Gayle

– Et lui ?

Je questionne à l'intention de Camille alors que Cass et Giacomo accueillent à l'entrée un homme d'un certain âge. Comme ceux venus avant lui, il est flanqué de son exécuteur et de son consigliere ou bras droit. La Pieuvre assistera à la réunion avec son successeur et son exécuteur, qui n'est autre que Riccardo, connu dans le milieu comme la Pieuvre de l'ombre, sans oublier le consigliere, le père de Dante, qui déteste être en public.

– Le chef d'un cartel mexicain. C'est la première fois qu'il assiste à la réunion. L'homme échange quelques mots avec Gia et Cass avant d'emprunter l'escalier menant à la salle de conférence. J'ai du mal à croire que je suis dans le même bâtiment que les hommes les plus puissants dans le monde du crime.

– Oh, putain, le voilà ! Camille jubile presque, c'est Anthony Aldi !

Le dénommé Anthony Aldi est un homme de couleur, il est grand et mince, élégamment vêtu, avec une coupe militaire et un visage aux traits ciselés. Il regarde dans notre direction et fait un clin d'œil à Camille, qui sourit comme une adolescente lors d'un concert des One Direction.

– C'est qui lui, putain, il est beau ! S'exclame Arya alors qu'Anthony Aldi emprunte les marches à la suite de Luca. Lui et ce dernier discutent comme deux vieux potes contents de se retrouver.

– Anthony est un petit voyou des rues qui a gravi les échelons. Il est à la tête d'un véritable empire dans le sud des États-Unis. Il est en prison en ce moment. On regarde Camille comme si elle est folle.

– Non, il n'est pas en prison. Il est là !

– Je me suis mal exprimé, il purge une peine de 5 ans de prison pour homicide volontaire.

– Comment a-t-il fait pour être là ?

– L'argent ouvre toutes les portes, même celles de la prison.

Je hoche la tête, elle a raison. Je pense notamment à la facilité avec laquelle Riccardo a sorti Lionel de prison pour le livrer à la Pieuvre.

Camille continue de nous présenter tous ceux qui pénètrent dans le bâtiment.

– Oh, c'est la famille Bogatyryov. La Bratva de New-York, le parrain et ses deux fils, Sévastien l'aîné et Wladimir, alias le Monstre des arènes. La Bratva organise des combats à mort, ça fait partie des activités qui les ont rendus riches. Et à ce jour, Wladimir est le meilleur combattant de l'organisation, il n'a jamais perdu un combat. C'est un tueur sans scrupules.

Sébastien est aussi petit que le parrain et de forme trapue. Il a des cheveux blonds presque blancs et des yeux translucides profondément enfoncés dans leurs orbites. Wladimir, quant à lui, est tout le contraire : il a le physique d'une armoire à glace, avec ses cheveux bruns attachés sur la nuque et rasés sur les côtés. Les deux autres portent des costumes stricts, tandis que lui est en pantalon de toile et chemise qui ne dissimule pas ses armes. Mais ce qui attire le plus l'attention, c'est son visage aux traits durs, dont le côté gauche est abîmé par de profondes cicatrices. Cet homme n'est clairement pas le genre de personne à qui on cherche des problèmes.

Le démon pénètre dans le club à cet instant ; en le voyant, Wladimir a un sourire qui rend ses traits moins durs. Les deux hommes échangent quelques mots, puis se tournent brusquement dans notre direction. Je déglutis, les yeux du démon se plantent dans les miens, et il se met à raconter quelque chose au dénommé Wladimir sans jamais rompre le contact visuel. Si ça se trouve, il est en train de vanter quelle merveilleuse pute je ferai dans l'intention de me vendre à la mafia russe. Merde, vu la façon dont Wladimir vient de sourire, c'est peut-être vrai ? Il faut que j'arrête de m'inventer des scénarios ; j'ai lu quelque part que ce n'est pas un signe de santé mentale. Ils arrêtent enfin de me dévisager pour monter dans la salle de conférence.

Derrière le démon, c'est l'homme qui pénètre dans le club. Le père Gaviera regarde autour de lui, comme pour vérifier que tout est parfait. Il nous fait son sourire indescriptible avant de monter les marches.

– Wladimir est fiancé à la sœur de Reichs Miller.

– Celle qui est venue avec lui ? Elle était d'ailleurs près du bar en train de s'acharner sur le barman parce que les cocktails ne sont pas assez alcoolisés.

– Non, cette pétasse, c'est Katrine. Il est fiancé avec Pepper Miller, mais c'est étrange, personne ne l'a vue depuis des années. La rumeur dit qu'elle s'est enfuie pour ne pas épouser Wladimir, mais je n'y crois pas. Je pense qu'il s'est passé quelque chose d'important dans sa vie qui l'a poussée à vivre recluse. On dit qu'elle est d'une beauté à couper le souffle, encore plus belle que sa pétasse de sœur.

