Chapitre 30: Celle qui cherche des réponses
– Comment s'est passée cette première mission avec Riccardo ? Raconte-moi tout, j'adore les détails ! Je mets du sucre dans mon café sans quitter Cass des yeux.
– Intense, dérangeant, surprenant ! Je garde pour moi que le plus grand problème n'était pas la mission mais mon patron, qui change d'attitude comme de chemise. Cass affiche une mine blasée.
– Je voulais des détails et tu choisis de résumer en quelques mots ? Mais je t'avais prévenu que travailler avec Riccardo n'était pas de tout repos.
Je porte la tasse à mes lèvres. Oui, elle m'avait prévenue, mais je ne m'étais pas attendue à tout ça.
– Giacomo et toi, vous faites la même chose ? Elle détourne le regard. On est assises l'une en face de l'autre dans la chambre que j'occupais chez Riccardo la première fois que je suis venue en Sicile.
L'ambiance entre le démon et moi est devenue super radioactive. Je l'évite autant que possible, et il fait de même. La veille, on a dormi dans les bras l'un de l'autre. Pourtant, dès que le pilote est venu nous réveiller pour nous prévenir que nous étions arrivés, monsieur est sorti de la cabine sans un mot et je ne l'ai plus revu.
De toute façon, c'est mieux ainsi. Plus il restera loin de moi, mieux je pourrai démêler mes pensées.
– Non, disons que Gia s'occupe du côté administratif pendant que Riccardo...
Un étrange sentiment me saisit, mon ton est amer quand je déclare :
– Si je comprends bien, pendant que Riccardo se met en danger et se tape le sale boulot, Gia se contente de rester tranquillement dans son bureau ?
Cass me regarde étrangement. Je baisse les yeux, me rendant compte que je suis allée trop loin. Après tout, je viens à peine d'entrer dans leur vie, je ne les connais pas.
Et en plus, pourquoi ressens-je le besoin de défendre ce monstre ? Il peut se défendre tout seul. Je me risque à regarder Cassandre, craignant qu'elle soit en colère, mais au contraire, elle me sourit, une lueur calculatrice dans ses yeux sombres.
– Tu le défends maintenant, intéressant.
– Je ne le défends pas.
– Mais oui, je te crois. Écoute, c'est compliqué. Ni Gia ni Riccardo n'ont choisi ça. Mais je vais être honnête avec toi, Gia a toujours eu une vie plus facile que Riccardo. Il ne le montrera jamais, mais il a beaucoup souffert. Leur père s'est occupé de son éducation vu que sa mère ne voulait pas de lui, et pour Giosuè Gaviera, un homme dans la souffrance. Riccardo t'en fera voir de toutes les couleurs, et il te fera souffrir parce que c'est le seul langage qu'il connaît, mais ne te laisse pas faire.
– Pourquoi ne voulait-elle pas de lui ?
– Honnêtement, je ne sais pas. Cora a toujours ressenti une haine profonde pour son dernier fils, sans que personne ne sache pourquoi.
– Elle est toujours vivante ?
– Oui, elle vit sur l'île.
Je fais la moue, le sentiment de colère ne se décidant pas à me quitter. J'ai envie de le défendre sans même savoir pourquoi, ce qui est complètement ridicule compte tenu de nos rapports houleux. Depuis que nous sommes revenus sur l'île, je ne l'ai pas vu. Il a disparu avec Belluci, et je ne veux même pas imaginer ce que Riccardo est en train de lui faire pour obtenir des informations.
– Quand elle est partie, Riccardo a beaucoup souffert. Sa souffrance était d'autant plus grande qu'elle a toujours témoigné beaucoup d'affection à Giacomo. Il n'a jamais compris pourquoi il était le moins aimé. C'était un gamin toujours triste et colérique, et leur père en a profité pour en faire une machine à tuer. Je ne suis pas d'accord avec la moitié des choses qu'il fait, mais je ne le juge pas. Il n'a connu que ça.
– Je ne sais pas sur quel pied danser avec lui.
– Et il ne sait pas sur quel pied danser avec toi. Cass regarde derrière elle, comme pour s'assurer qu'il n'y a personne, puis elle se met à parler sur un ton de conspiration.
– Quand tu es venue sur l'île, il est venu me voir. Tu sais ce qu'il m'a dit ? Qu'il voulait avoir une discussion sérieuse. Il m'a demandé ce qui rendait les filles heureuses, quel genre de cadeau ou d'action. Je n'ai absolument rien compris et j'étais trop médusée pour lui répondre. Riccardo n'a jamais été du genre à s'intéresser à ce que les autres veulent. Et soudain, il cherche à rendre quelqu'un heureux ? C'était étrange, et j'ai vite fait le lien avec toi.
– Ça n'a rien à voir avec moi. La plupart du temps, il agit comme si ma simple présence l'insupportait.
Je déclare d'un trait. Mais au fond de moi, je suis troublée, et j'espère aussi que cette fille soit moi. Même si c'est ridicule, je veux croire que je compte un tant soit peu pour lui.
– Pense ce que tu veux, mais moi je sais qu'il tient à toi, même s'il a de drôles de façons de le montrer.
***
– Dante m'a demandé de sortir avec lui. Je déclare pour dissiper le silence gênant qui s'est installé entre Cass et moi. Elle écarquille les yeux.
