Chapitre 37: Sous l'intimité des étoiles

Je suis réveillée par un son que j'identifie comme des sifflements répétitifs provenant de quelque part. Je me roule sur le ventre en ramenant les couvertures sur moi.

– Tu pourrais avoir la décence de faire moins de bruit, j'essaie de dormir. J'enserre l'oreiller qui sent le citron dans l'espoir de retrouver les bras salvateurs de Morphée. Mais peine perdue avec tout le bruit que fait le démon.

– Salut princesse. Fatiguée par quelques coups de balai ? Je me redresse comme un petit soldat, puis la mémoire me revient : le bateau, le ménage, et encore le ménage. Il appelle ça avec désinvolture "quelques coups de balai" alors qu'il m'a fallu trois heures pour venir à bout de la crasse ?

Riccardo se tient accroupi devant sa valise, torse nu, une serviette nouée autour des hanches. Ma mâchoire se décroche, surprise par le spectacle qu'il offre, puis je secoue la tête en regardant partout sauf dans sa direction, mais mes yeux, ces traîtres, reviennent constamment sur lui et son corps sculpté dans le granit.

– Tu as fait un excellent travail. Je l'ignore le temps de saisir la bouteille d'eau sur la table de chevet, je bois goulûment.

– Tes amis et toi êtes des porcs, c'est inadmissible, la moindre des choses aurait été de ranger derrière vous ou au moins de faire appel à une équipe.

Il se lève en tenant dans sa main des vêtements soigneusement pliés puis il laisse tomber sa serviette. Ma mâchoire se décroche à nouveau, je détourne rapidement les yeux.

Seigneur ! Ça n'a duré qu'une fraction de seconde, mais j'ai eu le temps de voir son tatouage et l'anneau qui brille sur son... Je secoue la tête.

– Préviens avant de faire des choses comme ça ! À présent, il a enfilé un boxer et remonte son jean bleu délavé sur ses jambes musclées. Pourquoi faut-il que les pires personnes soient aussi parfaites physiquement ? Pas une once de graisse, des muscles parfaitement définis, des abdos en béton sur une peau hâlée et ces tatouages... Je me passe la langue sur ma lèvre soudain sèche. Attendez une minute, pourquoi est-il là ? Il n'est pas question que je partage la cabine avec lui, je n'ai aucune confiance en mon corps quand il est dans les parages.

– Petite serveuse... grommelle Riccardo. Je lève les yeux dans sa direction, il a enfilé une chemise mais ne l'a pas encore boutonnée, il pose ses mains sur le lit et s'avance jusqu'à moi, ses bras de part et d'autre de mes genoux. Dans son mouvement, son bas-ventre se contracte, mettant en avant ses abdos. Le bout de ma langue passe inconsciemment sur ma lèvre supérieure. Pourquoi je n'arrête pas de m'imaginer ce bas-ventre se contracter alors qu'il entre en moi en empoignant mes cheveux ? Je me tortille sur le lit, mes paupières s'alourdissent, je suis hypnotisée au point que je n'arrive pas à détourner le regard. Même respirer me demande des efforts. J'ai l'impression d'être constamment en apnée en sa compagnie.

–... Tes yeux sont luisants de désir, ta lèvre tremble et tes tétons pointent.

À présent, je suis cramoisie. Il joue avec moi comme un chat avec une souris. Sans même qu'il pose la main sur ma peau, il déclenche en moi des réactions incontrôlables, mes muscles intimes se contractent dans le vide et ma respiration s'alourdit.

– J'ai froid. Je me défends en croisant les bras mais c'est un mensonge et on le sait tous les deux, d'autant plus que le radiateur est allumé.

– Le plus drôle, c'est que tu ne remarques même pas les réactions de ton corps. Là, tu serres les cuisses. Il baisse les yeux sur mes jambes avant de rouler sur le côté. D'un geste souple, il est debout et se dirige vers la sortie.

Je lui fais un doigt d'honneur, pour toute réaction Riccardo sourit, le regard brillant. Il remonte sur le lit et saisit ma main.
– Voyant ce que je peu faire de ce doigt insolent.

