Adela
Deux heures et une douche brûlante plus tard, c'est ce qu'il me faut pour me débarrasser de cette odeur d'huile essentielle. Je suis installé sur le canapé dans ma chambre, un sandwich à la main. Ateya est installée juste à côté de moi et sa fille Maria est assise plus loin sur le fauteuil. C'est la première fois que je reste aussi longtemps dans cette chambre qui est pourtant la mienne. En général, je passe en coup de vent le temps d'aller aux toilettes avant que Giacomo me remette dans la boîte.
– Il te faut des alliées.
Je souris avant de prendre une bouchée, que je descends avec un jus d'ananas.
– Tu parles comme si je suis en guerre.
– Après ce que j'ai vu ce soir, c'est pire qu'une guerre.
Je grimace en me remémorant la créature qui est quelque part dans la maison. Elle n'a pas tort.
– Je ne connais personne ici.
Giacomo a refusé que Black, mon garde du corps, reste avec moi, et au début, j'avais pensé à faire venir Louisa pour qu'elle me tienne compagnie au moins durant une semaine, mais après ce que j'ai vu, il n'en est pas question. Si ma sœur vient ici, Giacomo ne manquera pas de l'utiliser pour faire pression sur moi.
– Tiens, pourquoi pas Mademoiselle Gayle ? C'est votre belle-sœur et elle est très gentille, un peu excentrique sur les bords, mais ça fera l'affaire.
– Gayle, la femme de Riccardo. C'est la meilleure amie de Cassandre.
– Oui et alors ?
– Alors, je ne crois pas qu'elle voudrait être mon amie. Après tout, je suis mariée avec l'homme que Cassandre aime.
Ateya fait une grimace.
– Les choses ne sont pas du tout comme on te les a présentées.
– Lui, avec Cassandre, il se comportait comme ça ?
– Oui, mais comme toi, elle le couvrait, par peur je présume. Elle a décidé de mettre un terme à tout quand elle est tombée enceinte. Cassandre voulait protéger l'enfant de la monstruosité de son père.
Je hoche la tête. Je ne peux pas lui en vouloir. Qui voudrait d'un homme comme Giacomo comme père de ses enfants ? Pourtant, avant mon mariage, les rares fois qu'on se voyait, il était gentil, très courtois. J'ai naïvement cru qu'à défaut d'un mariage d'amour, on pourrait construire une relation basée sur le respect mutuel. Mais un vrai cauchemar ! Cette relation ne mènera nulle part, mais je suis piégée à vie. Les divorces sont rares, quasi inexistants dans la mafia.
– Tu peux l'appeler pour qu'elle t'aide à organiser la fête, tu verras qu'elle est très gentille.
– Elle ne viendra pas. Intervient la fille d'Ateya qui était silencieuse depuis le début. De nous trois, c'est elle qui a été la plus traumatisée par la créature.
– Et pourquoi ?
– J'ai entendu dire que Monsieur Giacomo a essayé de la tuer. Il voulait se débarrasser d'elle pour que Monsieur Riccardo épouse Mademoiselle Adela. Comme ça, il allait rester avec Mademoiselle Cass. Mais Monsieur Riccardo l'a su et pour le punir, il a tué Madame Cora.
– Quoi ? Mais tu es en train de me dire que Riccardo a tué sa propre mère ?
Ateya intervient.
– Arrête de dire n'importe quoi.
– Mais c'est vrai.
C'est quoi cette famille ?
– Je ne veux plus t'entendre. Qui t'a appris à mentir ? Debout, va étudier, c'est mieux.
– Mais c'est vrai maman, c'est Sam qui me l'a dit.
Ateya se lève, elle tire l'oreille de sa fille et la conduit vers la sortie.
– Encore ce Sam. Combien de fois je t'ai dit d'arrêter de fréquenter les soldats de l'organisation ? Va dormir.
– Mais maman, j'ai peur de rester seule, ne me laisse pas je veux dormir avec toi, Mademoiselle Adela... à l'aide.
***
– Oublie pas, souris, raconte-leur à quel point tout est parfait. Sois heureuse ! La main de Giacomo sur ma taille me fait mal, je sens ses ongles à travers ma robe de cocktail. Mais je n'en montre rien, je souris sincèrement quand la limousine de mes parents contourne la fontaine, bientôt suivie par une autre voiture dans laquelle se trouvent les gardes. J'espère de tout cœur que Black est avec eux. Elle me manque tellement.
La limousine s'ouvre et la première personne à en descendre, c'est Frederico. Je me soustrais de la prise de mon mari en courant dans les bras de mon frère qui me rattrape en plein vol.
