Chapitre 10
Après toutes ces parties de cartes, je pense que je vais devant une professionnelle de ces petits cartons décorés.
C'est en fait la seule chose que je peux faire pour passer le temps.
Jeux à deux, toute seule, bataille, sept familles en passant par les tours se magie, j'ai tout essayé.
Celui que je pratique le plus reste la bataille car j'y joue avec mes frères et que c'est le seul jeu qu'ils comprennent, bien que les autres ne soient pas si compliqués.
Je suis en train de mélanger le gros tas quand mon regard se stoppe sur la fenêtre.
Une mouche fait des allers-retours, souhaitant sans doute sortir de la maison. Mais tous ses efforts sont en vain. Elle ne fait que se cogner et repartir pour se cogner et repartir pour...
Je me ressaisie soudain, me parlant à moi-même:
- Mais que fais-tu donc ma pauvre fille? L'ennuie est tel que tu en ais à regarder une mouche voler. Tu vas devenir folle!
Les garçons s'impatientent et je finis par distribuer les cartes. Alban gagne, comme d'habitude, haut la main et je me met à penser que je vais finir avec des crampes à la main droite à force de répéter tout le temps le même geste.
Soudain, je sens un courant d'air et entend la porte d'entrée claquer.
C'est en me retournant que je découvre Paul, debout sur le paillasson, les bras ballants et le regard vide.
Il s'est permis d'ouvrir tout seul, ce qui me rend à la fois heureuse et en colère.
- Que fais-tu ici?
Ma voix est rauque.
- Je...
- Tu salis tout. le coupe-je. La neige fond ça coule et c'est dégoutant. On voit bien que ce n'est pas toi qui va nettoyer.
- Ecoute je...
Je me fais un malin plaisir à le couper de nouveau:
- Mais tu n'as rien compris? Vas-t-en. Je ne veux plus te voir.
Il ouvre des grands yeux en reconnaissant ses dernières paroles. Oui, celles-ci étaient restées gravées dans ma mémoire et, manque de chance, je suis du genre plutôt rancunière.
Je m'apprête à lui lancer une autre pique quand ma mère débarque, du linge sous le bras.
- Paul! dit-elle. Comme c'est gentil de venir nous voir! Je t'en pris, met toi à l'aise, assied toi.
Bien contente qu'une personne vienne à son secour, il s'exécute sans rechigner et se retrouve assis à côté de moi.
Son poing tape le sol en rythme. Il sait très bien que je déteste ce bruit.
Je l'ignore du mieux que je peux mais finis par tourner la tête vers lui lorsqu'il déclare:
- Je suis désolé, je n'aurai jamais du réagir comme ça. Mais j'ai tellement peur qu'il vous arrive quelque chose à ma mère et toi. En te voyant dehors, j'ai stressé.
Moi aussi j'ai peur... mais pas à cause du Noir, c'est à force d'entendre tout le monde répéter ce mot. Peur.
- Pitié, excuse-moi. reprend-il. Tu es ma meilleure amie...
- Toi aussi tu es mon meilleur ami... craque-je
Il me tend le petit doigt comme quand on était gamin. Je me souviens avec un sourire que c'est moi qui a inventé ce truc.
Il ferme les yeux. Je fais de même et sert pendant cinq secondes son auriculaire puis, touche son front. Il grogne quand mon pouce lui arrive dans l'oeil.
J'éclate de rire, ce qui doit être contagieux puisqu'il m'imite.
- On peut reprendre la partie? demande timidement un de mes frères
J'acquiesce et au bout d'un moment, Paul prend ma relève.
Je le vois grimacer à chaque fois qu'il pert et songe que, lorsqu'il m'annoncera qu'il a une copine, je risque de le prendre très mal.
Je n'ai jamais été amoureuse de lui mais il m'appartient comme je lui appartiens. C'est comme ça.
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