– Laisse-moi tranquille. Ma voix n'est qu'un souffle et plutôt que de m'éloigner, je me suis imperceptiblement rapprochée de lui, comme si mon corps était incapable de résister à l'attraction. C'est le cas, pourquoi continuer à me voiler la face ?

Riccardo écarte mes jambes d'un mouvement souple et se place entre elles, il glisse mon doigt dans la chaleur de sa bouche. Mon souffle se bloque dans ma poitrine quand il se met à le sucer.

Il tire sur mes jambes et je me retrouve couchée sous lui.

– Je me suis toujours demandé à quoi tu ressemblais en atteignant le paroxysme. Mes muscles intimes se contractent dans le vide au son de sa voix enrouée. Cette fois, je sens même une chaleur liquide inonder ma culotte. Je suis maudite, ce n'est pas possible autrement.

Riccardo mordille mon téton à travers mon débardeur, avant d'écarter le tissu et de glisser mon bourgeon érigé entre ses lèvres. Mon dos se cambre et mes jambes se crispent autour de ses hanches, jamais de ma vie je n'ai eu autant envie qu'un homme me touche, c'est presque vital.

Il me débarrasse précipitamment de mon jogging et je reste devant lui en culotte de dentelle rouge, débardeur et chaussettes, certainement pas le tableau le plus sexy, mais son regard affamé me donne l'impression d'être la femme la plus désirable de l'univers. De son doigt, il suit la ligne de ma mâchoire, mon nez, avant de faire le tour de mes lèvres frémissantes. Il descend plus bas, suivant mon cou, son regard est concentré, sombre...

– Tu es trop belle pour ce monde, dit-il d'une voix grave sans arrêter les caresses lascives de son doigt.

– Dis-moi d'arrêter, demande-moi de ne pas souiller ton corps avec mes mains souiller de sang.

– Ne me touche pas.

Je tire le bas de sa chemise pour l'attirer plus près, ses lèvres rencontrent les miennes pour un baiser affamé. Le bout de sa langue titille ma lèvre inférieure, le besoin explose en moi quand elle est remplacée par ses dents.

Un son rauque lui échappe quand il réajuste la position et que son érection se place contre le cœur de mon intimité.

– Je peux sentir à quel point tu as envie de moi.

Il soulève ma jambe et bute contre moi, ma tête retombe sur l'oreiller en même temps qu'un gémissement franchit mes lèvres. Putain, c'est tellement bon... Il halète contre mon cou en se frottant contre mon sexe humide. Je sens son gland à travers son boxer qui appuie contre mon ouverture, il suffirait qu'il écarte ma culotte et il...

– Riccar... je ne sais même pas pourquoi je l'appelle, mais il se crispe au-dessus de moi et roule sur le côté avant de glisser hors du lit. Je le regarde, le souffle court, se passer une main tremblante sur le visage. Il essaye de fermer son jean, mais son érection est si imposante qu'il abandonne avec un juron.

– Je ne peux pas faire ça, pas avant de t'avoir dit la vérité, je ne suis pas ce que tu espères.

– Ce que j'espère ?

Il l'a dit d'une voix méconnaissable sans me regarder, son ton est presque désespéré. Je ne l'ai jamais vu aussi vulnérable qu'en cet instant.

C'est comme s'il attendait quelque chose de moi, mais en même temps, il pense ne pas le mériter.

Riccardo se dirige vers la porte comme s'il avait le diable aux trousses, sans prendre la peine de boutonner sa chemise et son jean.

– Viens me rejoindre sur le pont, c'est moi qui m'occupe du dîner.

Ce n'est que quand la porte de la cabine se referme derrière lui que je peux enfin respirer.

Que vient-il de se passer ?

***

Le démon s'est installé dans un coin du salon réservé au repas. À la place d'une table et de sièges basiques, il y a deux banquettes qui se font face, au centre une table rectangulaire sur laquelle est posé un gril électrique, des plats contenant des légumes ainsi que des boissons. Je suis soudain prise de timidité et je décide de retourner dans la cabine et dire que je suis malade à cause des détergents que j'ai utilisés pour nettoyer le bateau. Mais c'est sans compter ma chance légendaire : je fais tomber mon téléphone dans ma hâte. Je ferme les paupières brièvement en jurant avant de me pencher pour le ramasser.

