Gayle

00 Heure 51

– Ce n'est pas possible. Personne ne me l'a fait à l'envers.

Je plisse des yeux alors que les jambes de Tommaso se dérobent sous lui. Il tombe lourdement sur le sol, face contre terre. Je vois son corps trembler sous l'effort qu'il fournit pour se retourner et s'installer sur le dos, ce qui lui permettra de me voir.

Quand la pieuvre m'a permis de m'occuper d'Adrian après que j'ai fait mes preuves en tuant froidement Claude, j'ai passé plus d'une semaine à imaginer des scénarios tous plus macabres les uns que les autres. Je voulais qu'il meure, c'est certain, mais je ne savais pas comment m'y prendre. Riccardo n'était pas là alors je n'avais personne pour m'aider à trouver des plans farfelus qui rendraient la mort de l'homme qui a détruit ma vie grandiose.

L'idée de la chasse dans les jardins de la fontaine m'est brusquement venue comme la plus merveilleuse des illuminations. Après tout, lui aussi avait organisé une partie de chasse pour moi, complètement nu au milieu d'hommes qui braquaient leurs armes sur moi. Ce n'est que justice !

Mais Tommaso, c'est différent. Non seulement je n'ai rien prévu, mais je n'ai pas le temps. Il faut que je me dépêche de me débarrasser de lui avant que la drogue qui le prive de mobilité n'arrête de faire effet. Mais après tout ce qu'il a fait, je n'arrive pas à me résoudre à le tuer rapidement. Je n'arrive pas à me résoudre à le tuer tout court.

– Qu'est-ce que tu m'as fait, maudite ! Il a réussi à se retourner, il me regarde avec son œil unique, on dirait un maudit cyclope. Je tremble de rage contre moi-même, j'ai de l'empathie pour lui, et puis quoi encore ? Je balance mes jambes hors du lit. Trop brusquement, la douleur à mon abdomen me rappelle à l'ordre. Ce sadique m'a sûrement bousillé les organes, je souhaite de tout cœur que ce ne soit que ça !

– C'est le couteau, oui, c'est le couteau que tu as utilisé, il y avait du poisson dessus.

Ah mince ! Pourquoi je n'y ai pas pensé ? Ça aurait été un bon moyen de faire plus de dégâts. Je hausse une épaule pour moi-même.

– Réponds-moi, merde ! Il hurle, je sursaute légèrement avant de sourire.

– Tu me fais penser à un petit chien en colère. Je ne t'ai absolument rien fait, moi. Je me suis contenté de prier pour que le plan de Riccardo fonctionne.

– Le plan de Riccardo ? J'opine du chef avant de me lever. Je m'accroupis juste devant son visage, transpirant et intrigué. Je suis curieuse de savoir à quoi ressemblait le vrai Tommaso avant toutes ses opérations. Une chose est sûre, le docteur Garcier était doué. Je n'irai pas jusqu'à dire que son visage est splendide, mais il est beau et il en impose, et étrangement il colle avec le personnage.

– C'est Rebecca qui t'a drogué. Il écarquille les yeux avant d'éclater de rire. Ses lèvres bougent mais tout son corps est statique.

– Rebecca ? Tu espères que je vais te croire ? Jamais elle ne se retournera contre moi.

– Pourquoi ? Parce que Rebecca est ton plus grand chef-d'œuvre ? Erreur Tommaso, ton plus grand chef-d'œuvre c'est Riccardo. Tu lui as tout appris, mais sur ce coup, il s'est montré plus malin que toi. Il a retourné Rebecca contre toi, il a retourné tout ton plan machiavélique contre toi.

– C'est impossible. Je souffle en me redressant, je tire sur la première corde et l'attache autour de ses chevilles comme il l'a fait avec moi, je serre très fort.

– Impossible, vraiment ? Alors explique-moi pourquoi tu es couché là, incapable de bouger.

– Tu crois qu'il l'a fait pour toi ? Il t'a foutu dans une putain de boîte parmi toutes ses femmes.

Je frissonne. Ce que Riccardo m'a raconté cette nuit-là n'arrête pas de tourner dans ma tête. Et si c'était vrai ? A-t-il vraiment tué chacune des femmes qui ont eu le malheur de partager sa vie ? J'aimerais que ce soit faux. Mais je ne suis pas le genre de personne à me faire des illusions. Riccardo est capable du meilleur mais encore plus du pire.