Je regarde la dénommée Katrine qui sirote un cocktail au bar, vêtue d'une robe lavande. Si quelqu'un est plus belle que cette femme, alors cette Pepper doit être Aphrodite.

– Oh, il est là !

– C'est lequel ? je demande avec impatience, alors que deux hommes viennent d'entrer.

– Celui qui a l'air de vouloir s'endormir.

– Cass va se marier avec le sosie du Duc dans Bridgerton, s'écrie Arya en applaudissant. Elle fait ça chaque fois qu'elle est heureuse et c'est agaçant ! Giacomo serre la main de l'homme qui accompagne Reichs, mais il fait comme s'il n'avait pas vu ce dernier. Cependant, Reichs ne semble pas prendre cela à cœur ; la main dans la poche de son pantalon, il balaie la pièce du regard avec méfiance. Il ne regarde même pas Cass qui est pourtant magnifique. Un point de moins pour lui !

– Gayle, lance la phase une du plan, dépêche-toi, ordonne Camille. Je profite que Cass soit occupée avec des invités pour traverser la pièce.

– Belle paire de seins, complimente Maddy quand je la croise.

– Belle paire de fesses.

– Pur produit de la chirurgie esthétique. Elle réplique en bougeant son cul rebondi avant de s'éloigner en direction du bar.

Je réussis à atteindre Reichs avant qu'il monte les marches. Je saisis brusquement son bras et pose mon couteau contre son ventre.

– Ne te débats pas et tout ira bien. Laisse-toi faire.

– Pourquoi les nouveaux membres de la Cosa Nostra parlent-ils comme des violeurs ?

Il a de l'humour, un humour bizarre, mais c'est mieux que rien. Je réussis à le traîner jusqu'au coin où nous attendent Cass et Arya. Cette dernière sourit alors qu'on est censé l'intimider.

– Toi, je te connais. Tu es Camille. Toi, tu dois être Gayle et la blonde souriante, la copine de Luca.

– C'est nous qui parlons et toi, tu écoutes. Quelles sont tes intentions pour notre Cass ?

– Je compte l'épouser, répond-il en haussant les sourcils le plus haut possible. Camille plisse les yeux.

– Je n'aime pas ton ton condescendant. L'épouser, mais encore ?

– Je n'en sais rien, on verra.

– Bien, je réponds. Si je comprends bien, tu n'as absolument rien prévu pour son bien-être ?

– On tient juste à te prévenir : si tu lui fais mal, tu disparaîtras dans des conditions mystérieuses. Ton corps ne sera jamais retrouvé et toute trace de toi sera effacée de la surface de la Terre.

– D'où le principe de disparaître, marmonne Reichs.

– Qu'est-ce qui se passe ici ? demande une voix qui nous a traumatisés toute cette semaine.

– On voulait juste dire bonjour à Reichs, je m'empresse de répondre, Camille confirme d'un hochement de tête. Il fait mine de réfléchir.

– Oui, elles sont sympas tes amies. La réunion va commencer, je vais y aller.

– J'espère que vous l'avez menacé comme il se doit, questionne Cass en prenant place. Elle retire ses escarpins en massant ses pieds.

– On n'a pas eu le temps, répond Arya.

– Dommage. Enfin, c'est fini. Je n'ai jamais autant souri de ma vie ! J'en ai mal à la mâchoire.

– Après, on fait quoi ? questionne Camille en tournant sa paille dans tous les sens. Elle porte une robe rouge comme le sang, ses cheveux sombres cascade sur ses épaules, détonant sur sa peau laiteuse. Le tout est agrémenté d'un maquillage gothique. Son rouge à lèvres est si sombre que ses cheveux paraissent ternes à côté. Dans le monde des vampires, Camille est la créatrice de Dracula.

À côté, Arya porte un tailleur Chanel vintage blanc.

– Rien, quand la réunion sera terminée, on ira à Vegas, c'est à trois heures d'ici. Je ne suis jamais venue dans le Nevada, je compte bien en profiter.

Je soupire profondément.

– Quoi encore ? s'agace Cass.

– Je veux dormir. Je n'ai pas envie de faire le tour des casinos.

– Tu entends Vegas et la seule chose qui te vient en tête, c'est dormir ? questionne Arya, qui semble sur le point d'avoir une attaque.

– Gayle, ressaisis-toi, c'est Vegas. Riccardo et Rebecca peuvent aller se faire foutre, je ne te laisserai pas te morfondre dans sa chambre. À propos, je suis vraiment déçue, tu aurais dû la poignarder dans le cœur ! Cass termine son discours en secouant la tête.

– Exactement, tu es faible ! décrète Camille. Je l'ignore, j'ai regretté d'avoir poignardé à l'instant où je suis sortie de la salle de conférence. Mon geste n'a fait que confirmer ma jalousie envers ce nouveau et maudit couple. Je les hais !

