Chapitre 49: Les roses ont des épines
– J'en avais entendu parler, de ce syndrome, mais c'est fascinant de le voir de mes yeux.
Je suis couché sur mon lit dans la maison de vacances, la tête posée sur les jambes d'Arya, les pieds sur ceux de Camille. Arya écarte ses cheveux de son visage en les glissant derrière son oreille avant de reprendre.
– Elle est devenue une marionnette. Un syndrome intéressant. Vous ne trouvez pas que la psychologie humaine est très fascinante ?
Si elle répète encore le mot "syndrome", je crois que je vais me tirer une balle ! Et je ne plaisante qu'à moitié.
– De quel syndrome tu parles, par le diable ! s'agite Camille en fronçant ses sourcils à l'arc parfait.
– Stockholm, je n'ai même pas besoin de préciser, c'est de notoriété publique. Cette pauvre Rebecca est complètement amoureuse de son ravisseur, malgré tout ce qu'il lui a fait. C'est une vibe très Darkromance !
– Rebecca était une vraie salope, crache Camille. Je ne ressens aucune empathie pour elle. Je lui enfonce mon pied dans le ventre.
– Peu importe qui elle était. Crois-moi, elle ne mérite pas ce qui lui est arrivé. Tommaso l'a violée devant moi, c'était... Bref, elle ne le méritait pas, et si elle a vécu ainsi durant un an, je pense qu'elle ne mérite pas non plus ton dédain et ton manque d'empathie.
La reine de glace me lance un regard se voulant coupable avant de faire la moue.
– OK, mère Teresa, mais je t'aurais prévenu, la première chose que Rebecca fera quand elle sera à nouveau elle-même, c'est-à-dire la reine des salopes, c'est essayer de te séparer de Ric.
Pour ça, pas besoin d'aide, le démon s'en sort comme un chef. Il est presque fascinant de le regarder détruire brique par brique tout ce que nous avons essayé de construire, par son simple silence et sa froideur.
Tommaso avait raison finalement, il m'a utilisée pour trouver Rebecca. Maintenant que c'est fait, je ne compte plus.
Je sens quelque chose d'humide sur mon front. En relevant les yeux, je me rends compte qu'Arya a le visage inondé de larmes.
– Arya !
– Quoi ? Je ne suis pas insensible comme vous deux. Vous imaginez ce qu'elle a dû subir ?
Un silence interminable se répand entre nous. Arya se l'imagine, moi, je sais.
– Arrête de pleurer, ordonne Camille, elle va s'en sortir.
– Comment peux-tu affirmer ça ?
– Il le faut. Elle se le doit à elle-même.
Les larmes d'Arya redoublent, je m'écarte avant qu'elle inonde mon visage. Camille la repousse quand elle décide de lui faire un câlin, mais la belle blonde réussit à l'emprisonner, ce qui nous fait rire.
– À l'aide, arrête de me coller ! marmonne Camille, qui réussit finalement à s'échapper de ce trop-plein d'amour.
De la chambre collée à la mienne, on entend Rebecca hurler. Comme je m'en doutais, dès qu'elle a reconnu Riccardo, elle a essayé de le tuer. Tommaso a réussi à la faire détester son amour de jeunesse. Pour elle, Riccardo Gaviera est un monstre. Il lui a fait croire qu'il est le responsable de tous ses malheurs, Dieu sait comment. Elle s'est juré de le tuer, raison pour laquelle Rebecca est attachée depuis deux jours.
Après mon malaise, mes amies ont pris soin de moi. Luca a réussi à dénicher un médecin qui m'a fait une transfusion et a recousu ma blessure. J'ai fait une crise de panique quand j'ai cru qu'il allait tuer le vieil homme, comme l'avait fait Jawad avec le pauvre homme qui s'était occupé de mes blessures à Avignon, mais Luca m'a promis qu'il allait le payer et s'assurer qu'il rentre bien au village.
Je suis allée voir Rebecca une seule fois en deux jours, elle m'a craché au visage, m'accusant de l'avoir éloignée du seul homme qui l'aime vraiment. Elle me fait penser à la petite fille dans L'Exorciste, toujours prête à bondir, à griffer et à mordre. Une vraie furie.
