Riccardo
Je soupire quand l'hélicoptère survole la résidence de la Pieuvre. J'ai déjà l'impression qu'une énorme corde commence à se resserrer autour de mon cou. Le premier qui me casse la tête avec des histoires à dormir debout, je lui explose la cervelle. Me conformer aux règles sociales n'a jamais été mon truc et, manque de bol, je n'ai même pas envie d'essayer.
La Pieuvre, toujours désireux de montrer au monde qui est le roi, a choisi sa résidence secondaire, là où j'ai passé la moitié de mon enfance. C'est une énorme villa romaine dont les ailes encadrent une cour centrale ornée de fontaines où se déroule la fête.
– Princesse, nous sommes arrivés ! Gayle relève la tête posée sur mon épaule. Elle plante ses yeux bruns dans les miens, les baisse lentement sur ma bouche comme si elle voulait un baiser, et me regarde de nouveau avec une intensité qui me prive du sens de l'orientation.
– Quand tu m'appelles comme ça, mon cœur bat à un rythme incontrôlable.
Elle regarde ensuite en contrebas, avant d'écarquiller les yeux. Oui, je sais ce qu'elle voit : une résidence sacrément belle, noire de monde.
Jack et elle émettent un sifflement.
– C'est une belle baraque, commente le premier.
– C'est noir de monde, je veux rentrer !
Moi aussi, et pas pour les mêmes raisons que Gayle. Cette soirée est une perte de temps, je ne vois pas l'intérêt de ma présence ici. C'est justement en raison de ma haine à peine voilée pour ce genre de mondanité que jamais je ne serai la Pieuvre. Tuer, c'est simple : il suffit d'appuyer sur la gâchette ou de trancher la veine qu'il faut en faisant surtout attention de ne pas laisser des indices partout. Mais ça, passer plus de deux heures à faire la conversation à des gens insupportables que tu ne peux pas déglinguer parce qu'ils sont de la famille !
Sur les trois côtés, un jardin parfaitement entretenu entoure la maison. L'hélicoptère se pose devant l'entrée. J'aide une Gayle récalcitrante à mettre pied à terre avant que l'appareil ne reprenne de l'altitude.
La façade de la maison donne sur un paysage de collines entre lesquelles est tracée une route qui mène vers l'entrée. Plusieurs hélicoptères et un nombre incalculable de voitures sont stationnés ici et là.
– Tu es sûr que c'est un anniversaire ? Je retiens de justesse un sourire. Ici, je ne suis pas son démon mais la Pieuvre de l'ombre. Les gens s'attendent constamment à ce que je sois à la hauteur de la réputation que j'ai créée. Certains s'attendent même à ce que j'apparaisse dans un nuage de fumée accompagné de plusieurs légions du septième enfer.
Qu'il est grisant d'être moi !
– Les Gaviera ne font pas les choses à moitié. La preuve, j'ai kidnappé l'amour de ma vie. J'arque un sourcil quand elle me regarde avant de lui faire un clin d'œil.
– Comment tu me trouves ? questionne Jack à l'intention de Gayle. Il ressemble à un banquier blasé par la vie qui carbure au café.
Gayle réajuste sa cravate et passe les doigts dans ses cheveux blonds qui virent légèrement au châtain, avant de lui tapoter la joue.
– Tu es parfait, un vrai gentleman anglais.
Le gamin rougit, et je rêve, mais il me regarde avec une lueur provocatrice. Cet imbécile sait que je déteste que l'attention de Gayle soit portée sur quelqu'un d'autre que moi. Je vais le tuer, c'est officiel.
Je dédie un signe de tête aux hommes qui gardent l'entrée. L'un d'eux sourit à Gayle, il se permet même de la complimenter sur sa tenue. Je fais un pas menaçant dans sa direction, mais elle me retient d'une main sur mon ventre.
– C'est gentil.
– Prête à plonger dans le grand bain ? je murmure contre son oreille.
Elle hoche la tête avec un sourire presque enfantin.
Alors qu'on traverse la foule sous l'œil attentif des personnes qui font semblant de ne pas nous regarder, je remarque mon oncle dans un coin du jardin près d'un bosquet taillé en forme de lapin. Il tire sur sa cravate en disant quelque chose à ma tante qui le fusille du regard.
