Riccardo

- Mais qui êtes-vous, et qu'avez-vous fait de Riccardo, l'ignoble Gaviera ? Je fais la moue alors que Cass se jette sur la boîte de sushis que je lui ai apportée.

Je m'installe sur son lit, en regardant mon téléphone. Ça fait des heures que Monsieur Attal est dans la nouvelle chambre où Gayle a été installée il y a trois jours. Je fais de mon mieux pour l'éviter, depuis qu'Hermendez a décrété que Gayle était hors de danger mais qu'elle avait plongé dans le coma, je ne suis plus dans les petits papiers de Monsieur Attal. Je ne peux pas lui en vouloir, c'est ma faute si elle en est là. Aura Gaviera avait l'habitude de dire: On ne s'approprie pas un trésor si on est incapable de le protéger.

- C'est quoi cette tête, tu vas me filer le cafard. J'ai besoin d'ondes positives.

- Comment s'est passé l'accouchement ? Cass écarquille les yeux avant de secouer la tête. En s'aidant de ses baguettes, elle saisit un sushi qu'elle trempe dans la sauce soja avant de prendre une énorme bouchée.

- Tu me demandes comment s'est passé mon accouchement, tu m'apportes mon plat préféré... Sérieusement, qui es-tu ?

- Très drôle. Je suis sérieux. Elle soupire et sa mine s'assombrit quelque peu.

- Eh bien, je dirais que c'était éprouvant. Quand Bran est mort et que Stella s'est enfuie, j'ai paniqué. Ça n'a pas facilité l'accouchement, et en plus, elle est prématuré et elle se présentait par le siège.

- Le siège ? Peu importe, elle est vivante.

- Comment ça, peu importe ? J'ai eu très peur.

- Ouais, je te comprends.

- Ne sois pas si dramatique, elle va se réveiller. Elle doit se réveiller. Le monde a besoin que Gayle canalise tes ondes négatives. Mais je ne comprends pas ce qui s'est passé dans cette grotte. Camille était censée être de surveillance à la villa, comment s'est-elle retrouvée là ?

Luca et moi n'avons dit à personne que Cam s'est suicidée, ni que c'est elle qui a tiré sur Gayle. Une façon ou une autre de préserver sa mémoire et de ne pas la discréditer auprès de ceux qui l'ont toujours respectée. Surtout que personne n'est sûr de rien ; peut-être que ce n'est même pas elle qui a tiré sur Gayle.

- Seule Gayle a des réponses à cette question.

- Et Dominguez ?

J'ai un sourire sincère, le premier depuis que j'ai trouvé Gayle sur ce maudit lit.

- Mort, plongé dans la cuve d'acide qu'il avait lui-même installée. Ma femme est une putain de guerriere.

- Quelle horreur.

- Je trouve que c'était parfait.

- Venant de toi, ça ne m'étonne même pas.

Je reste avec Cass quelques minutes avant de saisir ma petite valise à roulettes

- Une valise, tu es lourd tu va elire domicile ici ?

- Je suis à la maison là où elle est !

- Non mais sérieusement, qui es- tu ? Je lui fais un salut militaire avant de sortir. En passant près de la chambre que Dante et Bud partagent, j'entends ce dernier se plaindre. Je pousse légèrement la porte. Dante dort, mais Bud, qui a une main dans le plâtre et la tête bandée, est en pleine discussion avec Maddy, qui lui donne à manger.

- ... Mange et arrête de faire le bébé, déclare Maddy en se penchant pour nettoyer sa bouche avant de lui donner une bouchée.

- J'ai plus de cheveux, tu sais ce que ça veut dire ?

- Que tu vas arrêter de venir chez moi quand je ne suis pas là pour me voler mes produits capillaires hors de prix ?

- Non, tu n'as plus aucune raison de refuser d'être ma copine. C'est vrai, tu as toujours refusé parce que, selon toi, j'aimais mes cheveux plus que toi. Plus de cheveux, donc tout mon amour est pour toi.

- Bud, tes cheveux vont repousser. Je refuse de passer après des poils.