Je suis incapable de rester dans la même pièce qu'elle. Elle me déteste, mais je suis tellement triste que Rebecca ne se rende pas compte que je lui ai rendu un grand service. C'est une femme complètement désemparée et je ne sais pas quoi faire pour l'aider. J'espère sincèrement que, comme Camille l'a décrété, elle va s'en sortir. Elle se le doit à elle-même. Se laisser abattre serait accorder à Tommaso la victoire, et ça, il ne le mérite pas.
Quelqu'un d'autre évite d'être dans la même pièce que moi. Depuis mon retour, Riccardo me fuit comme la peste et nourrit en moi une douleur atroce.
Quand je suis descendue en cuisine le soir après que le médecin ait pris soin de ma blessure, j'ai trouvé que la pièce était dans un bordel monstre, on aurait presque dit qu'un ouragan était passé par là. Quand j'ai posé des questions, le démon est sorti comme s'il avait le diable aux trousses.
C'est Arya qui m'a répondu, disant que c'était l'œuvre de Riccardo, mais quand elle a voulu m'en dire plus, Luca lui a intimé le silence. Je ne l'ai jamais vu être aussi ferme avec elle, d'ailleurs même Arya en était médusée. Résultat : je n'ai jamais su pourquoi Riccardo s'était déchaîné sur la cuisine.
Ni pourquoi il passe son temps à me fuir. La nuit, je l'ai attendu, j'ai espéré qu'il viendrait me rejoindre dans la chambre, au moins pour me poser des questions sur Tommaso, mais non. Il est passé voir Rebecca avant de disparaître.
Mes sentiments n'arrêtent pas d'osciller entre la tristesse, la colère et la résignation. On dirait presque une crise économique avec des périodes de dépression, de récession et de crise avant la reprise d'un nouveau cycle.
– À propos, tu ne nous as pas dit à quoi ressemble Tommaso ? À l'époque où il était le mentor de Luca et de Ric, il ne voulait jamais m'entraîner. Je ne sais pas pourquoi, mais il avait un vrai problème avec les femmes.
Je regarde Camille avant de ronger mon ongle. Je pense au portrait de Joyce Rivens et à ceux de tous les autres. J'espère qu'ils ont tous brûlé, je veux lui ôter la satisfaction de contempler ses victimes enfermées dans un tableau.
– Il a toujours un problème avec les femmes. Il n'est pas d'une beauté à couper le souffle. Mais il a un charisme indéniable.
– Son chirurgien est doué dans ce cas. Avant, il avait un physique avantageux mais un visage banal. J'ai grandi avec des tueurs, mais Tommaso me faisait froid dans le dos. Il me regardait constamment comme s'il me voulait morte ! Déjà à l'époque, il était très poussé sur la religion. Il lâchait des versets bibliques à tout bout de champ. Il ne se passait pas un jour sans que ce type ne parle de rédemption.
Deux coups discrets frappés à la porte font cesser le discours de Camille. Elle s'ouvre sur Dante.
– Baby Girl, tu as de la visite. Il s'écarte pour laisser entrer Monica. Je me lève d'un bond, les yeux écarquillés.
– Surprise ! dit la femme de William en exhibant fièrement le bébé protégé par un gang de tissus. Je me précipite vers elle avec un bruit excité.
– Mon Dieu, un bébé ! Il est magnifique, tout petit et tout rose ! Quand, comment ?
– Il y a 7 jours, j'ai écarté les cuisses en poussant très fort.
Arya se met à pleurer en voyant l'enfant endormi et Camille fait une grimace. Mais je vois bien que même elle est émue.
– On vous laisse, je vais dire à Luca que j'en veux un. Je lève les yeux au ciel alors qu'elles sortent de la chambre.
Monica et moi nous installons sur le lit et elle me permet de prendre le petit garçon.
– Comment tu te sens, Gayle ? Ça a dû être une épreuve terrible.
– J'ai connu pire.
Et c'est vrai. En un sens, Tommaso ne m'a rien fait. Mais je sens qu'il n'en a pas terminé avec moi. Quitter cette maison était beaucoup trop facile. Il prépare quelque chose.
Elle m'observe attentivement avant de déclarer :
– Après ta disparition, j'ai tellement été effrayée que j'en ai perdu les eaux.
– Je suis désolée, Monica. La jeune maman balaie ma phrase d'un mouvement désinvolte de la main.
– Tu ne sais pas à quel point je suis soulagée qu'il soit sorti, de plus, ce n'est pas toi qui m'a fait perdre les eaux, c'est Riccardo et cet idiot de William.
– Riccardo ?