– Ça faisait partie de son plan. Il savait que tu allais débarquer, mais ce qui l'intéressait c'était de savoir qui était le traître.

– Je t'ai sauvé, malheureuse. C'est moi qui t'ai sorti de là.

– Tu ne l'as pas fait par bonté de cœur. Tu prévoyais de me tuer de toute façon.

J'avais des soupçons sur James, mais j'ai vite écarté cette hypothèse. Pourtant, c'était tellement logique. Il était là quand je suis partie avec Franco et quand Stella et ses deux gardes m'ont attaquée aussi. Pourtant jamais il n'a intervenu. Depuis le début, il était de mèche avec Dominguez et Franco. Je fais la moue, et s'il y a quelqu'un d'autre ? Je ne peux m'empêcher de penser qu'à cet instant, d'autres personnes parmi nous travaillent pour Dominguez, mais même sous la torture, je suis persuadée qu'il ne dira rien. Quoi que je lui fasse, ça lui passera par-dessus la tête parce que de toute façon, Tommaso Dominguez avait prévu que cette nuit serait sa dernière.

– Non, comment est-ce possible ?

– Tu commences à m'ennuyer avec cette question, frangin. Je te l'accorde, ton plan était parfait, mais malheureusement pour toi, Rebecca a tout déballé à Riccardo, ce qui nous a permis de te prendre à revers.

Je serre le nœud sur ses chevilles avant de faire un deuxième nœud. Que vais-je bien pouvoir faire de lui ? Le tuer, ça c'est certain, mais comment ? Il ne mérite pas une mort rapide. Mais la mort peut être rapide, brutale et douloureuse... Mon regard se dirige vers le baril d'acide et un sourire incurve mes lèvres. Pourquoi pas ? Il l'avait mis là pour Riccardo. D'ailleurs, comment comptait-il faire pour attirer ce dernier ici ? Je vois déjà le scénario qu'il avait créé : me capturer et appeler Riccardo pour que ce dernier tel un chevalier servant vienne m'aider, nous tuer tous les deux, puis se suicider comme les voix dans sa tête le lui ordonnaient. Je déteste peut-être les méthodes de Riccardo, mais je dois reconnaître que sur ce coup-là, il nous a vraiment sauvé la mise.

– Tu vas me tuer, n'est-ce pas ? Fais-le, je suis un "made man", la mort ne me fait pas peur ! Mais tu fais une grave erreur, Eloïse, cet homme ne te donnera jamais ce que tu veux. Je suis le seul qui est en mesure de te le donner.

– Encore cette Eloïse, tu l'as tuée, n'est-ce pas ?

– Je n'avais pas le choix. Il sanglote, les paupières si serrées que ça doit lui faire mal. Il regrette son acte ?

– Oui, je l'ai tuée, mais je n'avais pas le choix. Je tenais à elle. Elle était tout pour moi, mais elle a commis un péché, elle méritait de mourir.

Je tire sèchement sur la corde pour vérifier qu'elle est solide. Je regarde Tommaso, merde, il fallait qu'il soit aussi grand et aussi massif. Comment vais-je faire pour le soulever et le placer au-dessus de la cuve d'acide ? Aller, Gayle, debout, n'oublie pas que les effets de la drogue vont vite se dissiper.

– Ce n'était pas à toi de décider ; ta sœur avait besoin de ton soutien, pas d'une balle dans le ventre.

– Elle avait commis un péché !

– Mais ferme-la avec tes péchés, tu en commets chaque jour. Ton plus grand péché est d'avoir tué une fille que tu étais censé protéger.

– Tu penses que je ne le sais pas ? C'est pour ça que je veux me ratrapper. Je veux la sauver, sauver son âme. Gayle, écoute-moi, il faut que tu meurs avec moi, je t'en supplie.

Je lève les yeux au ciel. Maintenant qu'il est enchaîné dans une position défavorable, il me supplie ?

– Ce n'est pas la rédemption de Eloise que tu cherche mais la tienne. Tu sais ce qui m'énerve ? Malgré toutes les saloperies que tu m'as faites, je n'arrive pas à te détester.

– Tu ne peux pas me détester, tu dois sentir toi aussi cette connexion qu'il y a entre nous. Tu es la réincarnation de ma sœur, en toi coule sa rédemption. Nous devons mourir ensemble, sinon aucun de nous n'ira au paradis. C'est le seul épilogue possible.

