Tony Rivera

Je suis réveillée par le bruit de la porte. Un regard de Derreck, puis un signe de tête, et je saute hors du lit.

Il me lance un Glock et des munitions. Je vérifie que l’arme est chargée, puis je glisse le reste des munitions dans ma poche. J’aime beaucoup les armes à feu, mais je préfère les armes qui poussent à un rapprochement, comme les couteaux. J’adore trancher des gorges et voir la vie déserter les yeux de ma victime et son sang, rouge et chaud, s’écouler sur mes mains.

Mais aujourd’hui, le but n’est pas de tuer mais de s’évader de cet endroit avec un prisonnier protégé par le gouvernement. Pour moi, qui ai la réputation d’être un vrai boucher, ça va être un vrai challenge de ne zigouiller personne.

– Bonne chance, Ricky. Je me suis occupé des caméras, tu as moins de 20 minutes, il faut faire vite. Je hoche la tête.

J’ai un tic nerveux. Ma main saisit Derreck par le col et je plaque l’arme contre son front. Je déteste ce maudit surnom, puis quelque chose, ou plutôt quelqu’un, me vient en mémoire. Je le relâche, il faut que j’arrête d’agir comme un idiot, j’ai besoin de lui.

– Il faut que tu fasses quelque chose pour moi.

Quand je soumets ma demande à Derreck, il devient blanc comme un linge.

– C’est impossible.

– Débrouille-toi et je te paierai grassement.

Je pourrais menacer sa vie ou celle de sa famille, mais parfois ça ne marche pas. Et le point faible de Derreck, c’est l’argent.

– Vraiment ?

– Les Gaviera n’ont qu’une seule parole. Il hoche la tête. Je fourre mon couteau et la bague offerte par la Pieuvre dans ma poche.

J’ai autant de parole que les tentacules d’une pieuvre, mais il n’a pas besoin de le savoir.

Derreck sort en premier, j’attends deux minutes avant de sortir de ma cellule. Ayant étudié les plans de la prison, je n’aurai aucun mal à me repérer. J’ai 20 minutes avant que les caméras ne se remettent en marche. Je dois maximiser mon temps.

Je remonte les immenses dédales bordés par les cellules en isolement en lisant les inscriptions. Ce n’est pas la première fois que j’effectue ce genre de mission ; la première fois, c’était dans une prison pour femmes, j’étais chargé d’éliminer une détenue qui devait beaucoup d’argent. J’ai été embauché sans problème pour travailler à l’hôpital comme infirmier.

Le problème, c’est qu’à l’époque j’étais jeune et ma queue dirigeait ma vie. Alors me retrouver dans un lieu bondé de filles aux tempéraments explosifs qui n’hésitaient pas à me faire des avances parce que je suis foutrement sexy et que les hommes manquaient à l’appel...

J’en ai oublié ma mission. Les détenues se blessaient volontairement pour venir se faire soigner.

Évidemment, j’ai repris mes esprits avant de me faire virer, ce qui était inévitable si je continuais à culbuter des femmes sur le lit de l’infirmerie. J’étais peut-être con, mais j’avais une peur bleue de mon paternel à cette époque. J’ai fini par reprendre mes esprits et j’ai zigouillé ma proie. Ironie du sort, j’ai été viré le jour même parce que la directrice de la prison m’a surpris en plein orgie avec deux détenues.

Je me rappelle encore les mots de la directrice de la prison :
"Vous avez été embauché pour soigner les détenues, pas pour copuler avec elles."
Cette vieille folle n’était pas drôle !

Je franchis l’escalier en fer qui mène au premier niveau deux à deux. Au sommet, j’ai la surprise de tomber nez à nez avec un gardien. Ses yeux globuleux plongent dans les miens.

