Chapitre 2


« Pendez le par les pieds !

- Par les couilles !

-Par les cheveux !

-Retirons lui les intestins !

-Faisons lui avaler des vers !

-Fracturons lui la mâchoire !

-Tuons le !

-Battons le ! »

Voilà tout les mots que les gamins du quartier hurlaient à tu tête. Tous des Gavroches, sous la direction de moi-même, le Petit Matt. Et ces insultes menaçantes étaient dirigées vers cette ordure de Franc-Tireur qui avait osé souiller l'honneur de Luc. Ce dernier se tenait accolé contre un poteau, observant d'un regard plus sombre la future exécution. Fab, le Franc-Tireur, était ligoté à une chaise presque cassée avec du scotch et bâillonné d'un chiffon sale qui avait trainé sur le sol pisseux de la petite rue où se déroulait la punition. Le garçon d'à peine dix ans gigotait dans tout les sens, dans l'espoir de peut être se défaire de ses liens. Mais ses actions furent vaines, d'autant que quelqu'un observant la scène depuis un toit les avait remarqué.

« Cesse de bouger comme un asticot ou je te crève l'œil en première. Parce que moi je retiens pas mes coups. »

Je lève la tête, j'avais reconnu cette voix rauque et à l'intonation gamine. Ollie. La fille d'environ douze ans était assise sur le rebord d'un toit d'une petite maison basse. Véritable singe et ancienne Franc-Tireur, membre précieux de Suzie qui avait fini par nous rejoindre. Ses talents d'acrobate lui avait rapidement valu le respect des autres gamins, sauf le mien. Bien que j'admettais son talent, je n'arrivais toujours pas à lui faire entièrement confiance, d'autant qu'elle s'éclipsait souvent le même jour aux mêmes heures pour aller on ne sait où et en ne prévenant personne. Toutefois, je ne pouvais pas la chasser. Elle avait su gagner sa place chez les Gavroches et était devenu un véritable atout.
La gamine aux cheveux noirs ébouriffés descendit de son toit et s'approcha du prisonnier, dague à la main. D'un grand sourire sournois, elle vint poser sa main droite sur mon épaule et me susurra à l'oreille sa dernière idée:

« Je peux le taillader ?

-Je suis le chef, Olivia. C'est moi qui puni les prisonniers.

-Ouais mais c'est aussi toi qui donne tout les ordres, qui récupère le plus de thune, qui mange avant tout le monde, qui peut aller au Carrousel sans autorisation...c'est même po juste ! On a l'impression d'être quoi nous ? Du vomis ?

-Si tu n'es pas contente, t'as qu'à te casser et pleurer aux pieds de Suzie. Je suis sure qu'elle te reprendra sans broncher.

-Nah c'est bon. Si toi t'es un coincé, Suzie c'est un bateau de croisière dans un petit fleuve. Je serais pas étonnée si elle finit par mettre du papier bulle sur tout ses Francs-Pleureurs.

-Ironique de ta part de te moquer d'eux.

-Je comprend pas pourquoi tu me parles d'un « Iro » qui nique. Parle français un peu !

-C'est sûr que c'est peut être trop pour ta petite cervelle.

-Ouais bah en attendant grille pas trop la tienne à chercher une punition pour cette tarlouze. »

C'est sur cette dernière phrase que cette petite garce d'Ollie alla reprendre son poste en hauteur. J'entendais encore les autres Gavroches qui continuaient de crier des insultes et des menaces au jeune Fab qui avait cessé de se débattre et qui pleurait désormais, réalisant que la sentence qui l'attendait allait être terrible. Caché derrière un gros tonneau, se trouvait un petit pigeon presque déplumé, aux yeux globuleux et qui observait la scène avec la curiosité d'un bambin débile. Bien que maigre et peu appétissant, je me disais qu'on pourrait toujours le faire griller comme repas du soir. Je tourna la tête vers Luc, lui pointa le volatile du doigt et hocha la tête. Il fit de même pour répondre et alla chercher des pièges pour capturer l'animal.
Quand à moi, je reportais mon attention sur notre autre proie, Fab, qui me regardait dans les yeux, avec de grosses larmes qui salissaient ses joues poussiéreuses et égratignées. Je me saisis d'un couteau qu'un jeune Gavroche de huit ans m'avait passé et sans dire quoique ce soit ou même prévenir par un petit signe, j'enfonçais d'un coup la lame dans l'œil gauche du Franc-Tireur.

