Épilogue: Tony Rivera
- Ne le prenez pas comme une offense ou un manque de confiance, Tony, mais j'ai l'habitude de toujours tester la marchandise avant de l'acheter.
- À ce prix-là, vous pouvez vous permettre beaucoup de choses. Wakefield, notre client potentiel, part d'un éclat de rire, ce qui m'agace, il n'y à absolument rien de drole. C'est un homme dans la quarantaine, brun, de forte corpulence. C'était un petit criminel américain, emprisonné pour plusieurs petits délits. Il s'est échappé de prison en creusant un tunnel avant de s'installer au Mexique, où il a bien sûr continué ses petits trafics. Aujourd'hui, Wakefield est le président d'un des clubs de bikers les plus influents du pays. En moins de 10 ans, il a réussi à créer un empire assez conséquent. Il est flanqué de deux jolies filles, sa régulière et une de ses chaudasses.
J'ai entendu dire que sa régulière et lui sont ensemble depuis leur plus tendre enfance. Elle s'assoit toujours à sa droite, et des "chaudasses", ils en changent comme de chemise pour alimenter leurs jeux sexuel. Installé sur un tabouret, il y a le vice-président du club à sa gauche, le road captain, responsable des livraisons du club de motards, et à sa droite, le sergent d'armes, responsable de la sécurité du club.
Pour finir, il y a avec nous un prospect, une nouvelle recrue qui n'a pas encore fait ses preuves. Il doit avoir à peine 19 ans. Il porte, comme tous les hommes autour de nous, un jean, un tee-shirt et une veste en vieux cuir brun, mais la sienne, contrairement à celles des autres, n'a pas l'emblème du club sur le dos. Il l'aura quand il aura fait ses preuves.
Moi, je suis venu accompagné de mon "ombré", qui est installé juste à côté de moi, une main posée sur ma jambe. Comme moi, elle est déguisée. Ses cheveux sont cachés derrière une perruque plus vraie que nature, de mèches rousses coupées court, et elle porte des lentilles de couleur bleue.
Wakefield lève la main, et aussitôt, l'un de ses hommes rapplique.
- Je vous présente Arès, c'est mon testeur pour reconnaître de la bonne came, il n'a pas son pareil.
- Et ça se voit ! marmonne Gayle assez bas pour que je sois le seul à entendre. Le nommé Arès est tellement maigre qu'on voit ses os à travers sa peau fine. Je me demande depuis quand il fait ce travail. Tout l'argent du monde ne vaut pas de finir comme ça. D'une démarche mal assurée, il vient jusqu'à nous avant de s'asseoir sur l'un des sièges libres.
Arès, de ses mains squelettiques, prend l'un des paquets contenant la cocaïne, faisant une légère incision d'une précision chirurgicale sur le paquet. Il recueille un peu de poudre sur son couteau et trace une ligne sur la table en verre, qu'il sniffe à l'aide d'un billet préalablement roulé. Je l'observe avec un certain ennui, pressé qu'il termine.
- C'est de la pure, dit le défoncé quelques minutes plus tard. Il a une trace de poudre sous le nez et les yeux tellement injectés de sang qu'on croirait qu'ils vont exploser d'une minute à l'autre.
Wakefield affiche un sourire satisfait. Il est confortablement installé sur son fauteuil, la tête de sa régulière sur son épaule. La "chaudasse", par contre, donne l'impression qu'elle se demande ce qu'elle fait là.
- J'adore faire affaire avec vous, les Italiens, vous n'essayez jamais de nous rouler. Mais dites-moi, Tony, vous connaissez un certain Riccardo Gaviera ?
Gayle se tend. Ce n'est pas assez évident pour que les autres le remarquent, mais la main posée sur ma cuisse se crispe légèrement, je prend sa main dans la mienne. Je m'en moque de paraître pour un faible devant des hommes qui estime que les marques d'affection sont à bannir dans notre monde. Je n'aurais jamais peur de lui montrer que je fais attention à elle même dans une piece bondé.
- Le Sicilien ? De réputation seulement, pourquoi ?
Je sais trés bien pourquoi. Wakefield fait la moue, son regard brillant désormais de colère.
- Il est venu ici il y a longtemps. Il a foutu une sacrée pagaille. Depuis, ce petit con de pieuvre de l'ombre est dans mon collimateur. Vous devez sûrement le connaître. Il est très populaire dans le monde de la mafia, c'est l'un des fils du grand Gieusé Gaviera. Il à une pieuvre tatoue au cou.
- Je le connais de réputation seulement, je suis un petit dealer, j'évite de me mélanger aux grandes familles, mais de ce que j'ai entendu, il ne vaut mieux pas se frotter à lui.
La seule personne qui a le droit de se frotter à Riccardo Gaviera, c'est la petite beauté installée à côté de lui. Wakefield fait la moue.
- Vous avez sûrement raison. Ces maudits Gaviera sont comme des sangsues. Ils ne lâchent pas l'affaire avant d'avoir vidé leurs adversaires de leur sang. Je serre les dents. Il se moque de moi, une sangsue ? Je me rappelle à l'ordre : le temps de cette soirée, je ne dois pas oublier qui je suis. Je suis Tony Rivera, Tony est un vendeur sans histoire, il apporte la marchandise, empoche son argent et s'en va, et de toute façon, je ne peux pas défendre le nom de ma famille, il est indéfendable. Les gens nous craignent, mais ils ne nous aiment pas. Et jamais personne n'aura assez de cran pour parler mal de nous en face.