– Peu importe. Je veux juste dormir.

– Tu ne connais pas le dicton : personne ne dort à Vegas.

– Non, Arya, le dicton, c'est ce qui se passe à Vegas reste à Vegas.

Je les regarde entrer dans un débat sur les dictons populaires, la mort dans l'âme. Je n'arrive pas à m'amuser, plus rien n'a de goût. Je me sens constamment fatiguée.

Je veux juste dormir, dormir encore et encore jusqu'à ce que ma douleur disparaisse. Et quand je vais me réveiller, je vais écrire.

– Il est beau, Reichs, déclare Arya avec un regard espiègle. Cass rougit.

– Oui, et il est vraiment gentil. Il a été très compréhensif pour ma grossesse mais...

Elle prend un profond soupir.

– Mais il n'est pas Giacomo.

– L'amour, c'est nul. Je décrete d'un ton solenel, n'épouse jamais un homme que tu aimes, il va t'utiliser et retourner avec son ex, et il ne te croira pas, il te traitera comme un chiffon. Non, l'amour, c'est nul. Madara Uchiha dit que l'amour n'est pas une nécessité, le pouvoir est la seule vraie nécessité. Et il a raison !

– C'est incroyable, elle dit plus de conneries sobres que saoule. Je fais mine de tirer sur Camille avec mon doigt, elle s'effondre sur la table.

– Calme-toi, présidente du comité des cœurs brisés, ça n'a rien à voir avec ce que j'ai pu ressentir pour Giacomo. Reichs a déjà été marié et sa femme est morte dans des conditions mystérieuses. Il est toujours attaché à elle.

– Il est amoureux d'un fantôme ? questionne Camille. Comment vas-tu vas faire pour combattre un fantôme ?

– Je ne vais rien faire du tout. On a décidé que notre mariage sera un mariage blanc et ça me va très bien.

– Un mariage blanc, s'offusque Arya, mais c'est riducule.

– J'ai regardé son pouce, et tu sais ce qu'on dit si le pouce est long...

Cass regarde Camille les yeux ronds comme des soucoupes avant d'éclater de rire. Arya et moi nous prenons le visage entre les mains.

– Ne termine pas ta phrase, par pitié.

***

3 interminables heures plus tard, nous sommes en route pour Vegas. La réunion s'est déroulée mieux que je l'espérais, et il n'y a eu qu'un mort : un moustique que Camille a écrasé sous sa pochette.

– Je comprends pas pourquoi prendre la limousine. Et pas l'avion ? se plaint Camille en tirant sur le bas de sa robe.

– Je l'ai déjà dit, mais je vais me répéter : la météo annonce des turbulences, et je suis enceinte.

– Et je dois souffrir pour un enfant qui n'est même pas encore né, attaque Rebecca alors que la conversation est entre Cass et Camille. Arya et moi retenons de faire des commentaires, mais le regard qu'on échange est éloquent : Rebecca s'attaque à la mauvaise personne.

– Non Rebecca, vous devez souffrir parce que la mère de ce bébé a plus de pouvoir que vous tous réunis. Et j'en abuse.

– Ton pouvoir va bientôt te glisser des mains.

– Rebecca trésor, si j'entends encore ta voix, ta tête va te glisser des épaules.

– Ok, et si on jouait à un jeu pour passer le temps ? propose Bud.

– Oui, ça peut être sympa, approuve Arya. Quoi comme jeu ? Oh, je sais, on va se poser des questions, pour voir si on se connaît vraiment.

– C'est nul.

– Comme ta coupe de cheveux.

– Hey, ne jamais parler de la coupe d'un Amérindien, c'est culturel. T'as mieux peut-être, femelle vampire ?

– Action ou vérité.

– Sans moi, déclare Cass, je préfère l'idée d'Arya.

– Très bien, commençons. Mon prénom commence par A, donc je vais poser la première question : Quelle est la pointure de Cass ?

– 41, se dépêche de répondre Maddy.

– C'est exact, je chausse du 41 et non, je ne suis pas ouverte aux moqueries. Maddy, à toi de poser la question.

– Comment s'appelle le chat de Camille ?

– Tu as un chat ? questionnent Bud, Riccardo, Luca et Dante d'une seule voix. Camille ne fait même pas l'effort de cacher son choc.

– Ça va faire 5 ans que j'ai un chat ! Je lève discrètement la main.

– Il s'appelle Apoil.

– Apoil ? demande Bud. Elle lui montre une photo du sphynx.

– Je pourrais difficilement l'appeler Boule de poil, vu qu'il n'en à pas.

– Ce chat est moche.

– Arrête, ma fille est adorable. Bien, à moi. Quelle est la couleur préférée de Riccardo ?

– Facile, le noir. Ils scandent presque tous en chœur. Je me triture les doigts et mon regard croise le sien. L'air dans la limousine devient soudain glacial.