Pour ne plus le voir, je m'éloigne. Je saisis la corde après avoir repéré où je pourrais l'attacher. Je prends une profonde inspiration et commence à tirer sur la corde pour le remonter, mais Tommaso ne bouge pas d'une semelle. L'imbécile se met même à rire. Laissant parler mon côté impulsif, je lui envoie un coup de pied dans le visage, explosant son nez au passage. Il tousse, alors que du sang s'écoule de ses narines, maculant ses lèvres et son menton.

– Je suis peut-être incapable de bouger, mais ça ne veut pas dire que j'ai perdu. Je pense toujours à toutes les éventualités, vous auriez tort de me sous-estimer.

– On ne t'a jamais sous-estimé, mais toi si. Je tire sur la corde à nouveau, la stabilisant pour qu'elle n'échappe plus à mes doigts. Cette fois-ci, en faisant appel à toute la force de mes muscles, mon ventre se contracte, la douleur m'aveugle mais je ne lâche pas. Je tire dessus jusqu'à ce que Tommaso, comme moi il y a quelques minutes, se soulève du sol. J'ajoute une poussée, les mains crispées sur la grosse corde, il se retrouve bientôt tête en bas et commence à progresser loin du sol de la grotte. Je peux le faire, je dois le faire, je ne vais pas arrêter tant qu'il n'aura pas la tête au-dessus de la cuve.

– Cette vie ne vaut pas la peine d'être vécue...

– Voilà pourquoi tu vas mourir, mais seule ! La panique envahit ses traits.

– Je ne peux pas mourir seule. Il faut cinq filles pour qu'Eloïse parte au paradis, je ne peux pas mourir seule. Tu ne comprends pas !

– Estime-toi heureuse, ta sœur adorée et toi allez vous retrouver ensemble en enfer. Une réunion de famille, mais sans moi.

– Non ! Hurle brusquement Dominguez dans un accès de rage. J'écarquille des yeux quand il se balance en avant et ses mains, qui étaient au niveau de mon buste, saisissent mon cou. Bordel de merde ! La drogue ne fait plus effet ! Il presse ma gorge en hurlant devant mon visage.

– Ma sœur n'ira pas en enfer, Eloïse est faite pour le paradis. Mais toi, tu brûleras dans les flammes éternelles du plus ardent des feux. Je te le garantis, j'y veillerai, tu verras.

Comme si j'avais besoin que quelqu'un me le rappelle, je lâche brusquement la corde et Tommaso hurle quand sa tête heurte le sol. Il perd instantanément connaissance. Je me masse le cou en l'observant. Ah mince, si ça se trouve, je l'ai tué ? C'était le but mais pas comme ça. De la même façon qu'il est obsédé à me voir morte, moi je veux que son corps brûle dans cette cuve d'acide.

À chacun ses fantasmes.

Je vérifie son pouls, un soupir m'échappe. Il est toujours vivant. C'est le moment, je vais le remonter.

Je me mets à l'œuvre ; contrairement à la première fois, je suis efficace. Peut-être que ne pas entendre les prêches de Tommaso sur les flammes de l'enfer aide.

Je hurle en hissant son corps. Merde, maintenant je sais comment se sentent les pêcheurs qui remontent les baleines. C'est un vrai mastodonte ce type. Sans lâcher la corde, je fais une petite pause, le souffle erratique et les bras tremblants.

Allez Gayle, encore quelques efforts et il sera exactement où tu veux qu'il soit.

Je me remets à la tâche. Plusieurs fois il dégringole, mais je réussis à le stabiliser et à le remonter.

Un énorme sourire étire mes lèvres quand il est enfin au-dessus de la cuve. Comme moi, il y a quelques minutes, la vapeur lui caresse le visage et quand il reprendra connaissance, l'odeur âcre lui prendra à la gorge. La corde toujours en main, je me dirige vers la statue humanoïde. Je ne veux même pas savoir où il s'est procuré cette horreur, mais je lui en suis reconnaissante ; sans cette statue, je n'aurais nulle part où attacher la corde et je ne peux pas indéfiniment la tenir.

Je monte sur le lit pour prendre de la hauteur et enroule la corde autour du cou de la statue. J'ai l'impression qu'elle sait ce que je m'apprête à faire et qu'elle me juge. Si elle pouvait parler, comme Tommaso, elle me ferait un prêche interminable. Mais je crois qu'elle perdrait son temps, personne ne peut faire entendre raison à une personne qui a vendu son âme au diable. Mon regard est attiré par ma bague de fiançailles et mon alliance.