- Certainement. Bon, je ne vous retiens pas plus longtemps, mon trésorier va vous payer. J'ai été ravi de faire affaire avec vous et j'espère que ce ne sera pas la dernière fois.
- Non, notre alliance est partie pour durer longtemps. Je confirme, il deteste Riccardo Gaviera mais Tony Rivera et lui sont de bon associer et ils vont le rester.
Sa régulière se redresse légèrement, elle me regarde très longtemps, puis braque ses yeux sur Gayle, qui lui rend son regard, le visage froid et impassible. Je me tends lorsqu'elle se penche pour murmurer quelque chose à l'oreille de son mari.
M'aurait-elle reconnu ? Si c'est le cas, je suis mal. Mais comment est-ce possible qu'elle me reconnaisse ? Mes cheveux noirs ont disparu au profit du blanc, j'ai des lentilles, une fausse barbe fournie et Gayle a masqué mes tatouages avec du fond de teint, il nous à fallut deux flacon mais elle à faut un travaille remarquable. Alors, à moins qu'elle soit une sorcière, je ne vois pas comment elle y arriverait.
- Tu es sûr ? questionne Wakefield à l'intention de sa régulière, les sourcils légèrement froncés.
Un homme entre dans le club par la porte située derrière le bar. Il tient une mallette en cuir, c'est sûrement lui le trésorier.
- Il y a un petit changement de programme, déclare Wakefield, qui a fini de s'entretenir avec sa régulière. Cette dernière nous regarde d'ailleurs, la mine satisfaite.
- Quel changement ? demande Gayle, qui était silencieuse depuis le début. Comme tous les autres dans la pièce, Wakefield adore s'entendre parler, et je suppose qu'avec le temps, son équipe a fini par s'y habituer.
- Je double l'offre. Ma charmante régulière ici présente est très intéressée par votre copine, et je lui donne toujours ce qu'elle veut.
La "chaudasse", suite à ces mots, a un hoquet de stupeur, avant de se lever et de partir en larmes. Qu'est-ce qui lui prend ? Peu importe !
- Très bien, j'accepte !
Gayle s'indigne, elle me fusille du regard avant de déclarer :
- Ric...
- Non ! Je hurle, avant qu'il ne lui passe par la tête de finir mon prénom. Je me penche pour murmurer à son oreille.
- Princesse, je sais que tu adores mon prénom, normal, il est beau comme son propriétaire. Mais si tu le prononces ici, ils vont foutre nos têtes dans le four à la Albert Fish. Je suis sur liste noire, dans le cœur et l'âme de Wakefield. Si on était dans un western, ma photo serait placardée sur tous les murs avec une prime de plusieurs pièces d'or. Non, j'ai fait assez de merdes partout où je suis passé pour valoir une montagne de diamants.
Quand je termine de parler, elle me repousse et murmure à son tour :
- Pourquoi cet homme t'a-t-il dans le collimateur ?
Je grimace. Allez, Riccardo, lance-toi dans la merde, de toute façon tu n'as pas le choix. Tu lui as promis de ne plus lui mentir.
- Je suis venu ici il y a 5 ans pour livrer des armes. Je me suis tapé sa mère, sa tante et sa cousine.
Cette fois, Gayle me mord le lobe de l'oreille assez fort pour me faire bondir légèrement.
- Tu n'es qu'une pute, en fait.
- J'avoue, j'étais une vraie salope, mais c'est ta faute, tu es venue trop tard.
- Un problème ? s'impatiente Wakefield.
- Non, mon associée et moi discutons de quelque chose d'important.
- Votre associée ? Je croyais que c'était votre femme.
- L'un n'empêche pas l'autre. Et ma femme n'est pas à vendre.
- Oh, je vous en prie, Tony, déclare la régulière avec le petit sourire de quelqu'un persuadée que ses arguments lui apporteront tout ce qu'elle veut sur un plateau d'argent.
- Vous avez vous-même dit que vous étiez un petit trafiquant qui essaie de sortir la tête de l'eau. Imaginez ce que vous gagneriez en la vendant, le double du prix de la drogue.
Je reste impassible, mais j'ai une folle envie d'exploser la cervelle de cette salope.
- Je suis ici pour vendre de la drogue, et rien d'autre. Riccardo Gaviera aurait deja flinguer tout le monde, mais Tony Rivera est plus calme reflechi, moins violent.
Le vice-président, qui doit lui aussi en avoir marre des bavardages de la régulière, intervient, mais Wakefield le fait taire d'un regard. Sympa, l'ambiance dans ce club. Je suis sur le point de prendre la parole, mais Gayle s'avance légèrement, le buste penché en avant. Elle regarde la régulière de haut, puis de bas, avant de lui sourire. Je retiens mon souffle, sachant que quand elle a cette expression, les choses ne vont pas tarder à s'envenimer.
- Je suis réellement flattée de vous plaire. Mais il y a juste un énorme problème.
- Lequel ? Si c'est l'argent, ne t'inquiète pas.
- Non, le problème c'est toi. Tu ne me plais pas, même pas un peu, alors je refuse.