- Allez, dis oui. Quand j'ai failli mourir, j'avais une seule pensée : je vais quitter ce monde sans que cette pauvre Maddy n'ait goûté à mon coup de reins.

- Prends ça et ferme-la ! Elle lui enfonce rageusement la cuillère dans la bouche. Je ferme discrètement la porte en retenant mon sourire et me dirige vers l'ascenseur. Gayle a été installée au dernier étage. En général, Monsieur Attal ne reste pas jusqu'à minuit. Je me sens idiot de le fuir, mais je n'aurai jamais des réponses à ses questions. Et son regard me met mal à l'aise, je me sens coupable, de tous les malheurs de cet homme, de la perte de sa femme à l'état dans lequel se trouve sa fille.

Quand j'arrive dans la grande chambre aux murs blancs, comme le reste de l'hôpital, munie d'une baie vitrée, j'ai la surprise de trouver Arya assise sur le fauteuil qui fait face au grand lit. Elle tient la main de Gayle, vêtue de noir pour signifier son deuil, et ses yeux sont rougis.

- Salut, je marmonne. Elle me regarde une fraction de seconde avant de répondre, son ton est amer et la lueur dans ses yeux accusatrice.

- J'espère que tu es fier de toi.

Et c'est reparti pour un tour.

J'ouvre la petite valise et en sors mon ordinateur et celui de Gayle, que je pose sur la table de chevet. Je range ensuite la valise dans le placard.

- Je te parle.

- Je t'écoute. Arya se lève pour se camper devant moi, le visage ruisselant de larmes.

- Qu'est-ce qui s'est passé ? Camille est morte, et Gayle est dans le coma. Elle était enceinte...

Je grimace. Avant Gayle, je n'avais jamais pensé à avoir un enfant. Je ne veux pas qu'un être lié par le sang soit obligé de suivre ma voie. Et franchement, quelle éducation pourrais-je lui donner ? À cause de mon travail, je voyage beaucoup, et ce pauvre être aurait le malheur, comme moi, d'avoir un père présent mais absent. Et égoïste en plus de ça, parce que je veux que Gayle soit constamment avec moi.

Pourtant, je ne suis pas soulagé par la perte de cet enfant, c'était une part de moi et une part d'elle. Il n'y a pas beaucoup de sincérité dans ma vie, mais toute duperie disparaît quand je la touche, quand je suis avec elle, en elle. Alors oui, ça me brise d'avoir perdu quelque chose que j'ai conçu avec elle dans les rares moments où j'étais moi-même. Et je ne sais pas comment elle réagira si elle se réveille et apprend la nouvelle.

- Je suis désolé.

- Moi aussi je le suis. Camille n'a jamais cessé de tarir d'éloges sur Luca et toi, et vous avez été incapables de la protéger. Gayle est folle de toi et regarde où ça l'a menée. Tu es un danger pour elle, si tu l'aimais vraiment, tu la laisserais tranquille. Mais tu joues constamment avec ses sentiments : un moment tu es avec elle, et la seconde d'après tu te remets avec Rebecca. Tu la fais souffrir, tu ne sais même pas ce que tu veux.

Je garde mon calme parce que ses mots font écho à mes pensées et parce que je sais qu'elle souffre de la perte de Camille et de l'état dans lequel se trouve son autre amie. Après m'avoir lancé un dernier regard bien acide, elle se dirige vers la sortie. Je ne peux m'empêcher de la retenir en déclarant :

- Arya, ne condamne pas Lucas pour ce qui s'est passé, il a besoin de toi.

Pour toute réponse, elle me claque la porte au nez. Je soupire en me passant la main dans les cheveux avant de me pencher pour embrasser Gayle sur le front. Maudit masque à oxygène qui ne me laisse pas beaucoup de marge de manoeuvre.

- Salut, petite serveuse. Désolé de ne pas être venu plus tôt. Mais ton père me déteste. J'ai un message pour toi de la part de Médusa et Persée. Ils t'ordonnent de te remettre sur pied.

Je me débarrasse de mon pull et de mon jean pour enfiler un tee-shirt à manches longues et un jogging. Dans la salle de bain attenante à la chambre, je me brosse les dents avant de m'installer sur le lit deux places. Oui, j'ai fait installer un lit deux places pour dormir ici. Il n'est pas question que je prenne le fauteuil.