Depuis qu'on est dans cette espace confiné qui nous conduit à Vegas, j'ai fait de mon mieux pour ne pas le regarder, me concentrant sur les bâtiments lumineux qui défilent.

– Non, c'est le brun, plus exactement la nuance caramel. Je lache presque mecaniquement.

Je regarde la fenêtre. Ils nous dévisagent à tour de rôle et c'est vraiment pesant.

– Quoi, c'est le brun ? s'écrie Luca. Le démon ne dit rien, mais je le vois du coin de l'œil acquiescer.

Ma couleur préférée, c'est la carnation de ta peau.

Dante prend la parole.

– J'aurais juré que c'était le noir. Gayle, c'est à toi de poser la question.

– Le film préféré de Luca ?

– Seven, répond machinalement Arya, et de ma vie, je n'ai jamais vu un film aussi dégoûtant.

– Hey, respecte Seven, il y a Brad Pitt et Morgan Freeman en tête d'affiche.

– Il y a surtout un tueur sanguinaire.

– Je crois que je vais adorer ce film, je marmonne avec un sourire. Camille claque des doigts.

– Bon, à moi : qu'est-ce que Bud aime le plus au monde ?

– Ses cheveux ? je tente. Bud a une longue crinière noire qui lui arrive jusqu'aux hanches et, je cite : il serait capable de tuer quiconque s'en approche. Generalement il les coiffe en une longue tresse qui repose sur son dos.

– Non !

– Lui-même ?

– Alors c'est vrai que je m'adore, mais non. Allez, les gars, personne ne me connaît ?

– Son sourire, répond Dante, la voix torturée comme si on l'avait frappé. Pour confirmer ses dires, Bud nous sourit.

– J'avoue que ton sourire me fait quelque chose, commente Maddy, si seulement tu n'étais pas aussi lourd.

– Attends, comment tu sais qu'il est lourd ? demande Arya malicieuse. Maddy bafouille.

– Je parle de son comportement !

– Bon, à moi. Quand Gayle fait les courses, elle achète toujours deux choses. Lesquelles ?

– Facile, dit Luca, c'est typique des filles : du maquillage et des serviettes hygiéniques.

– N'importe quoi, elle ne va pas acheter du maquillage à chaque fois qu'elle fait des courses, objecte Arya.

– Pourquoi pas !

– Ce n'est pas ça. Et ce n'est pas sympa de nous reduire a nos règles et notre apparence.

– Des livres et de la glace, vanille noix de pécan.

Le silence pesant qui s'était introduit dans la limousine quand j'avais donné la réponse concernant la couleur préférée de Riccardo revient, vu qu'il vient de répondre. C'est vraiment trop bizarre, bizarre et douloureux à la fois. On répond comme si on se connaissait alors que nos rapports sont froids et distants. Aussi coupant qu'un hachoir.

– Hmm bon, à toi de poser la question.

– Dans cette voiture, il y a quelqu'un qui s'est introduit dans une église pour embrasser une femme sur le point de se marier pour gagner un pari.

– Facile, Cassandre, répondent Maddy et Camille en éclatant de rire. Cassandre écarquille des yeux.

– Riccardo, comment tu l'as su ? C'était un secret entre Maddy et moi.

– C'est son travail de tout savoir.

Je réponds, amère parce qu'il commence à m'enerver dès l'instant ouu il a répondu à la question me concernant. Il me regarde et ébauche un sourire. Mon cœur rate un battement et un désir fulgurant prend possession de moi. Il est tellement parfait dans son costume trois pièces que j'en viendrais à oublier que c'est un sadique, un monstre avec un visage d'ange. Il est partiellement adossé sur la banquette, les jambes légèrement écartées dans une posture décontractée. J'ai tant de fois pris place sur ses cuisses musclées que j'ai l'impression d'avoir perdu mon habitat naturel.

Je suis en manque de ses baisers, de ses caresses, de son affection. Je suis en manque de ses caresses et de sa voix rauque qui enflamme mes reins et rend mes seins durs. Je suis en manque de ses blagues débiles et de sa capacité à me faire sentir comme la femme la plus précieuse du monde. Alors qu'on se niche dans un silence de mort, seulement interrompu par la douce musique classique qui s'échappe des enceintes de la limousine, je vois sa barrière se fissurer et la vulnérabilité envahir ses yeux sombres et son visage, mais il saisit brusquement son verre sur le petit bar et le vide d'un trait.

– Visiblement, j'ai mal fait mon boulot avec certaines personnes, déclare-t-il d'un ton dur. Je ne me laisse pas impressionner par sa voix mordante.

– Ces personnes ont juste été plus malines que toi, c'est peut-être ça qui te blesse autant.

– Malines ? Je dirais fourbes.