– Hmm, quand nous nous sommes rendu compte que tu étais introuvable, c'était la panique. Les gars ont commencé à te chercher partout mais en vain. Riccardo était à cran, puis il a complètement perdu le contrôle, il a fait une sorte de crise de nerfs, parlant à quelqu'un qui n'existait pas, puis il a commencé à tirer partout. Tu te doutes bien que, saoul comme il était, William, cet imbécile, n'a pas pu faire grand-chose. Cet ivrogne a même été touché en voulant s'interposer entre Riccardo et la bouteille de tequila ! Mais heureusement, Fabio et Max étaient là et ils ont réussi à lui injecter un sédatif.
– Oh.
C'est tout ce que je réussis à dire. Je ne sais pas pourquoi il s'est mis dans cet état, mais ce n'est certainement pas pour moi !
Il passe son temps à m'éviter, c'est comme si je n'existais plus à ses yeux. Mais évidemment, il a tout le temps pour sa très chère Rebecca.
Je n'aime pas être jalouse. Mais comment m'en empêcher ? Je n'ai aucun contrôle sur mes sentiments. À chaque fois que je sais qu'il est à son chevet, j'ai l'impression de bouillonner de l'intérieur.
– Je ne sais pas pourquoi il s'est comporté comme ça, tu as dû avoir très peur.
– J'ai l'habitude des drames. Je suis mariée à William et Fabio est mon beau-fils, ils m'en font voir de toutes les couleurs.
– Comment il s'appelle ? Je suis désireuse de changer de sujet.
– William et moi avons décidé de l'appeler Riccardo.
Je manque de m'étouffer. Quelqu'un tire dans leur maison et ils décident de nommer leur fils en son honneur ? Je suis curieuse à présent de savoir ce qu'ils auraient fait si Riccardo avait mis le feu à leur maison.
Je regarde le bébé joufflu qui suçote son minuscule poing.
– Riccardo... Aussitôt, le garçon ouvre les yeux, ce qui nous fait rire, Monica et moi. Au moins, ce Riccardo-là ne m'ignore pas.
Elle reste encore un peu avec moi avant de prendre congé. Je descends en bas avec elle, je trouve Fabio et Max en train de dévaliser le frigo. Ce dernier est en plein flirt avec Camille qui s'est mise en "mode sensuelle", comme elle le qualifie.
Je les accompagne jusqu'au portail, je suis sur le point de retourner à l'intérieur quand je remarque une camionnette à l'effigie d'une société de livraison garée devant l'entrée. Une jeune femme asiatique en descend, elle porte un tee-shirt bleu et une casquette profondément enfoncée sur son crâne. Elle tient un énorme bouquet de roses rouges.
– Bonjour, vous habitez ici ?
– Oui.
– J'ai une livraison pour Eloise.
– Vous avez fait une erreur, il n'y a pas d'Eloise ici.
La livreuse fronce les sourcils. Je reste à distance prudente, car j'ai peur que ce soit un piège. Elle consulte son carnet en secouant la tête.
– Je suis à la bonne adresse.
Elle me tend le bouquet de roses et me fait signer un registre avant de s'en aller. Je farfouille dans les fleurs jusqu'à trouver une carte.
Être artiste, c'est croire à la vie, et croire à la vie, c'est accepter que la mort est inéluctable.
Le bouquet de roses m'échappe des mains et je ne fais aucun geste pour le ramasser. À la place, je l'envoie valser d'un coup de pied. La carte n'est pas signée, mais je sais que c'est un cadeau de Tommaso. Les garçons l'ont cherché activement, mais il est introuvable. Fourbe comme il est, le contraire m'aurait étonnée.
Je suis persuadée qu'il n'est pas loin et qu'il cherche à me faire payer la perte de sa maison et de son statut de faux dévot.
Je regarde autour de moi avec appréhension avant de retourner à l'intérieur. Je ferme le portail, même si je doute que ça puisse l'arrêter s'il décide de se venger.
– On va sortir manger un truc, tu viens avec nous ? questionne Arya quand je pénètre dans la cuisine.
– Non, je préfère rester ici. Soyez prudentes, Dominguez rôde. Je ne leur parle pas de la carte pour ne pas les inquiéter davantage ; cette semaine a été infernale pour elles.
– J'en fais mon affaire, déclare Camille en soulevant sa robe sombre pour me montrer l'arme coincée sous sa jarretière.