– Je suis sûre que ton oncle se plaint qu'il y a trop de monde, marmonne Gayle, puis, prenant la voix de Silvio Gaviera, elle déclare : Je hais ces maudites célébrations, suis-je obligé d'assister à cet anniversaire comme si j'avais demandé à Giacomo de naître ? Ton tonton est exactement comme toi...
Bien malgré moi, un rire m'échappe, mais je me dépêche de le transformer en toux.
– Tiens-toi tranquille, j'ordonne en lui claquant discrètement les fesses.
– Oui, chef. Oh, regarde, je crois que cette dame s'est trompée, elle devait se rendre au carnaval de Rio et elle a atterri ici.
La dame en question porte une énorme robe orange qui prend toute la place. Suite à sa remarque, elle éclate de rire et ne trouve rien de mieux à faire que de se cacher contre mon épaule.
– Gayle, pitié.
Je m'abaisse à la supplier parce que j'ai subitement envie de rire à cause de ses remarques. Avec elle, il m'est très facile d'oublier qui je suis censé être et surtout avec qui je suis. Ces gens-là sont des vipères, des chasseurs de faiblesses qui n'hésiteront pas à s'en servir contre moi dès qu'ils auront trouvé mon talon d'Achille.
Les minutes qui suivent, Gayle perd l'envie de plaisanter, la cause étant tous ces gens qui viennent vers nous, désireux de savoir qui elle est, d'où elle vient, qui est sa famille. Bref, un vrai interrogatoire. Si elle répond patiemment aux questions avec un sourire poli et fait la conversation avec dextérité, les ongles enfoncés dans mon bras, qui augmentent de plus en plus leur pression au fil des minutes, témoignent de sa nervosité.
– Attal, comme Gabriel Attal, vous êtes de la famille du Premier ministre ?
– Non.
– Oh, donc, vous faites quoi dans la vie ?
– J'existe en faisant ce que j'aime.
Moi, personne ne me pose aucune question, personne ne cherche jamais à me faire la conversation. En général, les gens m'évitent. S'ils osent s'approcher de nous ce soir, c'est parce que le sourire angélique de Gayle leur donne l'impression qu'elle est plus facile d'approche que moi.
Trente minutes plus tard, on s'éloigne d'un groupe de personnes âgées. Gayle soupire, la pression de ses ongles diminue, je saisis deux coupes de champagne sur le plateau d'une serveuse qui passait par là.
– Tu te débrouilles bien.
– Je vais me briser la mâchoire à force de sourire.
– C'est bientôt fini. Je me penche pour l'embrasser au sommet du crâne avant de me ressaisir.
On se dirige vers la Pieuvre. Il est en compagnie de Giacomo et de quelques membres de la Camorra : le chef, son fils Frederico et sa sœur Adela.
– Fils.
Père me donne une tape sur l'épaule avant de dédier à Gayle l'un de ces regards amusés que cette dernière lui rend. Il se penche ensuite pour lui faire la bise. À côté de père, il y a un autre homme. La Pieuvre pose une main sur son épaule, il soulève son pouce et son index.
Merde ! C'est le signal. Quand mon paternel pose la main sur l'épaule de quelqu'un et qu'il soulève son pouce, ça signifie qu'il doit être interrogé. Mais quand c'est le pouce et l'index, ça signifie qu'il doit être exécuté.
Non, il n'y a jamais de soirée tranquille dans cette famille. Le capitaine, qui ne se doute pas qu'il vient d'écoper d'une condamnation à mort, continue de discuter avec hargne.
– Joyeux anniversaire, Gia, marmonne Gayle d'une voix hésitante. Giacomo lui sourit avant de l'embrasser sur la joue. Exceptionnellement, aujourd'hui, il ne semble pas avoir bu. Si ça se trouve, il a décidé de reprendre sa vie en main, d'aller de l'avant, comme on dit. L'épouse du chef de la Camorra vient ensuite nous rejoindre. Dans le genre vieille mégère, cette femme a la palme.
– Oh, vous devez être Gayle, celle qu'on surnomme l'Ombre. J'adore votre robe, vous êtes presque habillée.
Suite à l'insulte, il y a un moment de silence. Je fais ce que je n'ai jamais fait en 27 ans d'existence, je me mets à prier silencieusement pour que Gayle ne dise rien, mais évidemment...