Je suis mariée ! À seulement 24 ans, je n'ai jamais prévu ça.

Il y a beaucoup de choses que tu n'as pas prévues, jeune fille. Parmi elles, rencontrer un criminel et tomber amoureuse de lui. Je n'avais pas prévu non plus découvrir en moi cette facette, celle d'une femme fascinée par le crime.

Je mentirais en affirmant que je le fais pour survivre ; j'aime ça. J'aime le pouvoir que ça me procure, ça fait de moi un être aussi mauvais que Tommaso mais franchement, à quoi sert la gentillesse ?

– Enfer et damnation, oh mon Dieu, je t'ordonne de me laisser descendre.

– Si c'est à cette statue que tu envoies tes prières, je suis au regret de te dire qu'elle ne peut pas parler avec la corde autour du cou.

– Sacrilège. As-tu la moindre idée de ce que tu es en train de faire ?

– J'attache une corde, je réplique en haussant un sourcil. Comme il est tête en bas, sa soutane a glissé sur son torse en un amas de tissus dévoilant ses jambes... et son pénis. Il aurait pu mettre un boxer, un pantalon, n'importe quoi !

À cause de Riccardo, je n'arrive pas à imaginer un pénis sans piercing. Il faut dire que le petit métal de Riccardo me fait atteindre des horizons très lointains... Hey, pourquoi je pense à ça maintenant ?

– C'est un lieu sacré que tu profanes avec tes pieds impures, les esprits dansent en cet endroit, tu ne les entends pas. Mais moi, ils me parlent, ils me parlent constamment. Ils vont te maudires.

Je fais un double nœud à la corde avant de m'éloigner, une sensation oppressante dans la poitrine. Pas à cause des esprits utopiques de Tommaso mais à cause de Riccardo.

Je pense à lui parce que j'ai peur. Les papiers qu'il m'a donnés à signer n'arrangent pas les choses. Riccardo a tout préparé comme s'il était persuadé que j'avais besoin d'un plan B et même d'un plan C en la personne du chef de la Bratva.

– Oh Tommaso, regarde ! J'intime en levant mon bras pour lui présenter ma bague. On t'aurait bien invité mais tu es du genre à transformer les célébrations en deuil.

Il fait une grimace puis une émotion remplit ses yeux. Merde, je commence à connaître cette expression.

– C'est tout ce que je voulais pour Éloïse. Que Billy soit l'époux, qu'il la respecte, c'était trop demander ?

Génial, c'est reparti.

– Non, je lui accorde, mais tu n'avais pas le droit de mettre brutalement fin à leur vie.

– Comment oses-tu me dire ça ? Tu sais ce que ça fait d'aimer une personne de tout son cœur, de tout faire pour elle et d'être déçu parce qu'elle ne veut pas se conformer aux règles ? Éloïse m'a brisé le cœur.

– Étais-tu en colère parce qu'elle est tombée enceinte ou parce que tu te sentais menacé ? Mais oui, tu l'aimais et tu ne voulais la partager avec personne. Tu l'as tuée parce que, morte, il n'y a aucun risque de la voir un jour aimer quelqu'un plus que toi. N'est-ce pas ?

Tommaso ne trouve rien à répliquer, ce qui me confirme que j'ai touché dans le mille. Parfois je me demande entre Riccardo et ce Billy Saint 2.0 qui est le pire, l'un qui me fout dans une boîte pour découvrir qui est l'espion et l'autre qui est obsédé par me voir morte pour sauver l'âme d'une sœur qu'il a lui-même tuée.

Et je l'ai épousé tout en sachant qu'il est capable de tout. Quand il s'est mis à genoux devant moi, je savais que je ne pourrais pas dire non. Comment le pourrais-je alors que je l'aime ? À chaque fois que je le vois, j'ai l'impression d'avoir au cœur un incendie qui s'éternise.

C'est peut-être une relation toxique qui finira par nous détruire. Mais je suis prête à prendre les risques nécessaires.

Tommaso a commencé à marmonner des cantiques religieux pour ne pas changer. Pour ma part, je trouve que ça a assez duré ; je commence à en avoir assez. Riccardo m'a promis que quand tout sera fini avec la Sacra Corona Unita, il viendra me chercher. S'il ne vient pas, ce sera soit Luca, soit Wladimir.

J'adore ce Luca et je n'ai rien contre le chef de la Bratva, mais j'espère que jamais je ne les verrai, du moins pas cette nuit.