Le sale gosse hurlait de douleur tandis que je tournais lentement la lame, toujours plantée dans son œil. Je ne disais toujours rien, je ne voyais pas l'intérêt de parler lors d'une opération aussi importante. Mais au fond, les cris des Gavroches, spectateurs de la scène, s'acharnaient sur le jeune prisonnier qui était sans défense.

« Fils de chien ! Ça fait mal hein ?!

-Va y, chiale, sale merde !

-Franc-Tireurs, les Francs-Pleureurs ouais !

-Arrache lui son œil, Matt !

-Il en a pas besoin, c'est qu'un Franc-Tireur !

-Qu'il crève ! On jettera son corps pourri dans la Seine ! »

Le déversement de haine ne risquait pas de cesser de si tôt. De mon côté, mon couteau était plein de sang et une entaille s'était formée là où ma lame avait transpercé les couches diverses de l'œil. Le garçon avait lui même du sang à l'intérieur et qui s'échappait peu à peu, sa vision devenait trouble et il avait le réflexe de vouloir mettre sa main sur son œil pour stopper le saignement. Toutefois, sa position ligotée le contraignait de tout acte désespéré de vouloir diminuer les conséquences de l'attaque. Souffrant et apeuré, il avait finit par fondre en larmes et implorait des petites demandes étouffées à travers son bâillon.

« S'il te plaît...stop. Veux rentrer.

-T'as compris ta leçon ?

-Veux partir...Maman...

-Me force pas à répéter. T'as compris ta leçon, oui ou non ?

-Oui ! »

Un oui sincère. C'était tout ce que j'attendais. Cela suffisait, il pouvait repartir. Je me tournais vers les Gavroches qui nous observaient et je scrutais la foule. Il y avait deux jeunes enfants, deux fillettes d'environ cinq ans qui n'avaient rien osé dire pendant toute la scène et qui se tenait fermement la main de l'une et de l'autre. Le prisonnier ne risquait rien à côté d'elles et je m'approchais donc des mioches avec un grand sourire amicale. Je tendis le couteau à la plus grande et leur demanda:

« Vous êtes des Gavroches. Vous devez avoir suffisamment de courage pour aller détacher le prisonnier, non ?

-C'est...c'est un Franc-Tireur ! Il va aussi nous crever l'œil !

-Je m'assurerais que non. Vous lui faites plus peur qu'autre chose.

-...Bon ok. Tu viens, Leila ? »

La fillette plus petite hocha la tête et les deux s'en allèrent détacher le prisonnier. De mon côté, je rejoignais un petit cageot de légumes vide et je monta avec aisance dessus. Avec mes pieds, positionnés parallèlement, ma bretelle tombante remontée pour ne faire qu'une avec l'autre et mes lunettes remises droites, je fixais Fab avec un axe précis, lui qui venait d'être libéré et qui pissait le sang au sol. D'une voix forte et claire, je lui criais:

« Que ce soit le dernier avertissement pour Suzie et vos Francs-Tireurs ! Faites nous chier encore une seule fois et cette fois, on vous butera tous, même les chiards d'un an ! Et après, on ira brûler vos tombes, sales merdes !

- OUAIS ! Vive Matt !

-Vive les Gavroches !

-Un Gavroche, il abandonne pas

-Même quand on croit que c'est le cas ! »

Fab n'osait même plus lever la tête. Il commençait à se diriger sans un mot vers le bout de la rue qui allait le reconduire chez les Francs-Tireurs. Toutefois, avant, il se retourna et cracha vers Matt, l'œil ensanglanté et gonflé par les larmes et la blessure, les joues rouges et le nez qui coulait, sans oublier les sueurs sur son front. Il prit le ton le plus glaçant qu'il puisse trouver et hurla à pleins poumons les meilleures injures à ma personne.

« MINABLE ! ENFLURE ! CONNARD ! FILS DE PUTE ! BLEUET ! Quand Suzie l'apprendra, on viendra te voir, enfoiré et on te fera écartelé, éventré, décapité ! T'auras pas fini de couiner comme un sale porc ! TU VAS CREVER MATT ! Jamais tu sortiras d'ici vivant, JAMAIS ! »

Tandis que certains Gavroches huaient simplement le garçon, d'autres se dépêchèrent de défendre mon honneur en tant que leur chef et prirent des cailloux qu'ils balancèrent à l'éborgné. Ce dernier s'en allait en courant, essayant de supporter les projectiles que les autres enfants lui caillassaient à la figure. J'allais crever donc ? C'était une prédiction si facile à faire. Tout le monde va finir par mourir.

Certains mourront juste plus rapidement que d'autres. Mais au final, on se retrouvera tous dans le même trou immonde, avec nos amis, les regrets.

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