Chapitre 12: Dante est presque amoureux !
Le cœur battant à tout rompre et les mains moites, je pénètre dans le restaurant où j'ai obtenu un emploi. Le soleil vient à peine de se coucher, et Cass a eu la gentillesse de me déposer avant d'aller rejoindre Giacomo. Je ne le vois pas, mais je sais que le garde du corps que ce dernier m'a affecté ne doit pas être loin.
La gérante du restaurant est derrière le bar, elle me sourit en me voyant à l'entrée. J'ignore les regards de quelques clients et m'avance vers elle.
- Bonsoir Ellen, dis-je. Elle nettoie le bar en laiton avec un torchon. Le restaurant est entièrement en bois, les lumières sont jaunâtres, donnant au lieu une ambiance très romantique. Il y a des sièges installés à l'extérieur pour que les clients puissent bénéficier d'une vue imprenable sur l'océan.
- Bonsoir Gayle, tu es à l'heure, c'est une qualité que j'apprécie. Comme c'est ton premier jour, tu vas travailler avec Sasha. Vous allez vous occuper des clients étrangers, ajoute-t-elle en faisant signe à une fille.
Sasha est une Afro-Américaine qui est venue passer une année sabbatique en Sicile. Alors que je la suis en direction des vestiaires, elle me parle d'elle et m'explique comment se déroule le travail. Le courant passe tout de suite entre nous. Ce qui m'inquiète, par contre, c'est la tenue de service qu'elle porte : une robe rose basique avec un tablier à la taille. Celle de Sasha est si courte que, si elle se penche légèrement, je peux voir sa culotte.
- Tu peux prendre ce casier et si tu as besoin de quoi que ce soit, je suis là, dit-elle.
Je la remercie d'un sourire alors qu'elle s'éloigne après m'avoir donné une tenue pour me changer. Comme je m'en doutais, ma robe est aussi courte que celle de Sasha. Je fourre mes vêtements dans le casier. J'hésite un peu à me débarrasser de ma casquette. Les cheveux courts, ça me fait bizarre. Cass a essayé de rattraper le coup, mais je me sens ridicule avec cette coupe garçonne. Je prends une inspiration avant de retirer ma casquette. Il est temps de me mettre au travail.
Plus les heures passent, plus je me sens à l'aise. La plupart de mes collègues sont très sympas, et même Ellen, malgré tout le travail qu'elle a sur le bar, n'hésite pas à venir me donner un coup de main ou juste à me parler quand on a un peu de temps libre. Je me contente de faire ce que j'ai toujours fait : accueillir, servir, nettoyer, et recommencer, avec un petit plus : les pourboires des touristes sont plutôt élevés. À ce rythme, j'aurai mon billet de sortie. Ellen me demande d'aller m'occuper de la grande table à l'extérieur. Munie de plusieurs menus et d'un carnet pour noter les commandes, je me dirige vers l'extérieur. L'air iodé me balaie le visage. Je donnerais tout pour avoir une veste, au moins dans le bâtiment, il y a un radiateur.
Dehors, sur une plate-forme en bois à quelques mètres du sol, sont placées trois tables : deux de taille moyenne et une plus grande pour cinq personnes. Je me fige en reconnaissant l'une d'elles. Non, mais quel cauchemar.
Deux filles, l'une avec de longs cheveux noirs et la peau laiteuse, et une autre avec un carré blond parfaitement taillé. Et trois garçons, parmi eux, Riccardo en personne. Mon cerveau fonctionne à plein régime : mais qu'est-ce qu'il fiche ici ? Comment sait-il que je travaille ici ? Non, sa présence est sûrement un pur hasard.
Quand il me remarque, il arque un sourcil, détaillant mon uniforme de service moulant, puis s'attarde sur mes jambes nues. Je frissonne malgré moi, mais je préfère me persuader que c'est à cause du froid.
- Bonsoir, je m'appelle Gayle. Je vais m'occuper de vous, je déclare avec un sourire professionnel.
- Je vais éviter le champagne et les verres d'eau ce soir.
J'accuse le coup sans broncher, le fusillant du regard. Il me sourit en passant lentement le bout de sa langue sur sa lèvre avant de l'aspirer entre ses dents. Ce geste, purement anodin, a sur moi un effet que je refuse d'analyser. Le silence se fait autour de la table, la fille aux cheveux sombres me regarde avant de se concentrer sur Riccardo.
- Ricc, ne me dis pas que tu as couché avec elle aussi, lance-t-elle, presque avec une mine dégoûtée.
- Certainement pas. Je suis une amie de Cass, dis-je en haussant un sourcil, étonnée.
- Une amie de Cass qui travaille ici ? répond-elle, haussant les épaules.
- Vous allez commander ? demande le type à côté de Riccardo, se levant pour me tendre la main avec un sourire charmeur. J'avoue qu'avec ses cheveux blonds et ses yeux bleus, sans oublier ce sourire qui semble être l'œuvre d'un dentiste talentueux, je me sens légèrement déstabilisée. Il a des yeux bridés et une mâchoire très marquée.