– Et moi, j'ai ma bombe à poivre. À plus tard.
Dès qu'elles partent, je remonte à l'étage. La porte de la chambre de Rebecca est entrebâillée. Je m'avance discrètement et me risque à regarder à l'intérieur. Riccardo est assis sur son lit, lui tenant la main. Elle est profondément endormie ou peut-être sous sédatif. J'avale difficilement ma salive, je crève littéralement de jalousie. Le problème n'est pas qu'il passe tout son temps avec elle ; le problème, c'est qu'il agit comme si je n'existais pas.
Tommaso avait raison, je ne peux m'empêcher de penser. Je ne compte pas pour lui.
Je n'ai jamais compté. Alors, ai-je imaginé tout ce qui s'est passé entre nous ?
Non, je ne peux pas me fier à un être comme Tommaso. C'est un fourbe. Un manipulateur !
Dans ce cas, comment obtenir des réponses si la seule personne capable de m'en fournir ne desserre les lèvres que quand je ne suis pas dans la même pièce que lui ?
Il se lève du lit après avoir remonté les couvertures sur les frêles épaules de Rebecca. Quand il se rend compte de ma présence, il se fige avant de se diriger vers la porte. Je m'écarte pour le laisser passer. Sans un regard pour moi, il se dirige vers les marches.
Je croise les bras sur la poitrine en me mordant la lèvre inférieure. Si un jour on m'avait dit qu'aimer quelqu'un pouvait faire aussi mal, j'aurais mis une armure. Il m'a dit et fait des choses qui m'ont brisé le cœur. Mais son silence risque de me rendre folle. Je n'arrête pas de me demander ce que j'ai fait de mal.
Il s'arrête brusquement à côté de l'escalier.
– Tu as fait du bon boulot, lance Riccardo d'une voix blanche.
La colère explose en moi. Autant son indifférence me blesse, autant ses mots font bouillonner une rage incontrôlable. Il se permet de m'ignorer et décide de me distribuer, pour première parole, des compliments vides de sens. Non, mais pour qui il se prend ?
– Tu es fou de moi ? J'ai fait du bon boulot ? Ça, c'est ce qu'on dit à un jardinier qui a bien tondu la pelouse, c'est ce qu'on dit à un enfant qui a fait ses devoirs. Merde, Riccardo, je n'ai pas fait du bon boulot, j'ai été excellente, et tu aurais su à quel point si tu avais pris ton putain de temps trop précieux pour parler avec moi !
Il ne répond pas, mais au moins, il ne s'enfuit pas comme ce matin. Je suis allée le rejoindre dans sa chambre et il s'est littéralement propulsé hors de la pièce.
– C'est vrai, tu as été parfaite.
– Reste là, Riccardo, je n'ai pas fini. Je commence à en avoir marre de ta façon de faire. Pourquoi tu passes ton temps à me fuir ? Mais enfin, qu'est-ce que je t'ai fait ?
– Tu n'as rien fait, c'est moi. Je n'y arrive pas. On parlera plus tard, d'accord ? Je n'ai pas les idées claires.
On s'est arrêtés au milieu du salon. La maison est calme ; Dante et Luca sont sûrement partis rejoindre les filles pour dîner.
– Tu n'arrives pas à quoi ? Tu sais que tu peux te confier à moi, non ? Silence. Je soupire, agacée, en repoussant les mèches de ma frange sur le côté.
– Où sont les autres ? Il questionne d'un ton monocorde.
– Sortis, je déclare en le regardant sans comprendre. Pendant que j'étais dans les vapes, tout le monde se relayait à mon chevet, sauf lui. Ça m'a blessée. Peut-être est-ce ma faute, j'attends sûrement trop de lui. Mais je n'ai pas rêvé ce qui s'est passé avant. J'aimerais au moins qu'il ait le courage de me dire ce qu'il pense vraiment !
– Nous sommes seuls, dit-il d'un ton monocorde. J'ai l'impression que cette constatation lui fait peur.
– Pendant tout ce temps où j'ai été retenue chez Tommaso, tu sais ce qui m'a donné la force de me battre ? L'espoir. L'espoir de te rendre fier de moi, l'espoir de sortir de là et de te retrouver. Et toi, tu te comportes comme si je n'existais pas, tu mets une barrière entre nous, encore une fois.
Je comble la distance qui nous sépare et lève les yeux pour plonger dans son regard froid.
