Chapitre 51: L'équilibriste
– Ricky ne sera pas content si tu mets cette robe ! dit Arya en passant la main dans ses cheveux pour les discipliner. Je plisse les yeux en faisant la moue. Elle a raison !
Pour nous détendre, on a décidé d'aller au Point. Si Riccardo y est, je compte bien le rendre fou de désir, lui faire miroiter ce qu'il n'aura plus jamais !
Je hais ce type !
– Dans ce cas ! Je laisse la robe tomber sur le lit de Camille d'un geste théâtral avant d'ouvrir mon sac et de saisir mon deuxième choix. J'enfile une jupe en cuir sombre comme mon soutif, elle est plus courte que la limite autorisée par la décence, un chemisier transparent léger que je noue au-dessus de mon nombril. J'aimerais bien voir sa tête quand il verra le piercing que je me suis fait sur un coup de tête.
J'agrémente mon look de cuissardes qui m'arrivent jusqu'en haut des cuisses.
Je termine mon maquillage d'un trait d'eyeliner et d'une touche de gloss.
– On dirait un mélange détonant entre une prostituée de bas étage et une femme fatale. Je souris à Camille, elle porte une combinaison rouge qui donne l'illusion que le short est une jupe, ses cheveux sombres cascades sur ses épaules et elle a un rouge à lèvres rouge pétant.
– C'est exactement ce que je cherche. Le chat de Camille se met à miauler, attirant notre attention. C'est un Sphinx avec une tache sombre entre les oreilles qu'elle a nommée Apoil. Oui, elle n'a fait aucun effort.
Arya sort du dressing en enfilant des créoles. Elle porte une petite robe grise au dos nu, dévoilant ses jambes interminables.
– Gayle, tu as hésité entre la catin et la lady ?
– Arya, plus personne ne dit "catin", mais ouais, je veux le rendre fou. Elles lèvent le pouce avec un sourire avant de le retourner, me signifiant que c'est une mauvaise idée.
– Je suis la reine des mauvaises idées, je déclare en attachant mes cheveux. Camille ajoute une touche de rouge à lèvres puis elle embrasse le miroir à pieds de sa chambre.
– Je suis magnifique. Pas vrai, à Apoil, que maman est trop belle ? Le sphinx regarde Camille avec ennui avant de continuer à se lécher.
– La réponse est claire !
– Tu peux dire adieu à tes croquettes bio !
***
Contrairement au soir où je m'étais donné en spectacle en embrassant Riccardo, le Point est noir de monde. Toutes les lumières sont allumées, plongeant l'immense pièce dans des nuances rouge, vert, violet et bleu. Sur l'estrade, deux filles dansent autour des barres de pole dance. Je reconnais Maddy, l'une des amies de Cass, et un DJ dans un coin que je reconnais comme étant Bud enflamme la pièce avec de la musique électro.
J'expire entre mes dents alors que la lumière passe au vert, balayant mon visage et ceux de mes deux amies. Arya, comme à son habitude, a son sourire aimable placardé sur le visage, les yeux brillants. La mine de Camilla est aussi affable que celle de Méduse, elle fait bouffer ses cheveux de manière théâtrale, attirant les regards sur elle avant de nous indiquer l'escalier qui mène à la mezzanine en verre.
– Tu sais, Cam, j'ai parfois l'impression que tu es possédée par Narcisse, je déclare en tirant sur le bas de ma jupe.
– Non, je ne suis pas assez bête pour tomber dans l'eau et mourir. Je suis aussi belle qu'intelligente. Que c'est dur d'être moi !
Nous jouons du coude pour traverser la foule. Arya rafle un verre sur le plateau d'une serveuse qui passe à côté d'elle ; elle la fusille du regard, lui signifiant certainement que le verre n'est pas à prendre avant de le récupérer.
– Oops !
Dès l'instant où je suis descendue de la voiture de Camille, je me suis maudite. Ça semblait être une bonne idée, vraiment, mais maintenant j'ai l'impression que quelqu'un enfonce une aiguille dans mes jambes à chaque pas. Les talons de mes cuissardes sont beaucoup trop hauts. Ça fait un mal de chien !
Je résiste à l'envie de me lécher les lèvres pour ne pas ruiner mon gloss.
Dès qu'on arrive en haut, Arya se précipite sur Luca avec un petit cri. Il l'attrape en plein vol alors qu'elle entoure sa taille de ses jambes et ses épaules de ses bras. Camille fait une grimace faussement dégoûtée, mais sa mine s'assombrit quand elle avise la présence de Giovanni. Il est à couper le souffle dans son pantalon de toile et sa chemise bleue, une montre à son poignet. Il détonne parmi tous ces made men, il me fait penser à un avocat de la haute qui passe une soirée tranquille avec ses potentiels clients.
– Putain, je me demande pourquoi il vient toujours ici ! crache Camille, mais si j'en crois la façon dont Giovanni la dévore des yeux, elle est la seule raison de sa présence ici. Je soupire en balayant la pièce du regard : des canapés en cuir blanc sont dispersés ici et là, un bar court tout au long du mur et juste en face, il y a une baie vitrée gigantesque qui donne sur l'île.
Je repère Dante, installé au bar, en pleine conversation avec le barman, un grand tatoué au crâne rasé.
– Viens. Je saisis Camille et on s'avance en direction de mon ami. Dante écarquille les yeux en me voyant, il détaille mes cuissardes puis mon nouveau bijou incrusté avant de sourire.
– Il va te tuer, puis il tuera celui ou celle qui a fait ça, dit-il quand j'arrive à sa hauteur. Je hausse les épaules, faussement désinvolte. En réalité, je ne suis pas aussi courageuse que je veux le faire croire. Ce n'est pas sa réaction à mes vêtements qui m'inquiète, je m'habille comme je veux après tout. Mais la possibilité d'être à nouveau confrontée à lui après tout ce temps me noue l'estomac.
Je ne l'ai pas vu depuis le jour où je suis allée chez lui, il y a une semaine.
Je ne sais pas dans quel état d'esprit il se trouve, j'ai appris par Cass qu'il travaille beaucoup, multipliant les missions pour le compte de l'organisation, et ça m'inquiète. J'ai peur que tout ça soit trop pour sa santé mentale, même si Riccardo a toujours suivi ce rythme effréné.
Tout le monde dans cette foutue organisation semble se reposer sur lui pour nettoyer leurs basses besognes, le meilleur tueur. Le meilleur traqueur, l'ombre qui se cache derrière les murs pour surveiller leurs arrières, mais qui protège l'ombre ? Qui surveille l'ombre, qui se soucie de lui ?
J'aimerais être cette personne, mais comment y arriver s'il ne me laisse même pas l'occasion de m'approcher ?
Devrais-je m'imposer ? Mais au nom de quoi ferais-je ça ? Oui, je suis dingue de lui, je ne vais pas me voiler la face, ni ce qu'il fait aux autres ni ce qu'il m'a fait à moi ne changera ce que je ressens. Mais lui, que ressent-il réellement pour moi ?
Oh, il me désire, ça c'est certain, mais aussi grisant soit le pouvoir que j'ai sur son corps, je veux plus. Je veux être une part de lui, je veux qu'il m'aime.
Mais autant demander à un géant d'être discret.
Je saisis l'un des cocktails bleus que Dante a commandés pour nous. Il est en grande conversation avec Camille, mais je suis tellement prise dans mes pensées que je n'ai rien entendu. Elle enroule une mèche de ses cheveux autour de son doigt en éclatant de rire, c'est tellement rare de la voir si joyeuse que je souris attendrie. C'est étrange comme des gens que je viens à peine de rencontrer sont devenus si importants pour moi. Je ne vois plus ma vie sans eux et j'espère que je compte autant pour eux qu'ils comptent pour moi. Giovanni a des yeux qui brillent quand il les pose sur Camille. Il lui propose d'aller danser et avant qu'elle ne refuse parce que je sens qu'elle va refuser, je la pousse contre lui.
– Elle en sera ravie ! Camille trébuche sur ses talons, heureusement pour elle Giovanni pose ses bras autour d'elle pour la stabiliser, la serrant contre lui. Elle relève la tête en le regardant une fraction de seconde avant de s'éloigner. Camille écarte ses cheveux de son visage. Je rêve ou elle rougit ?
– Tu viens, je n'ai pas que ça à faire. Il a un sourire en coin incroyablement sexy avant de la suivre. Camille me fait un doigt d'honneur et je réponds par un baiser insolent.
– Je t'emprunte ça. Je te rendrai le double plus tard ! déclare Dante en tirant sur un billet coincé dans la culotte d'une stripteaseuse qui passe à côté de nous. Elle lui fait un clin d'œil avant de s'éloigner avec un sourire incroyablement sexy.
– C'est drôle, mais je ne te voyais pas comme le genre de type à te taper les stripteaseuses, je fais remarquer, je suis accoudée au bar, jouant avec ma paille. Dante a un petit rire.
– Et comment tu me vois ?
– Comme le genre de mec adepte des relations sérieuses. Il prend une gorgée de sa bière avant de soupirer.
– C'est le cas, j'aime les relations tranquilles. Mais quand je vois les couples autour de moi, je ne me fais pas d'illusion : un membre de la Cosa Nostra ne pourra jamais avoir une relation dite normale, même un membre comme moi qui s'occupe juste de l'argent et pas du côté sombre.
La conversation que j'avais entendue sur le bateau me revient. Je pense notamment à cette Julie, je crève de curiosité mais, je ne veux pas me montrer indiscrète.
– Les couples autour de toi ? Il hoche la tête et son regard dévie en direction d'Arya et Luca.
– Prenant un exemple simple, ces deux-là par exemple. Leur relation est la chose la plus toxique que je connaisse et crois-moi, j'en connais un rayon sur les relations chaotiques.
– Selon toi, pourquoi ça ne dure jamais longtemps entre eux malgré qu'ils s'aiment ?
– L'espoir.
– L'espoir ?
– Oui, Arya l'aime, mais elle chérit encore plus l'espoir de le débarrasser de sa noirceur, ce qui n'arrivera jamais. Alors à chaque fois, son espoir de voir Luca rentrer dans le droit chemin tombe à ses pieds, mais elle continue de s'acharner. Peut-être que ça marchera un jour. Les relations toxiques sont les plus addictives des drogues, mais leurs effets prennent toujours fin de la pire des façons. Un jour, elle perdra espoir en la rédemption de Luca et quand ce jour arrivera, il n'y aura plus rien.
– C'est moi ou je décèle une pointe d'amertume dans ta voix ? Le beau blond sourit.
– C'est le cas. J'ai aimé une fille une fois, malheureusement elle était comme Arya, attachée à ses valeurs. Je lui ai menti, je me suis fait passer pour un type normal qui mène une vie banale, mais elle a fini par le découvrir et n'a plus rien voulu savoir de moi. Au moins, j'ai réussi à convaincre Riccardo de ne pas la buter parce qu'il avait peur qu'elle aille voir la police.
– Elle voulait le faire ?
– Oui. Et j'ai fini par la tuer
moi-même. J'ai été naïf et elle en savait trop.
J'écarquille les yeux. Mon cœur rate plusieurs battements. Un tel acte de la part de Luca et Riccardo, ça ne m'aurait pas étonné. Mais imaginer Dante tuer quelqu'un, c'est... incroyable ! Ma réaction le fait rire, il pince mon menton entre son pouce et son index en se rapprochant. Il est si proche que je peux distinguer les légères taches de rousseur qui piquent son nez.
– Dans cette pièce, on a tous un peu de sang sur les mains, mais les plus à plaindre d'entre nous sont ceux qui ont ce sang sur la conscience.
– Le sang sur la conscience ?
– Oui, il y a ceux qui vivent toute leur vie avec des regrets d'avoir tué quelqu'un et il y a ceux qui ont tellement tué qu'ils n'en ont plus rien à faire. C'est leur quotidien. Ton ombre est venue.
Un frisson me parcourt l'échine quand je me redresse pour regarder en direction des escaliers.
Mon ombre, comme l'a dit Dante, ressemble en effet à une ombre. Malgré son tee-shirt immaculé, son jean bleu et son pull à capuche, il y a une aura sombre autour de lui. Mes yeux remontent le long de ses jambes interminables, sur ses abdos que le tissu de son tee-shirt dissimule avec peine, avant de s'attarder sur le tatouage tribal que les manches retroussées de son pull laissent apparaître, et de remonter sur la pieuvre monstrueuse à son cou. Je me retourne, m'adossant au bar. Mon ombre a les poings serrés, le regard sombre posé sur moi. Il détaille ma tenue et s'attarde sur mon piercing au nombril, un bijou en or blanc représentant une étoile avec, à son centre, des reflets sombres.
Mon ombre remonte plus haut sur mon chemisier transparent dévoilant mon soutien-gorge en dentelle. Sous son analyse, mes tétons pointent, rendant ma tenue encore plus indécente.
Je saisis mon verre sans me tourner et porte la paille à mes lèvres avec des mouvements lents, au moment où les yeux de mon ombre se braquent sur mon visage. Je lui souris, j'écarte légèrement les jambes avant de les croiser. Il suit mon manège. Quelqu'un le bouscule, s'arrête pour s'excuser, mais il ne semble même pas le remarquer.
Je décide que j'en ai assez de ce jeu de regard et me détourne en posant mon verre sur le bar. Dante est en grande conversation avec la strip-teaseuse. Il l'entraîne d'ailleurs à l'étage.
Me donnant du courage, je saisis un type baraqué qui passe à côté de moi par le poignet et l'entraîne sur la piste. Piste où Camille continue de danser avec Giovanni alors que la musique a changé deux fois depuis qu'il l'a invitée.
Sacrée Camille !
J'entraîne mon compagnon inconnu vers le centre de la piste, l'enceinte retentit avec "Diva" de Beyoncé remixé. Les mains posées sur ma taille, je le laisse me guider. Malgré sa taille, son corps bouge à la perfection contre le mien. Je me laisse aller contre lui, les yeux fermés, mon dos contre son torse. Ses grandes mains descendent sur mon ventre avant d'effleurer mes côtes. Je creuse les hanches, chaloupant de plus en plus vite au rythme de la musique, tout en mettant ce qu'il faut de sensualité dans mes mouvements.
Je rejette la tête en arrière, sur son épaule. Sa main se pose sur ma cuisse à travers ma cuissarde avant de remonter avec lenteur, plus haut. Je ferme les yeux. À cet instant, je suis au bord d'une falaise. Je vais sauter, mais je n'ai ni confiance en moi ni aux éléments. J'ai foi en l'élastique enroulé autour de mon ventre, censé me protéger de tous les dangers. La main de mon compagnon de danse remonte plus haut. Dans mon imagination, je saute de la falaise, je plane dans le vide, et je me sens chuter. Je tombe lourdement, le vent se déchaîne contre moi. Je ne veux pas qu'il touche ma peau nue, tout comme je ne voudrais pas tomber dans le vide...
Soudain, la main au toucher désagréable s'immobilise. L'élastique m'a protégée, comme je l'espérais.
Je sens mon corps se stabiliser alors que celui de l'homme qui dansait avec moi est projeté en arrière.
J'ouvre les yeux en souriant. Je n'ai jamais eu envie de danser avec lui, encore moins qu'il me touche, mais je savais que Riccardo allait intervenir.
Mon ombre se tient devant moi, me dominant de toute sa taille, et il est très en colère, mais ça ne m'intimide pas au contraire c'est grissant de réussir à provoquer une réaction de la part de quelqu'un qui met un point d'honneur à tout garder pour lui.
Alors, monsieur Gaviera, on est trop jaloux pour continuer à jouer les indifférents ?
– Putain Ric, qu'est-ce qui te prend ?
Le démon coule sur mon cavalier un regard, la tête légèrement penchée sur le côté. Si ce geste fait toujours battre mon cœur, les autres le perçoivent pour ce qu'il est : une menace.
Mon cavalier lève le bras en signe de reddition.
– Relax, c'était juste une danse.
Il s'éloigne sans demander son reste, me laissant seule avec Riccardo dans un coin de la piste. Nous sommes les seuls à être immobiles alors que les autres couples se déchaînent. Je remarque que Giovanni a acculé Camille dans un coin du mur avant de reporter mon attention sur Riccardo.
– Ah mince, qu'est-ce que je vais faire sans mon cavalier maintenant, hé beau brun attend.
Je fais mine de poursuivre le mec avec qui je dansais, mais Riccardo me retient avec un juron à faire rougir le diable.
– C'est quoi cette tenue ? Il grogne après quelques minutes à s'affronter du regard.
– Arya dit que c'est un mélange entre une catin et une Lady.
Je penche la tête sur le côté et le saisis par le poignet avant de l'attirer. Je me mets sur la pointe des pieds et murmure contre son oreille :
– Que voudrais-tu que je sois ? Une Lady rougissante ou une catin qui te fait rugir de plaisir ?
Je conclus ma proposition en tirant le lobe de son oreille entre mes dents. Je bouge la jambe pour la presser contre son érection, il lâche un juron et s'éloigne.
– Pedro va te ramener chez toi et s'assurer que tu y restes !
– Si tu veux que je reste chez moi, viens avec moi. Sinon, oublie.
– Ne me pousse pas à bout.
– Sinon quoi ? Je n'ai pas peur de toi !
– Tu...
– Je quoi ? Je suis incroyablement jolie ? Oh, je le sais, merci.
Je fais bouffer mes cheveux, il cligne des yeux.
Luca se manifeste à côté de nous à cet instant. Son regard passe de moi à Riccardo, puis il affiche un grand sourire moqueur en avisant la mine sombre de son ami.
– Salut, poupée. Puis, devenant sérieux, il dit à Riccardo :
– Je crois que j'ai une ombre.
– C'est drôle, moi aussi. Je réplique avec un hochement de tête. Luca fronce les sourcils, incrédule, mais Riccardo comprend. Il fait la moue à mon intention avant de questionner :
– De quoi tu parles ?
– Je n'en suis pas sûr, mais j'ai l'impression que quelqu'un me suit et ça fait quelques jours que ça dure.
Riccardo se raidit, et je comprends pourquoi. Pas plus tard qu'il y a un mois, quelqu'un a mis une bombe sous la voiture de Luca. Quelqu'un en veut à sa vie, et rien ne doit être pris à la légère.
– Tu es sûr ?
– Non, mais j'ai besoin de m'en assurer ce soir. Camille est trop saoule pour m'aider. Gayle, tu pourrais me rendre un service ?
– Camille n'est pas saoule.
Les deux amis arquent un sourcil.
– Tu penses qu'elle laisserait Giovanni la toucher si elle était sobre ? réplique Luca avec un sourire. Bref, Gayle, tu veux bien m'aider ?
– Pas question, demande à Arya. réplique Riccardo en serrant les poings. Je m'avance et me mets entre eux, fixant Luca.
– Je t'écoute.
– J'ai garé ma voiture dans le parking souterrain du club. Tu vas la prendre et rouler. Si mes soupçons sont justes, la personne qui me file, en voyant ma caisse, va sûrement te suivre. Veille à ne pas te montrer dans le rétroviseur. Mais ne t'inquiète pas, Ric et moi serons juste derrière pour nous assurer que tout se passe bien.
– Luca, tu sembles avoir oublié ce qui s'est passé la putain de dernière fois qu'elles se sont approchées de ta bagnole.
– Je n'oublie rien, c'est justement pour ça que je veux faire en sorte que ça s'arrête. Luca passe la main, agacé, sur sa tête. Il a des tresses plaquées et un piercing à la lèvre inférieure. À chaque fois qu'il parle, ses yeux se plissent, et sa peau café brille sous la faible luminosité.
– Je te suis.
Je réponds sans hésitation. Je le fais autant pour lui que pour Arya. Depuis qu'on a essayé de tuer Luca, elle est morte d'inquiétude, et je sais qu'il lui en coûte de me demander ça.
Il aurait certainement voulu faire équipe avec sa copine, mais elle ne veut jamais se mêler à cette partie-là de sa vie.
Je ne peux pas lui en vouloir, mais je me sens tout de même mal pour Luca, maintenant que je sais ce que ça fait quand la personne que vous aimez ne veut pas partager ses ténèbres avec vous.
Je me tourne vers Riccardo, et le prenant au dépourvu, je fais descendre la fermeture de son pull à capuche et le fais glisser loin de son corps.
– Je ne veux pas que tu le fasses.
– Je n'ai pas peur.
– Je sais, et c'est ce qui m'inquiète. Tu ne sais jamais quand il faut fuir !
Je lui arrache le pull d'un mouvement sec et l'enfile avant de ramener la capuche sur la tête. Comme ça, si quelqu'un suit la voiture de Luca, il pensera sûrement que c'est lui derrière le volant.
– Je ne suis pas totalement inconsciente, Riccardo, je tiens à ma vie, mais j'accepte de monter dans cette voiture seulement parce que je suis persuadée que tu seras derrière moi. Tu surveilleras mes arrières. Allons-y.
Il souffle, visiblement pas du tout rassuré, avant de me précéder à travers la foule en direction de l'ascenseur. Après une certaine hésitation, je saisis sa main, incapable de résister, et entrelace nos doigts. Il ne me rend pas mon étreinte, mais tant pis. Nous pénétrons dans l'ascenseur. Le miroir me renvoie mon reflet ; son pull est si grand qu'il couvre ma jupe, et le haut de mes cuissardes disparaît dans le tissu sombre. Je me mordille la lèvre inférieure, nerveuse tout d'un coup. C'est à cet instant que je sens les doigts de Riccardo serrer les miens, je lève la tête pour croiser le regarder, et l'impression que mon cœur se gonfle est immédiate.
***
La voiture de Luca, une Maserati verte. Il me donne les clés avant de s'éloigner.
– Tu ne me feras pas changer d'avis, dis-je avec une pointe de défi dans la voix et dans le regard.
Riccardo finit par flancher, il jette son flingue dans ma direction. J'attrape l'arme en plein vol.
– Si quelque chose tourne mal, ouvre les deux yeux avant d'appuyer sur la gâchette. Après une certaine hésitation, il se dirige vers sa propre voiture, où l'attend son meilleur pote.
Je sens l'excitation s'emparer de moi quand j'ouvre la portière côté conducteur et me glisse à l'intérieur. La bagnole aux banquettes brunes sent le cuir neuf et une autre odeur propre à son propriétaire. Je règle le siège à ma taille avant de boucler la ceinture. Je réajuste ma capuche en démarrant.
Dès que je sors du parking souterrain et m'engage sur l'autoroute, mon téléphone se met à vibrer et "Comte Dracula" apparaît sur l'écran. Je décroche en posant l'appareil sur le tableau de bord.
– Je te manque déjà ? Il grogne, ce n'est pas comme si je m'attendais à une réponse cohérente.
– Tu comptes dire quelque chose ?
– Concentre-toi sur la route. Rien de suspect ? Je regarde dans le rétroviseur : quelques voitures par-ci par-là, des motos, mais rien de vraiment suspect.
– Non, tout semble normal.
– Le pont est à une minute, emprunte-le, ordonne Luca d'un ton calme. Je hoche la tête comme s'il pouvait me voir, puis j'accélère. J'obéis à Luca tout en gardant un œil sur la route à travers le rétroviseur. Alors que ma voiture emprunte le pont presque désert, je vois une moto se détacher de la file de voitures et prendre le pont avec moi. Elle est bientôt suivie par un bolide qui file à toute vitesse, me dépassant jusqu'à ne devenir qu'un point à l'horizon.
Je continue de conduire à une vitesse raisonnable sans prêter attention à la moto derrière moi.
Mais soudain, le conducteur met les gaz jusqu'à ce que le bruit de sa bécane devienne insupportable. Je comprends que, contrairement au conducteur de la voiture grise, il n'a pas l'intention de s'éloigner. Mes yeux se plissent, éblouis par les phares de sa bécane.
– C'est quoi ce bruit ? questionne Riccardo.
– Le bruit de mon âme.
– Putain, Gayle !
– Calme-toi ! J'ai l'impression qu'on me suit. Où êtes-vous ?
– Ne t'inquiète pas, je suis là. Son ton se fait plus rassurant.
– Je sais. Dans un crissement de tôle, la moto qui s'est rapprochée entre en collision avec le pare-chocs de la Maserati de Luca.
Merde ! J'écarquille les yeux, mes cheveux se dressent sur ma nuque. Mon pied s'écrase sur l'accélérateur et je change brusquement de voie en descendant du pont pour prendre une autoroute déserte bordée d'arbres.
Comme je m'en doutais, le motard fait de même.
Les problèmes à l'horizon ! Je serre le volant à m'en faire mal en mâchouillant ma lèvre inférieure. Je regarde dans le rétroviseur, il est assez proche pour que je distingue le flingue qu'il braque dans ma direction.
– Merde, je vais mourir comme 2Pac ! C'est la seule chose qui traverse mes lèvres avant qu'il ne fasse feu. La première balle ricoche sur la carrosserie, la deuxième traverse la vitre arrière pour se loger dans le tableau de bord. Je me mets à zigzaguer sur l'autoroute pour éviter les projectiles.
