Chapitre 3
Le soleil se levait et illuminait toute la ville de Paris, à l'exception d'un petit coin laissé à l'abandon. Le quartier où fourmillait ce que je considérais comme le groupe d'enfants le plus puissant de la ville. Mes extraordinaires Francs-Tireurs. Et moi, Suzie, était leur chef incontestée. Parce que j'étais la plus forte, la plus brave et la plus rusée ! La meilleure quoi.
Nous vivions dans un quartier abandonné qui appartenait auparavant aux bourgeois de cette ville. Ils avaient quitté ce lieu à cause d'une invasion de rats...maintenant nous profitons de ces bestioles qui nous servent de messagers entre nous. En plus de ça, notre proximité avec les bouffeurs d'argent nous a permis de décrocher pour certains des petits boulots rapportant gros. Groom, coursier, vendeur de journaux, assistant au marché etc...des métiers respectables et légaux nous permettant de nous acheter au moins un repas par jour.
Et puis il y a ces merdes. Les Gavroches, qui vivent dans la partie la plus infâme de Paris. Je sais qu'ils veulent notre territoire mais on les laissera pas l'avoir. Eux, c'est des bons à rien et des criminels. Ils se font de l'argent en vendant de la drogue, en manipulant, en mentant, en tuant et en dénonçant. Certains sont même prêts à offrir leur corps à de gros porcs pour espérer avoir au moins un toit pour dormir. Les Gavroches sont des rats mouillés répugnants et puants. Et leur chef vit à la hauteur de leur réputation. Matt est un sale gosse, sortit d'on ne sait où, qui s'est proclamé le chef des Gavroches.
Il est arrivé, un jour, avec Luc et il a proposé de faire une bataille au chef de l'époque, Amir. Amir il avait 15 ans, Matt avait 9 ans à l'époque. C'était un Goliath, Matt était juste un David. Tout le monde s'est dit: C'est bon, il va perdre. Mais personne est croyant, alors ils ont tous cru en son échec. Et puis il a sortit ses cartes, alors Amir il a rigolé et il a dit que c'était pas avec un jeu de carte qu'il allait devenir chef.
Et puis là, le Petit Matt a sorti un lance pierre, il a mis sa carte dedans, une carte de 2, fabriquée par ses soins, plus lourde et tranchante qu'un bout de carton et il l'a lâché. La carte s'est planté direct dans le cou d'Amir, il pissait le sang. Il s'est effondré par terre, dans une mare rouge, il toussait et faisait des bruits chelous. Ses yeux devenaient tout blancs et son corps tremblait comme une feuille. Et puis, il est mort. Et là, Matt, la première chose qu'il a dit c'est: J'ai dit qu'on allait faire une bataille. J'ai jamais dit qu'on allait jouer aux cartes.
« SUZIE ! Suzie viens voir, vite !
-Qu'est ce que t'as, Momo ? Pourquoi tu gueules ? T'as vu un macchabée ?!
-Pire...c'est Fab... »
Fab ? Qu'est ce qu'il avait ? Je l'avais juste envoyé chercher de quoi se ravitailler...qu'est ce qu'il avait encore foutu ? J'étais intriguée alors je rejoignait Momo qui s'était perché en haut d'un toit. J'attrapais la gouttière de mes mains et je pris appui avec mes pieds avant de me mettre à escalader le tuyau jusqu'en haut. Mes mains déjà très égratignées s'abîmaient de plus en plus sous l'effort mais je ne ressentais plus rien, à force. Enfin, j'arrivais au niveau de Momo et je lui empruntais ses jumelles pour mieux voir. Ce que je vis me choqua.
Fabrice, mon second le plus fidèle, venait de revenir. Ses habits encore plus abîmés que d'habitude, sans nourriture et surtout, avec son œil qui chiait une fontaine de sang. Momo avait raison, c'était pas un macchabée mais c'était pire. De son autre oeil, il pleurait comme un nouveau né et il finit par s'écrouler sur ses genoux, devant tout les autres Francs-Tireurs, même les plus petits, qui étaient sortis par curiosité et qui en revenaient traumatisés. Je les rejoignais à mon tour en vitesse et je hurlais aux autres de s'écarter, ce qu'ils firent. Je m'agenouillais au niveau de Fab et je levais légèrement sa tête pour mieux apercevoir sa blessure profonde.
« Fab...qui t'as fait ça ?
-Les Gavroches...et ils ont pris ma bouffe. Et notre dignité ! Ils nous ont tout pris ! Je suis désolée, Suzie...
-Les Gavroches ? Ces fils de pute de Gavroches ?!
-Oui ! Même que Matt nous a menacé, il dit qu'il nous butera tous, même les petiots !
-Il a dit ça ?! Ah le salaud ! Le chien ! Le rat ! Le renard ! Le cafard ! Quand je le verrais, je le presserais, je le réduirais en bouillie ! Je lui ferais vomir sa merde ! Je lui ferais sortir son cerveau et j'en ferais du saucisson !