– Parle-moi. Qu'est-ce qui se passe ? Il me regarde, la tête légèrement penchée sur le côté. Je m'avance encore. J'ai besoin de le toucher, je suis peut-être pathétique, mais il m'a tellement manqué.
– Il n'y a rien à dire, tu as fait un excellent travail. Je tique.
– Alors c'est tout, Riccardo ? Au cas où tu ne l'aurais pas remarqué, je sais que je me suis débrouillée comme une cheffe, épargne-moi tes compliments vides de sens. Ce que je veux savoir, c'est pourquoi tu passes ton temps à me fuir ?
– Putain, Gayle, je ne te dois rien. Ce n'est pas parce que j'ai glissé mes doigts en toi que tu dois t'imaginer qu'il y a quoi que ce soit entre nous.
– Je ne suis pas aveugle, je sais qu'il y a bien plus que ça entre nous, Riccardo je...
Il recule en levant une main pour intimer le silence. Il devine ce que je veux lui avouer, il a toujours réussi à lire en moi avec une facilité déconcertante. Mais moi, j'en suis incapable.
– Ne termine pas ta phrase, je ne veux jamais entendre ces mots, ça n'a absolument aucune importance. La seule femme qui m'intéresse est à l'étage.
Il aurait plongé mon cœur dans de l'acide que ça n'aurait pas fait autant de mal, je ravale mes larmes et lève le menton.
– Alors, je n'étais qu'un jeu, un passe-temps en attendant ta chère Rebecca ?
– Je te l'ai déjà dit, tout est un jeu pour moi, toi plus qu'autre chose.
À une époque, j'aurais sûrement pleuré avant de m'enfuir. Mais je ne suis plus la même fille.
L'inspiration que je prends pour me calmer ne me sert à rien, elle ne m'empêche pas de lui flanquer une gifle monumentale. Sa tête bascule sur le côté, sous la force de l'impact. Riccardo se masse, mais pas la joue, il se masse la tempe comme s'il voulait faire passer une migraine. Son regard est trouble, injecté de sang.
Une alarme s'allume dans ma tête, m'ordonnant de fuir. Mais je ne l'écoute pas.
– Tu me prends vraiment pour une idiote ? Tu penses que je vais croire ça ? Je ne suis pas aveugle, je sais que je te plais, même toi tu ne peux pas être un si bon comédien.
– Oui, c'est vrai, je te désire. Mais ça n'ira jamais plus loin. Je voulais juste te baiser et te jeter comme je l'ai toujours fait.
J'enfonce mes dents dans mes lèvres. Cette fois, il attrape ma main en plein vol et me pousse contre le mur.
– Ne t'avise pas de recommencer ça !
– Sinon quoi ? Sa main s'enroule autour de mon cou et tout son corps se plaque contre le mien.
– Tu n'as pas la moindre idée des batailles que je mène. Je me bats chaque putain de jour pour garder le contrôle. Ne me pousse pas à bout. Je dois y aller.
– Alors c'est ça ? Quand ça ne va pas, il n'y a pas de place pour moi ? Je ne veux pas que tu partes. Que dois-tu contrôler ? Comment veux-tu que je te comprenne si tu ne me parles pas ?
Je porte la main à sa joue et colle mon front au sien. Ma voix s'est adoucie quand je déclare :
– Nous sommes une équipe, toi et moi, et un coéquipier sert aussi de confident.
Je me mets sur la pointe des pieds, enroulant une main autour de ses larges épaules. Mes lèvres effleurent la peau de ses joues avec douceur. Sa barbe de plusieurs jours me pique légèrement, mais j'adore ça. Ma bouche dévie pour effleurer son nez, son front. Riccardo pousse un son presque désespéré. Sa main libère mon cou, et il descend plus bas, empoignant mes fesses. Il me soulève sans effort, mes jambes s'enroulent autour de ses hanches.
– Putain, tu m'as tellement manqué. Il l'a murmuré contre mon cou, comme s'il ne voulait pas que je l'entende.
Mais quand je tente de sceller mes lèvres aux siennes, il s'écarte.
– Pas de ça ! Il grogne en glissant la main entre nous, sur mon ventre, entre mes cuisses. Il effleure ma culotte avant de l'écarter sur le côté. Aussitôt, deux doigts me pénètrent, je ferme les paupières en poussant un long gémissement. Ma tête bascule sur son épaule et mes dents se plantent dans sa chair.
