Gayle
– Tu es sûr qu'on est au bon endroit ? Questionne Pedro une heure plus tard quand on descend de la voiture après avoir traversé le portail en fer forgé de la maison ancestrale des Gaviera.
– Oui. Pedro a un petit rire moqueur, il secoue la tête.
– Riccardo ne viendra jamais ici, son père n'est plus dans ses petits papiers.
– Tu veux parier ?
– À fond que je vais parier, puisque je suis sûr de gagner. J'ai le même sourire que le chat dans Alice au pays des merveilles.
On traverse la large cour, je lui demande de commencer à réfléchir à ce qu'il va me donner. Pedro et moi montons les marches, après qu'il a échangé quelques mots avec les hommes postés à l'entrée. La maison est silencieuse. Je me demande même s'il y a quelqu'un, peut-être que la pieuvre est en voyage. Puis soudain, j'entends un rire qui me hérisse. De ma vie, jamais je n'aurais cru entendre ce rire insupportable ici. J'échange un regard avec Pedro avant de traverser le vestibule, dont le sol en marbre est extrêmement chaud sous mes pieds nus, pour me diriger vers les différentes voix qui proviennent de la cuisine.
– Bordel, Emma !? Ma sœur, vêtue d'un tee-shirt trop grand pour elle, tourne la tête dans ma direction. Elle pousse un petit cri de surprise, traverse l'immense cuisine avec son équipement à la pointe de la technologie et se jette dans mes bras. Mais j'ai l'impression d'avoir reçu un choc qui m'empêche de réagir. Qu'est-ce qu'elle fiche chez la pieuvre, en compagnie de la pieuvre, vêtue d'un tee-shirt appartenant à la pieuvre !
– Tu as repris conscience et tu voulais tellement voir ta sœur que tu t'es lancée à ma recherche. Je savais que tu m'aimais.
– Putain non, arrête de me coller. Qu'est-ce que tu fais là ? Elle lance un regard hésitant à Don Gioeusé, il porte un pantalon de toile et un tee-shirt blanc. C'est vraiment étrange de le voir sans ses vêtements stricts, mais même comme ça, il est incroyablement intimidant. Et mon inconsciente de sœur est dans sa cuisine !
– Bébé, excuse-nous, je dois parler à ma sœur.
Bébé ? Bébé ! Mais qu'est-ce qui se passe ? Après le coma, c'est l'univers parallèle ? Hermendez a peut-être raison, je ne suis pas prête à quitter l'hôpital.
– Qu'est-ce que tu fiches ici dans cette tenue ? Je hurle presque quand on est assez loin pour ne pas être entendus des deux hommes.
– Tu te rappelles, durant l'anniversaire de ce type...
– Giacomo.
– Oui... Je t'ai dit que mon but c'était de sortir avec l'homme le plus puissant de la fête. C'est fait.
– Quoi ? Tu te moques de moi, il y a 4 mois, tu étais à fond sur Gabriel. Emma, qui analyse ses ongles parfaitement manucurés, fait la moue.
– C'est justement à cause de Gabriel que je ne sortirai plus jamais avec un pauvre de ma vie. Ce clochard nous a drogués, papa et moi, et il est parti avec notre télé et notre box. Un riche, va partir avec mon cœur ou mon âme, ma santé mentale éventuellement, mais jamais avec ma box. J'ai trop donné pour le petit peuple, et moi, Emmanuella Attal, je ne suis pas une bénévole. Il est grand temps que je méne la vie que je merite.
Je grimace, en sachant que Gabriel est mort, le clochard qui est parti avec la box et l'écran plat, c'est le mien, sûrement pour faire passer le truc pour un cambriolage. Je vais m'extasier sur l'intelligence de Riccardo plus tard.
– Emma, Gieusé Gaviera n'est pas seulement riche, il est...
Je m'interromps pour chercher mes mots, sans parler de l'influence qu'a cet homme dans le monde de l'ombre.
– Puissant. Emma éclate de rire.
– Je suis bien d'accord, son coup de rein est puissant, il est...
Je me bouche les oreilles en hurlant "la la la la", c'est hors de question qu'elle me parle de ça. Après tout, la pieuvre est mon beau-père, c'est déjà assez gênant de la trouver là.