- Dante, je te prête ma carte de fidélité et après, on va boire un verre.
- Quoi ? j'éclate de rire en prenant sa main. J'ai rien compris, mais son sourire gêné est assez mignon.
- Gayle, enchanté.
- Je crois que je suis presque amoureux.
- Presque... déclare Riccardo d'un ton presque menaçant sans nous quitter des yeux. La fille aux cheveux blonds me fait un petit signe de la main avec un sourire, tandis que le type à côté d'elle m'observe avec curiosité. Elle lui donne un coup de coude, le poussant à me saluer.
Je prends ensuite leurs commandes avant de retourner à l'intérieur pour les communiquer au chef.
- Riccardo Gavieria est trop beau, putain, murmure Sasha en dévorant le démon du regard par la grande fenêtre qui donne sur l'extérieur. Les enceintes diffusent "You & Me" de James TW. Je penche la tête sur le côté. De là où je me trouve, lui ne peut pas me voir, mais moi, je me régale. Il n'a pas dit un mot depuis le début de la soirée, regardant l'océan comme si les conversations autour de lui n'étaient pas assez intéressantes pour capturer son attention, fumant clope sur clope. Ce mec est un aspirateur à nicotine.
- Pas du tout !
- Quoi, mais regarde-le, il a vraiment quelque chose de dangereux qui attire les femmes comme un papillon vers la lumière.
À cet instant, je me rappelle que Rex m'avait dit à peu près la même chose. Une bouffée de tristesse me submerge. Comment ont réagi ses parents en apprenant sa mort ? Assurément, ils doivent se poser tellement de questions. Qui, comment, pourquoi ? Ça sera encore plus douloureux pour eux d'apprendre que leur chère fille, tout juste fiancée, est morte... pour rien. Elle est morte juste parce qu'elle était au mauvais endroit, au mauvais moment, surtout avec la mauvaise personne. Riccardo coince une autre cigarette entre ses lèvres et commence à l'allumer. La fille aux cheveux noirs a la tête posée sur son épaule, un sourire rêveur aux lèvres. Sont-ils ensemble ? Il tourne brusquement la tête en direction de la fenêtre, je me dépêche de me cacher avant de me rappeler qu'il ne peut pas me voir.
Me rappelant que Sasha est toujours là, j'essaie de reprendre le cours de notre conversation.
- Ça va, il est passable, elle pouffe.
- Passable ? Tu ne t'es jamais retrouvée au pieu avec lui, c'est pour ça que tu dis ça.
- Parce que toi, si ?
- J'aimerais bien. Imaginer le démon avec Sasha me rend toute bizarre.
- Ils sont ensemble ? je demande en regardant la fille aux cheveux noirs.
- Quoi, avec Camile ? Non, Riccardo, Luca et elle ont grandi ensemble. Aux dernières nouvelles, elle sort avec l'un des cousins de Riccardo.
Luca est celui qui est en train de dévorer la bouche de la blonde comme si sa vie en dépendait. Avec ses yeux rieurs, il me fait penser à l'acteur Charles Michael Davis. Il est grand et mince, doté d'une peau à la carnation caramel.
Mon appareil vibre, me prévenant que la commande est prête. Je m'éloigne, laissant Sasha qui continue de dévorer les trois garçons du regard. Si je dois être honnête, oui, le démon est vraiment à couper le souffle, mais il est tellement... étrange. Il y a quelque chose en lui que je ne saisis pas. Et ça me terrorise.
Il y a tellement de plats que j'ai été obligée de prendre un grand chariot. Vérifiant avec mon carnet, je fais le compte des plats. Deux pizzas napolitaines pour Dante et Luca, des pâtes aux gambas pour Camile, de l'escalope milanaise pour la fille au carré blond dont j'ignore le prénom, et du piccata de poulet au citron pour le démon
. Ses goûts sont comme lui, acides.
Je passe par le bar pour charger les boissons. Ellen me fait l'un de ses éternels sourires d'encouragement.
- C'est pas trop tôt, crache la fille aux cheveux noirs dès que je réussis à tirer mon chariot jusqu'à leur table. Toi, la serveuse en moi ne t'aime pas.
Dante me fait un sourire charmeur avant de se lever pour m'aider.
Wow, toi par contre, Don Dante, je t'aime. Je lui fais mon sourire le plus éclatant.
Quand je me penche pour poser son plat devant lui, Riccardo m'observe à travers ses cils incroyablement longs qui projettent des ombres sur ses pommettes, avant de me cracher la fumée de sa cigarette au visage. Putain, il m'énerve quand il fait ça, il le sait et ça l'amuse.
