La neige est tombée cette nuit en même temps que la mort de la petite soeur de Rose, Anna, qui avait à peine un an.

C'est papa qui nous a annoncé la nouvelle et, c'est horrible de le dire, mais je vois bien qu'il est soulagé que ce ne soit pas à nous que le Noir s'attaque.

Je connais bien Rose, nous sommes amies depuis notre plus jeune âge bien que nous ayons des caractères complètements différents, et ne pas pouvoir aller la consoler me détruit et me donne l'impression d'être une mauvaise fille.

Mais ce qui me détruit encore plus est de ne pas pouvoir rejoindre Paul dehors pour notre habituelle partie de cache-cache géante chaque premier et dernier jour de neige.

Je tourne sur moi-même en piaffant.

Mes soeurs et ma mère font la sieste avec les gars et papa est partie comme tous les jours, à son travail.

Je suis donc la seule à être consciente ici.

Sur un coup de tête, j'attrape mon manteau et sort discrètement par la fenêtre pour ne pas avoir à faire de bruit en claquant la porte.

Un fois à l'extérieur, je respire cette bonne odeur de froid et d'eau que je n'ai pas sentie depuis un an.

En plus de cette étendue de blanc magnifique, le ciel est bleu et un doux soleil apporte quelques rayons malgré le vent frais.

En avançant, je réalise être contente d'être sortie, je n'aurai jamais loupé ça!

Ma marche m'offre un endroit désert qui me donnerait presque la chaire de poule.

Je me dirige vers l'endroit des bûcherons à l'entrée Ouest de la forêt mais me plaque à terre, le nez dans la neige, en apercevant mon père. S'il me voit, il m'ordonnera tout de suite de rentrer ce dont je n'ai aucune envie.

Quand je me relève, je suis trempée, la brise d'hiver me donne froid et je grelotte.

Par chance, je n'ai pas de mal à trouver mon meilleur ami. Il est debout, adossé à un arbre et piétine ses racines.

J'ai vraiment de la chance car il n'y a personne autour. Mais il vaut mieux que je reste cachée.

- Paul. chuchote-je

Il doit percevoir un bruit car je le vois froncer les sourcils et tourner la tête.

- Paul! récidive-je en peu plus fort

Cette fois-ci, il m'entend bien et se retourne en ne cachant pas sa tête horrifiée. Malheureusement, il ne s'approche pas, je suis donc obligée de le faire.

- Tu n'as pas oublié quel jour on est?

Il ne répond rien, je le tire par la manche.

- Paul...

Il secoue la tête mais ne se dégage pas de mon étreinte:

- Retourne chez toi.

Je soupire, j'en ai vraiment marre d'entendre tout le temps la même chose.

- Mais non, regarde, c'est aujourd'hui, il...

Sa main se pose sur ma bouche.

- Rentre chez toi.

Je secoue moi aussi la tête et sens mes yeux me piquer. Il ne peut pas me lâcher maintenant.

- Je t'aime Mia, je ne veux pas qu'il t'arrive quelque chose.

- Si tu m'aimes vient jouer avec moi...

- Non. Tu ne dois pas être dehors.

- Arrête, tu sais bien que c'est des conneries tout ça. M'enfermer ne va rien changer.

- Mais tu n'as rien compris? s'énerve-t-il. Vas t'en! Je ne veux plus te voir!

Je recule, impuissante. Il ne peut pas me faire ça, il n'a pas le droit!

Je tente un sourire mais son visage reste dur et impassible.

Je recule encore d'un pas, tourne des talons et m'enfuie.

Je suis furieuse et horriblement triste.

La neige n'est plus aussi blanche tout à coup. Ma main frappe le vide avec rage.

Je retire ce que j'ai dis. Je déteste vivre à Chrestene.