- Comment osez-vous ? s'écrie la régulière en se levant du canapé, prête à bondir.
Gayle ne bouge pas, elle pousse le bouchon un peu plus loin en lui dédiant un sourire moqueur.
- Si je dois tout plaquer pour me retrouver coincée à jouer les putes entre vous et votre mari, il serait logique que vous me plaisiez un peu. Le problème, c'est que je n'ai même pas envie de vous toucher avec une brindille.
- Bon, ça suffit ! hurle Wakefield. Interprétant ça comme un ordre, tous ses hommes se lèvent, armes dégainées. Bordel, ça m'apprendra à me trimballer avec une femme aussi belle. Ce n'est pas la première fois que quelqu'un nous fait ce genre de proposition, mais c'est bien la première fois que ça vient d'une femme. Et à deux contre plusieurs bikers, on est vraiment en très mauvaise posture.
- Mais voyons, on se calme, Wakefield. La loi de l'offre et de la demande. Vous avez fait une offre et nous l'avons refusée, rien de personnel.
- Ma régulière obtient toujours ce qu'elle veut. Et elle aura cette fille.
- Ma femme n'est pas à vendre, je dis calmement, la main posée sur mon arme.
- Oh, je vous en prie, Tony. Tout le monde a un prix, les putes plus que quiconque. Je triple l'offre. Gayle rit.
- Cette pute là, est allergique au silicone. Désolé, mais je suis tres selectif comme fille.
- Nous devrions peut-être nous concentrer sur les affaires qui nous ont poussés à nous réunir ici, intervient le vice-président.
Gayle regarde le VP, puis le président, rouge de colère, avant de dire :
- Wakefield, vous devriez écouter plus votre président et moins cette femme. Quant à la proposition, c'est non. Même pour tout l'or du monde, je ne voudrais pas de ton corps siliconé sur le mien.
- Bien, je dis avec un petit sourire. Si cette affaire est réglée, revenons à notre transaction. La régulière se leve les poings sur les hanches.
- J'ai dit que...
Tout se passe trop vite pour que Wakefield ait le temps de terminer sa phrase. Le vice-président lui a tiré une balle dans le ventre. Tout le monde le regarde, d'abord choqué, puis il tire d'autres balles, avec une rage à peine contrôlée, et personne n'intervient. Les hommes dans le club regardent la scène avec un certain détachement. Je comprends pourquoi : ils n'ont que mépris pour leur président, qui se fait mener à la baguette par sa femme.
La régulière est la seule qui semble ébranlée. Elle se met à hurler, à moitié avachie sur le corps de son mari. Le VP, jugeant qu'elle fait trop de bruit, lui loge une balle. Je soupire, quel monde imprévisible.
- J'adore le bruit des détonations. C'est la plus belle musique de l'univers.
Gayle acquiesce, les yeux légèrement plissés.
- J'adore la couleur rouge. Je ne sais pas comment l'expliquer, mais c'est... comment dire.
- Grisant.
- Oui, et aussi, tu vois, le moment où les gens insupportables meurent, c'est d'une satisfaction.
Je claque des doigts pour approuver.
- Quand Ramsay Bolton est mort, j'ai pleuré de satisfaction.
- Menteur.
- Bon, j'ai eu une petite larme.
Quelqu'un se racle la gorge pour nous rappeler où nous nous trouvons. Le VP et les autres nous regardent avec impatience. J'adopte un air sérieux. J'ai du respect pour ce qu'il vient de faire. Ça peut paraître inhumain de penser comme ça, mais les faibles ne dirigent pas, et ils doivent être éjectés. Mon père a tué mon grand-père. Je n'ai pas beaucoup de souvenirs de lui, mais c'était un homme bon, ce qui le rendait faible. Il appelait ça de la tolérance. Il acceptait de pardonner les mauvais payeurs, les trahisons, et même les manques de respect. La famille Gaviera a perdu de sa superbe à cause de ses mauvaises décisions. Plusieurs de nos hommes sont morts bêtement, c'est l'une des raisons qui nous a poussés à nous unir à la Camorra. Wakefield était un vrai con. Je donnerais le monde à Gayle, mais je ne permettrai jamais que ses caprices mettent mon organisation en danger, parce que des gens comptent sur moi. Heureusement pour moi, Gayle et moi sommes sur la même longueur d'onde. Enfin, tant que je ne fous pas la maison en bordel. Gayle est le genre de psychopathe qui pète un câble quand j'oublie de nettoyer une malheureuse cuillère.
- Bien, maintenant nous pouvons parler affaire. Puis tenant l'argent. Le trésorier clopine jusqu'à nous, il pose la mallette sur la table, mais quand je suis sur le point de l'ouvrir, j'entends une phrase qu'aucun criminel n'a envie d'entendre de toute sa foutue vie.
- Police...
Je réagis au quart de tour. Je saisis Gayle par la main, la première fois que je suis venu ici, je suis parti un peu en panique alors je connais une sortie.
- Démon, attends ! Gayle tire sur la malette des main du tresorier qui semble sur le point de s'evanouir.
- Oh mince, elle est lourde.
- Tu te moques de moi, c'est l'argent qui t'intéresse.
- On parle de millions, pas de pauvre centime ! Je contourne des motards paniqués et on se cache derrière le bar.