Je me dirige vers le baril en métal. Tommaso a dit un peu plus tôt qu'il était possible d'augmenter la température. Je trouve rapidement un bouton indiquant différents chiffres et l'augmente avant de m'éloigner.

– Tu as une dernière volonté ? Il éclate de rire.

– Ma mort n'est pas la fin. Tu mourras avec moi, tu ne verras pas les rayons du soleil. Je te le garantis.

– Pourtant, de nous deux, c'est toi qui es proche de ne plus voir la lumière du jour.

L'acide porté à ébullition dégage une très grande chaleur, le visage de Tommaso est rouge et transpirant. Il se tortille comme un ver. Il fait beaucoup d'efforts, mais il est impossible de cacher sa peur face à sa mort inéluctable.

– Ne fais pas ça, Éloïse ! pleurniche Tommaso alors que je ramasse mon poignard. Je fouille les poches de la soutane du type qui m'a conduit ici, à la recherche d'une arme ou d'un téléphone, mais il n'en a pas.

– Je ne suis pas Éloïse.

– Jusqu'à quand vas-tu te voiler la face ? La voix de Tommaso se bat avec l'acide qui bout ; l'odeur est indescriptible. J'ai l'impression que des milliers de lames me piquent les narines, il faut que je sorte d'ici.

– Tu es ma sœur, ne me laisse pas faire ce voyage seule, je t'en prie, viens avec moi. Mais reconnais-moi, je suis Dylan. Le seul qui t'aime !

Je commence à scier la corde. Les supplications de Tommaso augmentent ; il se tortille comme un ver, se balance de gauche à droite, me répétant encore et encore que je suis sa sœur, que je dois mourir avec lui, que sa divinité lui a promis d'accorder le paradis à Éloïse seulement si la cinquième fille est sacrifiée... Le poignard vient enfin au bout de la corde, qui produit un sifflement en glissant contre la poutre. Tommaso pousse un hurlement en atterrissant dans la cuve d'acide bouillante, la tête la première.

Je sursaute comme si ce n'était pas moi qui l'avais mis là-dedans, puis mes épaules s'affaissent. J'ai du mal à réaliser que dans quelques secondes Tommaso Dominguez ne sera plus, et qu'en plus, c'est moi qui lui ai fait ça.

C'est bête. Mais j'ai encore l'impression que c'est une ruse de sa part, comme quand il m'a laissée quitter la maison de Marzamemi avec Rebecca. Comme si sa mort n'était que le début d'une nouvelle partie de poker.

Un sentiment glacial me saisit brusquement. Comme une automate, je me dirige vers le lit et m'y laisse tomber. J'attends un sentiment de joie qui ne vient pas. J'essaie de me convaincre que l'homme dont le corps baigne dans l'acide bouillante est un monstre qui a fait du mal à beaucoup de personnes, mais ça ne change absolument rien. Je suis soulagée ; désormais, je ne ferai plus partie de ses combines, de son obsession de me voir morte pour sauver l'âme de sa sœur. Mais je ne ressens aucune joie.

Putain, pourquoi je me sens aussi mal ? J'ai même envie de pleurer. C'est du regret ? Je secoue la tête, non, je ne regrette rien. Mais alors pourquoi je me sens aussi vide ?

Je ferais peut-être mieux de partir. Mais je ne sais pas où je suis et je risque de me perdre. Je vais rester ici. Riccardo m'a promis qu'il viendrait, et je sais qu'il tiendra sa promesse, il doit la tenir.

Je ramène mes jambes contre mon buste et pose mon menton sur mes genoux avant d'y enrouler mes bras. Malgré la chaleur dégagée par les bougies à l'odeur de soufre de Tommaso et de la cuve d'acide, d'où provient une odeur insoutenable, j'ai froid ; tous mes membres sont glacés. Je me demande ce que mon fouteur de troubles à pattes est en train de faire. J'espère vraiment qu'il ne prend pas de risques stupides. Et les autres : Bud, Luca, Camille, Cass et Dante, j'espère qu'ils vont s'en sortir. Oui, ils le doivent. Je me rends compte que Tommaso vivant m'empêchait de m'inquiéter, mais maintenant, il n'y a plus rien entre moi et ces pensées sombres. Je fourrage rageusement dans mes cheveux ; le silence angoissant commence à me rendre folle.