Les choses se passent en une fraction de seconde. Je dégaine avant qu’il ne le fasse et tire, remerciant Derreck de m’avoir fourni un modèle muni d’un silencieux. J’allais le dépasser quand une idée me traverse l’esprit. À la vitesse de l’éclair, je commence à le dépouiller de son uniforme.

Il est assez petit pour moi, mais ça fera l’affaire. Je continue mon chemin en bouclant ma ceinture. L’adrénaline courant dans mes veines, je lis les inscriptions rapidement. Je ne trouve pas la cellule que je cherche.

J’entends soudain des voix. Je me dépêche de me cacher dans un renfoncement du mur, le cœur battant à tout rompre à cause de cette excitation que je ressens toujours quand je suis au cœur de l’action. Deux gardiens passent à côté de moi sans me voir, ils parlent de l’Euro qui va débuter dans un mois. L’un d’eux souhaite que l’Italie, tenante du titre, le garde, mais l’autre est persuadé que cette année, l’équipe du pays n’est pas assez forte.

Celui qui soutient l’Italie s’arrête brusquement. Bordel, pas ça.

Il se met à donner des arguments foirieux contre les autres participants de l’Euro. Je commence à perdre patience, ils vont rester là pendant combien de temps ?

J’ajuste mon arme, je n’ai pas le choix. Je suis sur le point de tirer quand son compagnon enroule une main autour de ses épaules et ils se remettent en marche.

– Ne te mets pas dans cet état, c’est que du foot !

Il s’arrête à nouveau.

– Que du foot ? Tu te moques de moi ?

Fait chier. Ils se foutent de moi ?

– Bon, ça suffit, partons, je crève la dalle.

J’abaisse mon arme quand il réussit à traîner son compagnon loin du danger invisible que je représente pour eux.

Putain, toujours rien. Ma frustration est en train de se transformer en rage, il me reste moins de 10 minutes. Où est donc cette foutue cellule A18 ?

Je regarde derrière moi pour m’assurer qu’il n’y a personne. Confrontée à la longueur du couloir calme et brillamment éclairé, j’ai un flashback du jour où j’ai fait peur à la petite serveuse à l’hôpital. Je me mets à rire, elle me manque putain. Je serais prêt à réduire cette prison en cendres pour la revoir.

Je fais passer mon Glock dans mon autre main avant de grimper l’escalier pour me rendre au deuxième niveau. Cette fois, je n’ai pas de surprise, juste un calme angoissant et plusieurs lampes défectueuses. La cellule A18 se trouve au bout du couloir. Comme la plupart des cellules d’isolement, c’est une lourde porte en fer gris, pas des barreaux qui laissent entrer la lumière. Le but de ces lieux est de rendre complètement barge, faire perdre aux détenus la notion du temps. Je surveille mes arrières en insérant la clé dans la serrure. Elle cède sans effort. Bien, jusque-là Derreck ne m’a pas roulé. Je pousse la porte et je pénètre à l’intérieur avant de refermer derrière moi.

Tiens, tiens. Si ma cellule est une véritable maison de souris, celle-ci est un vrai palace en comparaison. Leonel est installé derrière un bureau où il regarde une série via un ordinateur. Il a un lit deux places, de la moquette et même un mini réfrigérateur.

Décidément, ces gens sont prêts à tout lui accorder pour qu’il nous balance. Il me regarde perplexe, s’attendant certainement à ce que je dise quelque chose ; il doit me prendre pour un garde venu lui faire la courbette.

Soudain, son regard s’éclaire. Il pose les yeux sur mon tatouage, la pieuvre monstrueuse à la base de mon cou, qui a l’une de ses tentacules enroulée autour d’un revolver et l’autre autour de la manche d’un couteau.

Une pure terreur s’empare de son petit corps. Il murmure mon prénom, comme si le dire à haute voix rendrait les choses plus réelles. J’ai travaillé toute ma vie pour inspirer une peur comme celle-ci aux ennemis de l’organisation.