Dehors, la voix forte du flic retentit à nouveau.
- ... Nous vous ordonnons de vous rendre... Le club est encerclé.
- Fais chier. Sans cette maudite régulière, on serait déjà loin du club.
J'ouvre la porte qui est derrière le bar et on traverse la réserve en courant.
- Je ne peux pas courir avec ces chaussures.
- Retire-les !
- Jamais de la vie. C'est une paire unique, il n'y en a que deux dans le monde, la deuxième a été... Ah...
Je la soulève et la jette sur mon épaule, je zigzague entre les cartons d'alcool, et d'autres choses inconnues entreposées ici et là.
- Tu n'es qu'une brute ! Je disais, la deuxième a été achetée par Courteney Cox.
- Princesse, tu es plus jolie quand tu es silencieuse. En plus, tu m'empêches de réfléchir, oui, la sortie doit être par là !
- Je te hais ! Je presse le bouton rouge et la porte qui mène vers l'extérieur commence à s'ouvrir. Tout est exactement comme dans mes souvenirs, je n'aurais jamais cru que me taper toute la famille de Wakefield et devoir quitter le club comme un voleur m'aurait servi à quelque chose un jour. Je me rappelle, à l'époque, c'est sa mère, paix à l'âme de cette chaudasse, qui m'a conduit dans cet entrepôt.
Je ne sais pas si c'est la porte qui prend trop de temps pour s'ouvrir ou si je suis juste trop impatient, mais j'ai l'impression qu'elle lévite au ralenti. Gayle, la tête en bas, se tortille sur mon épaule, elle porte une petite jupe en toile, et des collants qui moulent ses fesses à la perfection, avec des cuissardes qui, selon elle, sont en édition limitée. Pour passer le temps, je me penche pour lui mordre le cul qui n'arrête pas de bouger devant mon visage.
- Aïe ! Pose-moi, ça ne va pas !
Elle glisse la main dans mon jean et saisit mon téléphone pour appeler Luca et Bud, certainement. La porte lévite assez pour me permettre de sortir avec mon fardeau.
- Luca... Va te faire foutre Bud, passe-moi Luca si tu es incapable d'être sérieux. Elle a mis en haut-parleur, j'entends Luca traiter Bud de con, ce à quoi il réplique par un rire avant de dire :
- Qu'est-ce qui se passe ?
- Code 25 ! Hurle Gayle alors qu'on traverse la ruelle à l'arrière du bâtiment où se situe club de Wakefield.
- Quoi ? Bordel, on va essayer de rappliquer le plus vite possible. Gayle raccroche, je la pose par terre quand on arrive au bout de la rue. Je me risque à jeter un coup d'œil, merde. Ma voiture est garée juste devant, il y a une vraie barrière.
Plusieurs flics sont devant l'entrée principale, ils sont cinq en tout, armes au poing. Leurs voitures, dont les gyrophares éclairent la rue, sont juste derrière eux. Un autre est posté près des voitures de ceux qui sont dans le club, plus précisément près de ma Challenger de location.
- Mais qu'est-ce que tu fabriques ? murmure Gayle en posant une main sur mon arme quand je suis sur le point de tirer.
- Je nous débarrasse d'un problème.
- Ses collègues vont se retourner contre nous, on doit se montrer discret. Tant qu'ils pensent que personne n'a quitté le club, on a une chance. Donne-moi les clés, je m'en occupe.
- Non, je refuse que tu prennes des risques.
- Ne commence pas, Riccardo, on n'a pas le choix. Les clés ! On chuchote pour ne pas que le flic nous entende, je sais qu'elle a raison, mais je ne veux plus jamais revivre les quatre mois à l'hôpital à voir la femme de ma vie, celle que je suis censé protéger, respirer que grâce à des machines à cause des mauvaises décisions que j'ai prises. Non, il n'est pas question que je revive ça.
- Non...
- Génial, tu ne me fais pas confiance. Je prends son visage en coupe pour qu'elle me regarde.
- Je te fais confiance, je te confierais ma vie.
- Et j'en prendrais soin. Je sais que tu veux me protéger, mais penses-tu vraiment que le désir que tu as de me maintenir en vie et en sécurité est supérieur à mon désir de te maintenir vivant et en sécurité ? Elle me caresse la joue.
- Donne-moi les clés, je ne ferai rien de stupide.
- Très bien, mais si tu meurs, je te tue. Elle récupère les clés avant de se coucher sur le ventre et commence à ramper jusqu'à la Challenger de location. Le flic est de profil, je suis sûr qu'il a reçu l'ordre de surveiller la bagnole au cas où quelqu'un réussirait à quitter l'enceinte du bâtiment.
Je ramasse une pierre, que je me mets à lancer dans les airs. Gayle progresse doucement pour ne pas faire de bruit sur le gravier. Putain, ma femme, c'est la meilleure, elle n'hésite jamais à patauger dans la boue pour nous sortir de la merde. Elle a réussi à atteindre la voiture.