- Tu m'as manqué, la journée a été interminable sans toi. Ah, Dante s'en est tiré, Bud ne se remet pas d'avoir perdu ses cheveux, Luca va sûrement finir célibataire avant la fin de l'année, et les funérailles des membres de l'organisation morts durant la stupide guerre de Stella se déroulent demain. Je suis désolé, je sais que tu aurais voulu être là pour Camille. Mais tu pourras la voir autant que tu veux quand tu auras repris connaissance.

- Gil t'a envoyé plusieurs mails pour parler du manuscrit que tu es censée envoyer, et Cass t'a trahie : elle a nommé sa fille en l'honneur de sa tante, mais c'est toi la marraine, ce qui fait de moi son tonton préféré et son parrain par solidarité pour toi.

J'ouvre son ordinateur, un petit rire m'échappe en trouvant facilement son mot de passe. Quel manque d'innovation.

Je clique sur le document Google Docs où se trouvent toutes ses idées de manuscrits, et je trouve bien vite ce que je cherchais. Je ne sais pas si c'est mon rôle de faire ça, mais j'ai besoin de m'occuper en attendant qu'elle me revienne.

Après l'avoir longuement regardée, je reporte mon attention sur l'ordinateur et commence à lire les premiers chapitres.

La nuit est déjà bien avancée quand je termine de corriger quelques fautes, et j'ajoute un nouveau chapitre avant de continuer l'écriture.

Trois heures plus tard, je ferme l'ordinateur que je pose sur la table de chevet avant de me coucher en glissant ma main près de la sienne. C'est bête et désespéré, mais j'espère qu'elle prendra ma main comme elle l'a fait quand elle était captive d'Adrian Leblanc.

***

Le ciel est lourd, gris et uniformément couvert. Dès le matin, l'air semble froid et humide, comme si le monde lui-même était fatigué. Les gouttes de pluie ont commencé à tomber doucement d'abord, créant une symphonie monotone contre la carrosserie des voitures qui nous conduisaient au cimetière, puis elles sont devenues plus fortes, transformant les rues en miroirs sombres et les trottoirs en chemins glissants.

Les activités de la journée se déroulent au ralenti, chaque tâche semble plus lourde à accomplir, chaque pensée plus profonde et plus solitaire. Le ciel refuse obstinément de s'éclaircir, et la pluie continue de tomber, comme une toile de fond à cette tristesse muette. Le temps semble figé, étirant chaque seconde dans cette ambiance où la mélancolie flotte dans l'air, dense et palpable, imprégnant tout de sa morosité.

C'est comme si le climat lui-même était triste de dire adieu à Camille Smith. Personne ne sera jamais prêt à lui faire ses adieux.

Debout à côté de mon père et de Luca, je regarde, les poings serrés, le cercueil contenant son corps être recouvert de sable.

La perte d'un être cher est une tumeur qui jamais ne guérit, avait déclaré le vieux du parc 7 ans plus tôt. Son discours, qui à l'époque m'avait laissé complètement perplexe parce que je n'étais qu'un égoïste, fait écho maintenant.

Je suis mal placé pour m'apitoyer sur mon sort. La mort, j'en ai semé partout où je suis passé. Mais ce qui me met hors de moi, dans ce cas précis, ce sont les zones d'ombre. Tout le monde me demande ce qui s'est passé dans cette foutue grotte, alors que je me pose exactement la même question.

Qu'est-ce qui a poussé Camille à en arriver là ? Dominguez et Stella sont partis, mais ils ont semé une sacrée merde derrière eux.

Je ferme brièvement les yeux et m'avance vers le trou que les employés du cimetière sont en train de recouvrir de sable lourd et humide. Son cercueil est presque invisible.

- Je suis vraiment désolé, Cam, de t'avoir donné l'impression que tu ne pouvais pas me faire confiance pour te protéger. Ça ne changera rien, mais sache que j'ai été honoré de faire partie des gens que tu aimais. Il y avait une chose que j'aurais pu dire ou faire pour que tu ne souffres plus. Il y avait-il quelque chose que j'aurais pu faire ou dire pour que tu n'appuies pas sur cette gâchette ?