Putain, comment est-on passé d'une conversation enflammée à ça ?
– Non, regarde-moi, regarde-moi t'utiliser comme un vulgaire objet sexuel. Je vais te baiser fort, en pensant à une autre femme, c'est ça que tu veux ?
– Pour quelqu'un qui est décidé à me faire du mal, tu sembles très concerné par ce que je veux.
Il recourbe un doigt en dépliant l'autre, puis il recommence le manège plusieurs fois avant de toucher mon clitoris. Je tremble, mais je refuse de le regarder. À la place, je dis sur le même ton qu'il a utilisé pour me blesser.
– Si je te regarde, tu ne verras qu'une seule chose, le désir que je ressens pour Dante. C'est ça que tu veux ?
Mes mots ne le touchent pas et les siens non plus. On le sait tous les deux, on se ment pour se blesser. Nos corps, eux, disent la vérité. Il lèche le lobe de mon oreille avant de me regarder comme s'il ne comprenait pas d'où je sortais. Honnêtement, moi non plus, je ne me comprends pas parfois. Comment je peux le laisser me toucher après ce qu'il vient de dire ? Où est passé mon amour-propre ?
D'elle-même, ma main descend sur son torse. Je caresse son ventre avant de la glisser dans son jogging. Un grognement fait trembler sa poitrine quand je sillonne son impressionnante érection à travers son boxer.
– C'est de la folie, je n'ai rien de bien à t'offrir...
– Chut.
Je refuse toujours de le regarder, j'ai peur de flancher, je ne veux pas qu'il voie à quel point je suis démunie face à lui. Riccardo a le pouvoir de faire de moi une femme forte et en même temps une créature pétrie de douleur, faible. J'écarte son boxer et nous soupirons tous les deux quand j'entre en contact avec sa peau bandée. Il est énorme, brûlant, palpitant dans ma paume. De la pulpe de mon pouce, je fais le tour de son gland.
– Je veux te sentir en moi. Je souffle en posant mon front contre le sien, mes doigts glissant dans ses cheveux, les paupières tellement serrées que c'en est douloureux. Il se crispe, je crois qu'il va me repousser, mais il retire ses doigts de mon intimité et me soulève avant de m'abaisser sur son membre. Je sens son morceau de métal frotter contre mon ouverture, sans me laisser un temps de réflexion, il me pénètre d'un coup de toute sa longueur turgescente.
Un long râle lui échappe, faisant vibrer son large torse. Ma tête bascule en arrière, rencontrant le mur. J'enserre sa taille avec mes jambes, son sexe est si comprimé par le mien que je sens chacune de ses palpitations.
– Merde... Grommelle Riccardo d'une voix éraillée. Je me cambre et il s'enfonce entièrement, putain il est énorme. Je me mets à trembler, mes mains fermement arrimées autour de son cou. Il pose le front sur le mur, le souffle haché, tenant mes cuisses tellement fort qu'il me laissera des marques. Il se retire avant de s'enfoncer en moi si ardemment que je remonte haut contre le mur. Je sens mon ventre se faire lécher par les flammes ardentes, mon humidité se décuple. Il pose une main sur le mur près de ma tête et me pénètre, ses hanches butent contre mes reins. À chaque coup de rein, son pubis frotte contre mon clitoris, m'arrachant des bruits de gorge. J'écarte les cuisses tout en serrant mes parois autour de sa verge.
Je baisse les yeux pour voir son membre être aspiré par mon vagin. Il y a quelque chose d'obscène, de terriblement excitant dans le fait d'être entièrement habillée à l'exception de cette partie de notre anatomie.
– Ahh merde, c'est ça que tu veux ?... Bordel... c'est trop bon. Il se retire lentement, effleure mon clitoris de son gland palpitant, gorgé de sang, avant de revenir en moi avec une lenteur calculée. On se met à trembler comme des feuilles.
– Riccardo ! Je remue légèrement, et il vient en moi plus profondément. Riccardo jure entre ses dents. Son sexe à la taille monstrueuse m'écartèle, il me comble, son anneau en métal touchant un point sensible en moi. Une chaleur suffocante se diffuse à l'endroit où nos deux corps se rencontrent.
Je halète en enfonçant mes ongles dans ses épaules. Il change d'angle, me pénétrant plus intensément. Ses poussées s'affermissent, s'accélèrent.