Dès que Gayle appuie sur les clés pour ouvrir la Challenger, je jette la pierre sur la voiture qui est un peu plus loin sur la file, l'alarme retentit, masquant le bruit de la Challenger. Le flic sursaute, plus en alerte que jamais, il pointe son arme dans cette direction. Gayle ouvre prudemment la portière et entre dans la voiture par le côté passager avant de s'avancer à quatre pattes derrière le volant. Dès qu'elle introduit la clé dans le contact, elle démarre en appuyant sur l'accélérateur, soulevant un nuage de fumée, une fumée sombre et âcre s'échappant du pot d'échappement remplit l'air. Gayle quitte le parking en marche arrière. Je vise la tête du flic et je tire, mais je le rate car il a bougé, mais dans son mouvement, son arme lui a échappé des mains. Je cours jusqu'à la voiture l'adrenaline me poussant à être plus rapide je saute dans l'habitacle par la portière que Gayle maintient ouverte juste à temps pour eviter le flic.
- Accélère, accélère, il faut qu'on se mette à l'abri des balles.
- Ne me stresse pas, je fais ce que je peux. Autour de nous, les flics sont en alerte, toute leur attention est désormais focalisée sur nous. Ils nous ordonnent de nous rendre, que la zone est encerclée. Ces gens-là sont vraiment des comiques, comme si j'allais obéir à un ordre qui va me conduire droit en prison. La challenger rougit quand elle augmente la vitesse, Gayle passe leur barrière dans un bruit de pneus assourdissant, la Challenger est à son maximum. Une balle réussit à trouer la carrosserie, mais elle ne fait pas beaucoup de dégâts. Nous restons imperturbables ce n'est qu'une diversion pour nous ralentir.
Je comprends pourquoi : les flics qu'on a laissés derrière nous ne se sont pas embêtés à nous tirer dessus.
Devant nous, tel le spectre de mes pires cauchemars, il y a un barrage de police, celui-ci est encore plus renforcé. Deux flics sont juste devant nous, faisant de grands signes pour nous arrêter. Gayle appuie encore plus sur l'accélérateur, fonçant droit sur la barrière qu'elle envoie dans tous les sens. L'impact fait vaciller la voiture, mais elle réussit à la stabiliser au bout de quelques secondes.
- C'est bien ma petite serveuse, gentille toutou. Je tapote sa tête comme pour la flatter ce qui l'agace.
- Va te faire voir avec ton gentille toutou. Et retire ta main de mes cheveux, coller cette perruque m'a pris un temps fou !
Mon téléphone sonne, je décroche en mettant le haut-parleur.
- Mec, j'ai plus d'informations, dit Luca, pressé. Gayle contourne une Mercedes blanche. Je grimace quand une voiture de flic se met à nous suivre dans un bruit assourdissant de sirènes.
- Je t'écoute.
- Wakefield était sous haute surveillance depuis plusieurs mois, l'une des chaudasses des bikers était un agent infiltré de la brigade des stupéfiants. Les flics avaient prévu de faire une descente.
- Ça a quelque chose à voir avec nous ?
- Non, vous étiez juste au mauvais endroit au mauvais moment avec plusieurs kilos de blanche.
- Merde la poisse.
- Mon cœur, il y a un passage à niveau qui va bientôt s'enclencher, me prévient Gayle.
- Sûrement pour permettre au train de passer, accélère et prends le passage avant que la barrière ne s'enclenche. Ça nous permettra de gagner du temps et de mettre une distance décisive entre nous et la voiture des flics.
Gayle passe le passage à niveau qui clignote juste avant qu'une ultime barrière ne nous mette des bâtons dans les roues. Au-dessus de nous, un hélicoptère survole la rue, nous ordonnant de nous arrêter.
- Trouvez un lieu où vous cacher, j'arrive en hélicoptère aussi vite que possible, dit Luca avant de raccrocher. Gayle quitte la route pour s'enfoncer en forêt.
- J'ai le cœur qui bat beaucoup trop vite. Je pose la main sur sa poitrine et je commence à palper ses seins.
- Dégage, espèce d'obsédé.
On arrive en forêt, mais on n'est pas tirés d'affaire, l'hélicoptère ne nous lâche pas. Il survole à présent les bois, éclairant tout sur son passage. On gare la voiture avant de descendre, je ne perds pas de temps. Gayle se debarasse de sa perruque quelle lance sur la banquette, j'en fais de même, soulagée de ne plus avoir cette modite barbe.
je saisis deux morceaux de bambou dans le coffre avec un jerrican. J'ai d'autres kits de survie à l'intérieur mais je suis incapable de tout prendre. J'arrose la voiture d'essence et j'y mets le feu avant de commencer à courir, essayant de mettre le plus de distance possible entre nous et les flics en voiture, en hélicoptère et pire que tout, les chiens.
- Quelle soirée de merde !
- Je te le fais pas dire, tu nous as foutus dans la merde, Riccardo.
- Ce n'est pas ma faute ! je m'écrie, je me baisse juste à temps pour éviter un arbre dont les branches sont extrêmement basses. La petite serveuse, qui est juste devant moi, me lance un regard mauvais.
- Oh, évidemment, ce n'est jamais ta faute. Fais-moi une liste des pays où se trouvent les filles que tu t'es envoyées, juste pour que je me prépare avant chaque voyage.
Je savais que cette histoire allait me revenir en pleine figure. Et ça n'a absolument aucun rapport avec ce qu'on vit maintenant.
L'hélicoptère ne nous lâche pas, j'entends le bruit assourdissant qu'il produit un peu plus loin. Pour l'instant, notre meilleur allié, c'est la couverture des arbres. Si on sort de cette forêt...