Je prends mon courage à deux mains et m'avance vers lui.

Riccardo détaille ma tenue avant de se passer la pointe de sa langue sur sa lèvre. Mon envie de fuir redouble : il a cette façon bien à lui de me dévorer des yeux, comme si tout était possible et en même temps inaccessible.

J'ai enfilé une robe verte, dont les bretelles reposent sur mes épaules. Le tissu épouse la forme de ma poitrine généreuse et ma taille fine avant de cascader jusqu'à mes pieds. J'ai également passé un coup de lisseur à mes cheveux courts pour redéfinir la frange. J'ai agrémenté le tout de créoles en argent et je me suis légèrement maquillée.

J'ai un sourire aguicheur. Il peut bien jouer les durs, mais je suis consciente de mes charmes et surtout, je sais que mes charmes ne le laissent pas complètement indifférent.

Il saisit une coupe de champagne sur la table et s'avance vers moi.

– Tu es là, tu es...

– Affamé... je me dépêche de compléter avant de prendre la coupe. Il pose un doigt sur mes lèvres et les appuie. Pendant une fraction de seconde, le temps se suspend. Je sens mon cœur battre de plus en plus fort et une douce chaleur se répandre dans mon ventre. Je suis happée, déstabilisée par l'intensité de ses yeux sombres.

Si ça continue comme ça, je ne passerai pas la nuit...

Prenant une grande inspiration, je finis par déclarer pour éloigner les pensées érotiques de mon esprit :

– Tu as prévu quoi pour le dîner ?

Il caresse une dernière fois ma lèvre avant de se retourner.

– Côtelette d'agneau.

– Je suis impressionnée que tu saches cuisiner.

– Je suis un Gaviera, nous sommes pleins de surprises.

– Dante a dit exactement la même chose.

Je me laisse tomber sur la banquette, une lueur passe dans son regard suivie d'un haussement de sourcils.

– Je n'ai pas envie de parler de Dante !

OK ? Je me concentre sur ce qu'il y a sur la petite table, optant pour un changement de sujet. Juste une fois, j'aimerais avoir une soirée tranquille avec lui.

Il y a de la purée de pommes de terre, des haricots et de la salade et, clou du spectacle, une viande marinée pas encore cuite.

Je le regarde par-dessus le barbecue électrique.

– Ton dîner est incomplet ! Sa légèreté étant revenue, il se pince les lèvres en se retenant de rire.

– Je me suis dit que tu voudrais donner un coup de main, faire ta viande toute seule comme dans les restaurants asiatiques.

– Tu n'es pas croyable, Riccardo. Après le ménage que tu m'as réservé, tu aurais au moins pu faire un dîner... complet !

– J'ai fait de la purée.

Il se défend en levant un doigt, puis il saisit une cuillère et prend une quantité suffisante de purée qu'il porte à mes lèvres. Je le regarde avec hésitation avant de me pencher pour en prendre une grande bouchée.

– 50 % de beurre et 50 % de crème fraîche.

Déclare le grand diable comme s'il se trouvait dans MasterChef. Je suis d'abord tentée de lui dire que sa purée est horrible juste pour faire retomber son ego, mais je suis incapable d'être aussi fourbe.

– Elle est vraiment trop bonne, tu es sûr que c'est toi qui l'as faite ?

– Tu ignores tout de mes talents. Si je me dévoile dans mon intégralité, tu risques de tomber amoureuse.

Je lève les yeux au ciel, on se réinstalle sur nos banquettes respectives et il allume la grille. Je n'arrive pas à croire que je suis en train de dîner en tête à tête avec Riccardo Gaviera. Bon, techniquement, c'est la deuxième fois si on compte notre dîner à Rome, mais c'était purement professionnel. On travaille ensemble, on est constamment ensemble, donc ça n'a rien de romantique. Dans ce cas, pourquoi je me sens comme ça ? Je me sens bien avec lui et j'aimerais n'être nulle part ailleurs. J'aimerais que ce moment s'éternise...