– Je ne veux rien savoir. Tu es complètement malade, ce n'est pas n'importe qui, tu ne peux pas jouer avec lui comme tu le faisais avec Nathan.
Il va la tuer sans hésitation.
– Je n'ai pas envie de jouer, je veux construire quelque chose et Gieusé est un homme seul qui a besoin d'affection. Je lève les yeux au ciel.
– Fais ce que tu veux, tu es adulte après tout.
– Merci maman. Attends, qu'est-ce que tu fais ici ? Le médecin t'a donné l'ordre de sortir ?
Je secoue la tête.
– Non, je dois y retourner, mais je viens chercher quelqu'un. D'abord, il faut que j'aie une petite conversation avec la... Je veux dire Don Gieusé.
– Le coma a un côté positif, tu as perdu du poids.
– Le seul côté positif de ce coma, c'est que je n'entendais plus ta voix.
– Que me vaut l'honneur de ta visite ? Questionne la pieuvre quand j'arrive à sa hauteur.
– Bébé, je vais aller me rafraîchir. J'écarquille les yeux quand Emma roule une pelle monumentale à la pieuvre. L'évidence me frappe avec la force d'un boomerang. Ma sœur se tape l'un des hommes les plus puissants d'Italie, pire, elle se tape mon beau-père. Je crois que je ne m'y remettrai jamais.
– D'accord.
Emma s'éloigne après m'avoir tiré la langue. Bordel, je rêve. Emma et la pieuvre, la pieuvre et ma sœur !
– Qu'est-ce que vous lui voulez ? J'attaque dès qu'Emma disparaît. C'est ma sœur, pas l'un de vos jouets.
– On entretient une relation entre adultes consentants. Je soupire, l'expérience m'a appris qu'avec les Gaviera, c'est jamais aussi simple. Dante Gaviera a fin l'amitié avec moi pour se venger de Riccardo, Giacomo est le plus grand hypocrite que cette terre ait porté. La pieuvre et Riccardo ? Ces deux-là sont les pires de tous, dangereux, imprévisibles, ils peuvent t'aimer à la folie une seconde, et la seconde d'après te foutre dans les flammes. Et Emma, elle prend absolument tout comme un jeu.
– Ne lui faites pas de mal, Emma se comporte souvent comme une idiote insouciante. Je...
– Tu as peur que je la tue si elle va voir ailleurs ?
– Vous ne pouvez pas m'en vouloir d'avoir peur. Je n'ai pas confiance en vous.
– Faisons un marché, je ne ferai rien à ta sœur, si tu plaides en ma faveur auprès de mon fils, nos parties de poker me manquent.
– Vous êtes avec ma sœur pour pouvoir me faire du chantage.
– En quelque sorte. Je grimace, il a répondu sans aucune hésitation. Un sourire etire mes lèvres, je me rappel il y à quelque mois, je l'ai supplie de sortir Riccardo en prison il m'a envoyé baladé.
– Qu'est-ce qui vous fait croire que Riccardo va m'écouter ? Vous l'avez trahi.
– Il t'écoute toujours.
– Je ne compte pas utiliser ce privilège pour vous.
– Et ta sœur...
– Tuer la, je m'en moque. Excusez-moi. La pieuvre me surprend en éclatant de rire, ce qui me laisse médusée.
– Tu as préparé cette petite vengeance durant combien de temps ?
Rien d'etonnant qu'il ait comprit mon petit manege. Je hausse les epaules pour toute reponse.
– Je peux savoir ce que tu fais là ?
– Je viens chercher Riccardo. Il ne masque pas la surprise qui passe dans ses yeux bleus.
– Désolé jeune fille, mais il n'est pas là.
– Vous voulez parier, si je gagne, vous ne ferez jamais de mal à ma sœur.
Bordel, Riccardo à vraiment une mauvaise influence sur moi, je passe mon temps à parier. Au moins je suis sûr de gagner.
– Il n'est pas là. Il répète avec un petit sourire.