- Je n'étais pas parfait mais...
- Tu n'es toujours pas parfait, mon cher démon. Elle raille d'un ton sarcastique, je m'arrête, la forçant à faire de même alors qu'on commence à longer une rivière dont le débit est calme. Il fait tellement sombre que le cours d'eau se fond dans la masse.
- L'amour est censé te rendre aveugle, tu sais. Tu es censée ne voir que mes bons côtés.
- Il faudrait que j'aie un microscope à la place des yeux pour ça.
- Aïe, mon pauvre cœur, tu devrais y aller doucement, je suis hypersensible comme mec... Bon, je vais plaider coupable d'un crime. Je plaide coupable d'un seul et unique crime : celui d'avoir volé ton cœur.
Elle papillonne des yeux, serrant la mallette contre elle comme une barrière.
- Arrête ça, ça ne marche pas avec moi. Je réussis à m'avancer assez pour attraper son visage entre mes mains.
- Vraiment ?
- Oui. Sa réponse n'est qu'un couinement, je glisse une mèche de cheveux derrière son oreille, mes doigts s'attardent sur sa peau et je sens sa respiration s'accélérer.
- Menteuse. Je me penche pour l'embrasser, mais on se fige. Une torche vient d'éclairer la cime des arbres et les aboiements des chiens deviennent de plus en plus forts.
- Putain de police mexicaine, ils ont vraiment la dent dure. Je regarde le cours d'eau derrière Gayle. J'avais pris les morceaux de bambou juste au cas où, mais je crois qu'on n'a plus le choix.
- On va se cacher sous l'eau jusqu'à ce qu'ils partent. Les fouilles ne vont pas durer plus d'une heure.
- Dans l'eau ? Mais il fait extrêmement froid.
- On n'a pas le choix, l'eau va effacer nos traces. Avec un peu de chance, quand les chiens viendront jusqu'ici et flaireront notre odeur, ils prendront par le nord et on pourra fuir en sens inverse et se cacher jusqu'à ce que Luca nous trouve.
- Et ça, on en fait quoi ? questionne-t-elle en mettant la mallette en évidence.
- On la prend avec nous, si on la laisse là, les chiens vont la trouver, et il n'est pas question que j'alimente les comptes du gouvernement mexicain.
Je colle un traceur sur l'un des arbres pour permettre à Luca de savoir où nous sommes, avant de donner un tuyau en bambou à Gayle.
- Écoute-moi bien, petite serveuse, ou tu vas finir dans les faits divers mexicains.
- Je vois déjà les gros titres : un squelette a été trouvé dans une rivière, elle portait des bottes magnifiques.
- Suis-je le seul à prendre cette situation au sérieux ?
- Ça va, je sais quoi faire, je te rappelle que ce n'est pas la première fois qu'on se retrouve dans cette situation.
- Merde ! On s'écrie quand des voix nous parviennent. On se précipite vers le lit d'eau calme, elle est tellement glacée que je reçois une sorte de décharge. On progresse jusqu'à ce que l'eau atteigne nos ceintures avant de s'immerger.
- Ce truc est trop gros, il ne rentrera jamais dans ma bouche.
- Ne t'inquiète pas, princesse, tu écartes tes lèvres et tu me laisses faire.
- Je parle du bambou, tu n'es qu'un obsédé. On s'immerge dans l'eau après avoir calé les morceaux de bambou creux entre nos lèvres. Heureusement, la rivière n'est ni agitée ni profonde, laissant juste ce qu'il faut à la surface pour obtenir une maigre ration d'oxygène. On reste sous l'eau sans bouger, priant pour que les flics passent au plus vite. Au bout d'une dizaine de minutes, j'entends toujours les voix, les jappements des chiens qui doivent être au moins cinq, sans oublier ce maudit hélicoptère. Le froid me glace le sang. Si les recherches ne s'arrêtent pas au plus vite, on sera faits comme des rats. L'eau est glaciale, bientôt on ne sentira plus nos corps, et pire, on risque de perdre connaissance.
Maudite faiblesse du corps humain. Les torches éclairent la surface de l'eau, je sais que ces maudits clebs tournent autour de l'arbre où nous étions stationnés. La lumière des torches éclaire la surface de l'eau sans jamais s'attarder.
Gayle et moi, ne bougeant pas, respirons comme nous pouvons grâce à nos tubes de fortune. Dix minutes, puis vingt s'écoulent, mais ils sont toujours là.
Malgré tous mes efforts, je ne peux pas empêcher mon corps de trembler comme une feuille. Le bout de bambou à la surface vacille, et j'ai peur qu'ils remarquent un mouvement dans l'eau. L'extrémité de mes doigts et de mes orteils devient peu à peu engourdie. Bon sang, si moi qui ai l'habitude de ce genre de situation, je suis dans un état où je n'arrive même pas à bouger un bras à cause du froid, comment doit se sentir Gayle ? Prenant le risque, je m'avance légèrement jusqu'à ce que mon corps touche le sien. Je saisis sa main, elle est glacée, ce qui n'a rien d'étonnant. Je ne suis même pas sûr qu'elle sente que je la touche, mais j'exerce une pression.
J'ai de plus en plus de mal à respirer, même avec le bambou qui nous alimente en oxygène. Ce n'est pas suffisant.