Mon cerveau est en train de romantiser une situation qui ne l'est pas du tout. Mon regard se pose sur ses grandes mains.

Les mains de Riccardo, ces mêmes mains qui sont en train de manipuler les fourchettes pour poser la viande sur la grille, ont brisé un homme sous mes yeux. Il a transformé Bellucci en un moins que rien, mais ces mêmes mains m'ont touchée avec délicatesse, comme si j'étais un bien trop fragile pour être manipulé avec rudesse.

Ses belles mains viriles sont capables des pires atrocités. Alors comment puis-je rester assise devant lui en toute sérénité ? Je ne lui ai pas menti dans la voiture quand je lui ai confié que je n'avais pas été effrayée par lui après ce que j'ai vu au sous-sol. J'irais même plus loin en étant honnête : je me sens en sécurité avec lui.

Je n'ai jamais fait d'analyse psychologique, mais je commence à croire que je ne suis pas tout à fait normale. Si ?

– Que voulais-tu me dire ?

Il se rembrunit. Je porte la coupe à mes lèvres pour me rendre compte que ce n'est pas du champagne mais du Red Bull.

– Plus tard, je veux profiter d'une soirée tranquille.

Pour une fois, on est sur la même longueur d'onde. Ça se fête, non ?

J'acquiesce. Même si je suis dévorée par la curiosité, je peux attendre la fin du dîner. Surtout, je meurs d'envie de lui poser des questions sur sa mère. Comment est-ce possible que l'ex-femme de la Pieuvre se retrouve à tenir un stand sur la place publique ?

Je sais que Riccardo peut se montrer violent, mais de là à mettre sa mère dans cet état ? Une chose est sûre, elle le déteste, c'était palpable à sa façon de le regarder. Son attitude a confirmé ce que Cass et Tara m'ont confié. Est-ce à cause de ce qu'il lui a fait ?

Je l'observe s'occuper de la grillade en me mordillant le doigt.

Depuis quand espionne-t-il sa mère ?

Je ne comprends rien à cette histoire. Mais autant il y avait de la haine dans le regard de sa mère, autant ses yeux à lui étaient remplis de détresse. Il m'a fait penser à un petit garçon malheureux... enfermé dans le corps d'un adulte tourmenté et avide de réponses.

Peu importe ce que nous pouvons gagner en grandissant, rien ne remplacera jamais l'amour des parents. Et grandir en sachant que nous ne sommes qu'une arme pour notre père, et que notre mère n'a jamais voulu de nous sans jamais connaître ses raisons...

Si tant est qu'il y ait des raisons à la haine et au rejet.

Une larme roule sur ma joue, je la nettoie discrètement et sans même m'en rendre compte, je suis déjà debout. Je contourne la table sous l'œil perplexe de Riccardo et me laisse tomber sur la banquette à côté de lui.

Je pose ma tête sur son épaule, alors qu'en réalité, j'ai envie de le prendre dans mes bras.

– Ça va, petite serveuse ?

– Tu peux arrêter de m'appeler comme ça ?

– Jamais. Tu seras toujours la magnifique serveuse qui a versé du champagne sur mon pantalon.

Je grimace en me rappelant comment j'ai tenté de nettoyer ce champagne. Parfois, j'ai l'impression que mon corps réagit avant que mon cerveau n'ait terminé de réfléchir.

– J'ai faim.

Il ouvre la bouche pour faire un commentaire, mais déjà je le fais taire d'un baiser rapide. J'avoue, j'en mourais d'envie.

– De nourriture, Riccardo, j'ai faim de nourriture.

Il hausse un sourcil si haut qu'il disparaît dans ses cheveux.

– Dommage.

Il retourne les côtelettes plusieurs fois et quand c'est enfin prêt, il coupe plusieurs morceaux qu'il met dans nos assiettes respectives avant de les garnir de haricots verts et de purée de pommes de terre.