À côté de moi, mon père se tient, l'échine courbée devant la tombe de Bran. J'ai un élan de compassion pour lui, parce que je ne sais pas ce que je ferais sans Luca, et Bran était pour lui ce que Luca est pour moi. Comme s'il avait lu mes pensées, ce dernier s'avance et pose une main sur l'épaule de notre père. Luca porte d'énormes lunettes de soleil malgré le temps gris, et je sais que c'est pour cacher ses yeux rougis.

Pour la première fois, la pieuvre m'apparaît comme un vieillard fatigué, le dos voûté sous le poids de cette organisation.

Encore une fois, je comprends les paroles du vieux qui parlait des différents types de relations. Sans Bran, mon père sera seul au monde pour la première fois. Il y a des êtres qu'on ne peut pas remplacer.

- Je suis désolé, père. Il hoche la tête sans pour autant nous regarder, Luca et moi.

- Nous autres gangster, nous sommes nés pour mourir, mais la tête haute.

***

- Hey toi, qui t'a laissé entrer ? Jack sursaute, avant de se détendre quand il me reconnaît. Je me sens vexé, en général, les gens ne se détendent pas quand ils me reconnaissent.

- Monsieur Attal. J'étais en train de lire une histoire à Gayle.

Je plisse les yeux avant de desserrer ma cravate. Une semaine s'est écoulée depuis l'enterrement de Camille. J'ai recommencé à honorer mes contrats maintenant que Dominguez est mort, je n'ai plus d'excuse. J'ai l'impression que, peu à peu, le monde continue injustement de tourner mais que moi, je suis figé dans le temps.

- Bien, maintenant, tu l'as vue. Dégage.

- Pas question, je viens à peine d'arriver. Tu passes tout ton temps ici, la maison est calme sans vous deux.

- Donc tu as décidé d'élire domicile ici ?

- Non, je viendrai juste la voir plus souvent.

Je disparais dans la salle de bain pour enfiler mes vêtements décontractés et m'installe sur le lit. Jack me lance un regard torve en secouant la tête avec réprobation.

- Tu dors là !

- Pourquoi crois-tu que j'ai installé un lit deux places ?

- Pour le confort de Gayle.

- Non, je pensais d'abord à moi. Maintenant, ferme-la ou dégage.

Il se rembrunit et continue de lire son livre de développement personnel stupide, qui m'empêche de me concentrer sur l'écriture.

- Gayle déteste le développement personnel, elle préfère les pornos.

- Tu racontes n'importe quoi, Gayle m'a dit que c'est de l'érotisme. Et ce livre est intéressant : Comment choisir un bon petit ami pour les nuls.

Je plisse les yeux avant de sauter pardessus le corps de Gayle, reliée à un nombre incalculable de machines. Je saisis Jack par la nuque et enfonce sa maudite tête contre le matelas. Il tapote le lit pour que je le relâche.

- C'est qui, le mauvais petit ami ?

- Pas toi, je... Je suis désolé, regarde le livre, c'est Les 48 lois du pouvoir Robert Greene.

Je suis sur le point de foutre Jack dehors quand la porte s'ouvre sur ma tante et ma cousine Amy.

Je pousse un long soupir qui fait trembler ma poitrine. C'est un hôpital ou un moulin ? Je relâche le gamin qui se met à tousser.

- Salut, mon petit dragon, je suis tellement contente de te voir.

- Ta joie n'est pas partagée.

- Je vais faire semblant de te croire.

Elle pose un vase contenant des roses blanches sur la table de chevet.

- Des fleurs bio du meilleur fleuriste de l'île. Avec ça, l'air sera pur. J'espère pour toi que tu ne fumes pas à côté d'elle.

- Non, mais maintenant que tu es là, j'ai envie de me faire une soupe de nicotine.

- Jack ! s'exclame Amy avec une légère rougeur sur les pommettes.

Je lance un regard d'avertissement à cet idiot avant de me concentrer sur May a

- Tu tiens le coup, ça ne doit pas être facile.

- Ça va, elle m'observe avec un petit sourire.