Je m'éloigne en traînant les pieds sur le marbre du vestibule. Juste près de l'escalier, il y a une porte qui mène au sous-sol, la cave, comme Riccardo l'appelle. C'est là que sa mère l'enfermait quand il était petit.
Je suis persuadé qu'il est là, parce que Riccardo Gaviera est le genre de personne qui pense constamment qu'il ne mérite pas d'être dans la lumière. C'est le genre de personne qui détruit chaque étincelle de bonheur qui surgit dans sa vie, comme s'il s'était mis dans la tête qu'il ne le méritait pas.
Cette cave a une place très importante dans sa vie, parce qu'elle représente le seul endroit qui lui fait plus peur qu'affronter ses émotions.
Je triture le bas de ma blouse, en rasant le mur des couloirs sombres. J'ai l'impression que plusieurs fantômes se sont réveillés suite à mon intrusion. Le fantôme de Cora et celui d'un petit garçon, qui se débat et hurle qu'il ne veut pas retourner au sous-sol.
Je ne chercherai jamais à justifier certains de ses actes, mais cet endroit est l'usine qui a participé à la transformation de ce petit garçon en monstre.
Les enfants qui grandissent dans un environnement où les parents sont émotionnellement distants ou incapables d'exprimer de l'affection, comme l'ont été la pieuvre et Cora, peuvent développer un déficit d'empathie. Ce manque d'empathie est l'une des caractéristiques centrales de la psychopathie qui poursuit Riccardo jusqu'à présent.
Les environnements marqués par la violence physique, émotionnelle ont créé chez lui un sentiment de rage, de peur et d'insécurité profonde. Il a développé des mécanismes de défense qui le rendent insensible à la douleur des autres, ce qui favorise le développement de ses comportements agressifs et manipulateurs.
L'exposition à la violence depuis son plus jeune âge l'a conditionné à considérer son comportement comme un moyen normal de résoudre les conflits ou d'obtenir ce qu'il veut.
Le problème, c'est que tout cela fonctionnait quand il était seul, avant moi. Maintenant, il doit mettre de côté les règles qu'il s'était fait un devoir de respecter pour me faire de la place.
Ce sera un combat de tous les instants. J'ai parfois l'impression de constamment lui courir après, comme si lui seul était effrayé par ses sentiments, qui ont pris le contrôle de nos corps trop vite et trop fort. Mais ce n'est pas une compétition. Un jour, il m'a dit que face à moi et à ce qu'il ressent pour moi, il se sent comme un petit garçon démuni qui apprend à marcher. Et ce jour-là, je me suis promis de ne jamais lâcher la main de ce petit garçon, quoi qu'il m'en coûte.
– Riccardo, c'est moi. Je ne vois rien, tu peux m'indiquer où tu es ?
Aucune réponse, mais je sais qu'il est là. Cet endroit me donne la chair de poule, il y fait beaucoup trop froid et sombre. Quand je m'imagine qu'un enfant a passé plusieurs années ici, j'ai envie de tuer Cora une seconde fois. Je m'avance en m'aidant de mon ouïe pour détecter du bruit, ou n'importe quoi d'autre qui me permettrait de me repérer.
Ma main rase le mur, la pierre est froide et légèrement humide.
– Tu marches droit vers un trou, petite serveuse. Je m'arrête avant de reculer d'un pas. Je me tourne vers la voix. Maintenant que je sais qu'il y a des trous dans cet enfer parsemé de ténèbres, je suis plus hésitante.
Mes pieds rencontrent quelque chose de mou que je reconnais comme un matelas. Oui, un matelas posé à même le sol. Je m'avance, monte dessus, les yeux plissés. Je bute contre une masse, je manque de basculer, mais une main s'enroule autour de mes jambes pour me stabiliser. Cette odeur de nicotine, aucun doute possible, c'est bien lui. Je tâtonne dans le noir jusqu'à toucher son torse, je remonte sur son cou, je sens sa respiration, son pouls s'affoler sous mes doigts. Je remonte avant de toucher son visage, il a une barbe tellement fournie qu'elle occulte sa peau.
Je retire ma main de son visage, ne sachant plus quoi faire, puis mon impulsivité prend le dessus et je le gifle.
