Riccardo

C'est en arrivant à l'extérieur que je me rends compte qu'il pleut à verse. Ce vieux renard a tellement l'habitude de provoquer la tempête au sein de l'organisation que ça ne le dérange pas d'en traverser une pour venir s'assurer que Lionel est hors d'état de nuire. Je ferme la trappe derrière nous avant de descendre à mon tour.

Je fronce les sourcils en direction de la tornade qui me sert de femme quand je remarque Jawad ficelé à un siège comme un jambon. Sa tête pend mollement sur son buste, il est inconscient. Elle se contente de sourire et une excitation malsaine s'empare de moi. Jawad est l'homme qui a kidnappé, violé et décapité la mère de Gayle quand celle-ci est venue à Nîmes faire une surprise à sa fille. Pas étonnant qu'elle le fasse souffrir, mais je suis bien curieux de savoir comment elle s'est débarrassée de Leblanc. Ce dernier n'était certainement pas le bras armé, mais il était le donneur d'ordre. Ce salopard a envoyé quelqu'un en prison pour me tuer ; il aurait bien réussi si je n'étais pas un connard méfiant de nature.

Quelqu'un se raclant la gorge me pousse à détourner mon attention de Gayle pour me concentrer sur lui. Père a troqué ses costumes stricts contre un pantalon sombre et un pull en cachemire sombre. Ses cheveux qui virent progressivement au gris sont légèrement humides, ses yeux bleus sont plantés dans les miens.

– Papa ! Je raille. Il tique, il n'a pas l'habitude de ce terme qu'on peut considérer comme affectueux ; notre relation a toujours été professionnelle. Mais je sais que je suis son fils préféré, celui qui lui ressemble le plus. Un monstre à son image, l'ombre qui alimente la terreur de ses ennemis. Sa fierté.

– Je déteste attendre.

– J'avais des choses plus importantes à faire. Son regard dur se plante dans celui de Gayle. Je me tends, sentant une peur irrationnelle s'emparer de moi. Je sais que ce vieux renard considère Gayle comme une menace ; il sait que je l'aime et pour lui, elle peut être une faiblesse. Il n'a pas tout à fait tort. Je n'ai pensé qu'à mes sentiments quand j'ai sorti Gayle du manoir des Leblanc ; ça aurait pu avoir des conséquences désastreuses pour l'organisation.

Mais je n'ai aucun putain de regret. Je suis allé en prison pour elle, j'irai en enfer pour elle s'il le faut.

– Il est toujours vivant. Se contente de dire la Pieuvre.

– Je veux prendre mon temps, je veux utiliser son corps pour faire certaines expériences. La réponse de Gayle semble contenter la Pieuvre. J'allume les lampes pour éclairer mon antre. Toutes les maisons appartenant à la famille ont un sous-sol comme celui-ci ; celui qui se trouve dans la maison ancestrale est sûrement le pire de tous. En plus de plusieurs salles de torture, il y a six cellules où père enferme ses ennemis et parfois même ses propres fils. J'ai passé deux semaines au fond de ces cellules sombres avec le corps de ma première victime.

Lionel est attaché au sol, se tortillant comme un foutu ver. Je me dirige vers la table en métal avant d'y prendre place. Gayle vient se placer entre mes jambes. On regarde la Pieuvre faire signe à l'un de ses hommes de main, Bran. Il a le même âge que mon père, ils ont grandi ensemble. Bran prendrait une balle pour Giousé Gaviera. Jamais la Cosa Nostra ne connaîtra d'hommes plus fidèles. Il n'est pas très bavard, mais il parle très bien avec ses armes et ses poings ; c'est tout ce qui compte.

Bran soulève Lionel et l'attache à la roue que j'avais utilisée pour briser les os de Bellucci. Ce connard m'a donné beaucoup de fil à retordre, ce qui arrive très rarement.

– Qui est cet homme ? Je m'allume une clope, fais gaffe avant de brûler mes cheveux. Je souris, elle se souvient de la conversation qu'on a eue à Nîmes ? Elle n'a pas vu mon visage.

– C'est Lionel Conti, un membre de l'organisation qui a décidé de pactiser avec le diable. C'est lui que j'étais allé chercher en prison. Elle pose les mains à plat sur mes cuisses.

– Je croyais que le diable c'était vous. Je me retiens de rire, il ne faudrait pas déconcentrer la Pieuvre.