- Je parlais à Gayle, toi tu n'es jamais à plaindre.

- Sympa. Je suis une victime aussi.

- Te laisser pousser la barbe ne fait pas de toi un martyr.

- Ne l'écoute pas, Ricky, moi je trouve que la barbe te va bien, tu as un petit côté Henry Cavill dans le ministere de la sale guerre.

- Heu, merci ? Bon, maintenant vous pouvez partir.

- Mais quel sale gamin ! Je regrette de ne plus avoir la force de te tirer les oreilles. Puis, s'adressant à Gayle, elle déclare : Porte-toi bien, ma belle, je reviendrai te voir quand le nain grincheux sera parti.

- Je n'entends plus les piques après minuit.

Elles sortent en me lançant d'autres piques, je braque mon regard sur Jack quand il fait mine de continuer à lire.

- Ça va, j'y vais. Au revoir Gayle, je t'aime.

- Dégage !

***

Je resserre ma cravate, avec l'impression de resserrer une corde autour de mon cou. Je n'ai pas dormi de la nuit, mais une nouvelle journée vient de commencer et je dois vaquer à mes occupations, autant que ça me fasse plaisir. Je descends de l'avion en faisant craquer mon dos.

Je déteste faire affaire avec les Polonais. De ma vie, je n'ai jamais vu des gens marchander les prix autant qu'eux.

- Le premier qui me refilera un prix en dessous du million, je descends sa grand-mère.

- Tu ne vas rien faire, marmonne Luca, le visage aussi affable que la porte d'une prison. À cet instant, le vide que laisse Gayle me saisit avec la force d'un boomerang. Cela fait un mois qu'elle a été admise à l'hôpital et toujours aucune amélioration. On me répète inlassablement qu'elle est hors de danger, mais que désormais tout le reste dépend d'elle et de sa volonté à survivre.

J'ouvre le coffre du SUV pour vérifier que les armes sont bien là. Luca en fait de même avec la voiture qui lui a été attribuée. Dans le coffre, il y a 12 kilos de cocaïne de la blanche de Colombie, de la marijuana, de l'héroïne et plusieurs drogues de synthèse.

Notre guide, un homme mince vêtu d'un costume blanc, vient à notre rencontre après avoir refermé sa propre voiture comme s'il avait une dent contre la portière.

- Je suis honoré de rencontrer enfin les célèbres fils de Giousé Gaviera. Je suis Bogdan Ramdoslow, le sottocapo.

Luca et moi échangeons un rapide regard. Ils doivent vraiment nous tenir en estime pour envoyer une personne haut placée nous chercher. Il y a ça et le fait que notre père a tendance à déclarer la guerre quand ils se sent insultés.

- Je serre la main du sottocapo, l'équivalent de l'underboss, en me présentant, bien que ça ne me paraisse pas nécessaire. Luca en fait de même.

- Votre vol a été agréable ?

- Quelques turbulences, mais rien que l'on n'ait déjà vu.

- Bien, bien. Je vais vous demander de me suivre. Je hoche la tête et me dirige vers la voiture où sont placées les armes. Luca prend le SUV où sont disposées les drogues tandis que le sottocapo disparaît dans une luminosité à la carrosserie brillante.

Les gens ont tendance à croire que la discrétion est le seul moyen de ne pas se faire arrêter par la police durant un contrôle routier. C'est faux, les flics évitent les riches. Je me suis fait contrôler plus souvent quand j'étais à bord de ma Harley qu'à bord d'une limousine ou de n'importe quelle autre voiture qui pourrait être qualifiée de signe ostentatoire de richesse.

Je m'installe derrière le volant. Sur la banquette, il y a deux de nos soldats. Je regrette que Bud soit capilairement indisposé pour être là, et Dante, il ne va pas se débarrasser de ses plâtres avant deux mois au moins.

Avant de démarrer, j'extirpe mon téléphone de la poche de mon pantalon et j'envoie un message.

Riccardo

Alors

Jack

Tu as posé cette question il y a trente secondes. Elle ne s'est pas réveillée.