– Dela, bon sang, tu m'as tellement manqué.
Il me serre contre lui et malgré tous mes efforts, j'éclate en sanglots, j'enfouis la tête dans son cou, m'imprégnant de l'odeur de son parfum.
La main de mon grand frère se pose sur l'arrière de mon crâne, apaisant mes larmes.
– Tu m'as un peu manqué aussi.
Je réponds d'une voix nouée par l'émotion.
– Ne le dis à personne, mais je suis rentré dans ta chambre pour t'embêter, j'avais oublié que tu n'étais plus là. J'ai eu une poussière dans l'œil quand le silence m'a accueilli.
J'éclate de rire.
– Tu es la honte de la camorra, si nos cousins entendaient ça, ils feraient tout pour prendre ta place.
Il a un rire moqueur qui est interrompu par un raclement de gorge. Je me détache de mon frère pour regarder mon père. Aussitôt, mes larmes redoublent. Je n'ai jamais quitté la maison, et tout d'un coup, je passe deux horribles semaines sans les voir. Je sais que Giacomo les a invités que pour sauver les apparences, mais je lui en suis tellement reconnaissante.
– Papa...
Il presse affectueusement mon corps frêle contre sa carrure rassurante.
– Je veux rentrer à la maison. Je t'en prie.
– Voyons ma princesse, tu sais que c'est impossible. C'est ici ta maison désormais.
Ce n'est pas une maison, c'est un donjon, une prison, pire que l'enfer.
– Et moi, je compte pour du beurre ?
Je me retourne pour regarder maman, vêtue d'un tailleur-pantalon beige et d'un long manteau. Elle me tient bout de bras et m'analyse.
– C'est quoi cette couleur de cheveux ?
Merde ! Je regarde Giacomo, qui échange des banalités avec mon frère et mon père. Il a certes l'air absorbé, mais je sais qu'il surveille le moindre de mes faits et gestes.
Ma mère plisse les yeux, suspicieuse.
– Je... maintenant que... Je veux dire, tu as toujours refusé que je me teigne les cheveux.
– Vous entendez ça, Giacomo ? Maintenant qu'elle est loin de mon autorité, elle peut faire ce qu'elle veut, c'est ça ? Très bien.
– Luisa, tu ne me fais pas un câlin ?
– Je devrais ? attaque ma sœur. Tu n'as pas répondu à un seul de mes messages.
– Louisa, pitié.
– Quoi maman ? C'est comme si, après son mariage, elle ne voulait plus rien avoir affaire avec moi.
Tous les membres de ma famille soufflent en parfaite synchronisation, ce qui me fait rire et énerve ma sœur, qui déteste être considérée comme une gamine capricieuse. Ce qu'elle est !
– Je suis désolée, j'ai perdu mon téléphone, et j'ai tellement été débordée par... Je suis désolée. Mais Giacomo et moi avons des cadeaux pour toi, pour nous faire pardonner notre absence.
Elle pousse un hurlement et se jette dans les bras de Giacomo pour le remercier avant de disparaître dans la maison comme une fusée.
– Sacrée Louisa ! marmonne ma mère en calant son bras au mien alors qu'on se dirige vers la maison suivis des hommes. Je sens son regard inquisiteur sur mon profil.
– Quoi ?
– Tu sembles... différente.
– J'ai une nouvelle coupe de cheveux.
– Non, ce n'est pas ça. Je ne sais pas, mais il y a quelque chose.
– Je ne vais pas te mentir, maman, je suis triste. Tout est nouveau ici ; je ne connais personne. Mais Giacomo fait de son mieux pour m'aider.
– Ah oui ? Comment est-il ?
– Il est très attentionné.
Maman sourit en hochant la tête.
– Bien !
Dans la salle de bal de la maison, les invités de Giacomo sont déjà arrivés. Son père est près du bar, à son bras Emmanuella Attal, sa maîtresse du moment, ainsi que d'autres membres de la famille. Ma sœur, accompagnée d'Amy Gaviera, la fille du bras droit de la pieuvre, viennent vers moi ; elles me prennent chacune par le bras et m'éloignent des invités.
– Dela, Dela, dis-moi. Comment c'est ? Amy a une certaine ressemblance avec ma sœur. Elles sont toutes les deux blondes, un visage rond et des yeux verts. Très jolies, et je me doute qu'elles ont la même excentricité.
– Quoi ? Amy se rapproche, après avoir regardé autour d'elle pour s'assurer que personne n'écoute.
– Le sexe. J'ai entendu dire que la première fois fait mal.