Trente minutes, ou peut-être plus, je ne saurais le dire, les lueurs des torches s'éteignent et les voix commencent peu à peu à s'éloigner. Nous restons quelques minutes de plus sous l'eau pour être sûrs qu'ils ne nous tombent pas dessus avant que je ne sorte la tête de la surface. Je panique parce que Gayle ne réagit pas. Je la tire à la surface. Elle recrache le bambou en prenant une profonde inspiration.
- J'ai vu... ma... vie défiler devant mes yeux ! Ça va ?
- Oui...
- Je pose la question à la mallette.
On sort tant bien que mal de l'eau et, dès qu'on atteint la berge, on s'écroule, nos jambes refusant de faire un mouvement de plus.
J'attire Gayle contre moi. Elle frissonne quand je pose mes lèvres sur son front avant de se mettre à trembler de plus belle.
- J'ai tellement froid. Je crois que... c'est la fin... Je vois la lumière au bout du tunnel. Regarde, elle est là !
- C'est la lune, princesse.
- Je sais... ce que je vois. C'est la fameuse lumière au bout du tunnel, elle n'est pas blanche mais noire comme ton cœur.
- Si tu as l'énergie de me lancer des piques, c'est que tu vas bien.
- Serre-moi fort. Je suis trop heureux d'obeir à son ordre.
- Un mot de ta part et je flambe cette forêt pour te réchauffer.
- C'est qui le meilleur mari de l'univers ?
- C'est moi évidemment !
- Je t'aime.
- Dis-le encore.
- J'ai épuisé mon stock de "je t'aime" pour le Mexique, je te le redirai quand on sera chez nous. Jack, ils sont revenus... Jack, je n'abandonnerai pas... Revenez, revenez, revenez... J'ai vecu le titanic en direct.
- Princesse, ferme-la ! Elle a un petit rire qui se transforme en toux.
À cause de toute l'énergie que son corps a dépensée pour maintenir sa chaleur, la petite serveuse finit par perdre connaissance, et je ne tarde pas à suivre.
Je me réveille quand je sens quelqu'un me secouer, c'est Gayle.
– J'ai compris, j'ai compris inutile d'insister. Je suis à toi. Je me penche pour prendre ses seins en coupe, ma tête dans son cou...
– Tony ce n'est pas le moment...
Pourquoi elle m'appelle comme ça alors que nous sommes seule ?
J'ouvre les yeux et tombe nez à nez avec le canon d'un fusil de chasse tenu par un vieil homme qui n'est pas plus haut que trois pommes.
- Qui êtes-vous et qu'est-ce que vous faites sur mes terres ? questionne-t-il dans un anglais parfait. Le soleil s'est déjà levé. Je bâille, plus ennuyé qu'autre chose. Combien de dégâts peut faire un homme dont le corps entier tremble à cause de Parkinson ?
- Ne me faites pas de mal, prenez ma femme !Gayle me donne un coup de coude.
- Tu ne peux jamais être sérieux. Puis elle prend un ton plus doux pour amadouer le vieil homme. Je suis désolé monsieur, nous ne voulions rien faire sur vos terres, on dormait juste.
- Vous avez fait fuir tout le gibier, accuse-t-il en éloignant son fusil de chasse.
- Donc vous vous êtes dit qu'une bonne vieille chair humaine ferait l'affaire. Excellent choix. Essayez la cuisse d'une fille de 20 ans, un de ses quatre, c'est tellement tendre que je me suis léché les babines. Ma femme en a 24 mais ça fera l'affaire je suppose, avec du jus de citron on n'y verra que du feu.
Le vieux est tellement choqué qu'il recule. Gayle me regarde en levant les yeux aux ciel, je me pencher pour l'embrasser sur le front. J'ai envie de bien plus mais elle chasse mes mains baladeuses d'une tape.
- Ne fais pas attention à lui, il n'est pas seul dans sa tête. Gayle se lève en s'étirant, j'en fais de même.
- Je suis Stelle. Il regarde la main tendue avec une certaine méfiance, mais quand elle lui sourit, le vieux écarquille légèrement les yeux, il rougit et je le vois essayer de redresser son dos bossu. Quand il cherche à prendre la main de ma femme, je place la mienne, et je serre assez fort pour lui briser les os.
- Tony, le mari !
- Mets-moi une laisse pendant que tu y es, mais lâche-le ! hurle-t-elle quand elle remarque le teint livide du vieux.
Il se masse la main quand je le lâche avant de demander :
- Qu'est-ce que vous faites là, sous ce froid ?
- C'est une longue histoire.
- Oh, je comprends. Écoutez, Stelle, j'habite à cinq minutes d'ici, vous pouvez venir prendre un thé, ma femme vous trouvera des vêtements adaptés. Et vous aussi, naturellement. Son ton est beaucoup moins aimable quand il se tourne vers moi.
On échange un regard. Cette proposition tombe à pic, je meurs de faim, et il faut que j'appelle Luca pour savoir pourquoi il ne s'est pas pointé. Mon téléphone est sûrement fichu après tout ce temps dans l'eau.
- Avec plaisir...
- Xavier.
- J'adore votre prénom.
Je tique. Suis-je invisible ? 1 mètre 92, tout en muscles, non, impossible.