– C'est gentil, j'adore vos implants mammaires ils font presque naturels.
La Pieuvre s'étouffe avec son vin, expulsant quelques gouttes ici et là.
Bon sang !
Je porte ma propre coupe de champagne à mes lèvres, alors que le visage de la mégère vire au rouge à cause de la colère. Comment ai-je pu croire que je pourrais me mettre dans la peau de mon personnage avec cette tornade.
– Je vais aller voir oncle. Père hoche la tête, même lui se retient de rire.
– Quelle vieille mesquine, je la hais. Je veux rentrer !
– Bientôt, je lui promets.
Son projet de rentrer disparaît dès qu'elle est en compagnie de ma tante.
– Oh mon Dieu, montre, montre. Elle saisit la main de Gayle et la retourne dans tous les sens pour regarder la bague avant de la prendre dans ses bras.
Elle croit que nous sommes fiancés ? Si j'en juge par la façon chaleureuse dont elle me serre contre elle, je suppose qu'elle le croit dur comme fer. Soit, ça ne me dérange pas que les gens le pensent.
Au cours de la soirée, ma tante s'accapare ma cavalière, ce qui me pousse à m'installer entre mon oncle qui déteste être en public, Frederico, l'héritier de la Camorra. J'essaie de me concentrer sur leur conversation, mais mon regard revient inlassablement sur Gayle. Je suis censé faire profil bas, ne pas montrer à tous ces gens à quel point elle est importante pour moi, mais mon regard est comme aimanté sur elle. Dès l'instant où elle est sortie de la chambre de Cass, une seule pensée m'a traversé l'esprit : cette soirée allait être difficile, et pas pour les mêmes raisons que d'habitude.
Gayle hoche la tête à une chose que dit ma tante puis elle se met à parler en faisant des signes avec ses mains. J'imagine sa main baguée sur mes abdos, descendant lentement avant de s'enrouler autour de ma queue...
Putain, Riccardo, ressaisis-toi. Gayle regarde en direction de la piste où plusieurs couples tournoient. Quand ses yeux se plantent dans les miens avec une supplication à peine voilée, je secoue discrètement la tête. Elle fait la moue, attirant mon attention sur ses lèvres. Une bouffée de plaisir me submerge, je me tortille sur le siège, on est en plein air, mais j'ai soudain trop chaud.
– Alors c'est elle l'ombre dont tout le monde parle. Je regarde brièvement Frederico avant de me concentrer sur le tatouage sur mes doigts, les lettres H.A.T.E qui forment le mot haine.
– Oui.
Je me demande qui lui a affublé de ce surnom. Combien de personnes ici cherchent à lui faire du mal ? Merde, il ne faut pas que je pense à ça. Je consulte ma montre, dans une heure nous partons.
– Tu en as de la chance, c'est rare de choisir la femme avec qui on va faire sa vie. Il regarde ma cousine Amy qui est en pleine conversation avec Jack. La lueur de colère qui passe brièvement dans le regard de Frederico ne m'échappe pas.
– Je sais que nos pères cherchent par tous les moyens à consolider l'alliance entre nos deux familles, mais ne t'inquiète pas, s'il leur vient à l'idée de t'unir à Amy, je te tuerais moi-même pour lui éviter un tel malheur.
– Tu me menaces, Gaviera ?
– Non, je te préviens.
Il n'est pas question qu'une fille aussi lumineuse qu'Amy finisse avec un con pareil. Je sursaute légèrement quand je sens quelque chose sur ma cuisse. Pendant une fraction de seconde, je pense que c'est la cavalière de Frederico, une rousse qui n'arrête pas de me regarder en se croyant discrète. J'y pose la main et mes doigts rencontrent le bracelet de cheville de Gayle, je me détends instantanément.
– Alors tu devrais avoir une petite conversation avec ton père.
J'ignore Frederico pour glisser mes doigts le long du pied de ma femme, je remonte et je défais l'attache de son bracelet de cheville. Elle m'observe, les yeux brillants de malice, avec un petit sourire. Je soulève le bijou et le glisse dans la poche de ma veste.
– Pas besoin, ça n'arrivera jamais. Un mariage nous a suffi. Il serre les dents.