Nos regards convergent vers le verre d'eau posé sur la table, et il se dépêche de s'en emparer avant que je ne le fasse. Je pince les lèvres pour ne pas sourire, mais j'ai beaucoup de mal à ne pas éclater de rire face à sa réaction. Plus que les desserts, et j'en aurai fini avec eux. Je reviens débarrasser leur table avant d'apporter les desserts, et Dante en profite pour m'inviter à sortir avec eux dans un club qui vient d'ouvrir. Je décline poliment, je n'ai pas trop la tête à faire la fête avec tout ce que j'ai vécu.
- Elle ne semble pas être le genre de fille à profiter de la vie, commente la brune qui s'appelle Camile. Je ne sais pas pourquoi, mais elle passe son temps à me lancer des piques.
- La ferme, Camile, me défend Dante. Heureusement, je pose le dernier plateau sur le chariot avant de m'éloigner. Je ne vais pas risquer de me faire virer le premier jour à cause de mon côté légèrement impulsif.
***
- J'aime bien cette vue, je sursaute en regardant par-dessus mon épaule.
Riccardo se tient derrière moi, adossé à un pilier en bois, une cigarette coincée dans la bouche et les mains glissées dans les poches de son pantalon.
Pourquoi faut-il qu'il ait une présence si imposante, si... déstabilisante ?
- Tu n'es qu'un pervers, je déclare en tirant sur le bas de ma tenue.
- Je parle de la vue par la fenêtre. Tu n'es pas mon genre, je préfère les femmes qui ne pleurent pas à chaque instant.
Je lui tourne le dos, agacée et un tantinet blessée. Je vais lui en foutre, moi, des filles qui ne pleurent pas.
Concentre-toi, ma fille, il cherche juste à te provoquer.
- Intéressant. Bon, qu'est-ce que tu veux ? Tes amis sont déjà partis.
- Je t'attends, je vais te ramener chez Giacomo et, en plus, j'ai des choses à faire.
- Quel genre ? je questionne machinalement. Je n'en ai rien à faire.
Je suis en train de débarrasser une table dans un coin du restaurant et cette table est le cauchemar de toute serveuse. Ils ont vraiment mis le bordel avant de partir. Il y a même de la sauce qui macule le tissu turquoise.
- Le genre qui empêche les gentilles filles de dormir.
- Mais oui, bien sûr.
Je tire le tissu turquoise d'un coup sec. Du coin de l'œil, je vois Riccardo se déplacer pour venir se placer derrière moi. Ses mains se posent sur la table, il réussit à m'emprisonner dans son étreinte.
- Je travaille, Riccardo. Pourquoi ne me laisses-tu jamais tranquille ?
Il presse ses hanches contre mes fesses, je sursaute en me retournant.
- Je ne sais pas.
- Va faire ce que tu as à faire et fous-moi la paix.
Je recule tellement que je me retrouve assise sur la table, les jambes légèrement écartées. Riccardo s'y glisse en se penchant au-dessus de moi. Ma robe a dangereusement remonté, ses yeux se baissent sur le bout de peau exposé avant de plonger dans les miens. Je force mon maudit cœur à se calmer.
- Je préfère embêter la serveuse sexy, réplique-t-il en frottant le bout de son nez sur la peau sensible de mon cou. Son souffle, mêlant alcool et nicotine, me balaie la joue, déclenchant un frisson le long de mon échine. Je ferme les yeux, impossible de réprimer le frémissement qui me traverse, son corps est chaud, me poussant à me presser contre lui pour quémander un peu de chaleur, et pour ne rien arranger, il sent divinement bon...
- Tu as de la chance que je n'aie pas de verre d'eau, dégage !
Je le pousse avant de descendre de la table. Je me rends compte qu'Ellen était dans un coin de la pièce et ne me quitte pas des yeux.
- Je vais me faire virer par ta faute.
- Sans importance, de toute façon, tu vas démissionner. Je ne supporte pas que d'autres hommes te voient dans cette tenue.
- Tu... Oh, tu m'énerves.
Ma patronne me fait signe de m'approcher, et la mort dans l'âme, je la suis en direction du bar sans accorder un regard à Riccardo.
- Gayle, flirter avec ton petit ami n'est pas permis au boulot.
- Quoi, non, ce démon... je veux dire, je suis désolée.
Elle soupire.
- Ce n'est rien, elle hésite. Tu sais, Riccardo n'est pas un garçon recommandable. Il a une certaine réputation. Je ne t'ai jamais vue ici, donc je présume que tu ne le connais pas. Fais attention, d'accord ?
Pressée d'en finir avec cette conversation, je hoche la tête comme une automate.
- Oui, merci, Ellen. Et je suis désolée.
Je m'éloigne, honteuse. J'aurais voulu faire bonne impression le premier jour. C'est sans compter ce démon.
- Dommage, moi qui espérais qu'elle te vire.
Je passe à côté de lui en marchant sur son pied, ce qui lui arrache un rire.
Il m'énerve, je veux qu'il parte.
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