– Nous. Petite tornade. Tu fais partie de l'organisation maintenant. Tu m'appartiens. Elle me fusille du regard mais ne nie pas.

Père tire sur le ruban adhésif et aussitôt un cri jaillit de la bouche de Lionel. Heureusement que cet endroit est insonorisé. Sinon, je serais déjà condamné à perpétuité juste pour les cris suspects, un peu comme les bruits que la voisine de Jeffrey Dahmer entendait provenir de son appartement, mais en pire.

– Ça me blesse que tu sois surpris de me voir. Je t'avais dit que je t'aurais. Tu as vraiment été assez bête pour croire que la police aurait pu te protéger ?
Pour quelqu’un qui a travaillé aussi longtemps pour mon père, il n'est pas très malin. Jamais personne ne s'est retourné contre Giouse Gaviera et a réussi à survivre. Le seul moyen d'échapper à la pieuvre, c'est en le tuant et les gens sont trop effrayés par son pouvoir pour penser à cette éventualité.

Pourtant, ce n'est qu'un homme…

– Donne-moi une chance, Giouse, je te promets de me rattraper.

Supplié est vain, c'est une erreur. Père tend la main en direction de Bran sans même le regarder, ces deux-là sont tellement en synchronisation parfaite qu'il lui donne ce dont il a besoin sans qu'il ait besoin de le formuler. Je jette ma clope et serre Gayle contre moi, je presse sa taille et embrasse sa joue, elle regarde la scène avec attention tout en penchant la tête sur le côté pour me donner plus de liberté.

Père referme la main sur la manche du couteau, Lionel se met à trembler et à se tortiller mais il est tellement bien attaché que ça ne sert à rien.

– Ne fais pas ça, je n'ai rien dit à la police. J'aurais refusé leurs accords. La pieuvre fait un claquement de langue dédaigneux. Il saisit Lionel par la nuque et enfonce le couteau d'un mouvement sec dans son œil. Il hurle comme un fou, son corps secoué de spasmes de douleur. Je me concentre sur le profil de Gayle, son regard ne laisse rien transparaître. Pas un mouvement de recul, pas un frémissement. Rien, elle regarde Lionel, le visage couvert de sang, avec une parfaite indifférence.

On est bien loin de la fille qui pleurait à chaque fois qu'elle était en proie à ses pensées. Elle s'est endurcie. C'est parfait, ce monde n'est pas pour les faibles.

– Tu sais que ta froideur m’excite ?

– Je suis chaude là où il faut. Elle réplique avec un clin d’œil qui me tire un sourire.

La pieuvre retire le couteau, indifférent aux cris de Lionel, qui vire au rouge, toutes les veines de son corps ressortant comme s'ils souhaitaient transpercer sa peau. Il va plus loin en enfonçant le couteau dans le deuxième œil.
C'est là que je me rends compte que Jawad s'est réveillé et qu'il s'est même fait pipi dessus.
Quand père retire le couteau cette fois, Lionel, dont le corps frêle ne peut en supporter davantage, s'évanouit.

– Le lâche, même pas foutu de rester conscient. Père retrousse les manches de son pull, dévoilant ses avant-bras et son tatouage.

Il fait signe à Bran qui réveille Lionel d'un coup de poing au ventre.
Je soupire, j'ai hâte que ces vieux débris terminent pour que je puisse m'enfermer jusqu'à l'aube avec Gayle. Je vais la prendre dans toutes les positions possibles. J'aurais dû emmener Lionel chez la pieuvre. Ça m'aurait évité d'être dérangé, parfois je ne suis pas très malin.

– Tu vas garder tes cuissardes pour moi quand je vais te baiser ? Elle penche la tête sur le côté pour m'offrir son cou. Je ne me fais pas prier et enfouis mon visage dans la jonction entre son cou et son épaule.

– Tu vas mal finir, crois-moi, Giouse. Lionel éclate de rire, tu te souviens de la prédiction de la voyante, pas vrai ? Tu… Père a enfoncé son couteau dans sa gorge pour l'empêcher de continuer. Je m'étais redressé dès qu'il a dit "prédiction", depuis quand mon père consulte des charlatans ?

– Excuse-moi, princesse. J’écarte Gayle avant de me lever.

– De quoi il parle ? Lionel est en train de s'étouffer avec son sang, le couteau toujours dans la gorge.

– Rien qui te concerne. Il sort un mouchoir de sa poche et nettoie son visage et ses mains avant de le jeter.