– Je savais que tu lui plaisais. Tu as accepté ?
– Oui, on va aller regarder un film.
J'avoue qu'au début j'ai failli refuser, mais le sourire de Dante m'a complètement désarmée. En plus, j'ai besoin de normalité dans ma vie, ne serait-ce qu'un peu, sinon je vais devenir complètement folle.
– C'est un rencard ?
– Quoi ? Non, nous sommes amis.
– J'en connais un qui ne sera pas content du tout.
– Je m'en moque. Cass se frotte les mains en souriant, ce qui m'arrache un rire.
– Quand il va transformer Dante en passoire, appelle-moi, j'adore les drames.
– Il n'y aura aucun drame, je vais juste regarder un film avec mon ami, c'est tout. Quelque chose me revient brusquement en mémoire, il faut que j'en aie le cœur net.
– Durant notre séjour à Rome, j'ai remarqué que le comte Dracula prend des médicaments. Pourquoi ?
Même si Cass ne menace pas de me donner à manger à Médusa comme l'avait fait Riccardo, elle évite de répondre à ma question et je n'insiste pas. S'il y a bien une chose que le démon m'a apprise durant cette semaine, c'est la patience. Je finirai bien par savoir.
Cass et moi restons ensemble durant une heure avant qu'elle ne parte. Restée seule, je me suis endormie avant de descendre manger un truc. Les félins sont venus me rejoindre. Comme à son habitude, Persée est très affectueux, mais Médusa, elle, me regarde toujours avec méfiance. J'ai peur qu'elle me saute dessus. C'est bien Riccardo pour avoir de tels animaux de compagnie. Je n'arrête pas de penser à lui et à ce que Cass m'a dit. Ne pas être aimé par sa mère, je ne veux même pas imaginer ce que c'est. Maintenant, ma vie est un vrai foutoir, mais j'ai eu la chance d'avoir une mère qui m'a aimée inconditionnellement et même si elle n'est plus là, je m'accroche à tous nos souvenirs pour ne pas défaillir. Que peut bien pousser une femme à détester sa progéniture, et pire, à ne faire aucun effort pour le cacher ?
Le pire, c'est qu'il a grandi en voyant sa mère aimer inconditionnellement Gia, alors que lui n'en avait même pas des miettes.
Tara, la femme de Pedro, vient me trouver dans le salon. J'essaie de regarder un programme sur E!, mais les jérémiades incessantes de Kim me cassent la tête. Elle pleure constamment pour un oui ou pour un non.
Elle avise Persée, dont la tête est posée sur mes genoux, avant de prendre place à côté de moi.
– Je vois qu'il t'a adoptée. Comme pour confirmer les dires de Tara, les ronronnements de Persée augmentent.
– Oui, Médusa, par contre, ne me supporte pas.
– Elle n'aime que Riccardo et Luca. Je ne compte plus le nombre de fois où elle a failli me dévorer tout cru ! Je suis contente que tu sois revenue vivre ici. Je me sens si seule avec tous ces garçons.
Revenir vivre chez Riccardo ? On va finir par s'entre-tuer, c'est inévitable.
– Je ne reste pas, j'ai juste passé la nuit ici. Tu n'aurais pas vu Riccardo ?
– Je ne l'ai pas vu depuis deux semaines. Mais dis-moi, comment tu vas ?
– Je ne sais pas. Je me sens bizarre. Dis, tu connais la mère de Riccardo ?
Tara fait une grimace. Elle porte un jean et un tee-shirt, de longues braids sombres cascadant jusqu'à ses épaules.
– Cette salope. Je ne l'ai jamais appréciée. Elle a toujours détesté Riccardo, mais depuis l'incident, c'est pire.
– L'incident ? Elle tressaille.
– Je pense que c'est préférable d'attendre que Riccardo t'en parle. Il va me zigouiller s'il sait qu'on a cette conversation.
Et quand il s'agit de Riccardo, c'est à prendre au premier degré. Mais c'est quoi ce nid à secrets ? Je commence vraiment à en avoir marre de ne rien savoir sur lui.
– Pourquoi tant de mystère ? J'ai l'impression que tout le monde me cache quelque chose. Elle pose une main sur mon genou.
– Ce n'est pas tant qu'on te cache des trucs, c'est à lui de t'en parler. Riccardo est quelqu'un de difficile, mais tu dois être patiente avec lui. Pour une raison que je ne m'explique pas, il tient à toi.
Un rire sans joie m'échappe.
Il tient à moi ? Très drôle ! Tara rit en caressant Persée.
– À sa façon bizarre et maladroite, mais oui.
Au début, j'ai pris Riccardo pour un gamin capricieux, un fanfaron imbu de lui-même, mais maintenant, je ne sais même plus quoi penser de lui. Il change constamment d'attitude avec moi.
Tout le monde me demande d'être patiente, mais ça n'a jamais été mon fort, et je suis sur le point d'exploser. Plus j'ai la sensation de me rapprocher de lui, plus la barrière entre nous devient grande. Si j'étais quelqu'un de judicieux, je ne chercherais pas à briser cette barrière, mais je ne le suis pas, et depuis que j'en sais un peu sur son enfance, j'ai envie de le protéger. De quoi ? Je n'en sais rien. Mais je ne doute pas que son plus grand ennemi, c'est lui-même.
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