Dieu, cette purée est réellement la meilleure que j'ai mangée de toute ma vie, elle est légère et aérée, un vrai nuage. On est bien loin des purées remplies de grumeaux que fait papa.

Je relève mes yeux, le démon me regarde comme s'il attendait quelque chose.

– Tu sais, c'est assez déstabilisant quand un psychopathe te regarde avec un sourire, un couteau en main.

Il roule des yeux avant de couper sa viande, ce qui me fait rire.

– J'attends les compliments que mérite le chef.

– C'est... acceptable.

Je me contente de dire, le connaissant, je ne vais pas me risquer à un grand compliment. Mais putain, c'est un mensonge, la viande est tendre et ce goût fumé aura ma peau. Je n'ai jamais rien mangé d'aussi bon.

– Acceptable ? s'offusque le comte Dracula.

Nous sommes si proches que nos jambes se touchent et les effluves de son parfum me chatouillent les narines.

– Tu sais que beaucoup de filles tueraient pour avoir un dîner fait par moi ?

– Je ne veux pas parler des autres filles !

Ma voix a claqué avec force bien malgré moi. Il lève ses mains en signe d'apaisement.

Bon sang, il faut que je me calme.

– C'est justement à cause de cette attitude narcissique que je me garde de te faire des compliments !

Il fait un commentaire sur le fait que connaître sa valeur ne signifie pas être narcissique. Évidemment, j'étouffe le mot "fanfaron" dans une toux factice. Nous continuons de manger en silence et je dois avouer que depuis que je suis arrivée sur l'île, c'est la première fois que je mange aussi bien.

Quand il le veut, Riccardo est assez agréable comme personne, il m'a resservie, veille à ce que mon verre de faux champagne soit toujours plein et mon verre d'eau également. En ce qui concerne la conversation, par contre, il est assez limité, mais honnêtement, ça ne me dérange pas.

Après avoir fini de manger, on débarrasse la petite table, puis on range la vaisselle dans la cuisine avant que Riccardo n'apporte le dessert. Je croyais ne plus avoir de place, mais quand Riccardo met deux cannoli dans mon assiette, je les dévore avec un gémissement de bien-être.

– Mince, c'est trop bon !

Il hoche la tête, une fois, deux fois avant de sourire.

– Riccardo, je te préviens, ne fais aucun commentaire !

Il lève la main en signe de capitulation et commence à manger. Je me laisse aller contre la banquette, les yeux fermés.

– J'allais juste dire : merci.

Je le regarde en secouant la tête.

Mais oui, évidemment. On termine de manger et encore une fois, on débarrasse la table.

– Raconte-moi un truc drôle et agréable !

Demande Riccardo quelques minutes plus tard alors qu'on est installés l'un à côté de l'autre, avec un verre de Redbull pour moi et du champagne pour lui.

Je réfléchis quelques secondes avant de sourire.

– Quand j'étais adolescente, je suis partie en vacances sur l'île de Saint-Barthélemy. Mon petit cousin m'a demandé de lui prêter ma tablette pour jouer à des jeux, ce que j'ai fait sans hésiter. J'ai passé toute la journée sur la plage avec le reste de ma famille. Quand je suis rentrée, je l'ai trouvé tout rouge et il était vraiment gêné, il est sorti de la chambre en courant. Je n'ai pas compris pourquoi il agissait comme ça, jusqu'à ce que je tombe quelques jours plus tard sur mon historique de recherche. Ce petit con avait regardé une vidéo qui s'appelle : "Ça glisse au pays des merveilles".

Riccardo manque de s'étouffer avec son champagne, il pose le verre en riant. Je ne suis tellement pas habituée à le voir comme ça que je me mets à rire à mon tour. Il saisit un verre d'eau et en descend la moitié avant de prendre son téléphone.

– Il faut que je vérifie si ça existe.

Je bondis sur lui et tente de lui arracher le téléphone, si bien que je me retrouve à califourchon sur sa jambe, mais au moins, j'ai réussi à prendre l'appareil.

– Tu es un porc.

– Tu n'es pas curieuse ?

– Non, je mens en sentant mon visage s'enflammer.

– Non ? Toi, tu as regardé la vidéo.

Je ne me suis pas contentée de la regarder...

– J'ai honte, mais oui, elle était nulle de toute façon.

Il récupère son téléphone et fait une recherche rapide.

– Putain, quelle mine de trésors : "Ça glisse au pays des merveilles", "Blanche Neige et les 7 géants", "Cendrillon et le balai d'ébène".

Je me prends le visage dans mes mains en pouffant.

– Arrête, c'est dégoûtant.

Il pose le téléphone à côté de nous.

– On peut dire que ton cousin a du goût.

– C'est un sale gamin, il a passé le reste de l'été à m'éviter, chose compliquée étant donné que nous étions dans la même maison.

Riccardo m'observe, me prenant par surprise. Il glisse une mèche de mes cheveux derrière mon oreille avant de se laisser aller sur la banquette. Je suis toujours sur sa jambe et je ne fais pas mine de me lever.

– Démon ?

– Oui, petite serveuse ?

– Raconte-moi quelque chose de drôle et d'agréable.

Il fait mine de réfléchir avec un sourire. Quand je vois ses yeux sombres briller, je m'empresse d'ajouter.

– Et pas macabre !

Là, Riccardo est troublé. Ses réflexions semblent augmenter et le silence entre nous s'éternise. Quelque chose se brise en moi. Ce n'est pas normal de devoir chercher si longtemps un souvenir agréable, normalement c'est le genre de chose qui nous vient à l'esprit sans effort.

– Je... Je n'en ai pas. Tout est lié à un événement macabre. C'est mon lot quotidien.

Son ton m'alarme, mais je ne laisse rien paraître. Je ne veux pas qu'il pense que j'ai pitié de lui. Mais je suis curieuse de savoir ce qu'il a vécu. Le bonheur n'est malheureusement pas un moment constant, il est toujours entrecoupé d'épisodes de tristesse. Mais comment est-ce possible de vivre plus de vingt ans sans avoir un seul souvenir agréable qui ne soit pas lié à un événement tragique ?

– Je peux te poser une question ?

– Non !

Je l'ignore et me rapproche timidement de lui, comme pour chercher sa chaleur.

Riccardo arque un sourcil, il soulève brusquement sa jambe et me fait basculer vers l'avant. Je pousse un gémissement et mes mains se posent sur ses épaules.

– Parle-moi de Rebecca.

Ma voix n'est qu'un souffle, mais il est si proche qu'il m'a forcément entendue. Je voulais lui poser des questions sur sa mère, mais je pressens que le sujet de son ex-femme est moins périlleux.

– Il n'y a rien à dire sur elle. Rebecca était la victime des plans de mon père, qui voulait que j'épouse la fille de l'un de ses soldats. J'ai accepté parce que je m'en foutais, mariage ou pas, rien n'a d'importance pour moi. Mais j'ai été incapable de la protéger de mes ennemis.

– Tu l'aimais ?

Il me regarde intensément. À chaque fois qu'il fait ça, je perds mes moyens, je me tortille nerveusement avant de mordre ma lèvre inférieure. Riccardo rejette légèrement la tête en arrière et suit la ligne de ma mâchoire de son pouce.

– Je le pensais, mais maintenant, je suis sûr que non.

– Elle ne voulait pas divorcer

, mais il le fallait. Mon mode de vie était trop dangereux, j'étais trop dangereux. Je voulais au moins la préserver de ça, mais j'ai lamentablement échoué.

Il s'en veut. Que pouvais-je dire pour essayer de l'aider ?

– Nous allons la trouver !

Je déclare en posant timidement une main sur sa joue ombrée d'une barbe de quelques jours.

Et s'il retournait avec elle dès que nous la trouverions ? Non, il n'est pas question que je pense à ça.

– Oui.

Se contente-t-il de répliquer. Il allait dire autre chose quand son téléphone se mit à vibrer, faisant éclater notre bulle. Après un rapide coup d'œil, Riccardo déclare :

– Les invités sont arrivés.

– Quoi ?

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top