– Toi, je te hais. Je martèle sa tête et son visage de mes poings avant qu'il ne laisse échapper un juron et me retienne par les poignets. Il me tire vers lui, et j'en profite pour planter mes dents dans la première chose à ma portée, à savoir son ventre, à travers le tee-shirt.
– Bon sang, Gayle.
– Lâche-moi, j'en ai marre de ton comportement. Il libère mes poignets, et j'en profite pour lui envoyer mon poing dans le visage.
Quoi ? J'ai dit que je le comprenais, pas qu'il ne me mettait pas en rogne.
Je me glisse entre ses jambes et me laisse aller contre lui, plongeant ma tête dans l'espace entre son cou et son épaule. Riccardo prend une profonde inspiration qui fait trembler sa poitrine et il referme ses bras autour de ma taille.
– Comment as-tu su que j'étais là ?
– Il faut croire que je te connais bien plus que tu l'imagines. Pourquoi es-tu là ?
– Tu ne devrais pas être là, je ne pense pas que c'est prudent de sortir de l'hôpital quelques heures avant ta sortie.
– Je fais ce que je veux, et tu es vraiment mal placé pour me donner des leçons. Tu m'énerves. Et cet endroit me donne la chair de poule, comment peux-tu rester ici ?
– J'ai bêtement cru que ce serait le seul endroit où tu ne me trouverais pas. Je suis désolé, j'ai essayé de revenir, mais j'ai eu peur que tu m'en veuilles d'avoir fui comme un lâche. Je ne sais pas ce qui m'a pris.
– T'en ai-je jamais voulu de quoi que ce soit ?
– Non, et c'est agaçant. Quoi que je fasse, tu me trouves des excuses.
– Il faut bien que l'un de nous soit compréhensif.
– Tu ne devrais pas. Je lui enfonce brutalement mon coude dans le flanc, je le sens tressaillir.
– Le problème, ce n'est pas moi. Mais toi. Je croyais qu'on avait depasser tout ça. Ecoute, je ne veux pas te forcer la main mais je n'ai pas envie de prendre le risque de construire quelque chose avec quelqu'un qui pourrait me quitter du jour au lendemain.
– Je ne veux pas te quitter.
– Mais...
– Il n'y a pas de mais, je préfère errer dans ta vie comme un foutu fantôme, te voir de loin, savoir que tu es toujours là, plutôt que de ne plus te voir du tout.
– Je ne veux pas que tu sois un fantôme dans mon existence. Je ne veux pas vivre sans le son de ta voix, tes mains rassurantes et la chaleur de tes baisers. Je te veux à mes côtés. Et si tu me disais ce qui n'allait pas, pourquoi es-tu partie ?
Je soulève légèrement la jambe pour la placer entre les siennes. Je sens son jean rêche contre ma peau exposée. La main de Riccardo remonte sur mon dos dans une caresse lascive et, bientôt, je sens ses lèvres sur mon front.
– Tu étais enceinte.
Finit-il par dire après un interminable silence, sa voix n'est qu'un souffle à tel point que je ne suis même pas sûr d'avoir bien entendu.
Je sursaute légèrement avant de me figer. Je ressens des émotions contradictoires, je serais incapable de dire si je suis triste ou en colère contre Dominguez et moi-même. Comment peut-on être triste de perdre quelque chose dont on n'avait même pas conscience, quelque chose qu'on n'est même pas sûr de vouloir ?
– Je le savais.
– Tu le savais ?
Il y a une accusation dans sa voix, je me dépêche de corriger avant que les choses ne s'enveniment.
– Je l'ai appris grâce à Dominguez. Une etrange sensation me serre le coeur.
Ces crampes intenses, similaires aux douleurs des règles, cette douleur dans le bas de mon dos, et surtout tout ce sang que je perdais, je sentais bien que quelque chose d'inédit se passait dans mon corps. Je me presse contre Riccardo, je me sens coupable. J'ai été incapable de le protéger, c'est ma faute, j'aurais dû faire attention à mon corps avant de me lancer dans cette folie qu'est affronter Dominguez.