– Ton frère n'a pas la moindre idée de la chance qu'il a, Adela est un vrai trésor. Et il ne semble même pas s'en rendre compte.
Je suis son regard, dans un coin du jardin, il y a Giacomo et Adela. Elle lui raconte Dieu sait quoi, mais il est plus concentré à dévorer Cassandre du regard.
La pieuvre, en fiançant Cassandre à un Miller de Chicago, a fait un coup de maître, mais il s'est fait un ennemi de taille en la personne de son propre fils, et un jour tout cet engrenage va lui exploser au visage, ne laissant rien sur son passage. Je ne sais même pas si père s'en est rendu compte, mais Giacomo est en train de changer pour le pire. Peut-être même que c'est ce qu'il cherche ?
Je me retiens de justesse de le contredire. Adela est peut-être un trésor à ses yeux, mais Cass a plus de valeur pour la Cosa Nostra. Qui la remplacera dans l'administration après son départ ? Trouver quelqu'un avec le tempérament et la force de Cass sera difficile, voire impossible. Camille a déjà des responsabilités. Je sais que père pense à enrôler Gayle, mais il n'en est pas question. Je sais qu'elle a les épaules pour déplacer une montagne, mais je ne veux pas qu'elle en fasse trop, et prendre la place de Cass finira par la user.
Je suis brusquement sorti de mes réflexions, bon sang !
Gayle recourbe son pied en remontant le long de l'intérieur de ma cuisse. Je secoue légèrement la tête pour lui faire signe de se sortir cette idée de la tête, ses yeux brillent d'une détermination farouche. Elle répond à ma tante, son pied remontant encore plus haut. Je serre les poings sur la table, la raison me dicte de repousser son pied, mais une partie de moi, qui se délecte de ce petit jeu, lie mes mains.
Elle a passé la journée à me provoquer et je la connais assez pour savoir qu'elle n'arrêtera pas tant qu'elle n'aura pas une bonne leçon.
Elle saisit son téléphone et tape rapidement un message. Sans surprise, mon propre téléphone sonne.
Troublemaker
Je veux danser
Riccardo
Non !!!
Quand elle lit le message, ses yeux se plissent de contrariété pour n'être plus que deux fentes, elle tape rapidement une réponse.
Troublemaker
Très bien.
Je lui souris en penchant la tête sur le côté, je sais pertinemment qu'elle ne va pas lâcher l'affaire aussi facilement.
Elle pose son téléphone et son pied remonte encore. J'ai une décharge électrique quand elle touche le membre qui me cause tellement de problèmes ces derniers temps. Je serre davantage les poings. Gayle saisit une fraise dans le plat de fruits et la trempe dans la chantilly. Elle croque dedans sans me quitter des yeux, maculant le coin de ses lèvres de crème, elle mâche doucement sans me quitter des yeux, avec une sensualité qui me coupe le souffle. La pression de son pied sur ma queue augmente, elle me caresse sur toute la longueur jusqu'à ce que le besoin m'étrangle, mon souffle se bloque dans ma poitrine et inconsciemment, je soulève les hanches pour me presser contre son pied. Ce désir débridé que je ressens pour elle dépasse la raison et toutes les conneries de ce genre.
Elle recueille la chantilly qui macule ses lèvres de ses doigts et les lèche langoureusement, le tout sans arrêter ses caresses ou détourner le regard. Putain, un nouvel afflux sanguin se dirige vers mon érection, je suis si à l'étroit dans mon pantalon que ça commence à me faire souffrir. Je la veux, ici et maintenant, peu importe ceux qui regardent.
Toujours avec cette lueur provocatrice qui ne semble jamais la quitter, elle saisit un tube dans son sac et s'enduit les lèvres de gloss.
Bordel, cette fille a été envoyée sur Terre pour avoir ma peau.
Troublemaker
Comment tu trouves mes lèvres ?
Pour toute réponse, je me penche légèrement en avant, les coudes sur la table, pour lui permettre de continuer à me toucher. Je devrais arrêter ; contrairement à elle, j'aurais beaucoup de mal à cacher mon excitation, mais putain, c'est trop bon, et mon cerveau ne se concentre que sur les désirs de mon corps. La pression de son pied augmente encore et encore... Je ferme brièvement les yeux en bandant mes muscles.
