Chapitre 11: Un brin de complicité ?

Trois jours se sont écoulés depuis que je suis chez Giacomo. La maison est calme, Cassandre et lui travaillent ensemble et ils sont souvent dehors. Comme j'ai beaucoup de liberté ici, j'en ai profité le premier jour pour visiter un peu l'île. Malheureusement, ma visite n'a pas duré plus de 5 minutes quand je me suis rendu compte qu'un homme me suivait. J'ai d'abord paniqué en me disant qu'ils m'avaient retrouvé, mais il s'est présenté comme le garde du corps choisi par Giacomo pour veiller à ma protection.
Mon œil, je pressens surtout que c'est pour me surveiller et si par malheur je tombais entre les mains des Leblanc, je pressens que ce protecteur n'hésitera pas à me tuer de ses propres mains pour éviter que je ne parle. Mais j'avais toujours autant de mal à saisir leurs motivations. Que faisait Giacomo dans la vie pour avoir besoin d'autant de gardes ? Ils étaient partout à l'intérieur de la maison, à l'extérieur. À la longue, j'avais l'impression qu'ils faisaient partie des meubles.

Le deuxième jour, j'ai pris mon déjeuner avec Cass. Je présume qu'elle m'aime bien car elle m'a un peu parlé d'elle.
J'ai appris qu'elle est coréenne. Pour fuir un mariage arrangé, elle est venue se planquer en Italie. Elle n'avait que 17 ans à l'époque, sans le sou et elle ne parlait pas un mot de la langue locale ni de l'anglais. Très vite, sa route a croisé celle d'une prostituée qui lui a trouvé du travail dans l'un des clubs appartenant à la famille Gaviera. C'est là que Giacomo et elle se sont rencontrés. Ils sont très vite devenus proches et il lui a proposé de travailler pour lui, chose qu'elle a acceptée sans hésiter. C'était soit ça, soit continuer à faire la putain pour trois sous et trois coups. Après ça, on est parti acheter des vêtements. Elle m'a pris un peu de tout. J'étais vraiment gêné, mais elle m'a dit que Giacomo y tenait. Je n'ai jamais eu l'occasion de le remercier vu qu'il n'est jamais chez lui. En allant faire les magasins, j'ai remarqué un restaurant au bord de la plage. Il cherchait activement une serveuse. La gérante était impressionnée par mes capacités en anglais et en français, et comme l'île accueille beaucoup de touristes, c'était un plus. J'avoue que je suis allée postuler sur un coup de tête. Je n'avais ni CV ni papier d'identité, mais elle m'a prise juste pour mes compétences linguistiques.

Je vais pouvoir m'occuper et me faire assez d'argent pour rentrer chez moi. Je sais que c'est de la folie, mais je ne peux pas abandonner papa.

Il souffre d'insuffisance cardiaque. Malheureusement, on n'a jamais eu assez de moyens pour payer la transplantation nécessaire à son bien-être. Je suis terrorisée à l'idée que tout ce stress lié à la disparition de maman et de la mienne ne lui soit fatale. J'ai voulu l'appeler mais Mattia, mon garde du corps, me l'a formellement interdit. Selon lui, le téléphone de mes parents pourrait être sur écoute. Je maudis le jour où j'ai croisé la route de ce Adrian Jr. En une fraction de seconde, il est entré dans ma vie comme un bulldozer et a tout chamboulé. Si avant, je n'avais aucun but dans mon existence, maintenant j'ai plutôt l'impression de n'avoir aucun pouvoir sur ma propre vie.
Et il y a ces cauchemars...Celui qui revient le plus, c'est Adrian Leblanc qui me prend de force sur la table à côté de la tête de ma mère. Jawad et Claude sont dans un coin en train de rire.

Ce cauchemar est tellement clair que je me réveille toujours en panique en pensant qu'ils sont là.

Qu'ont-ils bien pu faire du corps de ma mère ? Elle n'aura même pas eu d'inhumation digne de ce nom.

Mince, je suis encore en train de pleurer. À chaque fois que ça m'arrive, je repense à ce démon de Riccardo Gaviera qui m'ordonne d'arrêter de me lamenter sur mon sort. Je l'enmmerde. Rien que penser à son visage suffit à me mettre hors de moi. S'il y a bien un côté positif sur le fait que je vive chez Giacomo. C'est que j'ai la chance de ne plus le voir et j'espère que cette chance va continuer à perdurer.

Prenant une inspiration, je me retourne sur le côté. Je laisse échapper un cri en me redressant.

Non, mais j'hallucine !

Riccardo est confortablement assis sur le lit, en train de feuilleter un livre. Depuis quand est-il là ? Il porte son éternel jeans bleu et un tee-shirt blanc, sa veste est négligemment posée sur le canapé et je remarque qu'il n'a même eu le temps de mettre son arme sur la table de chevet.

- J'ai vraiment la poisse, je murmure en le fusillant du regard, qu'est-ce que tu fais là ? Il mouille son doigt de manière incroyablement sensuelle avant de tourner la page, son livre semble très vieux. En me penchant, je lis.

"Technique de torture au Moyen age" Sérieux ? Je suis de plus en plus persuadé que quelque chose ne tourne pas rond chez lui.

- Je suis venu voir mon frère. Tu sais que si j'étais un ennemi, toi, petite serveuse, tu serais morte depuis bien longtemps. Tu n'as aucun instinct de survie, tu aurais dû te rendre compte de  ma présence à l'instant où j'ai ouvert la porte.

- Dans le monde que je connais, on ne se faufile pas dans les chambres des autres sans y être invité. