Chapitre 59: Le papier peint

Il y a deux types de personnes dans la mafia. Ceux qui veulent l'argent et tout ce qui vient avec les billets verts, et ceux qui ont une fascination morbide pour le crime. Et quel meilleur endroit pour un criminel qu'un environnement dans lequel les crimes ne sont pas punis ? Mieux, ils sont glorifiés. Plus une personne tue, plus elle est respectée et crainte. Elle est au sommet de la pyramide.

À moi toute seule, je suis les deux types. J'aime l'argent, mais pas autant que j'aime prendre la vie. Le crime a quelque chose d'exaltant.

Je regarde mon poignet, plus précisément mon tatouage. 93.

93 victimes. Ce tatouage date d'il y a 5 ans, maintenant j'ai fait plus de victimes, tellement que j'en ai perdu le compte.

Quand j'ai quitté précipitamment l'organisation en emportant avec moi Rebecca, je n'avais plus rien. Riccardo Gaviera avait trouvé le moyen de geler tous mes comptes, de l'argent que j'avais détourné à celui que j'avais durement gagné en travaillant. J'ai absolument tout perdu.

Durant mes années de service dans l'organisation, je me suis fait pas mal d'amis puissants. Pourtant, aucun d'eux n'a répondu à mes appels à l'aide. Personne, à l'exception d'un seul.

Antonio Belluci. Si j'étais capable d'éprouver du bonheur, alors le jour où la BMW de Belluci s'est arrêtée devant l'appartement miteux que je louais aurait été le paradis.

Il me proposait de l'argent, beaucoup d'argent, à une seule condition : que je lui fournisse de très jeunes enfants pour son trafic.

Mais maintenant, j'ai aussi perdu l'appui de Belluci, il est introuvable, probablement mort, et l'orphelinat n'est plus qu'un vieux souvenir. C'est l'œuvre de Riccardo, j'en suis persuadée. Il a torturé Belluci et l'a poussé à me trahir.

Je ressens de la rage, enfin, je suppose que c'est un sentiment de colère qui m'a poussé à m'introduire chez Belluci au milieu de la nuit et à kidnapper ses filles et sa femme ? Oui, il m'a trahie, il a balancé mon emplacement à Riccardo, et j'ai à nouveau tout perdu : la paroisse, ma maison, Rebecca et surtout mes tableaux.

Ils sont brûlés dans l'incendie provoqué par Gayle. Chacune des œuvres d'art qui était dans ce sous-sol était faite à partir d'un modèle unique, c'étaient des tableaux que j'avais peints pour capturer des instants où je ressentais un sentiment d'euphorie.

J'aimais les contempler et me rappeler à quel point j'étais puissante durant l'instant précis où ma victime était devant moi, misérable et à l'agonie.

Mais maintenant, plus rien.

Je me passe la main sur mon crâne rasé, j'ai peut-être tout perdu, mais j'ai acquis un nouveau but auquel me tenir.

Je soulève la fille de Belluci, je l'ai tuée deux jours plus tôt, maintenant il faut que je me débarrasse du corps. En général, quand je tue, je me sens bien durant au moins une semaine. Voire des mois quand il y a beaucoup de victimes d'un coup comme c'est le cas maintenant.

Pourtant, j'ai beau avoir pris trois vies, je ressens toujours cette envie de tuer. C'est normal que la mort de cette petite famille de la haute ne m'apporte rien, je voulais juste faire payer à Belluci le fait de m'avoir balancée à Riccardo.

Mais ça ne règle toujours pas mes problèmes financiers.

Je la place dans le placard en position horizontale. La gamine de 8 ans est nue, elle a de longs cheveux blonds que j'ai attachés en queue de cheval, et sur son cou délicat, il y a les marques violacées laissées par mes mains quand je l'ai étranglée. En général, je préfère les meurtres plus brutaux, mais je n'ai pas le temps de nettoyer. Je m'éloigne pour aller chercher sa sœur, je la place exactement dans la même position que la première.

Vient ensuite le tour de la mère. Je l'enroule dans une couverture blanche avant de la soulever. Elle est lourde !

Je ferme la porte du placard avant d'aller chercher le papier peint que j'ai acheté un peu plus tôt. En recouvrir tout le mur au niveau du placard me prend trente minutes. Je ne suis pas douée pour le travail manuel. Trente minutes durant lesquelles je ne cesse de penser encore et encore à mes perspectives d'avenir.

Mon avenir n'a jamais été aussi proche. Riccardo n'a pas idée du cadeau qu'il m'a fait en venant au village des pêcheurs avec cette fille.

Pas la moindre idée.