– Riccardo, tu m'écoutes ? insiste Frederico.
– Non, va te faire foutre, dis-je d'une voix rauque.
Après une caresse qui fait monter une vague de chaleur dans mon ventre, Gayle retire son pied. Ma poitrine se soulève et ma queue hurle de frustration, merde, pas maintenant !
Elle se moque de moi ?
– Je vais rejoindre mes amies, dit-elle en se levant après avoir pris congé de ma tante, sans un putain de regard pour moi. Je reste sur place comme un débile, tremblant de désir inassouvi.
Je la regarde s'éloigner, attirant sur elle les regards lubriques des hommes. Elle n'est même pas à 10 mètres qu'un vieux débris en costume gris et chapeau ridicule lui tombe dessus. Ils échangent quelques mots, et Gayle accepte son bras avant de se diriger vers la piste de danse.
– Non mais j'hallucine, Je marmonne en me levant.
Mon père me tombe dessus à cet instant, prenant tout mon champ de vision.
– Tu as une mission, je te signale.
– Je vais m'en occuper plus tard. Je peux savoir pourquoi tu veux l'exécuter ?
– Oh, il a comploté avec Shayta pour que cette dernière mette du poison dans mon verre. La routine, quoi.
Shayta était la copine de mon père. Je me demande ce qu'il a fait d'elle. Comme s'il avait lu mes pensées, il déclare :
– Son corps est en train de ramollir dans une cuve d'acide. Certains plongent les gens dans l'acide quand ils sont morts, mon père adore le faire quand ils sont vivants.
– Tu lui as donné la bague ? Son regard amusé se dirige vers Gayle, qui danse avec un homme d'affaires, pour me provoquer, encore.
– Elle lui revient.
– Je n'aurais jamais cru dire ça un jour, mais tu as fait le bon choix.
– Je n'ai pas fait ce choix pour toi, sort Gayle de tes plans.
Mon père éclate de rire avant de tapoter mon épaule.
– Aucun membre de cette organisation n'échappe à mes plans. Occupe-toi de notre homme, il ne doit pas quitter l'enceinte de la villa.
Dès que la pieuvre s'éloigne, j'envoie un message à Luca.
Riccardo
La pieuvre veut que tu exécutes quelqu'un.
Luca
Quoi, maintenant ?
Riccardo
Oui, et dépêche-toi, il ne doit pas quitter la villa.
Je prends discrètement notre homme en photo et lui envoie. Avoir un meilleur pote, ça doit servir à quelque chose tout de même.
Luca
Va te faire foutre, c'est ta came.
De là où il se trouve, il me fait un doigt d'honneur, signifiant qu'il n'est pas question qu'il se mouille.
Au moins, j'aurais essayé.
– Ôtez vos mains de la taille de ma femme.
Le quinquagénaire sursaute au son de ma voix. Il s'arrête de danser puis me regarde, sûrement prêt à en découdre. Une main dans la poche de mon pantalon, je penche légèrement la tête sur le côté. Dès qu'il me reconnaît, il la relâche avant de s'éloigner sans demander son reste.
Quelques couples sur la piste nous regardent à présent. Suis-je devenu brusquement plus intéressant que leur danse ?
– Toi, tu as besoin d'une bonne leçon !
– Pourquoi ? Parce que j'ai dansé avec un pauvre homme qui a le cœur brisé après un quatrième divorce ? Je faisais du bénévolat pour lui donner un peu de bonheur.
– Tes histoires ne m'intéressent pas.
Elle roule des yeux, je l'attire à moi et aussitôt, ses mains s'enroulent autour de mon cou. Je rapproche mes hanches pour qu'elle n'ignore rien de mon désir pour elle.
– On a une mission.
– Survivre à cette soirée ?
Je secoue la tête même si elle ne peut pas me voir. Je la fais tournoyer et plaque son dos contre mon torse. Son corps épouse parfaitement le mien, elle penche légèrement la tête sur le côté, me permettant de caresser son cou avec ma joue rugueuse. On bouge au rythme de la musique sensuelle, je n'ai jamais dansé, je ne suis même pas sûr de faire les choses bien, mais avec elle, j'arrive à trouver de l'harmonie même dans le chaos.
– Tu vois cet homme là-bas ?
– Des hommes, là-bas, il y en a des tas.