Cinq mois, putain. Cinq mois que je suis enfermé dans cet enfer, loin de ma reine, dans l’attente de cet instant. La joie malsaine que je ressens face à ma proie est indescriptible, mais j’aurai tout le temps de jubiler plus tard. Il faut d’abord que je sorte d’ici avec lui, de préférence, pour que ma dette auprès de la pieuvre soit payée.

– Salut mon pote, je déclare avec nonchalance en me dirigeant vers lui.

Putain, j’ai envie d’une clope.

Il se lève de son siège, le faisant tomber au passage, et se dirige vers le lit sans jamais me quitter des yeux. J’ai toujours dit à la pieuvre que ce type n’était pas digne de confiance. Un vrai "made man" ne baise pas avec les flics. Non seulement il a baisé avec le gouvernement, mais il a cherché à s’allier avec eux pour enculer la Cosa Nostra. Gravissime erreur, il aurait pourtant dû savoir qu’on n’échappe pas à la mafia, surtout quand cette mafia est gouvernée par les Gaviera.

– Tu es Riccardo Gaviera, oui, c’est toi, je me rappelle de ton tatouage.

Je plisse les yeux avant de sourire.

– Là, je suis vexé. Tu ne te rappelles pas de mon visage d’ange ? Mais je suis sûr que tu te rappelles de ce que je fais à mes ennemis.

Sa main se déplace pour atteindre le mur. C’est là que je remarque le bouton rouge, sûrement mis là pour qu’il alerte les gardes s’il a besoin de quoi que ce soit. Le prenant de vitesse, je tire sur sa main. Il pousse un cri que j’ai bien envie d’étouffer en lui tirant dans la bouche, mais je réussis à me contenir. Je ne suis pas une bête tout de même !

En quelques foulées, je suis devant lui. Je l’assomme avant de le retourner sur le dos. J’extrais de ma poche la bague que m’a donnée la pieuvre. C’est un modèle simple avec une espèce de boule de cristal au centre contenant une drogue assez puissante pour endormir un cheval. Je m’accroupis à côté de Leonel, j’actionne le mécanisme de la bague et je pince ses joues avant de faire couler tout le liquide dans sa bouche.

Franchement, je m’ennuie dans cette maudite prison. J’aimerais être confronté à quelqu’un de combatif. J’aurais peut-être dû donner à ce pauvre diable de Leonel l’occasion de montrer sa valeur avant de lui tirer dessus et de l’assommer. Je le soulève et le charge sur mon épaule comme un sac de pommes de terre. Je grimace quand la douleur dans mes côtes devient insoutenable. Big Show ne m’a pas raté, putain.

J’ouvre la porte et, après m’être assuré qu’il n’y avait personne, je m’engage dans le couloir, une main posée sur le corps de Leonel et l’autre fermement refermée autour du Glock. Pour quelqu’un qui vivait comme un prince, il est foutrement maigre. Même blessé comme je suis, je n’ai aucun mal à avancer avec lui. À une époque, je l’ai connu bien en chair, c’était avant qu’il oublie que l'héroïne, il fallait la vendre, pas se l'injecter.

Comme convenu, Derreck m’attend devant la porte de ma cellule. On échange un rapide coup d’œil et il me demande de le suivre.
On emprunte la cage d’escalier, je dévale les marches aussi rapidement que me le permettent mes blessures et mon fardeau. De ce côté-ci de la prison, les murs en pierre sont vides de toute peinture, et il émane dans l'air une odeur lourde et désagréable. On dirait presque le sous-sol de la maison ancestrale des Gaviera, là où réside le Don.