– Merde. Je lâche, alors que ma tête va se perdre dans son cou. Je lèche sa peau couverte de transpiration avant de le mordre. Un grognement guttural franchit ses lèvres alors qu'il rejette la tête en arrière, permettant à mes dents de l'explorer autant que je le désire.
– Regarde-moi. Ruiner ta chatte. Bordel, c'est tout ce que je peux t'offrir ! A chaque mots il s'enfonce en moi plus brutalement.
A cet instant il commet la bêtise de me regarder, ses yeux à la noirceur de d'ébène ne me quittent pas, je le sens transperce mon âme, s'attendant que j'obéisse à ses ordres, ce que je fais malgret tous mes efforts.
J'ouvre les yeux en croisant son regard troublé. Quelque chose explose en moi, ma lèvre inférieure se met à trembler, et des larmes dévalent sur mes joues.
– Je taime Riccardo. Son regard se trouble, puis il le détourne, il se retire de moi avant de me repousser.
– Je t'ai dis que que je ne voulais pas entendre ça. Il remonte son pantalon sur son sexe gorgée de désir en se passant une main sur le visage. Je suis blessé, je me sens exposé mais je ne me laisse pas impressionnée par sa carapace.
– Pourquoi avoir ouvert le feu chez William, pourquoi as-tu détruit la cuisine, les médicaments que tu prends c'est pourquoi ? Pourquoi tu ne me dis jamais rien ?
Il tic avant de lâcher un juron, il son regard se trouble, il m'observe comme si je suis une apparition. Riccardo recule avant de se diriger vers la sortie, je suis bien décidé à obtenir des réponses à mes questions. Il n'est pas question qu'il s'en aille comme ça je commence à en avoir marre de vivre dans le noire le plus complet.
– Arrête de me suivre, bordel, arrête de hurler, arrête de me regarder comme si tu me hais. Il s'arrête à côté de la piscine et balance l'un des sièges à l'intérieur ; il est bientôt suivi par la table, le parasol et tout ce qui lui tombe sous la main.
Je sursaute, je ne l'ai jamais vu comme ça. Riccardo est toujours d'un calme effrayant.
– Pourquoi ton sourire s'efface-t-il quand j'entre dans une pièce ? Pourquoi, dès que je suis dans les parages, tu es en colère ? Je ne t'ai jamais rien fait, putain !
Je regarde autour de moi sans comprendre, mais bon sang, à qui il parle ? Il semble complètement défoncé, une alarme s'allume dans ma tête ; une part rationnelle de moi me demande de foutre le camp, de fuir le plus loin possible, mais je ne l'écoute pas. Je m'avance vers Riccardo, mes pieds foulant l'herbe près de la piscine. Il continue sa litanie, et sa voix est de plus en plus grave.
– Riccardo. Je pose une main tremblante sur son épaule, il se retourne comme si je l'avais brûlé ; ses yeux ont viré au rouge et son visage est couvert de sueur. Une veine est apparue sur sa tempe et sa poitrine monte et descend à un rythme effréné.
– Ric... Sa main s'enroule autour de mon cou.
– Ferme-la, je ne veux plus t'entendre, je ne veux plus jamais voir ton regard rempli de haine et de dédain. Je ne veux plus entendre cette voix dont le seul but est de me blesser. Tu dois mourir pour que je n'aie plus jamais à t'entendre.
Il resserre sa prise, y mettant tellement de force que mes pieds décollent du sol. Surprise par le regard plein de haine qu'il pose sur moi, je ne bouge pas. J'ai vu Riccardo tuer deux personnes et en torturer une autre. Pourtant, il n'avait pas autant de colère en lui. Il était calme, maître de lui. Là, je suis face à une bête déchaînée dont le regard injecté de sang me promet une mort rapide et douloureuse. Il ne m'a jamais considéré avec autant de rage.
Mon corps, poussé par l'adrénaline, se met en alerte. Je pose la main sur la sienne pour essayer de desserrer l'étreinte de ses doigts. Ses muscles sont tellement bondés que des veines y sont apparues. Je balance mes jambes en avant et réussis à les enrouler autour de sa taille. Je le pousse, et je réussis à le faire tomber sur l'herbe. Sa prise se desserre, et j'en profite pour lui envoyer mon pied dans le visage. Il grogne alors que son nez se met à saigner.