– Quand j'étais petit, j'ai toujours tout subi comme une machine sans me poser de questions. Je ne connaissais que ça, alors j'ai cru que c'était normal. Mais en grandissant, j'ai compris que ça ne l'était pas. J'étais assez détaché, mais parfois, j'avais du ressentiment envers ma mère, mon père et mon frère. Je leur en voulais de ne m'avoir jamais protégé. Je me suis promis de ne jamais avoir d'enfant, non pas parce que je n'en voulais pas, mais parce que j'ai peur d'être incapable de le protéger, ou de le traiter exactement comme on m'a traité, moi.
J'ai attendu que tu te réveilles avec impatience, je t'en voulais même d'être inconsciente. Mais quand tu t'es réveillée et que tu as demandé après moi, j'étais terrorisé à l'idée d'affronter ton regard. Je ne savais pas comment te dire que j'avais laissé mourir notre enfant. Je n'aurais jamais dû te laisser seule avec Dominguez.
– C'est pour ça que tu t'es terré dans l'endroit que tu détestes le plus ? Pour te punir ?
– Oui, j'en ai voulu à mes parents de ne pas m'avoir protégé, pourtant je ne vaux pas mieux qu'eux, je n'ai ni reussi à te proteger toi ni notre enfants. Tu merite tellement mieux que ça...
– Ce n'est pas ta faute. Je ne savais même pas que j'étais enceinte.
– Je n'aurais jamais dû te laisser seule dans cette grotte.
– Arrête, c'était le seul moyen. On a eu ce qu'on voulait, il est mort.
– Mais à quel prix ?
Je tressaille. Notre enfant, Camille, la fille de James, la famille de Camille... Tant de vies sacrifiées à cause des délires de Tommaso.
– Dominguez a eu son sacrifice finalement.
– Un sacrifice ?
– Il s'était mis en tête de sacrifier cinq filles pour sauver l'âme de sa sœur morte. J'étais la cinquième et dernière offrande, et il a tout mis en œuvre pour que ça marche. Il est parti, mais il nous a beaucoup pris.
– Tu es vivante, c'est tout ce qui compte pour moi. Tu n'agiras plus jamais en solo, je garderai toujours un œil sur toi.
– Je sais, je te fais confiance, dis-je sans hésitation, en espérant secrètement qu'il n'y ait plus des gens comme Tommaso Dominguez dans nos vies.
– Mais d'où tu sors, bon sang ? Tu ne m'en veux pas d'être parti ?
– Soyons honnêtes, démon, j'aurais été surpris que tu restes, pas que tu partes. Le docteur Hermendez, par contre, a failli avoir une attaque. Il était tellement médusé qu'il a utilisé un stylo comme stéthoscope avant de se reprendre.
– Aïe !
– En partant, ta place n'est pas ici.
– Pendant longtemps, ça l'a été. Je n'aurais jamais cru me sentir bien ici un jour. Mais tu es là.
– Je ne suis pas d'accord avec ce que tu as dit sur tes parents. Tu n'es pas comme eux. Ils ne se sont jamais souciés de toi, mais toi, tu as été dévasté par la perte d'un être que tu n'as même pas connu. Mais je crois que c'est mieux comme ça. Ce qui s'est passé avec Camille ne fait que témoigner de la fragilité de notre vie. Je ne veux pas mêler un être innocent à tout cela.
Arya a raison sur beaucoup de points. Construire quelque chose au sein de la Cosa Nostra est un pari risqué, et l'avenir est incertain. Je ne veux pas embarquer un enfant dans ce tumulte. Que se passera-t-il quand nos ennemis sauront que Riccardo Gaviera a eu un enfant ? Ils utiliseront l'utiliseront pour se venger, et ça, je ne pourrai jamais le supporter.
– Moi non plus. Sa voix enroué me sort de mes pensées.
– Je rêve ou tu fais preuve d'altruisme ?
– Très drôle. Je pense qu'à moi, je veux être l'objet de toute ton attention.
Il pose ses mains sur mes hanches et ajuste ma position pour que je me retrouve à califourchon sur lui avant de se lever.
– Oh...
Je remonte mes jambes et les enroule autour de sa taille, mes mains autour de ses épaules.
– Je te ramène à l'hôpital.