Derek, aidé d’un impressionnant trousseau de clés, ouvre une grille. Il me souhaite bonne chance ; il ne peut pas aller plus loin, il a fait sa part du marché. Je hoche la tête en guise de réponse avant de sortir. Dehors, l’air me fouette le visage, comme s'il allait pleuvoir. Je me dépêche de me diriger vers l’avant, là où se trouve l’énorme camion de livraison. Je jette un coup d’œil au garde tenant un fusil d’assaut poster sur la muraille ; il a le dos tourné, mais je décide de longer le mur. Si on me chope, ce n’est pas bien grave, des détenus tentent de s’échapper tous les jours, mais si on me chope avec Lionel sur l’épaule, là c’est putain de grave.

Le chauffeur du camion, que je reconnais comme l’un des hommes de la pieuvre, me fait signe de me dépêcher quand il me voit. Je me dirige vers l’arrière et lance mon fardeau à l’intérieur avant de grimper à mon tour ; entre-temps, le chauffeur est descendu pour fermer la porte arrière. Mon souffle se relâche quand il démarre et commence à avancer. Il s’arrête, attendant probablement que les gardes ouvrent le portail pour nous permettre de sortir. Il repart au bout de quelques secondes qui ont pourtant paru une éternité. Au même instant, l’alarme retentit ; soit ils ont trouvé le corps du garde, soit ils se sont rendu compte que Lionel manque à l’appel. Le camion prend de la vitesse ; on roule sur une route cahoteuse. Je me retiens autant que je peux pour ne pas être ballotté partout. Maintenant, je sais ce qu’a ressenti Gayle quand je l’ai foutu dans le coffre.

En moins d’une dizaine de minutes, le camion se gare. J’entends la portière claquer, puis le chauffeur vient ouvrir. Pedro apparaît bientôt à côté de lui.

– Il faut changer de véhicule, l’alerte a été donnée en prison, je ne serai pas étonné qu’ils envoient une patrouille pour fouiller le camion.

Tout en parlant, le chauffeur saisit Lionel et se dirige avec lui vers le SUV. Je saute hors de la voiture avant de faire une brève accolade à mon vieil ami. Je tire Jack par les cheveux et le jette sur mon épaule. Ce maudit gamin est toujours inconscient, il ne cille même pas. Je me demande ce que Derek lui a administré, mais c’est parfait, je n’aurais pas supporté ses bavardages.

– Ils ne t’ont pas raté, dit Pedro en avisant mon visage.

Je fais la moue, balance Jack sur la banquette arrière avant de grimacer un sourire.

– Ce ne sont que des égratignures comparées à ce que j’ai fait.

On se dirige d’un pas rapide vers l’avant de la SUV. Je saute derrière le volant et Pedro prend place à côté de moi. Il boucle sa ceinture, il connait ma façon de conduire, avant de parler.

– Prépare-toi. J’en connais une qui a imaginé 100 façons de te tuer, surtout depuis qu’elle sait pour le garde du corps.

Je grimace. Je savais qu’elle n’allait pas apprécier, mais je n’avais pas le choix. Cela me rendait complètement fou d’être enfermé dans cette prison et de savoir que je suis incapable de la protéger. L’imaginer seule, en proie à mes ennemis, augmentait ma paranoïa. J’ai besoin de tout contrôler pour avoir un semblant de paix.

– Comment elle va ? demande-je à Pedro, nous empruntant une route déserte à une vitesse qui ne semble pas le rassurer. Plus vite j’arriverai en Sicile, mieux je me sentirai.

– C’est Gayle.

Oui, c’est la seule réponse acceptable. Gayle, aussi belle que forte, avec une innocence aussi fausse que la beauté d’un poison. Je l’ai bien formée. Elle a réussi à échapper à Dominguez et à sauver Rebecca. Elle est forte, je ne doute pas qu’elle soit capable de se sortir de chaque situation dangereuse. Mais ce qui m’inquiète, c’est sa capacité presque naturelle à se mettre dans des situations compliquées.

Bordel, tout mon corps trépigne d’impatience à l’idée de la revoir, alors même que je sais qu’elle va me faire la peau. Je plisse les yeux.

Oh, elle n’y arrivera pas, mais je la laisserai essayer.

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