-Et c'est pas tout ! Continua le pauvre Fabrice, épuisé et toujours blessé. Luc m'a insulté, il s'est moqué de mon paternel et c'est lui qui a volé la besogne ! Et Ollie, elle voulait me couper ! Ils sont aussi pires que lui !
-Luc ?! Picky Luc ?! Ah mais je vais lui en foutre des claques moi ! Je lui arracherais les dents ! Il pourra même plus les bouffer, ses sucreries ! Je laisserais Matt assister au spectacle ! Et Ollie, aussi hideuse que les crapauds ! Ollie, la sang souillée ! Paraît que son père sait pas tenir sa queue devant sa soeur ! Elle pue comme elle respire ! »
Je me retourne, tout les yeux des Francs-Tireurs braqués sur moi. Je réfléchis longuement à un moyen de venger notre honneur et celui de Fab. Je ne peux me permettre de lancer une bataille, nous sommes moins nombreux qu'eux et ils ont l'avantage du Carrousel...Mais oui ! C'est là que j'ai l'idée du siècle et que je commence à exposer mon plan à mes camarades:
« On va les priver de leur ticket gagnant. Et là, je vous jure que Matt, Luc et Ollie auront plus que leurs culs pour vivre. »
———————————
J'étais assis sur le rebord d'un vieux muret à moitié détruit. Dans ma bouche, se mélangeait à ma salive le morceau d'un délicieux petit gâteau au chocolat qui était parmi les provisions que j'avais récupéré. Un goût sucré et moelleux parcourait ma langue qui embrassait cette fabuleuse nourriture. Ce n'était pas souvent que j'avais l'occasion de goûter à cette merveille. Et quand je la finissais, je regrettais de ne pas être un super héros avec le pouvoir de remonter le temps.
Enfin bon. Il y avait un pigeon, qui se débattait dans mon sac de lin à côté de moi, qui allait être le repas de ce soir, m'enlevant alors tout le plaisir qui s'était collé au fond de ma bouche. Mais je n'allais pas me plaindre, c'était déjà génial d'avoir de la viande.
« Désolé petit gars. Mais contrairement à toi, les vers de terre ça nous suffit pas. »
Ça n'avait pas été difficile de le capturer. J'avais même réussi à le prendre dans mes mains sans faire d'attaque surprise, il s'était laissé faire. À croire qu'il voulait vraiment mourir...enfin, vu l'état de notre pays, je le comprend.
Parfois, moi aussi j'ai envie. Mais les enterrements ça coûte cher, et moi je veux être enterré, dans un beau cercueil. Donc j'attend de devenir riche, j'espère que ça arrivera bientôt. J'ai pas envie de finir comme ceux qui meurent et où on retrouve jamais les corps...c'est pourri d'avoir nul part où reposer. T'es né inconnu, tu meurs inconnu. Quelle vie de merde.
C'est comme Jan. Jan, c'était une épicière du coin. Une meuf plein de rêves, 15 ans, elle disait qu'elle était vierge mais son ventre était gros. On lui avait dit de pas manger autant de chocolat. Bah une fois, elle nous a pas écouté. Les Papillons Bleus ont pas aimé quand elle a commencé à se resservir à la distribution, soit disant qu'elle avait plus faim que d'habitude. Pourtant, son ventre était gonflé. J'ai vu ses dents ensanglantés voler quand ils l'ont attrapé. Son ventre ne donnait plus de coups de pieds, il s'en recevait. Et elle, elle est restée sur le gravier. Née orpheline, en foyer, à cause de son père biologique. Tombée enceinte là bas, à cause de son père adoptif. Elle a fugué et maintenant, la course poursuite est terminée. Elle est tombée, morte, là bas, à cause de ceux qui se surnomment nos pères. Franchement, je préfèrerais avoir une mère. Les mères font gaffe à toi, elles ne te font pas souffrir car elles n'ont pas la force de te frapper. Du coup, elles t'empoisonnent. C'est beaucoup mieux.
« Et toi le piaf ? T'as une mère ?
-Pourquoi tu parle à un oiseau ? »
Je me levais en sursautant, pensant que c'était Matt qui m'avait vu en train de flemmarder au lieu de travailler. Mais je reconnaissais la tunique bleue foncée avec la casquette grise de l'humaine la plus insupportable qu'il m'ait été donné de côtoyer : Ollie. Elle enleva sa casquette de sa tête, là où elle avait rangé un gros paquet de pièces et me les montra avec un grand sourire :
« T'as vu tout ce que j'ai ? Ça doit être les vacances, les touristes sont de sorti !
- C'est génial Ollie. Dépêche toi de ramener tout ça à Matt, avant que Suzie tombe dessus.
- Si Suzie y touche, je lui brise les doigts ! Enfin...pourquoi tu parlais à un pigeon ?
-C'est pas tes affaires !
- Tu sais qu'on va le bouffer hein ?
-Tu me soules Ollie. Allez, on rentre. »
Je repartais alors avec Ollie et le pigeon qui avait arrêté de gigoter dans le sac.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top