Stella
– Alors, tu es contente ?
– Et toi ?
– C'est moi qui ai posé la question en premier, Stella.
– Oui, je le suis.
Non, je ne le suis pas. Je me sens sale, comme si on avait abusé de moi. Ce n'est pas le cas, j'ai cherché ce qui s'est passé avec cet homme. Mais c'était horrible, je n'ai rien ressenti, et pire, je n'arrête pas de faire des comparaisons avec Franco. Il me manque, je cherche de l'affection auprès d'inconnus pour essayer de retrouver ne serait-ce qu'un atome du désir que je ressentais avec lui. Le plaisir qu'il me donnait avec ses mains, sa bouche...
– Je vais faire un tour aux toilettes. Il tente de m'embrasser mais je me dérobe. Je ne m'embrasse pas, c'est beaucoup trop intime, c'était réservé à Franco.
Je m'enferme dans la salle de bain et me glisse sous la douche brûlante. Comme à chaque fois que je baise avec un homme, je me mets à pleurer. Mon cœur se serre, mon corps picote et un torrent de larmes inondent mes joues. Je pleure sur l'amour de ma vie perdu à jamais. Il a préféré se battre pour une autre alors que je lui aurais tout donné. Mon cœur, mon corps, mon âme. Je l'aimais comme on ne devrait pas aimer, mais il ne l'a jamais vu. Pour lui, je n'étais qu'une amie avec qui il baisait.
Je hoquete en sortant de la douche, je me lave le visage, mes yeux rougis, et je me brosse vaguement les dents, comme pour me débarrasser du goût de la queue de l'inconnu qui se trouve sur mon lit.
Pourquoi je m'acharne à passer d'homme en homme ? Je ne retrouverai jamais ce que j'ai perdu.
– Stella, ton téléphone. Je passe le doigt sur ma balafre qui court sur mon visage, la rage au ventre, avant de sortir.
– Tu devrais partir !
Je ne me souviens pas de son nom, quelle importance ? Pour moi, ce n'est qu'une queue sur pattes.
– C'est une blague ? Tu veux que je parte ? Il semble vraiment blessé.
– Oui, je veux que tu partes. Tu veux un dessin ? Il se lève, fou de rage. Il récupère ses vêtements. Je m'installe sur le lit, en récupérant mon téléphone.
– Tu veux que je parte après ce qu'on a fait ? Tu ne veux pas recommencer.
– Non, je ne couche jamais deux fois avec le même homme.
Il se met à rire.
– Tu n'es qu'une pute en vrai. Ça me dégoûte. Il se dirige vers l'entrée alors que je récupère mon arme sous l'oreiller.
– Hey. Le blondinet tourne la tête dans ma direction, je lui tire une balle sur le visage. Avant de me désintéresser de lui alors qu'il s'effondre sur la moquette.
C'est mon père qui m'a appelée. Qu'est-ce qu'il me veut ? Je ne ressens plus que haine et dégoût pour lui. C'est un homme faible et les faibles ne méritent pas mon respect.
– Père, je dis dès qu'il décroche.
– Viens me retrouver, j'ai à te parler. Je raccroche avant de m'habiller d'une jupe sombre taille haute et d'un haut de la même teinte.
Quand j'arrive chez ma belle-mère, trente minutes plus tard, la première chose qui attire mon attention, ce sont les deux gardes face contre terre. J'arque un sourcil. Ces deux hommes etaient au service de mon père depuis des années.
Je grimpe les quelques marches. Dans la maison, il y a une ambiance bizarre. Joanna, l'ex-femme de mon père, est installée sur le canapé. À côté d'elle, ses enfants sont paisiblement endormis. Mon père compte à lui tourne en rond comme un lion en cage . En pantalon sombre et chemise dont les boutons sont défaits.
– C'est maintenant que tu débarques ?
– J'avais un corps à planquer. Pourquoi tu m'as fait venir ? J'espère que ce n'est pas pour jouer à la famille parfaite.
Joanna louche dans ma direction avant de se détourner en regardant ses jambes. Elle a peur de moi, et avec raison. Joanna était l'une des amies de ma mère, elle l'a trahie en s'envoyant en l'air avec mon paternel. Aujourd'hui, maman a refait sa vie, elle est heureuse. Mais je n'arrive pas à pardonner la femme qui a été l'une des actrices de mon malheur.
– Riccardo Gaviera était là !
Un frisson me parcourt. La pieuvre de l'ombre dans notre monde. Les Gaviera sont des légendes vivantes. Don Gieusé, la pieuvre, a forgé cette légende quand il a éliminé son père qu'il jugeait trop faible pour redorer le blason de la mafia dans son intégralité.
Giacomo, qui sera la nouvelle pieuvre, n'inspire aucune crainte.
Mais Riccardo... Lui, sa réputation n'est pas à refaire. Il est le digne fils de Gieusé Gaviera, mais en pire. J'ai eu l'occasion il y a longtemps d'assister à l'un de ses célèbres excès de rage. Il a fait flambé un hôtel entier sans ciller. Un tueur charismatique dont les scènes de crime sont toujours impeccables. Mon idéal masculin en quelque sorte, mais malheureusement pour lui, le respect que je ressentais pour lui s'est transformé en haine.
– C'est lui qui a tué les hommes.
Ce n'est pas une question. Riccardo sème le chaos partout où il passe. Ce n'est pas qu'une légende urbaine. Il est le chaos. Je regarde mon géniteur, sa main... Je ne l'avais pas remarqué, mais elle est bandée. Il est blessé.