- Tu veux une bague plus grande pour me respecter ? je questionne, alors que Xavier clopine devant nous, la crosse de son fusil de chasse traînant par terre.
Gayle se retourne, elle enroule ses mains autour de mon cou. Je reçois la mallette sur le dos, mais je m'en moque tant que ses seins se plaquent contre moi.
- Monsieur serait-il jaloux ?
- Que tu dises à un autre homme que tu adores son prénom ? Laisse-moi réfléchir... Yes !
- Vous venez !
Elle se détache de moi et on suit Xavier, qui emprunte un chemin de terre tracé dans la forêt. Il débouche sur une énorme plaine, cet endroit serait idéal pour qu'un hélicoptère s'y pose.
La maison de Xavier est une cabane d'assez bonne taille, protégée par une clôture à piques. Dès qu'il nous précède dans la maison, on est accueillis par la délicieuse odeur d'un café et les aboiements d'un dalmatien qui semble être aussi vieux que son maître.
- Hermosa, je suis rentré.
Il n'y a qu'une seule pièce dans toute la cabane, un lit dans un coin, un espace cuisine et un espace salle à manger. Mais ce qui capte mon attention, c'est le radiateur flambant neuf qui diffuse une chaleur bienvenue. Il y a de l'électricité dans ce truc ? Incroyable.
- Mon Xavier, c'est toi, qu'est-ce que tu as rapporté aujourd'hui ?
- Pas grand-chose, le gibier a fui. Je te présente Stelle, c'est une gentille jeune femme, et lui, c'est Tony ! Je les ai trouvés dans la forêt.
Nina, comme son mari, est très avancée en âge. Elle a de longs cheveux blancs coiffés en une tresse qui repose sur son dos, elle porte une robe à motifs fleuris, un cardigan, et une croix en argent repose sur sa poitrine.
- Oh, enchantée. J'espère qu'il ne vous a pas tiré dessus. Il ne voit pas grand-chose mais s'obstine à aller à la chasse.
- Il faut bien qu'un vieil homme s'occupe. bougonne Xavier.
- Tes occupations sont dangereuses. Les enfants, venez donc vous reposer près du chauffage . Vous voulez du café ou du thé ?
Nina, contrairement à son mari, m'aime bien. Elle nous indique les toilettes qui se trouvent derrière la maison et donne des vêtements à Gayle. Comme il n'y a rien à ma taille, je me contente de rester le plus près possible du radiateur.
Vingt minutes plus tard, on s'installe autour de la petite table, il y a un peu de tout. Elle rougit quand Gayle la complimente sur ses beignets et se met à lui décrire la recette.
Je ne sais pas comment elle fait pour réussir à mettre n'importe qui à l'aise en sa présence. Il a fallu à peine quelques minutes pour que la vieille dame et elle se mettent à parler de tout et de rien en riant. Xavier, par contre, me jauge d'un regard hostile que je lui rend.
- Comment vous vous êtes rencontrés ? demande-t-elle à Gayle après m'avoir jeté un regard hésitant.
- Eh bien, c'est un peu compliqué, il m'a sauvé la vie.
Et toi, tu me sauves de moi-même chaque jour depuis que tu es dans mon existence.
- Il vous a sauvé la vie, lui ? questionne Xavier sideré.
- Oui, moi, je suis un petit ange.
Je me penche pour prendre le menton de Nina entre mon pouce et mon index, prenant un ton séducteur, je déclare :
- Cette fois, Hermosa, c'est vous que je suis venu sauver de cette forêt.
Elle papillonne des yeux avant de glousser. Xavier s'indigne, il me donne une tape pour que je lâche sa femme, ce qui fait rire la mienne aux éclats.
- Vous êtes un vil séducteur, jeune homme. Je suis content que Xavier vous ait trouvés, on ne reçoit pas souvent des gens ici.
- Pourquoi vous vivez aussi reclus ? je questionne.
Elle hausse ses frêles épaules avant d'ajouter du café dans ma tasse. J'en ai assez bu, mais je la laisse faire, ça semble lui faire plaisir de faire le service. Nina lance ensuite à son mari un regard plein de tendresse.
- Xavier et moi avons eu une vie très mouvementée. Pour nos vieux jours, on a décidé de s'éloigner un peu du bourdonnement incessant de la civilisation.
- Je comprends.
***
- J'ai réussi à joindre Luca, il arrive dans quelques minutes, dis-je en venant trouver Gayle. Elle est debout près de l'espace cuisine, regardant par la petite fenêtre d'un air nostalgique. J'enroule les bras autour de sa taille avant de poser mon menton sur son épaule.
- À quoi tu penses, petite serveuse ?
- Je ne sais pas trop. Tu penses que toi et moi, on aura la chance de vivre vieux, comme Xavier et Nina ?
- Je ne sais pas. J'avoue que j'aimerais bien voir ta tête enflammée de cheveux blancs. Vivre toutes les aventures avec toi, même celle de la vieillesse et de la mort.
- Je sens que tu seras un vieillard insupportable.
- Et toi, une mamie trop mignonne. Mon commentaire lui tire un rire qui me rechauffe le coeur, j'entrelace nos doigts avant de placer nos mains joints sur son ventre.
- Dis-moi quelque chose de drôle et d'agréable. Et de pas trop macabre.
- Je serai ton impression d'un rêve.
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