La limosine de... Bordel, c'est quoi son nom déjà ? Bref, elle s'éloigne de la piste suivie de celle Luca ; je démarre.

Une heure plus tard, on arrive devant la maison du parrain de la mafia de Polonaise. Le portail en fer forgé, peint en or, est si haut que je dois lever la tête pour en voir le bout. Les gardes nous laissent entrer après avoir échangé quelques mots avec le sottocapo. Je regarde ma montre, la nuit va bientôt tomber. J'espère que les négociations ne vont pas s'éterniser parce qu'il faut absolument que je passe la nuit à l'hôpital. Je suis déjà mort de trouille qu'elle reprenne connaissance sans que je ne sois là pour la faire chier.

- Je crois que j'ai trouvé l'Eldorado, marmonne Luca discrètement quand on pénètre dans le hall d'entrée. La maison du parrain est intégralement décorée en or. On peut dire qu'il a la folie des grandeurs.

Nous suivons le sottocapo dont je ne me souviens toujours pas du nom vers un grand escalier. L'homme emprunte ensuite de larges dédales. Il y a plus d'or dans cette baraque que dans une putain de mine.

Deux gardes s'écartent d'une porte, je vous le donne en mille, en or, pour nous laisser entrer. Dans une pièce à la décoration encore plus ostentatoire que ce que j'ai déjà vu. Des fauteuils et des canapés en cuir noir et or, une moquette en or, même la putain de cheminée en chrome or.

En plus de nous, il y a trois hommes dans la pièce.

Deux armoires à glace, debout derrière un fauteuil, un petit homme au regard si plissé qu'on dirait que c'est sa nature de se méfier de tout et un autre, petit, enveloppé, vêtu d'un costume qui semble l'étouffer. Il tient une canne en or et des bagues sur chaque doigt. Sans aucun doute, le parrain.

- Luciano et Riccardo Gaviera. Je suis ravi de vous recevoir dans mon humble demeure. La dernière fois que je vous ai vus, vous deviez avoir 15 ans.

Je garde la mine fermée alors que Luca lui sourit de toutes ses dents. Il n'a pas mal ?

- Je suis Mieczyslaw Baranowski, le parrain, et voici mon frère, Zbigniew, le consigliere. Malheureusement, mon fils le capo Igor n'est pas là.

Génial, le seul dont j'ai retenu le prénom n'est même pas présent.

- Du brandy, le meilleur du monde. Il propose en faisant signe vers les bouteilles installées à côté de nous.

- Je préfère garder l'esprit lucide pour parler affaires. J'aimerais d'ailleurs entrer dans le vif du sujet parce que nous devons être en Sicile avant que la nuit soit entamée.

Le parrain et son second éclatent de rire. Ils échangent quelques mots dans une langue que je ne saisis pas. Je masque mon agacement, mais j'ai bien envie de lui dessiner un putain de sourire permanent.

Luca sort une feuille de papier de sa poche.

- Nous avons là une liste de ce que vous nous avez demandé. Il commence à citer les différentes armes, les drogues. À chaque fois, le parrain, qui tient un verre de brandy d'une main et un cigare de l'autre, hoche la tête.

- Écoutez, c'est absolument parfait. Mais où est la marchandise ? Je ne vois rien. Et vous, vous voyez quelque chose ? Il prend à témoin son consigliere et son sottocapo. Ce connard me prend pour qui il croit vraiment que je vais me pointer chez lui sans rien ?

- À l'abri. Nous vous donnerons la marchandise quand nous aurons l'argent. Vous savez que c'est comme ça qu'on procède.

Il a un signe d'approbation.

- Je vais vous croire sur parole, mais parlons de paiement. Je trouve que le prix... combien déjà ?

- 33 millions, confirme le consigliere.

- Oui, c'est ça, le prix est excessif. Que direz-vous d'un autre moyen de paiement ?

Je regarde autour de moi, peut-être qu'ils veulent nous payer en or. Ça serait tentant, mais non.

- Que voulez-vous dire ? questionne Luca. Le parrain lisse sa moustache avant de sourire.

- Je vais vous montrer. Il frappe dans ses mains et l'ascenseur s'ouvre comme s'il n'attendait que ça.