Une main sur sa taille, de l'autre, j'entrelace nos doigts avant de la faire tourner de nouveau. Les pans de sa robe virevoltent légèrement autour de ses chevilles. Elle me fait désormais face, la tête levée dans ma direction, ses grands yeux bruns plongent dans les miens. Je retiens mon souffle, putain, elle est belle.
– Rapproche-toi, princesse.
Elle obéit sans aucune hésitation, son pouls s'est acceleré et sa respiration est plus lourde.
– Regarde par-dessus mon épaule, il est installé à une table près de la fontaine. Petit costume gris.
Je la sens frémir quand mes mains remontent sur son dos nu, je descends la main lentement très lentement jusqu'à l'endroit ou le tissu debute. Putain, cette robe est carrément indécente. Je me penche pour embrasser son épaule dénudée, son cou. Ce n'est pas une danse, mais des préludes à quelque chose de beaucoup plus intense. Je veux plus, j'ai besoin de tellement plus que ça. Je veux ce qui est à moi entièrement.
– Celui avec un chapeau à la Al Capone ? questionne Gayle, la bouche contre mon oreille, juste avant d'aspirer ma peau dans la chaleur de sa bouche et d'y passer la langue.
Je mordille son épaule, regrettant que ce ne soit pas son clitoris. Je n'ai plus qu'une seule obsession : la sentir trembler de plaisir et la voir exploser en mille morceaux sous mes caresses. Je suis douloureusement conscient du désir brûlant qui émane de son corps par vagues, se communiquant au mien.
Elle enfouit la tête dans mon cou, ses doigts s'accrochant à ma chemise blanche. Une nouvelle chanson vient de débuter, d'autres personnes envahissent la piste, parmi elles, Camille et Dante.
– Je veux que tu trouves un moyen de le conduire à l'écart de la foule. Ma voix est méconnaissable à cause du désir, j'empoigne durement ses cheveux en orientant sa tête vers le bas. Elle gémit quand je suce sa lèvre inférieure avec avidité. Je perds pied, et je finis par dévorer sa bouche, je titude comme si j'avais trop bu l'entraînant avec moi. Gayle gémit, accueillant mes coups de langue avec délectation.
Je m'éloigne, me rappelant que je ne peux pas faire ça devant tous ces gens.
– Pourquoi ? Elle questionne d'une voix qui n'arrange pas mon état d'excitation.
Je lui explique brièvement les raisons de mon père, en veillant à ce que le couple qui danse à quelques mètres de nous ne m'entende pas.
– Je m'en occupe.
Quand la chanson prit fin, Gayle s'éloigna après un signe de tête.
Je vais me réfugier à l'écart, là où le jardin n'est pas très éclairé. Mon érection est si douloureuse que j'ai du mal à marcher. Cette journée est un vrai calvaire, y a-t-il quelqu'un qui est déjà mort d'une overdose de désir et de frustration, ou serais-je le premier ?
J'en profite pour prendre une coupe de champagne sur un plateau d'une serveuse qui passe à côté de moi. Gayle est déjà arrivée près de la table où est installé Orazio.
Elle se glisse sur un siège laissé vide à côté de lui, se retrouvant en sandwich entre Orazio et un autre que je ne connais pas. J'écarquille les yeux quand elle ouvre un paquet de clopes, le mien, putain, quand l'a-t-elle pris ? Voilà ce qui arrive quand on bande constamment, on a du mal à réfléchir et à remarquer le moindre détail.
Sous l'œil attentif des deux hommes qui ne cachent même pas leur convoitise, alors que Gayle les ignore, regardant droit devant elle, elle sort une cigarette du paquet et la coince entre ses lèvres. Aussitôt, les deux hommes lui présentent des briquets allumés. J'esquisse un sourire quand elle se fige, comme si elle avait besoin de réfléchir avant de pencher la tête et d'allumer sa clope sur la flamme présentée par Orazio. Gayle se dépêche de coincer la clope entre ses doigts et de l'éloigner de sa bouche.
Orazio dit quelque chose, la moitié de son visage est cachée par son énorme chapeau, ce qui m'empêche de bien le voir. Quand il termine de parler, Gayle rejette les épaules en arrière et se met à rire.