– Tu restes avec moi.
– Seulement si ton père n'est pas là.
Je lâche un petit rire.
– T'inquiète, j'ai plaidé ta cause. Tu es à nouveau dans ses petits papiers. En parlant de pères, le tien sort avec ma sœur, et il m'a demandé de plaider sa cause auprès de toi pour qu'il ne fasse pas de mal à Emma. Alors ?
– Si c'est comme ça que tu plaides les causes, Monsieur Attal doit encore me détester, et en ce qui concerne la pieuvre, c'est non.
– Tu devrais au moins lui parler. Je ne le défends pas, je me dis juste qu'il a reçu la même éducation et qu'il est difficile de donner ce qu'on n'a jamais eu.
– C'est faux, petite serveuse. Je n'ai jamais connu l'amour, mais je t'en donnerai chaque jour jusqu'à la fin de notre foutue vie.
Et voilà, j'ai encore perdu le contrôle de mon cœur. Moi qui étais venu ici pour en decoudre.
***
– Tu as tué deux de mes personnages préférés !
Riccardo sort la tête des couvertures et me regarde si longtemps que j'en suis déstabilisée. Je lève les bras pour suivre du bout du doigt la cicatrice qui ébrèche sa joue gauche. Il m'a dit que c'était l'œuvre de Julio, qui s'est introduit ici pour terminer le travail de Dominguez.
Riccardo tourne légèrement la tête et capture mes doigts entre ses dents. Aussitôt, une flèche de désir me traverse.
Ok, calme-toi jeune fille, tu es en convalescence.
On peut reprocher beaucoup de choses à Dominguez, mais sa ténacité à mener sa mission à bien force le respect. J'ai l'impression qu'il a réussi à mettre des tueurs à chaque coin de rue. Il n'est plus là, mais ma paranoïa à son égard ne partira jamais.
J'espère juste que Julio et la tueuse à gages étaient les derniers sur sa liste. Je ne veux plus jamais entendre parler de lui, j'estime avoir assez donné pour cette cause.
– J'ai une bonne excuse pour chacun des quatre morts.
– Parce qu'il y a quatre morts ?! m'écrié-je, les yeux écarquillés, avant de commencer à défiler dans le dossier Google Docs. J'en suis qu'au premier chapitre, mais il y a des morts partout.
– Maintenant, je sais ce qui se serait passé si Ted Bundy avait décidé d'être auteur.
– Bundy ? Ne me compare pas à cet amateur. Je suis bien pire, la mention de mon nom fait trembler de grand criminel, Bundy n'était que la terreur des etudiantes.
– Je t'arrête tout de suite, Bundy est l'un des tueurs seriie les plus intelligents et charismatique de notre époque.
Il fait la moue en penchant la tête sur le côté, et je comprends pourquoi il fait cette tête.
– Tu es jaloux que je trouve un autre homme charismatique ?
– Non, retiens bien ça, petite serveuse, je ne serai jamais jaloux.
Je laisse échapper un petit rire moqueur quand il ramène les couvertures et disparaît à nouveau. Je me replonge dans la lecture. Je dois avouer que, quand Jack m'a raconté que Riccardo passait son temps sur mon ordinateur, je m'attendais à tout sauf à ça. Évidemment, quand je lui ai demandé ce qu'il y faisait, il a répondu « rien » d'un ton bourru avant de sortir de la chambre, comme s'il avait le diable aux trousses.
Son geste anodin m'a touchée. J'ai accepté d'entrer dans son monde, de partager ses demons. Mais je suis rassuré de savoir que lui aussi accepte de partager avec moi quelque chose qui me tient à cœur.
– Je suis réellement impressionnée, tu es doué, tu sais.
– C'est parce que je suis le tueur le plus intelligent et le plus charismatique de notre ère, pas Ted Bundy.
– Mais oui, bien sûr. Dit celui qui affirme ne jamais être jaloux.
Riccardo, qui était plutôt sage depuis qu'il est allongé sur le lit, la tête posée sur mon ventre, soulève ma blouse avant de saisir ma jambe qu'il pose sur son épaule. Je laisse échapper un souffle quand il mordille mon ventre juste au niveau du nombril, puis y passe la langue.