Cette mise en scène est si grosse que j'ai envie de soupirer. Trois filles se dirigent vers nous dans des robes hors de prix et dans un déhanchement affriolant.

- Père ! dit l'une d'elles, en didiant au parrain un énorme sourire.

- Riccardo, Luca, je vous présente mes filles.

S'ils me sortent encore des prénoms imprononçables, je me tire une balle, promis.

- Je vous présente Grazyna, mon aînée, Miroslawa, et elle, c'est Wieslawa.

Bon, je vais me tirer une balle dès que Gayle sera debout.

- Père, c'est moi, Miroslawa. Je suis enchantée de vous rencontrer. Leur père se rembrunit, n'appréciant sûrement pas d'être corrigé.

- Bien, comme je le disais, le prix est excessif. Mais ne vous inquiétez pas, vous serez payés en nature.

- En nature ? je questionne en haussant mes sourcils le plus haut possible.

- Oui. Oui, vous, Luca. J'ai entendu dire que vous avez une certaine inclinaison pour les blondes. Grazyna, ma chérie, approche. Elle s'avance jusqu'à son père avec toujours son sourire éclatant. Même ceux qui font une pub pour du dentifrice n'ont pas font autant.

- Regardez-la. Belle et vigoureuse. Dans ses cheveux, il y a la pureté de l'or. Elle serait parfaite pour vous. Et elle est vierge.

- Compte à vous, mon cher Riccardo. Je ne vous ai pas oublié.

Comme je suis chanceux... Il aboie quelque chose en polonais et les jumelles s'avancent, contrairement à leur sœur. Elles ne sourient pas, elles vont même plus loin jusqu'à me fusiller du regard.

J'ai trouvé les moutons noirs de la famille... Eh merde, c'était quoi le nom de famille ? Peu importe !

- Riccardo, vous aimez les métisses à la peau foncée. Malheureusement, je n'ai pas fait d'enfants avec une Africaine. Mais la mère des jumelles est Égyptienne c'est exotique !

- Papa, l'Égypte, c'est en Afrique, déclare la jumelle en jaune, celle en vert opine du chef.

- Zamknij okno (Fermez-la).

Je comprends pourquoi il veut les vendre...

- Comme je vous le disais, je n'ai pas de fille à la peau foncée sous la main, mais je vous en donne deux pour le prix d'une. Prenez-les, vous n'aurez qu'à éteindre les lampes et prétendre qu'elles sont comme vous le souhaitez. Je l'ai fait avec leurs mère.

Les jumelles s'indignent, mais d'un regard, leur père les fait taire. La blonde, par contre, ne pipe mot.

- Écoutez, c'est vraiment un honneur...

- Vous savez que tout ce qu'on dit après un mais n'a pas de sens.

Merde.

- Mesdemoiselles, vous êtes magnifiques. Mais je suis marié.

- Vous êtes marié ? Je hoche la tête.

- Votre père a dû oublier d'inviter ma famille. Vous avez reçu des invitations vous ? Il prend a temoin son capo et son sottocapo.

- C'était une cérémonie privée. Père n'est pas au courant. Luca soupire avant de dire.

- Et moi, je suis honoré aussi, mais je suis engagé auprès d'une autre femme.

- Moi aussi, j'ai juré fidélité à une femme, mais cela ne m'empêche pas d'avoir des maîtresses.

- Votre femme est du genre docile ? La mienne va se servir de vos filles comme serpierre après m'avoir décapité, croyez-moi, ça n'en vaut pas la peine. Et de toute façon, je ne suis pas là pour ça ; vous nous donnez l'argent, on vous donne la marchandise, dans le cas contraire on se casse.

Suite à ma declaration il hoche la tête.

- Je vois que vous êtes du genre difficile, Riccardo. Je vais passer un coup de fil à chacune de mes maîtresses, il y en a forcément une qui a une fille à la peau foncée. Et comme je suis un homme d'affaire je sais comment ça marche, je vais vous laissez tester la marchandise dans l'une des chambres de mon humble demeure. Compte à vous Luca...

Voila pourquoi je deteste faire affaire avec les polonais. Ils cherchent constamment à nous entuber.

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