Je bouillonne littéralement sur place, je déteste que son attention soit portée sur quelqu'un d'autre. Cette sensation de devoir la partager est comme une corde invisible qui serre mon cou. Elle prend une bouffée de cigarette, tournant légèrement ses jambes croisées, pour s'orienter vers notre homme et lui donner l'illusion qu'elle s'intéresse à lui et à ce qu'il dit.
Après quelques mots, elle se lève et se dirige vers la maison dans un roulement de hanches sensuel. Je desserre mon nœud papillon avant de le retirer avec un juron et de le fourrer dans ma poche. Je serre les dents en remarquant l'attention d'Orazio posée sur elle. Il n'est pas le seul, d'ailleurs.
Je suis tellement concentré sur cette meute de loups que je ne remarque pas la personne qui s'est glissée derrière moi. Des mains se posent sur mes yeux, me barrant la vue. Je me tourne brusquement et ma main empoigne déjà le cou de la personne.
– Putain, c'est moi ! Je relâche le cou de Rebecca que j'ai bien failli briser.
– Qu'est-ce que tu veux ?
– Je t'ai vu seul et je me suis dit que tu avais besoin de compagnie.
– Tu te trompes.
J'ai besoin de décharger mon désir sur Gayle, j'en ai tellement besoin que j'en deviens fou. Elle mordille sa lèvre inférieure, elle porte une robe rouge et ses cheveux sombres sont retenus au sommet de son crâne. Elle me saisit brusquement et tente de m'embrasser, merde.
– Mais putain, dégage. Son visage atterrit sur mon cou, j'amorce un mouvement de recul.
– Je t'en prie, Riccardo, cette mascarade va durer jusqu'à quand ? J'ai bien vu le manège de Gayle avec Orazio, il l'a même suivie dans la maison. Cette fille n'a aucun respect pour toi. Sa main se pose sur mon ventre.
– Contrairement à moi qui ne vis que pour toi. Je retiens sa main avant qu'elle ne descende plus bas. Tout ce qui m'intéresse, c'est Orazio qui a suivi Gayle dans la maison conformément à notre plan.
– Si tu ne veux pas ouvrir les yeux sur cette fille, je t'aiderai à le faire, lance Rebecca alors que je m'éloigne. Je ne veux même pas savoir de quoi elle parle, j'ai beau savoir que Gayle sait se défendre, je suis toujours inquiet quand je ne l'ai pas à l'œil.
– Ri...
– Dégage. Je repousse un homme de mon chemin et continue ma route. Encore quelqu'un, j'en suis persuadé, qui veut une faveur.
– Riccardo, attends, Rebecca me retient à nouveau par le poignet, ses ongles s'enfonçant dans ma peau.
– Écoute-moi au moins deux minutes, ça te tuera. Tu te comportes comme si je n'étais pas importante à tes yeux, on a été mariés et tu m'as quittée sans aucune explication, j'exige de savoir pourquoi !
– Écoute, je répondrai à toutes tes questions une autre fois. Là, je n'ai pas le temps.
– Évidemment, réplique-t-elle avec un rire sans joie. Tu n'as jamais le temps pour moi, mais pour cette...
– Fais très attention à ce que tu vas dire. Je te respecte et j'ai de l'égard pour toi, pour ce que tu as vécu à cause de moi, mais n'essaie même pas de jouer avec mes limites, tu pourrais découvrir une facette de ma personnalité qui te donnerait envie de te terrer dans un bunker ! Elle recule, effrayée. Cette fois, quand je m'éloigne, elle ne me retient pas. Je suis désormais d'humeur sombre, j'ai perdu trop de temps et ni Gayle ni Orazio ne sont ressortis de la maison. Je presse le pas, je l' ai laissé seuls trop longtemps avec un soldat surentraîné.
Pourtant, quand je pousse la porte d'entrée, aucune des scènes d'horreur que j'ai imaginées ne se présente à moi. Gayle est adossée contre un canapé, un couteau ensanglanté à la main. Je parcours rapidement son corps pour me rassurer du fait que le sang ne soit pas le sien.
– Que s'est-il passé ? Elle hausse une épaule et se détache du canapé.
– Orazio n'est plus. Pourquoi as-tu mis autant de temps ?
– J'ai été retenu par Rebecca.
Gayle arque un sourcil, se détache du canapé et laisse la lame tomber sur la moquette.