Je me recule pour admirer mon travail. Le mur est intégralement recouvert de papier, personne ne pourra se douter qu'il y a un placard juste derrière. Évidemment, l'odeur de décomposition va rendre la vie difficile au nouveau propriétaire, et ils chercheront logiquement à savoir d'où ça vient, mais je serai déjà loin d'ici là. Et comme toujours, ils ne trouverons absolument rien sur moi.

Je range l'échelle. Avant de nettoyer l'appartement rapidement d'un coup d'aspirateur, je change mes draps et je vaporise du parfum un peu partout.

Une fois terminé, je boucle ma valise après avoir sélectionné une tenue, puis je disparais dans la salle de bain pour une douche rapide.

10 minutes plus tard, je me regarde dans le miroir. Je porte un pantalon de toile noir et une chemise blanche. Je retrousse soigneusement mes manches, veillant à ne faire aucun mauvais pli.

Je consulte la montre que j'ai au poignet. Au même moment, la sonnette retentit. Le propriétaire est pile à l'heure, c'est une qualité que j'apprécie. Je tire ma valise jusqu'au salon avant d'aller lui ouvrir la porte.

– Monsieur McCartney, s'exclame le vieil homme avec un énorme sourire. Je suppose que moi aussi, je dois me montrer enjouée ? Pour être polie comme ils disent. Mes lèvres s'étirent.

– Vous êtes dans les temps, comme toujours, c'est remarquable.

– Vous savez, je suis un vieil homme qui n'a pas grand-chose à faire de ses journées. Les bras croisés dans le dos, il pénètre dans la maison, regardant partout comme pour chercher un anomalie. Ses sourcils se froncent quand il regarde le papier peint, il s'avance et le touche.

Je reste parfaitement de marbre, alors même que l'homme touche exactement l'endroit où se situe le placard, là où reposent les cadavres de la famille de Belluci.

– C'est nouveau, ça ?

Je secoue la tête.

– Non, ça a toujours été là.

Le vieil homme a un petit sursaut et il regarde le papier peint à nouveau. Je sais qu'il souffre de troubles de la mémoire, alors j'en joue. L'homme reste longtemps silencieux, pourtant j'ai l'impression d'entendre les rouages de son cerveau fonctionner à plein régime. Il finit par sourire.

– Je m'en rappelle, c'est une idée de ma femme. Croyez-moi, si ça ne tenait qu'à moi, je ne l'aurais pas mis.

– Elle a bon goût. Je suis un peu pressée.

– Oh oui, bien sûr.

L'homme fait le tour de la maison en vérifiant ici et là que tout est en ordre. Il ne trouvera rien, j'ai pris grand soin de l'appartement. Comme je prend soin de tout ce qui entre en ma possession.

– À ce que je vois, tout est parfait, il nous faudrait plus de locataires comme vous.

Je me force à sourire pour répondre à son éclat de rire. Je lui donne les clés et je refuse poliment la collation.

J'ai un soupir en sortant de l'immeuble. Les interactions sociales ce n'est pas mon truc.

Je jette ma valise dans mon coffre avant de rouler jusqu'à un restaurant dans l'un des quartiers huppés de Rome.

L'homme avec qui j'ai rendez-vous m'attend déjà devant l'entrée. Trop grand, trop musclé. Il porte un pantalon de camouflage et un tee-shirt à manches longues d'un vert militaire.

– Franco, je suis heureux de te rencontrer.

Il tire sur sa cigarette avant de me serrer la main.

– Je n'ai pas beaucoup de temps à t'accorder, Tommaso, et j'espère que ce que tu as à me dire en vaut la peine.

– Je ne me serai pas deplacer si ce n'était pas le cas. Je replique en prenant le même ton condescendant que lui.

– Mon temps est très précieux. Contre toute attente Franco éclate de rire.

– Votre tête à été mise à prix. Vous vous êtes fait un ennemi de taille, la pieuvre en personne. Alors je confirme que le temps qui vous reste à vivre est précieux.

– Je ne compte pas mourir et tu vas m'aider.
– Pourquoi je ferai ça ?

– Je peux t'aider à obtenir quelque chose... non quelqu'un que tu veux plus que tout.  Je t'ai surveillé avec attention pendant que tu étais occupée à suivre Gayle comme un gentil clébard.
Il laisse échapper un juron avant de me saisir brusquement par le col de ma chemise.

– Si vous touchez à un seule de ses cheveux...

– Je ne lui ferai rien, seule Riccardo m'intéresse aide moi à me débarrasser de lui et Gayle sera à toi.

– C'est impossible.

– Ils l'ont vendue à l'organisation du sud.


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