– Fourbes ? Ne les accuse pas de ton incapacité à voir la vérité qui se trouve sous tes yeux. Tu as toutes les cartes en main, tu préfères jouer celle de la cécité. Et en ce qui concerne la fourberie, tu es très mal placé !

– Tu veux me reprocher quelque chose ?

– Le déchet installé à côté de toi parle de lui-même.

J'appuie rageusement sur le bouton de communication pour ordonner au chauffeur de s'arrêter. Je ne resterai pas une minute de plus ici. Dès qu'il se gare, je descends de la limousine.

– Je viens avec toi.

– Moi aussi.

– Vous n'êtes pas obligées, dis-je à Camille et Arya.

– Si on t'avait laissée seule, tu nous aurais traité de fausses amies. Je lève les yeux au ciel alors qu'Arya lui donne un coup de coude.

– Ce qu'elle veut dire, c'est que ça nous fait plaisir d'être là.

– Bien sûr que non, j'aurais préféré rester dans la limousine. C'était à Riccardo et Miss je pleure sur commande de descendre. Maintenant, comment allons-nous faire pour aller au casino ?

– On prend un taxi ?

– Je ne prends jamais de taxi, c'est pour les pauvres. Et les moches. Je suis riche et jolie.

– Tu n'as pas un sou sur toi, Camille.

– Justement parce que je suis riche. Tu as déjà vu un riche qui se balade avec de l'argent ?

– Du calme, du calme. On ira au casino et personne n'aura à monter dans un taxi, déclare-je en regardant autour de moi.

– À moins qu'on se fasse houper par Jerry, on n'a pas le choix.

– Regardez-moi et prenez-en de la graine. J'arrange mes cheveux avant de m'éloigner d'elles. Je lève mon pouce pour signaler que je fais du stop et à peine quelques secondes plus tard, une voiture s'arrête.

– Vous voyez, le secret, c'est d'être une fille.

***

Nous nous sommes préparés pour aller faire le tour des clubs et des casinos, mais quand je suis arrivée dans le hall et que j'ai vu Riccardo en pleine conversation avec Rebecca près du comptoir de l'entrée de l'hôtel, j'ai perdu mon courage. Les larmes que je retiens menacent de couler. Je me dépêche de refermer la porte de l'ascenseur alors qu'Arya et Camille me font de grands signes. J'arrache mes créoles avec lassitude, mon téléphone vibre dans la poche de mon pantalon. Je décroche sans surprise : c'est Camille.

– Ramène ton cul, Attal !

– Je ne peux pas, désolée. Elle se radoucit.

– Allez, s'il te plaît, tu ne vas pas lui faire ce plaisir. Ce n'est pas pareil sans toi.

– Désolée, je n'ai pas le cœur à faire semblant. Je raccroche avant qu'elle n'insiste ; de toute façon, elle ne me fera pas changer d'avis. Mais à peine quelques secondes plus tard, je la rappelle en allant les rejoindre. Ce n'est pas à moi d'avoir honte, ce n'est pas à moi de mettre ma vie en pause pour lui.

Si je n'étais pas venue, je l'aurais sûrement regretté ; je m'éclate autant qu'on peut s'éclater dans mon état. Je suppose que l'alcool aide, surtout qu'elle m'aide à ne pas penser qu'on est exactement dans le même club que mes deux pires cauchemars. J'ai l'impression qu'ils le font exprès.

Ils sont loin, mais pas assez. J'ai l'impression qu'elle s'approprie ce qui est à moi. Dorment-ils chez lui ? Font-ils passionnément l'amour ? Passent-ils des heures à parler de tout et de rien ?

Je préfère inventer des scénarios, faire comme si tout allait bien entre nous. Comme si ces horribles événements à l'anniversaire de Gia n'avaient pas existé.

Il m'énerve, je le hais, mais il me manque au point où j'en ai mal. La garce profite d'un moment où je regarde dans leur direction pour décaler légèrement sa jambe comme si elle voulait me montrer quelque chose.

Et là, mon monde s'effondre. Je croyais vraiment avoir atteint le fond, mais j'étais loin d'imaginer qu'on puisse avoir autant mal. Je me sens trahie, et c'est très dur d'en prendre conscience.

– J'ai réussi à avoir le fameux cocktail de la mort. Dante se glisse à côté de moi sur la banquette en déposant les cocktails que je lui avais demandés. Mais je n'arrive pas à détourner mon regard de Rebecca qui arbore fièrement mon bracelet de cheville.

– Tu vas bien ? Je secoue lentement la tête, je n'ai plus la force de dire "ça va" quand tout s'écroule. Comme s'il avait senti mon regard, il s'arrête brusquement de parler à Anthony Aldi et tourne la tête dans ma direction. Je suis pathétique, mais je veux qu'il voie à quel point il m'a blessée. Ce bracelet était à moi, il faisait partie de mon identité, et il l'a donné à Rebecca. Il l'avait retiré de mon pied deux semaines plus tôt durant l'anniversaire de Gia, et naïvement, j'ai cru qu'il le gardait pour avoir une part de moi avec lui. Mais non...