– Il t'a tiré dessus ?
– Oui, il est venu nous avertir de ne plus nous approcher de sa femme. Stella, je crois vraiment qu'il n'a rien à voir avec la mort de Franco.
Je le regarde longuement avant d'éclater de rire. Putain, j'ai besoin de me saouler.
– Combien même il n'a rien fait à Franco, et ses deux hommes dehors. Il s'est permis de pénétrer chez toi et de te tirer dessus. Tu vas laisser une autre humiliation passer ?
– Stella, j'admire ta hargne. Mais on ne déclare pas une guerre à plus fort que soi.
– Nous sommes une organisation puissante. Il suffit juste de se donner les moyens de faire entendre notre voix et d'imposer le respect !
– Je ne ferai rien de tel.
Je prends une très grande inspiration. Cette situation est beaucoup trop frustrante pour moi.
– Pourquoi m'as-tu appelée dans ce cas ?
– Je tenais juste à te prévenir. Je ne veux plus de problème avec la Cosa Nostra. Je connais ta petite fixette pour eux.
– Une petite fixette ? Je m'avance jusqu'à lui pour lui faire face.
– Ils ont tué l'homme de ma vie, tu appelles ça une petite fixette ? Pourquoi, père, pourquoi minimises-tu constamment ce que je ressens ou ce que je fais ? Je suis le cerveau de cette organisation, ma volonté compte.
– Tu es ma fille, c'est la seule raison pour laquelle tu fais partie de l'organisation. N'oublie pas où est ta place.
– Et quelle est ma place ? Je devrais juste me faire jolie et me taire.
– Jolie ? Tu as eu le malheur d'hériter des traits de ta mère. Et cette balafre dégoûtante n'arrange pas les choses.
Je serre les poings, folle de rage.
– Je te trouve bien audacieux de vouloir m'humilier quand tu cours la queue entre les jambes en présence d'un Gaviera. Je porte fièrement mes cicatrices, elles attestent que moi, au moins, j'ai eu le courage de me battre.
Une gifle violente claque contre ma joue, proche de mon oreille.
– C'est tout ? Frappe encore, frappe plus fort. Montre-moi quel grand homme tu es ! Frappe-moi papa !
– Sors d'ici. Il hurle d'une voix vibrante de colère, je ne veux plus te voir. Oublie ta place au sein de l'organisation.
– Je n'ai jamais eu de place. Tu ne m'as jamais officiellement donné la place qui me revenait de droit. Jamais !
– Assez, sors d'ici !
Je prends une profonde inspiration. Je me sens humiliée. Comme toujours, chaque fois que j'ai une conversation avec mon paternel, qui me prend constamment pour une moins que rien. J'ai l'impression que toutes ces années où il m'a minimisée défilent devant mes yeux. Jamais il ne m'a considérée à ma juste valeur. Jamais mon potentiel n'a été reconnu. Je suis une femme pas assez jolie pour être vendue dans le but de forger des alliances, mais assez intelligente pour être l'une des conseillers du parrain, dans l'ombre. Il y a toujours un rideau sur toutes mes actions.
Au fil des années, ils se sont approprié le mérite de mon labeur.
Devant la porte, je m'arrête pour le regarder.
– Petite, je te considérais comme mon héroïne, je voulais être comme toi. Puis tu as commencé à tromper maman sans faire le moindre effort pour te cacher. Elle est devenue dépressive, suicidaire à cause de toi. Tu as brisé mes illusions de petite fille. À cause de toi, j'ai arrêté de croire au prince charmant. Pourtant, malgré tout ce que tu m'as fait, c'est la première fois que tu me dégoûtes. Ta vue me donne envie de gerber.
Sans lui laisser le temps de réfléchir, je saisis l'arme coincée sous ma ceinture et me déchaîne, déchargeant le chargeur sur le corps de ce lâche.
Johanna n'arrête pas de hurler, mais ça ne m'arrête pas. Je suis prise par une sorte de folie meurtrière. Une digue longtemps fermée vient d'exploser, et avec elle toute ma haine.
À bout de souffle, je ramène mon bras armé contre moi en respirant de manière erratique. Mon père, criblé de balles, est sur le sol.
– Oh mon Dieu, Stella, tu as tué ton père.
Je me mets à rire en m'avançant vers elle.
– Non, je n'ai pas tué mon père. Riccardo Gaviera est venu ici, il a tué les gardes et le chef de la Sacra Corona Unita. Tu as compris ?
Elle tremble comme une feuille dans son peignoir en soie blanche, mais elle me regarde, les épaules carrées en arrière.
– Alors ? J'insiste en me penchant pour être à sa hauteur.
– Non, je dirai à tout ce monde le monstre que tu es !
– D'accord. Je saisis brusquement son fils par le cou et lui tire une balle au niveau du cœur. Bien plus qu'un moyen d'intimidation, j'élimine la menace. C'est certes un petit garçon, mais ça reste un homme, héritier potentiel de mon père.
– Ferme-la ! j'intime, agacée par ses hurlements. Je pose mon arme sur la fille.
– Maintenant, ma petite Joanna, tu vas répéter après moi : Riccardo Gaviera s'est introduit ici, il a tué les deux gardes, mon père et ton fils. Tu m'as appelée d'urgence pour que je vienne t'aider dès qu'il est parti. Dis-le !
Elle sursaute quand j'enfonce l'arme dans son ventre, le doigt sur la gâchette.
– Riccardo Gaviera a massacré les gardes et ma famille. Je t'ai appelée en renfort dès qu'il est parti.
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