– Génial, je vais aller me chercher un verre.
– Hey, qu'est-ce que tu fais ?
– Je me casse d'ici. Tu me laisses m'occuper seule d'Orazio pour rester avec Rebecca, tu te moques de moi ?
Merde, mais quel connard a dit que la vérité était une voie salvatrice.
– Ce n'est absolument pas ce que tu crois. Elle est venue me trouver... Je hoche une épaule pour lui signifier à quel point c'est sans importance. Gayle m'observe avant d'écarquiller les yeux.
– Toi, tu n'es qu'un... Elle ne termine pas sa phrase, préférant me donner un coup de poing sur le visage.
– Bon sang, mais fais-toi soigner, je n'ai rien fait ! Je déclare en retenant ses poignets.
– Lâche-moi, comment oses-tu me toucher quand tu as le rouge à lèvres d'une autre femme sur toi ?
– Putain quoi ?
– Oh, je t'en prie, Riccardo, sur ta chemise. Je te laisse à peine 6 minutes et tu réapparaît avec ça. Je me tords presque le cou pour regarder la tache dont elle parle, merde, une empreinte de lèvres. Quand Rebecca a-t-elle eu le temps de faire ça ? Putain, quelle poisse.
– Tu m'énerves, putain. Ça m'a échappé, mais franchement je le pense.
– Moi ? Comment oses-tu ?
– Tu me fais une scène à cause d'un malheureux rouge à lèvres, mais ça te laisse de marbre quand je te déboîte l'épaule ?
– Tu vas encore remettre ça sur le tapis ? Ça n'a rien à voir, l'épaule c'était entre toi et moi. Cette tache atteste que ton ex est toujours entre nous comme une putain d'ombre, et tu ne fais jamais rien.
– Parce qu'elle n'est pas importante, Gayle.
– Sans importance ? Comment réagirais-tu si l'un de mes ex était constamment derrière moi ? S'il laissait sa marque sur moi ?
Je le tuerais, mais je n'ai pas le temps de répondre ; une ombre vient de se redresser entre les canapés. Orazio, la gorge partiellement égorgée, se redresse, une arme pointée sur Gayle.
Mon sang ne fait que tourner. Une décharge d'adrénaline remplit mon corps et je me jette d'un mouvement sur elle pour la plaquer au sol au moment où Orazio appuie sur la gâchette. Putain, la balle nous a manqué de justesse.
Je saisis mon flingue et je tire en direction d'Orazio. Ce connard est déjà mort, mais il tient debout grâce à l'énergie du désespoir.
– Merde, mais comment il tient debout, il a la gorge en bouillie ! s'écrie Gayle qui se tortille sous moi. Il s'effondre enfin quand ma troisième balle l'atteint.
Je reprends mon souffle et mon front atterrit sur sa poitrine. Bordel, j'ai eu tellement peur de ne pas être capable d'intervenir à temps.
– Lâche-moi, elle me repousse et roule sur le côté, mais il n'est pas question que je lui donne ce qu'elle veut. Je me redresse et range mon arme avant de me pencher pour la soulever.
– Mais qu'est-ce que tu fais ? Il faut vérifier s'il est vraiment mort. Elle se débat sur mon épaule ; en passant à côté d'Orazio, je tire deux coups de feu droits dans sa tête.
– Là, je suis sûr qu'il est mort !
La mine sombre, je monte les marches deux à deux, sourd à ses plaintes. Je remonte le couloir ; ça fait dix ans que je ne suis pas venu ici, mais je connais cette maison comme ma poche. Mes cauchemars se déroulent ici, ils reviennent en boucle et de plus en plus clairement, comme une putain de prophétie.
Je passe devant la porte de la chambre de Giacomo avant d'aller tout au fond, là où se trouve ma chambre. Je l'ouvre d'un coup de pied avant de poser mon fardeau à l'intérieur. Je ferme la porte à clé avant de me débarrasser prestement de ma veste que je jette dans un coin de la pièce.
– Qu'est-ce que tu fais ?
questionne Gayle d'une voix voilée. Un sourire carnassier étire mes lèvres alors que je retrousse les manches de ma chemise sur mes avant-bras pour dévoiler mon tatouage.
– Je termine le petit jeu que tu as commencé.
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