– Ton corps est chaud, murmure-t-il comme pour lui-même.
Il remonte, traçant un chemin brûlant sur mon ventre avant de poser l'oreille sur ma poitrine compressée dans un soutien-gorge en coton.
– J'aime entendre les battements de ton cœur, sentir ton poul s'emballer, sentir la chaleur de ton cœur. Toutes ses choses que j'avais pris pour acquis et qui ont failli me glisser entre les doigts.Tu étais froide, et quand je t'ai trouvée, ton cœur ne battait plus. J'ai cru que tu étais morte, seule, dans cette grotte. Je ne veux plus jamais revivre ça.
– Je suis désolée ?
– Tu fais bien de l'être. Je n'ai jamais eu autant peur...
– Je rêve ou tu m'en veux d'avoir été presque morte ?
– Je t'en veux parce que j'ai cru que tu allais me laisser seul ici.
– Je suis là maintenant. Je frissonne quand il presse ses lèvres contre mon sein.
– Je ne te laisserai plus m'echapper.
– Hey les mecs, il caille dehors !
Je sursaute quand la porte de ma chambre s'ouvre. Bud fait son entrée avec les autres.
– Bud, tu es lourd, apprends à frapper.
– On ne frappe jamais à l'hôpital parce que, techniquement, c'est le seul endroit où on est censé ne rien faire de louche.
Riccardo extirpe sa main des couvertures et fait un doigt d'honneur au nouveau venu.
Luca grimace en soulevant Apoil, le sphynx, qu'il pose sur le lit avant de s'installer sur le fauteuil.
– Oh, excuse-moi Bud, tu disais quelque chose ? Je n'arrive pas à te prendre au sérieux avec cette tête.
Bud me lance un regard mauvais. Enfin, il essaye.
– J'ai surpris Hermendez en train de se taper une interne, cet homme me dégoûte. Oh, mais qu'est-ce que vous faites ?! Commente Cass en pénétrant dans la chambre, accompagnée d'un claquement de talons aiguilles. Elle porte sa main manucurée en rouge sur les yeux de Ji-a.
– Ma fille est trop jeune pour voir ça !
Je lève les yeux au ciel avant de fermer l'ordinateur et de le passer à Luca pour qu'il le pose sur la table de chevet.
Riccardo sort la tête des couvertures avant de remonter, posant la tête sur mon épaule.
Ils laissent tous échapper un « oh » moqueur.
– Le père Noël version dark est tombé amoureux, se moque Cass en faisant référence à sa barbe fournie. Va voir tonton, ajoute-t-elle en essayant de lui passer sa fille, vêtue d'une combinaison en coton rose trop mignonne.
Mais Apoil est plus rapide. Dès que la femelle voit Riccardo, elle saute par-dessus mon corps pour se blottir sur son torse. Eh oui, j'avais peur qu'il ne l'accepte pas, mais le sphynx sait se faire aimer.
– Qu'est-ce que vous voulez ? demande Riccardo en caressant le sphynx.
Je regarde, fascinée, ses doigts qui vont et viennent, et je suis jalouse d'un foutu chat !
Il remarque mon attention et se penche pour murmurer à mon oreille :
– Jalouse ?
– Comme Dante, Maddy et moi n'avons pas été invités au mariage, on a pris une décision.
– Tu as pris cette décision, Bud, précise Maddy.
– Sois belle et tais-toi.
Elle lui envoie un coup de pied, qu'il esquive avec une rapidité surprenante pour un homme de sa corpulence.
– Je disais...
– Tu peux reprendre depuis le début s'il te plaît, j'avoue que je n'ai pas entendu.
Bud a la mine abattue d'un enfant qui n'a pas eu le cadeau qu'il espérait à Noël.
– Gayle, à cause de toi, je suis en train de revivre mes pires années. Tu me rappelles l'époque où j'étais harcelé à l'école parce que j'étais le seul vrai Américain fier de ses origines, qui portait des vêtements et des coiffures traditionnels. Le harcèlement scolaire est un poison ; chaque mot, chaque geste te prive d'une part de toi, et tu te retrouves diminué, à te demander qui tu es et ce que tu as bien pu faire pour mériter ça. À chaque fois que mes camarades ouvraient la bouche, je savais que c'était pour me reduire à moins que rien.