Je mets un terme au contact visuel, mais trop tard, il a vu les larmes qui inondent mes yeux.

– Je vais rentrer à l'hôtel. J'annonce à Dante. Tu pourrais prévenir Arya et Camille. Je saisis le verre de cocktail et me dirige vers la sortie. Je ne voulais pas donner la satisfaction à Rebecca de me voir fuir, mais je n'en peux plus de tout ça.

– Je te raccompagne, déclare Dante d'un ton qui n'admet pas de réplique. Je hoche la tête en jouant du coude pour traverser la foule.

Dehors, je remplis mes poumons d'air. Je n'aime pas la ville de Vegas. Tout semble trop grand, trop lumineux, les gens trop heureux.

Ils n'ont aucune raison d'être heureux, merde !

– Je ne sais pas ce qu'il lui prend. Commence Dante. Qu'il essaye de défendre Riccardo m'énerve.

– Les Gaviera, vous devez avoir les gènes de la trahison profondément enfouis en vous. Il grimace avant de siroter son cocktail.

– Touché, Ric t'en a parlé ? Je secoue la tête.

– J'ai entendu votre conversation par inadvertance. Je suis désolée pour ce que t'a fait Julie. Il ne relève pas, on marche en silence quelques minutes, et il déclare :

– Tu penses qu'un jour on deviendra amis ? Je regrette beaucoup d'être tombé dans le piège d'oncle. J'ai fait n'importe quoi, mais je tiens beaucoup à toi. Je lui prends la main et entrelace nos doigts.

– Je ne t'en veux pas. C'est vrai que ça m'a fait une claque, mais je ne t'en veux plus. Plusieurs fois, j'ai voulu venir te rendre visite, mais j'avais peur que ça soit gênant.

– Ça m'aurait fait plaisir de te voir. J'ai besoin de me confier.

– Depuis le temps, mes consultations sont devenues payantes, tu sais.

– Une chance que je sois riche. Je lève les yeux au ciel ; les fils de cette famille adorent parler de leur fortune.

– De quoi veux-tu me parler ? Et pitié, fais que ça soit agréable. Une décapotable rouge transportant plusieurs filles fonce droit sur Dante et moi. Elles ralentissent quand elles arrivent à notre hauteur et lancent plusieurs roses sur Dante avant de redémarrer en trombe, le tout sous des hurlements stridents.

– Eh bien, tu as la cote avec les filles de Vegas, dis donc. Il éclate de rire et passe la main dans ses cheveux blonds, faisant ainsi tomber quelques pétales.

– Promets-moi que tu ne diras rien à personne, mais je crois que j'ai fait une très grande bêtise.

– Tu t'es allié à Don Gieusé pour vendre quelqu'un ?

– Très drôle, cette humour à la Ri...

– Ne prononce pas son prénom ou je vais faire un massacre !

– Ça va, désolé. C'est Julie. Je ne l'ai pas tuée. Je m'arrête net au milieu d'un rond-point, et mon verre m'échappe des mains.

– QUOI !

– Je sais, c'est fou. J'allais le faire, mais je l'aimais, et je croyais qu'elle était innocente. Je ne pouvais pas tuer une fille dont le seul crime était de ne pas vouloir être dans la mafia. Je lui ai donné de l'argent et l'ai aidée à quitter le pays. Mais maintenant que je sais qu'elle est de la police, je me sens bien con.

– Tu es en train de me dire que tu as laissé partir un flic qui sait absolument tout sur les activités criminelles de ta famille ?

– Oui.

– Merde, ton oncle va te tuer.

– Je sais. S'il l'apprend, je suis un homme mort. J'ai pensé avec mes couilles plutôt qu'avec ma tête, et maintenant je m'en mords les doigts. Il faut que je la retrouve et que je termine le boulot avant qu'elle nous envoie tous en prison.

– Tu sais où elle est au moins ? Il secoue la tête.

– Merde. Je te conseille de commencer à faire ton testament.

– Quand oncle en aura fini avec moi, je n'aurai même pas une pièce à placer dans un testament. Il marmonne dans un souffle.

– Ton secret est en sécurité avec moi, mais si tu veux mon avis, tu devrais en parler à ton abominable cousin. Je suis persuadée qu'il t'aidera à retrouver Julie.

– Il est beaucoup trop instable, je préfère ne pas l'approcher en ce moment.

– Tu es un homme, aucun risque que tu finisses dans une boîte.

– Quoi ?

– Quoi ! Je me remets à marcher, le forçant à faire de même.

– Tu n'as pas été capable de la tuer la première fois, tu penses vraiment y arriver maintenant ?