– Ma putain de bagnole ! hurle Luca, au comble du désespoir. On peut dire qu'il a le sens des priorités, lui.
J'entends Riccardo jurer dans le téléphone. Poussée par l'adrénaline et l'instinct de survie, je passe la vitesse avec fluidité. Une autre détonation retentit, mais elle me manque, allant ricocher sur l'autoroute. Je serre le levier de vitesse et j'accélère encore plus, mettant le plus de distance possible entre moi et mon assaillant. Par le rétroviseur, je vois la voiture de Riccardo qui fonce droit sur la moto.
Dans un bruit assourdissant, la Porsche emboutit la moto. Le conducteur paraît déstabilisé ; il s'attendait sûrement à ce que la voiture nous dépasse, donc il n'a pas fait attention. Un coup de feu retentit, provenant des garçons cette fois. Le motard met les gaz.
Riccardo fait de même et le percute avec plus de force cette fois. Il perd le contrôle de sa moto, qui dérape sur l'autoroute avant de tomber lourdement au sol. Dans un bruit de crissement, elle fait une sorte d'arc de cercle avant de sortir de la route en percutant un arbre. Le conducteur a été éjecté un peu plus loin.
Les mains tremblantes, je ralentis avant d'arrêter la voiture. Je me gare sur le bas-côté et Riccardo me dépasse avant d'aller se garer quelques mètres devant moi.
Mes jambes me soutiennent à peine quand je sors de la Maserati. Je passe une main tremblante sur mon visage et rejoins les garçons qui se dirigent vers le motard.
– Il est mort ? je questionne d'une voix blanche. Riccardo se penche sur lui et lui arrache son casque. Il laisse échapper un cri. Il n'est pas mort, mais il est en très mauvais état. Du sang macule ses cheveux blonds, s'échappe également de sa bouche, et après une telle chute, je n'ai aucun doute qu'il a quelques côtes cassées.
Ses yeux nous fixent à tour de rôle.
Il doit avoir à peine la vingtaine. Il porte un jean usé jusqu'à la corde, un débardeur et une veste en cuir, le tout agrémenté de bottes Timberland.
– Qui es-tu ? Pourquoi tu me suis ? demande Luca en levant le pied. Le bout de sa chaussure plane à quelques centimètres de son cou.
Le motard sourit avant d'éclater de rire. Sa bouche se remplit de sang et il manque de s'étouffer avec.
– Tu peux me tuer si tu veux, mais ça ne changera rien. Ta tête est mise à prix. Ta mort est devenue la condition pour intégrer le club.
– Quel club ?
– Le Club de Vatefairefoutre.com. Son flux de sang augmente et il produit d'étranges gargouillis.
– Putain ! hurle Luca quand ses yeux se voilent.
– C'est certainement un club de motards. Pour son initiation, on lui a demandé de te tuer.
– Mais lequel, Ric ? Ce ne sont pas les clubs de motards qui manquent dans ce pays. Et je ne comprends pas, je n'ai jamais fait de merde avec des motards. Pourquoi s'en prendre à moi ?
Il attire son anneau labial entre ses dents, agacé au plus haut point. Autant Luca est frustré, autant moi je suis fatiguée. Cette petite course-poursuite m'a lessivée et maintenant que l'adrénaline m'a quittée, je sens le froid saisir mes membres. Paradoxalement, la transpiration s'écoule de mon corps.
– Tu t'es débrouillée comme une cheffe, Baby Girl. Luca tend son poing dans ma direction, et je cogne le mien contre le sien sans hésitation.
Riccardo saisit son téléphone et tapote l'écran.
– Tu veux bien la ramener ? J'ai des choses à faire. Et il s'éloigne en direction de sa voiture sans un regard pour moi. Je plisse les yeux avant de soupirer.
– Il n'a rien à faire, hein ? Luca rit.
– Si fuir est une activité, oui, ça l'occupe. Laisse-lui du temps, il a peur de te faire du mal.
– Conduis-moi chez lui, on verra bien comment il va fuir sa propre maison. Je regarde le corps du motard. Qu'allez-vous faire de lui ?
– Rien. Si les flics le trouvent, ils vont certainement conclure à un accident. Viens, on va chercher Arya et Camille.
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