– Tu as eu mal, toi ? termine ma sœur.
– Je... c'était passable.
– Passable ? s'écrient les deux adolescentes.
– La première fois est assez spéciale, mais vous le saurez bien assez tôt.
Vous le saurez peut-être bien avant moi.
Elles soupirent, je retiens mon rire avec beaucoup de peine. On dirait qu'elles ont préparé ce numéro pour être en parfait accord.
– Oui, mais tu connais la tradition, on doit se marier vierge. J'ai un petit ami, mais on n'a jamais franchi le cap. Ce n'est pas l'envie qui me manque, il est tellement sexy.
– Tu as un petit ami ? s'écrie ma sœur, indignée.
– Oui, il s'appelle Jack, il est tellement gentil. Il est parfait.
– Elle a le droit d'avoir un copain. Moi, Frederico menace de tuer tous ceux qui s'approchent.
– Personne n'est au courant, mise à part Gayle. Si Dante et Riccardo savaient, Jack serait déjà mort. Louisa soupire encore.
– Ton cousin et ton frère sont tellement beaux, dommage qu'ils ne soient pas là.
– Dante est horrible, mais Riccardo, par contre, il est beau. Ton frère aussi n'est pas mal. Louisa fait mine de vomir.
– Ce truc-là ? Quelle horreur. Au loin, Giacomo me lance un regard severe, je degluti malgré mon sourire de facade.
– Bon, les filles, vous êtes d'excellente compagnie, mais je vous laisse.
– Et mes cadeaux ?
– Je vais aller les chercher dans la chambre. Je m'éloigne alors qu'elles continuent de parler de garçons. J'envie leur insouciance. Maintenant, la seule chose à laquelle je suis capable de penser, c'est au moment où Giacomo me remettra dans ma boîte.
Alors que je me rapproche des parents d'Amy pour les saluer, je tombe nez à nez avec Dante, le cousin de mon mari, qui se planquait derrière une statue représentant un lion.
– Passable ? Il se rapproche, me prenant au dépourvu. Première fois ou pas, si le sexe est passable, c'est que votre partenaire s'y prend mal. Le rouge me monte aux joues, il a entendu ce que j'ai dit.
– Je t'ai embarrassée, désolé, je n'ai pas pu m'empêcher d'écouter.
– C'est toi qui devrais être embarrassé d'écouter les conversations des autres. Il sourit à nouveau, et je ne sais pas pourquoi, mais un sentiment étrange prend possession de moi. Je déglutis en regardant ses yeux d'un bleu irréel.
– Touché. Tu as quelque chose de changé.
– Ma couleur de cheveux.
– C'est bien plus profond que ça. Il m'analyse longuement avant de claquer des doigts devant mon visage.
– Tes yeux, c'est ça. On dirait qu'ils sont éteints.
Ce sont des yeux, connard, pas un lustre.
Je serre les dents, mais pour qui il se prend ? Il ne me connaît même pas et me sert ça sur un plateau.
– Dante, profitez de la fête. Il arque un sourcil, il est sur le point de répondre quand une femme vient le rejoindre. Je reconnais ma cousine Cristale. Cette garce représente tout ce que je hais, mais je vais devoir me farcir sa face suffisante comme je l'ai toujours fait, parce que son père, mon oncle, est l'underboss du mien.
– Très jolie maison, Adela. C'est un cadeau de ton cher mari pour se faire pardonner de s'être trompé de nom. Cassandre.
Cristale termine sa phrase avec un énorme sourire.
Je m'éloigne sans répondre, me sentant humiliée par sa remarque stupide, d'autant plus que Giacomo Gaviera ne s'est même pas excusé d'avoir humilié ma famille avec sa boutade dont, j'en suis persuadée, en est pas une.
Prenant une grande inspiration, je me rapproche de lui. Giacomo est en grande conversation avec mon père et mon oncle. Ils boivent ses paroles, le regardent avec adoration. Je ne peux pas leur en vouloir : Giacomo est très charismatique. En société, il sait parfaitement se tenir. Le masque qu'il met en présence de tout le monde le rend sympathique ; on lui donnerait le bon Dieu sans confession.
Quand il me voit, un sourire étire ses lèvres. Il m'attire à lui en posant une main sur ma taille.
– Adela, les joies du mariage te rendent radieuse. Je souris à mon oncle.
– Merci.
Deux heures plus tard, je profite que Giacomo soit occupé à déployer ses charmes pour m'éloigner de la salle de bal. Je retire mes escarpins quand j'arrive dans le jardin, poussant un soupir de bien-être quand mes pieds foulent l'herbe humide.