– Je le dois. Avant, quand oncle nous rabattait les oreilles avec nos responsabilité, on trouvait ça barbant, mais plus on grandit, plus on se rend compte qu'il a toujours eu raison. La famille passe avant tout, et les sentiments sont une faiblesse qu'un Gaviera ne peut pas se permettre. Notre premier amour, c'est la Cosa Nostra.

– Waouh, si tu avais les cheveux noirs, les yeux noirs, et la peau pâle, je t'aurais pris pour un certain démon. J'ai autant de paroles que les tentacules d'une pieuvre ; va te faire foutre.

– Ok !

– Quoi ?

– Rien. Vous êtes drôles, c'est tout.

– C'est tout sauf drôle, c'est dramatique.

– Si ça peut te rassurer, il s'est peut-être remis avec Rebecca, mais je ne l'ai jamais vu aussi malheureux. Quand on quittait le casino, il n'arrêtait pas de te regarder.

– C'est peut-être bête, mais je ne veux pas qu'il soit malheureux avec elle. Je veux qu'il soit heureux avec moi, malheureux avec moi. Ça fait extrêmement mal de les voir ensemble.

– Je suis désolé. On arrive devant l'hôtel ; je me tourne vers Dante pour le serrer contre moi et le remercie de m'avoir raccompagnée.

– Tu es sûr que ça va aller ?

– Depuis le temps, je suis rodé. Au moins j'ai toujours de l'air dans mes poumons.

Même si chaque inspiration me fait l'effet d'un coup de poignard, me rappelant ce vide qu'il y a en moi. La tête toujours contre l'épaule de Dante, je relève brièvement les yeux. C'est là que je remarque quelque chose qui sort du lot.

Contrairement aux bâtiments qui nous entourent, l'immeuble de quelques étages en face de l'hôtel, de l'autre côté de la rue, est le seul dépourvu de néons et de panneaux publicitaires. C'est justement pour cette raison que j'arrive si vite à distinguer le point de lumière rouge sur le toit. Je me fige en comprenant ce que c'est ; les yeux écarquillés, je fixe le petit point dans l'obscurité de ce bâtiment.

– Dante, il y a un sniper planqué sur le bâtiment d'en face. Le temps devient soudain étrange, comme si chaque seconde semble s'étirer à l'infini, amplifiant mon sentiment d'insécurité. Nous sommes à découvert, à la merci d'un sniper.

– Quoi...

– Baisse-toi ! Je hurle quand le point rouge bouge, comme si le tireur qui se fond dans les ténèbres voulait ajuster son tir pour enfin passer à l'acte. Dante me saisit lors d'un moment décisif et me plaque au sol. Le premier tir passe à travers la porte en tambour de l'hôtel. Je roule sur le côté avec un grognement de douleur ; l'asphalte vient d'écorcher mes genoux et mes coudes. J'ai aussi l'impression de m'être tordu la cheville à cause de mes talons en tombant, mais ce n'est qu'un détail. Un autre coup de feu est tiré sur nous, heureusement, une voiture passe sur l'autoroute et sa carrosserie amortit l'impact de la balle.

– Fais chier !

C'est le signal dont les quelques passants et les portiers de l'hôtel avaient besoin. La rumeur grandit et la foule se met à zigzaguer dans tous les sens dans l'espoir de se mettre à l'abri. Dante et moi, profitant du chaos, nous relevons et tentons de protéger notre peau.

– Mais c'est quoi ce délire ! Je hurle en essayant de me repérer dans la marée humaine qui cherche à s'abriter. On s'engouffre dans le hall de l'hôtel juste au moment où une balle siffle près de nos têtes. Dante pousse un hurlement d'agonie en se prenant l'oreille d'une main. Il se laisse tomber sur le sol en marbre du hall, le visage déformé par la douleur. J'ai un hoquet en remarquant sa main qui s'est remplie de sang.

– Merde, tu as été touché ?

– Non, elle m'a juste effleuré l'oreille, mais putain ça fait mal. Il faut prévenir les autres qu'il y a un sniper sur le toit, même si je doute qu'il soit assez con pour rester ici maintenant qu'on l'a repéré.

– C'est plutôt lui qui nous a repérés. Je vais appeler un médecin. Je l'aide à se lever, ses jambes tanguent légèrement, je crois que même si la balle l'a juste effleuré, il semble un peu abruti.

– Non, ce n'est qu'une égratignure, je vais la nettoyer.

– Tu es sûr ?

– J'ai connu pire. Je soupire parce que c'est vrai, ça a toujours été leur lot quotidien. Je cale mon bras sous le sien et le conduis vers l'ascenseur.

– Je vais m'occuper de ta blessure. Mais il faut prévenir les autres d'abord, Dieu sait sur quoi ils vont tomber. Une chance qu'il t'ait raté.

Je ne peux m'empêcher de commenter à l'intention de Dante qui est en état de choc, dont un côté du visage et ses cheveux sont poisseux de sang.

