant le feuillage des chênes, offrant un impressionnant spectacle semblable à une pluie de feu.

La faune locale possède là un véritable paradis sur terre. La diversité d'espèces qu'offre cette forêt est sans équivalent, des rouge gorge aux loups bruns, en passant par les nombreux insectes, sans oublier les terribles Faragons. Ces derniers sont sans doute les plus dangereux prédateurs que l'on puisse y trouver. Ils possédent un sinistre pelage noir, des canines d'une quinzaine de centimètres dépassant de leur gueule, et un terrifiant regard rouge sang. Leur seule présence peut rapidement changer ce coin de paradis en véritable enfer pour les imprudents.

Ils restent malgré tout assez rares dans le royaume d'Edelweiss, un loup isolé n'a donc que peu de chances de rencontrer l'un de ces terribles prédateurs. Mais, un autre danger guette l'un d'eux. Tapie dans l'ombre, une jeune fille se tiens là, armée et silencieuse comme la mort. Celle-ci traque ce loup depuis quelques minutes à présent, et pourrait bien écourter l'existence de l'animal souhaitant simplement se désaltérer.

Mais elle est patiente, et préfère attendre le bon moment pour agir, celui où sa proie baissera sa garde, lui laissant ainsi le champ libre pour l'abattre. Cet instant ne tarde pas à arriver, le canidé offre l'occasion qu'attendait la jeune fille. Tandis que l'animal bois dans un petit cours d'eau, l'archère saisit une de ses flèches, et vient l'encocher sur la corde de son arc pour ensuite viser sa proie.

Elle prend alors une grande inspiration, avant de lentement vider ses poumons, pour finalement décocher sa flèche à l'instant précis où ils se retrouvent totalement vidés. L'archère parvient à toucher la bête en plein cœur.

La pauvre bête s'écroule lourdement au sol, le museau trempant dans le ruisseau où s'écoule à présent son sang. La jeune chasseuse pourrait aller chercher immédiatement son gibier, mais elle préfère s'assurer qu'aucun autre loup ou quelconque animal dangereux ne traîne dans les parages avant d'aller récupérer la carcasse. Mais la transporter à bout de bras jusque chez elle serait bien fastidieux en plus de prendre une éternité.

Elle enfile donc son arc en bandoulière avant porter son pouce et son index à ses lèvres pour siffler. Faisant ainsi venir Argo, son cheval sur lequel elle dépose le corps sans vie du loup brun avant de l'attacher solidement. La cavalière et sa monture se mettent ensuite en route pour Dahlia, une petite ville d'une dizaine de millier d'habitants à quelques minutes de cheval de la forêt. La jeune fille y habite avec ses parents ainsi que son petit frère dans une petite maison à l'extérieur des remparts du centre-ville. Alors que les habitations à colombage aux façades orange, beige ou bien vert pistache apporte de la gaieté au milieu des remparts, les habitations extérieures sont plus monotones, usées et ternies par les années.

La jeune archère dépose sa monture à son écurie, et lui ôte sa selle avant de rentrer chez elle en emportant son gibier. En franchissant ainsi le seuil de la porte avec un loup sur les épaules, elle est accueillie par sa mère préparant la table pour le déjeuner de la famille.

—Ah Karah, tu rentres juste à temps, et avec une bonne prise à ce que je vois.

—Oui, d'ailleurs je vais vite aller le poser dans la réserve parce qu'il commence à être lourd.

—Oui bien sûr, et tu n'oublieras pas de te laver les mains jeune fille, rappelle-t-elle à sa fille avant qu'elle ne quitte la pièce.

Calebb, le cadet de la famille rentre à son tour quelques minutes après, juste à temps pour n'avoir plus que les pieds à glisser sous la table. Ce jeune garçon de dix ans suit l'exemple de sa sœur aînée, et gagne un peu d'argent en vendant à la criée le journal local. Avec sa voix fluette mais puissante, cette petite tête brune sait se faire remarquer, ce petit travail ne lui rapporte pas une fortune, mais il aime vraiment faire ça.

Karah ne manque pas de remarquer l'absence de son père, mais sa mère la rassure, il est simplement retenu à la forge où il travaille. Il a en effet pris du retard sur une armure, et son employeur veut qu'il la termine aujourd'hui, car elle doit être livrée dès demain matin. Apprendre que son père a pris du retard n'étonne qu'à moitié la jeune archère, mais puisqu'elle sait à présent ce qu'il advient de son père, elle se retrouve curieuse de savoir ce qui est arrivé à son frère et sa mère ce matin.

Après tout, cela fait un sujet de discussion susceptible d'animer un peu le repas, au lieu de le laisser s'enfoncer dans le silence. Karah raconte qu'à part avoir chassé un loup dans la forêt il ne lui est rien arrivé de bien palpitant. Mira quant à elle raconte avoir manqué de faire tomber une étagère à la renverse à la librairie où elle travaille. Heureusement pour elle donc qu'elle n'ait pas été au bout de sa démarche maladroite.