Plus le départ de ma famille se rapproche, plus j'ai envie de pleurer de détresse. J'ai peur de craquer et de les supplier de me prendre avec eux. Je ne doute pas qu'ils prendront cela comme les caprices d'une fille qui a du mal à couper le cordon, mais Giacomo, lui, saura que je suis sérieuse. Durant toute la soirée, j'ai senti son regard menaçant sur moi. Je sais que dès que tout le monde sera parti, il me fera regretter mon attitude.
Au début, Ataya et moi avions d'abord pensé que la réception devait se faire dans le jardin. À cause des conditions météorologiques très incertaines sur cette île, j'ai fini par changer d'avis. L'argent et l'influence de mon mari ont certains avantages : il nous a fallu à peine deux heures pour tout mettre en place.
Je laisse librement mes larmes dévaler sur mes joues. Je déteste cet endroit, je n'ai aucun ami, personne vers qui me tourner.
Je suis seule et misérable.
Et si j'en parlais à Frederico ? Cette pensée me tire une grimace. Je me mordille l'index. Cette impression d'être dans une impasse est horrible.
J'adore mon frère, mais c'est une tête brûlée. Si je lui dis, il logera une balle dans la tête de Giacomo, ce qui provoquera inévitablement une guerre. Je dois me débrouiller seule. Il faut que je réussisse à le séduire, à gagner sa confiance. Mais comment ? Je ne suis pas ce qu'on pourrait qualifier d'une femme fatale. Je suis même très quelconque. Et Giacomo ne fait même pas l'effort de cacher la répulsion que je lui inspire.
Je pose la main sur mon cou et referme mes doigts sur mon médaillon. Quand je suis enfermée dans la malle, seule lui et ce qu'il représente me poussent à être forte et à ne pas me laisser envahir par la folie.
Alors que je m'éloigne de plus en plus de la maison, j'entends du bruit, comme un gémissement, si imperceptible que j'ai l'impression d'avoir rêvé. Je tends l'oreille dans l'espoir de l'entendre à nouveau, mais rien. Sûrement des insectes. Je m'assois sur l'herbe, ramenant mes jambes contre mon torse.
J'ai tout l'air d'être seule ici. C'est parfait. Je vais profiter de quelques instants de liberté.
Je prends une gorgée de mon cocktail. Il est très bon, mais le goût est beaucoup trop chimique. J'aurais voulu quelque chose de plus fort, mais Giacomo m'a surprise en train de me servir et il m'a discrètement pris le verre d'alcool des mains. Je présume qu'il a peur que je perde le contrôle et que je dise à tout le monde tout ce qui se passe entre ces quatre murs quand nous sommes seuls.
La créature.
– ... Him, oui.
J'écarquille les yeux. Je n'avais pas rêvé. Le bruit de tout à l'heure. Poussée par la curiosité, je me lève et mes pas me conduisent vers l'auteur du bruit, ou je devrais dire les auteurs.
Sur l'une des tables en bois installées dans le jardin, où généralement trônent des fleurs et une lampe, se tient un couple.
D'ailleurs, le pot de fleurs comme la lampe sont brisés sur le sol. Je doute que ça plaise à Ataya. Je grimace, me rappelant que c'est moi la maîtresse de maison, mais sérieusement, cette baraque ancestrale pourrait partir en fumée que je n'en aurais rien à faire.
– Mince, c'est trop bon de t'avoir en moi, so good !
Je secoue la tête, ayant l'impression d'être dans un univers parallèle.
L'homme pousse un grognement, il a les mains de chaque côté de la tête de sa partenaire. Je suis incapable de détourner mes yeux de ses mains, d'ailleurs. Elles sont grandes, sillonnées de veines, avec des ongles propres. Des mains d'homme magnifiques qui me fascinent plus qu'elles ne devraient.
Dégage de là, Adela.
Il bouge au-dessus d'elle, le visage crispé par le plaisir. Je me mords la lèvre et mon cœur se met à battre la chamade. Mon visage devient tout brûlant.
Une intense chaleur explose dans mon bas-ventre et le désir se met à pulser en moi.
La femme enroule ses jambes autour de la taille de l'homme, et ce dernier pousse en elle, ses mains se crispant sur le coin de la table.
Une flèche de désir me prend au dépourvu, et un son s'échappe de mes lèvres avant que je n'aie le temps de le retenir.
J'ouvre la bouche pour remplir mes poumons d'air. C'est le moment de partir, mais, je ne sais pas pourquoi, je suis incapable de bouger.