– Bon boulot, tu peux te reposer cette semaine. Mais tu as des contrats à honorer, ne l'oublie pas. Je hoche la tête, je suis plus préoccupé par les dernières paroles de Lionel que par ses foutus contrats. Mais je suis néanmoins soulagé quand la pieuvre et Bran partent, me laissant seule avec Gayle et un Jawad tremblant.

– Alors…

– Alors ? Questionne Gayle avec un petit sourire. Je la prends par les hanches et la plaque contre moi.

– Retournons dans notre chambre. Elle secoue la tête avant de poser les mains sur mes épaules.

– Pourquoi aller dans la chambre ? Tu peux me prendre ici, sur cette table. Elle caresse la table où j'ai découpé bon nombre de personnes. Soulevant légèrement sa jambe, elle la plaque contre moi.

Je sens son souffle caresser mon oreille quand elle déclare :

– Ou je peux me mettre à genoux et te prendre dans ma bouche. Je te sucerai fort, profondément. Qu'en penses-tu ?

– Les deux propositions me vont, je veux prendre mon temps avec toi.

– Vraiment ? Je recule jusqu'à ce qu'elle prenne place sur la table, elle émet un petit son de gorge.

– Oui, je vais prendre toute la nuit pour découvrir ton corps dans les moindres recoins, après seulement je vais te baiser tellement fort que tu auras du mal à marcher. Gayle me regarde avec un petit sourire. En général je suis très doué pour comprendre ce à quoi pensent les gens grâce aux expressions de leurs visages, mais avec Gayle, je perds complètement tous mes repères. C'est pourquoi je n'ai pas anticipé le coup de poing que je viens de recevoir au ventre. Elle me repousse et se met debout.

– Tu disparais pendant cinq putain de mois, tu reviens et la première chose que tu fais c'est embrasser une autre fille et tu penses que je vais te laisser me toucher !

– Putain, si ma mémoire est bonne, ma queue était en toi il y a moins d'une heure.

– C'était une erreur, je ne savais pas ce que je faisais.

– Une erreur ? Dis-je d'un ton menaçant.

– Oui, une erreur, retiens bien ça. Toi et moi, c'est fini. Tes cachotteries, j'en ai par-dessus la tête, alors l'infidélité, c'est carton rouge. C'est terminé !

– Bordel, je ne t'ai jamais été infidèle.

– Mais tu es un menteur, même quand on te prend sur le fait, tu continues de mentir.
Je me passe la main sur le visage. Putain, elle le fait exprès ?

– Je. Ne. T'ai. Pas. Trompé. Avec. Rebecca.

– Je m'en moque. Va la retrouver, tu es libre désormais.

– Gayle… Je la retiens par le coude, mais elle se dégage brusquement en se frottant le bras.

– Ne me touche pas, je t'en prie. Je te comprends pas. As-tu la moindre idée de ce que ça fait d'attendre patiemment quelqu'un et de voir cette personne dans les bras d'une autre femme dès qu'elle revient ? Non, tu ne sais pas ce que ça fait, tu n'as jamais rien attendu de ta foutue vie.

– Je t'interdis de dire ça. Je t'ai attendue, toi. Tu penses peut-être que je suis allé en prison par envie ? C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour te sauver. Aussi fort que je sois, je ne pouvais pas me battre contre mon père et les Leblanc, alors j’ai accepté l’offre de la pieuvre.

– Et pourquoi tu ne m’as rien dit ? Pourquoi continues-tu constamment d’agir comme si tu es seule au monde, comme si tu n'avais de compte à rendre à personne ? Pas une seule fois tu t'es dit que je m'inquiéterais ? J’ai passé des nuits entières à fixer le plafond en imaginant le pire.

– Je ne le mérite peut-être pas, mais j’ai conscience de la chance que j’ai. Si tu avais eu conscience de mon plan, tu aurais refusé pour ne pas me voir en prison. J’ai parfois besoin de te protéger de toi-même et des sentiments que tu as pour moi.
J’empoigne sa veste et je l’attire à moi.

– Je peux comprendre ton plan, mais je ne crois pas être capable de comprendre pourquoi tu as refusé de me voir pendant cinq mois. J’ai besoin d’être seule. Je n’arrive pas à réfléchir avec toi à mes côtés et je fais n’importe quoi.

Cette fois, quand elle s’éloigne, je ne l’arrête pas.

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J'ai battu mon record du chapitre le plus long mdr. J'ai carrément le séparé en 4, j'espère que vous allez aimé.

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