Oh bordel, je me sens mal là. Surtout que Bud semble tellement abattu que je suis sûre qu'il va pleurer. Sans réfléchir, je me mets à genoux sur le lit et le prends dans mes bras.
– Je suis désolée, je marmonne en tapotant son dos.
Les garçons se mettent à rire, je m'écarte de Bud sans comprendre. Comment peuvent-ils trouver cette situation amusante ? Je n'ai aucune envie d'être comparée à un harceleuse, ni que mes mots ramènent à la surface les pires années de Bud. Maddy me regarde en secouant la tête.
– Quoi, qu'est-ce qu'il y a de drôle ?
– Bud n'est jamais allé à l'école. De ce fait, il n'a jamais subi de harcèlement.
J'écarquille les yeux avant de le repousser.
– Dégage avec ta coiffure de merde !
– Moi, par contre, j'ai subi du harcèlement parce que je n'avais pas de seins. On regarde tous Cass, les lèvres pincées. Je suppose que ce n'est pas le bon moment pour lui dire qu'elle n'en a toujours pas beaucoup. Je lève la main : si tout le monde se confie, je dois le faire aussi, non ?
– Moi, j'ai été harcelée par un type trop bizarre. Il me suivait partout, il a loué l'appartement en face du mien, il est entré par effraction chez moi, m'a volé un livre, et j'en passe.
– Vraiment ? s'indigne Riccardo. Comment les gens peuvent-ils être aussi malades ? Je secoue la tête. Bien sûr !
Cass, qui est assise au bord du lit, se met brusquement à pleurer. Je grimace. Moi qui croyais qu'après la naissance de sa fille, on n'aurait plus droit à ce genre de scène, je suis servie.
Riccardo marmonne contre moi et c'est reparti pour la fontaine.
– Quoi encore ? questionne Dante.
Je me rends brusquement compte qu'Arya a raison : nous sommes vraiment insensibles. Même Cass, car elle refuse que Maddy s'approche d'elle pour la consoler.
– Quand je vous vois tous ici réunis, je me rends compte à quel point vous allez me manquer. J'ai construit une vie ici. Vous êtes ma famille, mes amis. Qu'est-ce que je vais bien pouvoir faire à Chicago ?
– On viendra te voir aussi souvent que possible, je déclare, dans le but de l'apaiser. Mais c'est sans compter sur Luca et Riccardo, qui déclarent en même temps :
– On ?
Cassandre les fusille du regard avant de dire :
– Arrête de mentir, Gayle. Tu viendras deux ou trois fois, mais après, vous serez tous trop occupés et je deviendrai une étran...
Elle éclate à nouveau en sanglots, interdisant à tout le monde de s'approcher d'elle. Bud, qui ne sait jamais quand se taire, questionne :
– ... gère ?
– Oui, et Ji-a ne connaîtra jamais sa vraie famille.
– Peu importe la distance, on sera toujours là pour toi, déclare Luca. Je te promets pas qu'on viendra te voir chaque jour, ni que je vais t'appeler, mais si quelqu'un te dérange à Chicago, il goûtera à ma lame.
– C'est le truc le plus gentil que tu m'aies dit.
Ma lèvre inférieure se met à trembler et je ne sais même pas comment je me mets à pleurer.
– Qu'est-ce que je vais faire sans toi ici ? je demande entre deux sanglots.
– Et qu'est-ce que je vais faire là-bas ? À Chicago, il fait gris, il pleut tout le temps... Je ne veux pas partir.
– Je ne veux pas que tu partes...
On se jette dans les bras l'une de l'autre, j'envoie un coup de pied à Riccardo quand je l'entends rire.
– J'ai essayé. Mais...
Maddy se met aussi à pleurer et se joint à notre câlin. J'entends les garçons marmonner, puis ils quittent la chambre. Aussitôt que la porte se referme, on se sépare.
– Bien, maintenant qu'on est entre filles, parlons des préparatifs de mon mariage. J'ai fait une liste.
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