Calebb n'a cependant pas grand-chose de marquant à partager, à part peut-être le fait qu'il ait aperçu Lin dans la rue, le jeune homme que Karah salue chaque matin avant de partir chasser.

—Tiens donc, c'est vrai que vous vous croisez presque tous les matins en ce moment. Ma chère fille aurait-elle trouvé un petit ami ?

—Enfin maman, on se croise brièvement le matin c'est tout. Je ne sais pas grand-chose de lui à part qu'il est mage, qu'il a un bras fait de glace et qu'il s'appelle Lin...et puis...il n'est pas tellement mon genre.

—Oh je vois...tu préfères les Najas, les Astéris, enfin ce genre d'homme donc ?

—Quoi ? Mais, non, bien sûr que non, qu'est-ce qui te fais dire ça ? S'exclame alors Karah, ce qui fait doucement rire Calebb.

—Oh rien, une idée qui m'est passée par la tête c'est tout.

—Tu sais, quand je dis que Lin n'est pas mon genre ça ne veut pas forcément dire que je ne suis pas attirée par les humains.

Mira s'excuse pour ce petit malentendu, mais elle n'omet pas de préciser que peu importe la race de celui qui aura su la séduire, elle l'acceptera tel qu'il est. Car oui, il faut savoir qu'il n'existe pas que les humains comme race intelligente à Avagrah. Bien d'autres existent et sont dotées d'une morphologie semblable à celle des humains peuplent les trois royaumes.

Ces espèces animales anthropomorphiques sont désignées par un terme les englobant toutes, les Unetis. Les plus connues sont les Najas et les Astéris, respectivement reptiliens et Canidés, mais dotés de mains, de jambes, mais aussi d'autres atouts qui leurs sont propres. Les Astéris ont par exemple une ouïe et un odorat plus performants en plus de leurs jambes digitigrades, tandis que les Najas ont une peau écailleuse et possèdent des crocs venimeux.

Il existe bien d'autres races comme par exemple les Amphitrites qui vivent dans l'océan, mais il serait bien fastidieux de toutes les lister. Une autre chose à savoir, et qui explique que Mira ait pensé que sa Karah puisse être attirée par un Unetis, c'est que les couples inter-espèces existent, et qu'ils sont loin d'être tabou. Le roi de Calvado est par exemple marié à une Carnag, qui est une Unetis féline, et la majorité de la population ne juge pas cela sale ou inapproprié. Il existe bien entendu des gens qui pensent le contraire et d'autres qui se disent neutres, mais ils sont plutôt en infériorité, et ne causent pas de problèmes majeurs, même si des harcèlements et agressions peuvent se produire.

Une fois le repas terminé, chacun retourne vaquer à ses occupations. Calebb retourne en ville vendre des journaux, Mira repart à la librairie, et Karah s'occupe de dépecer son butin de chasse en prenant soin de ne pas abîmer la peau pour conserver sa valeur. Ayant l'habitude après un peu plus de deux années de pratique, la jeune fille a l'estomac suffisamment bien accroché pour supporter la vue du sang et des viscères. Elle fait toutefois attention à ne pas se blesser avec sa dague pour ne pas attraper d'infection.

L'opération lui prend plus d'une heure pour la totalité de son gibier, mais avant de partir vendre la peau il lui faut s'occuper de la viande. Pour cela, elle en range une partie dans un système destiné à conserver les aliments, simple mais efficace, qui est composé de deux pots en terre cuite de différents diamètres, l'un placé dans l'autre. L'espace entre les deux pots est rempli de sable humidifié, ce qui maintient les deux pots humides. La viande est ainsi placée dans le pot central, avant d'être recouvert d'un chiffon humide, et peut ainsi être conservée jusqu'à deux semaines.

Cet ingénieux système est peu coûteux et permet ainsi à la partie la moins aisée de la population de pouvoir conserver ses vivres sur de plus longues périodes, si elles pensent toutefois à humidifier le sable régulièrement. Mais Karah ne garde pas la totalité de la viande pour elle et sa famille, en effet, elle en offre à chaque fois une partie aux familles habitant près de chez elle, et qui n'ont pas ses talents d'archère pour chasser et se nourrir. Une fois son don de vivre fait, la jeune chasseuse peut enfin se rendre au marché de la ville pour y vendre la peau du loup.

Elle est loin de gagner une fortune avec cette pratique, mais cela aide malgré tout sa famille qui est bien loin de rouler sur l'or. Tel est le quotidien de la jeune Karah qui fêtera bientôt ses dix-huit printemps, une journée de plus à son tableau de chasse, en attendant les suivantes qui s'annoncent pour le moins bouleversantes.     

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top