Je commence à ramper loin de lui, mais il me retient par le pied et me retourne sur le dos. J'ai le temps de voir la lame qui brille sous la lueur de la pleine lune et des lampadaires. Cette fois, ma panique monte en flèche, rendant mes mouvements saccadés, désespérés. Je le frappe plusieurs fois au visage. Sans succès.
– Riccardo, qu'est-ce qui te prend ?
– Bordel, ferme-la, je ne supporte pas ta voix ! Il éructe d'un ton plein de haine. Il saisit ma main gauche et la plaque sur l'herbe. Je pousse un hurlement quand il me maintient par le poignet et enfonce profondément la lame de son couteau dans ma paume, clouant ma main au sol. La douleur me transperce ; elle remonte le long de mon bras avant de se répandre dans mon corps. Elle n'est que physique.
Je commence à en avoir l'habitude. Mais ce que je ressens au fond de moi en voyant l'air satisfait de Riccardo Gaviera est insoutenable. J'ai l'impression d'être en face d'un inconnu. Un inconnu qui a les traits de la personne qui m'est chère.
Il sort un nouveau couteau et fait subir le même sort à mon autre main. Je suis incapable de bouger. J'ai mal, j'ai le cœur brisé.
– Maintenant tu arrêtes de rire, tu vas arrêter de rire, tu vas arrêter de me rabaisser. Je ne suis pas fou, putain, je ne le suis pas. J'éclate en sanglots ; mon cœur se brise en mille morceaux quand je vois le vrai visage de l'homme dont je suis tombée amoureuse. Il a levé la barrière ; c'est un monstre assoiffé de sang.
– Arrête, je t'ai dit d'arrêter de rire ! Il saisit mon cou à deux mains et frappe ma tête sur l'herbe. Mes sanglots redoublent à mesure qu'il me serre le cou de plus en plus fort. J'inspire, mais rien, l'air refuse de pénétrer dans mes poumons, je n'ai plus aucune force. Je pleure de plus en plus fort. Je n'entends même plus les mots que débite Riccardo, les yeux remplis de haine à mesure qu'il serre mon cou, rêvant sûrement de le briser. Je me suis inquiétée à cause de Tommaso et de tous les autres sans faire attention au danger qui était à quelques mètres de moi.
Il serre, m'empêchant de respirer. Il serre, me privant de mes forces. Il serre, me privant de mes illusions. Il serre, et tout devient clair mais noir en même temps. Je commence à comprendre certaines choses, mais en même temps, je ne comprends absolument rien. Je vais mourir de la main de celui que je commence à considérer comme mon compagnon. Peut-on faire plus pathétique ?
– Démon, je t'en prie...
– Non, non, putain, arrête de dire ça, je ne suis pas une malédiction, je ne suis pas... Merde, va te faire voir, vieille sorcière.
Il soulève mon corps jusqu'à ce que tout mon dos se décolle de l'herbe, puis il frappe, une fois, deux fois. Mes paupières s'abaissent... La seconde d'après, l'étau qui serrait mon cou a disparu. J'ouvre les yeux et je prends une grande inspiration brûlante. J'entends une voix ; je reconnais Luca, mais je ne lui prête pas attention. La nausée me submerge. Je tire sur ma main, la décollant de l'herbe, emportant le couteau avec moi.
Je me retourne juste à temps pour me mettre à vomir. Luca pousse un juron et il s'accroupit derrière moi. Je pousse un hurlement hystérique quand il tente de me toucher. Le temps de libérer mon autre main, je me lève et m'éloigne de lui. Je n'ai pas fait deux pas que des spasmes secouent mon corps à nouveau. Je me courbe en deux et rends le contenu de mon estomac.
À bout de souffle, je tire sur les lames pour les déloger de ma chair, le sang gicle. Je titube le plus loin possible de Luca. Riccardo n'est plus qu'une masse inerte, couchée sur l'herbe. Son meilleur ami a dû l'assommer.
Riccardo Gaviera a essayé de me tuer !
Ma crise de larmes augmente. La dernière fois que j'ai eu aussi mal, c'est quand Jawad a servi la tête de maman sur un plateau, ses yeux remplacés par des dahlias, et que Leblanc mangeait une partie de sa chair devant moi.
– Gayle, écoute-moi, arrête-toi, tu perds beaucoup trop de sang.
– Ne t'approche pas de moi, Luca ! Je titube loin de lui. Je suis dangereusement proche de la piscine.
Luca, avec un juron, réussit à me rattraper. Il me donne un coup à la nuque ; le reste se passe dans un brouillard.
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