Ils vont s'en sortir, putain, ils le doivent. Mais moi, les filles vont me tuer ; Arya et Camille sont mes meilleures amies, et je me suis mariée sans rien leur dire. Elles vont m'en vouloir. Mais les connaissant, ça ne durera pas longtemps. Je croise les doigts.

Je suis tout de suite sur le qui-vive quand j'entends un bruit que j'identifie comme celui d'un moteur. C'est Riccardo, ça ne peut être que lui. J'aurais dû me lever et courir à sa rencontre, mais je n'y arrive pas ; c'est comme si mon corps avait pris racine sur le lit. Je sursaute quand une portière claque, puis j'entends des bruits de pas.

Mes épaules s'affaissent et la tristesse envahit mon corps. Ce n'est pas Riccardo, il ne fait pas autant de bruit en marchant. Ce n'est pas Luca non plus. Alors c'est Wladimir ?

Non, ça ne peut pas être le chef de la Bratva. Riccardo m'a dit que c'était à moi de l'appeler si les choses tournaient mal. J'essaie de me concentrer, malgré les tremblements de mes mains. C'est une fille, Cassandre ou Camille, parce qu'Arya a une démarche plus traînante.

Bon sang, Gayle, lève-toi.

Quelqu'un pénètre dans la grotte, tout de noir vêtu. Camille.

– Gayle. Le ton misérable de sa voix d'habitude dure m'alarme. Je relève la tête en dépliant les jambes alors que j'ai mille choses à dire, mille questions à poser. Je déclare :

– Il est dans la cuve d'acide. Camille écarquille les yeux ; elle reste statique à l'entrée de la grotte. Ses yeux sombres se posent sur le type en soutane, puis se dirigent vers le lit, la statue humanoïde, la cuve d'acide pour enfin se poser sur mon visage.

– Tu les as tués toute seule ?

– J'ai eu un peu d'aide pour Dominguez. Où est Riccardo ?

– Tommaso est mort ?

Mais pas mes angoisses.

Je hoche la tête, la gorge de plus en plus nouée. Pourquoi n'a-t-elle pas répondu à ma question ?

– Mais tu es toujours vivante ? Je hoche à nouveau la tête.

Brusquement, Camille éclate en sanglots. Je ne sais pas d'où me vient cette force, mais je me mets debout sur le lit.

– Qu'est-ce qui se passe ? Il est arrivé quelque chose à Riccardo, n'est-ce pas, c'est pour ça que tu es là ?

– Non, ce n'est pas Riccardo. Ce sont mes parents. Je suis décontenancée par sa réponse.

– Tes parents ? Elle hoche vigoureusement la tête.

– Oui, mes parents adoptifs dans le Kansas. Tommaso a réussi à les trouver et il a mis un contrat sur leur tête. Il m'a posé un ultimatum : si au cours de cette nuit il venait à mourir sans toi, je devrais te tuer ; sinon, mes parents...

Elle ne termine pas sa phrase, noyée dans un torrent de larmes. Mais je n'ai pas besoin d'entendre la fin pour savoir à quel genre de chantage Tommaso l'a soumise : ma vie contre celle de ses parents.

– Tu es ici pour...

– Je suis vraiment désolée, je n'ai pas le choix. Si tu es toujours vivante, ils mourront. Tommaso avait déjà prévu de mourir cette nuit, mais il a tout mis en œuvre pour que toi non plus tu ne survives pas. Ni moi ni James n'avons eu le choix ; il retient la fille de James quelque part et lui fait du chantage.

– Ne fais pas ça. Nous trouverons une solution ensemble pour sauver tes parents. Et la fille de James.

– La seule solution, c'est ta mort. Essaie de me comprendre, j'ai choisi cette vie de risques. Mais mes parents n'ont jamais rien demandé ; ils n'ont adopté, 'aimé. J'ai des sœurs qui ont besoin d'eux ; je suis sûre que tu peux comprendre.

– Je croyais qu'on était amies.

– Tu es ma meilleure amie, tu fais partie des êtres que j'aime le plus.

– Alors fais-moi confiance, on s'envolera ce soir même pour le Kansas pour sauver tes parents.

– Tu ne comprends pas. Si tu sors de cette grotte vivante, ils ont reçu l'ordre de tuer mes parents et tout ce qui se trouvera avec eux, ainsi que la fille de James qui n'a que 6 ans. Tu ne peux pas passer cette nuit.

Eh merde, je ne m'etais pas tromper, meme mort Tommaso Dominguez , Dylan,, Billy Saint peut importe comment il se nomme, continue, de distribuer des cartes.

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