L'homme, sûrement alerté par le bruit que j'ai fait, lève la tête, ses mains agrippant le coin de la table. J'écarquille des yeux.
Bordel, c'est Dante Gaviera ! La surprise se peint sur son visage avant d'être remplacée par une expression sauvage. J'ai l'impression que ses yeux, semblables aux miens par leur couleur mais si différents par cette noirceur qui semble imprégner chaque homme de cette famille, deviennent plus sombres. Il se mord la lèvre avant d'expirer. Son regard se promène sur mon corps, laissant une marque de feu à chaque endroit où il s'attarde.
Ses lèvres bougent, et j'arrive à y lire mon prénom.
Bon sang. Je serre les cuisses, et ma réaction ne lui échappe pas. Ses yeux suivent mon geste et je vois son regard devenir luisant de désir.
– Tu deviens de plus en plus gros en moi, c'est merveilleux...
Sa compagne pose ses mains sur ses épaules, comme pour attirer son attention. Dante bouge des hanches avec un gémissement. Il ferme brièvement les yeux avant de les sceller à nouveau aux miens. C'est la voix de Cristale, non ? Oui, je suis sûre que c'est elle. Je reconnais ses cheveux sombres, même si de là où je me trouve, je n'arrive pas à distinguer ses traits.
Je serre plus fort le verre, incapable de me soustraire à cette scène.
Et cette façon qu'a Dante de me regarder. C'est comme si c'était à moi qu'il faisait l'amour.
J'ai l'impression de le sentir dans toutes les fibres de mon corps. C'est à la fois déstabilisant et... Et terriblement excitant.
Bon sang, Adela, qu'est-ce que tu fabriques ? On dirait une obsédée sexuelle. J'amorce un mouvement de recul. Il faut que je parte, cette situation n'est pas correcte. Ça ne se fait pas de rester là à observer des gens comme si je regardais un film quelconque au cinéma.
– Non, reste...
La voix de Dante se brise à la fin de sa phrase. Cette voix grave agit sur moi comme une décharge électrique, parcourant chaque parcelle de ma peau.
Je ne me demande même pas pourquoi il me demande de rester, ni pourquoi il me regarde comme ça.
Je note seulement cette façon presque désespérée qu'il a eue de me supplier de rester.
– Je suis là, je suis là, je n'irai nulle part, bon sang, plus fort !
La fille gémit de plus en plus fort. Pourtant, il ne s'adresse pas à elle. C'est à moi qu'il parle. Pourquoi ? Pourquoi veut-il que je reste ? Je n'y comprends rien, ce n'est pas correct.
Jouer les voyeuses n'a jamais été dans mes fantasmes.
Et pourquoi je perds mon temps à réfléchir ? C'est ridicule. Pars loin d'ici, c'est tout, idiote.
Une brise nocturne se lève, rejetant mes cheveux en arrière.
– Re... Regarde-moi.
Comme mue par une force invisible, je me tourne vers lui. Il s'enfonce en elle de plus en plus vite, sans jamais me quitter des yeux. Le silence de la nuit est perturbé par les cris de la fille, les grognements de plaisir de Dante, le bruit de deux corps qui se rencontrent et ma respiration saccadée.
Mes seins deviennent durs, les parties les plus intimes de mon corps se contractent dans le vide, en proie à un désir incontrôlable, cherchant à être comblées.
Peut-il voir ce qu'il fait à mon corps à cette distance ? C'est égoïste, mais je veux qu'il laisse tomber sa partenaire, qu'il vienne à moi, qu'il me prenne dans ses bras, me couche sur l'herbe et me pénètre d'un vigoureux coup de reins. Je veux le sentir en moi comme jamais je n'ai voulu sentir un homme.
Je veux qu'il comble le vide dont j'ignorais l'existence.
Voulait-il la même chose ? À quoi pense-t-il en me regardant de façon aussi obscène, inappropriée ?
Je ferme les yeux, portant la main à mon cou pour saisir mon pendentif.
Il n'est pas là. J'ai dû le faire tomber.
– Ouvre les yeux, regarde-moi. Donne-moi au moins ça...
J'obéis, incapable que je suis de ne pas céder à cette voix pleine de désir. Incapable que je suis de m'en aller, incapable que je suis de faire quoi que ce soit d'autre que d'assister, impuissante, à la reddition de mon corps qui se consume de désir.
Dante donne un vigoureux coup de rein à sa partenaire avant de se mettre à trembler. Elle plante ses ongles dans ses épaules avant d'attirer ses lèvres contre les siennes, brisant ainsi notre contact visuel.
J'en profite pour fuir.
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