– Ils ne nous ont pas ratés, je crois qu'ils voulaient juste nous rappeler que la guerre est bien déclarée.

– La Sacra Corona Unita ?

– J'ai bien peur que oui.

On ne dit plus rien dans le chemin qui nous conduit vers ma chambre. Le destin a sûrement une dent contre moi, mais j'ai appris à peine une heure après avoir posé mes affaires que ma chambre est en face de la suite de Riccardo. C'est en sortant que je suis tombée nez à nez sur lui ; j'ai perdu mes moyens sous l'intensité de son maudit regard et je me suis enfermée jusqu'à ce qu'il parte.

J'ouvre la porte à l'aide de la carte magnétique, Dante titube jusqu'au lit et se laisse lourdement tomber.

– Un jour, je vais simuler ma mort et je m'en irai loin d'ici.

– Dépêche-toi, avec Dominguez qui s'est allié à la Sacra Corona Unita, le temps presse.

Je trouve la trousse à pharmacie dans le placard de la salle de bain.

Je pose tout ce dont j'ai besoin sur le lit avant de me placer entre les jambes de Dante. Je claque des doigts devant son visage comme pour le réveiller, car ses paupières sont lourdes.

Je verse de l'alcool sur une compresse et je nettoie son visage. Il n'a même pas un frémissement, pourtant je suis persuadée que ça pique. Il a eu beaucoup de chance, la balle s'est contentée de l'érafler, lui faisant un magnifique bleu en partant de l'oreille à la pommette. Je désinfecte la blessure puis je mets une pommade cicatrisante avant de poser des pansements.

– Ça va ?

– Je viens de réaliser quelque chose d'effrayant.

– Que tu aurais pu mourir ? Il a un sourire énigmatique.

– On t'a déjà dit que ton autodérision est un tantinet proche de l'insensibilité ? Je grimace un sourire d'enfant coupable en rangeant la trousse à pharmacie que je remets dans la salle de bain.

– On me le dit souvent.

– Il faut que je boive quelque chose. Dante se lève, récupère la bouteille de tequila sur le bar et revient avec plusieurs petits verres et un briquet.

Il remplit les verres que j'ai préalablement alignés et les fait flamber.

– Riccardo est aveugle. Je ne comprends pas comment il peut préférer Rebecca à une femme comme toi.

J'aligne 5 verres avant d'en saisir un au hasard. Dante et moi sommes installés sur la moquette, adossés contre le lit.

Je regarde le petit verre qu'il vient de flamber et soudain, je prends conscience que ce liquide, c'est ma vie depuis que les trois hommes ont poussé la porte du restaurant où je travaille. D'une manière ou d'une autre, ils m'ont tout consumée. Adrian Jr a brutalement voulu prendre ma liberté, Giacomo en qui j'avais confiance a voulu prendre ma vie pour être avec Cass. Et Riccardo, lui, il a absolument tout pris.

– C'est comme ça, certaines relations ne sont pas faites pour durer.

– Même s'il ne veut plus de toi, il ne laissera personne t'avoir, déclare Dante d'une voix pâteuse ; il s'est enfilé la tequila à une vitesse vertigineuse, c'est comme s'il essayait de ne pas penser à quelque chose.

– Il n'a pas son mot à dire.

Pas quand lui refait sa vie. Je laisse ma tête aller sur le lit derrière moi, fixant le plafond, plus précisément le lustre cage en bronze doré et cristal à neuf lumières alternant avec des poignards, autour d'un grand poignard central dessinant l'axe du lustre. Trois branches assurent la jonction et la stabilité en reliant la partie supérieure du lustre et les branches des poignards au niveau inférieur.

Ces branches, comme celles des bras, sont enrichies de fleurs de cristal d'où tombent des pampilles en goutte ou taillées. Comment un humain à pu creer des choses aussi solides mais aucun être humain ne peut donner le secret d'une relation qui dure dans le temps comme ses objets qui ont depasser des siècles. Ils te diront d'être patiente, d'aimer les qualités et d'apprendre à accepter les defaut. Ils te diront que l'amour est ephemère que le sexe est essentiel. Ils te diront que tu doit faire des sacrifices pourtant rien ne semble fonctionner.

J'ébauche un sourire, bordel, je suis en train d'analyser un lustre ringard comme un collectionneur de musée pour ne pas penser à mon fouteur de trouble. Je le hais !

Je sursaute légèrement quand je sens un souffle alcoolisé balayer ma joue. Dante s'est penché sur moi, son regard bleu verrouillé au mien. Un voile de tristesse alourdit mes épaules. Son regard n'est pas sombre, ses cheveux non plus. Il n'a pas le tatouage tribal, il n'est pas lui. Pourtant, quand il se penche davantage et que ses lèvres effleurent les miennes, je ne le repousse pas.

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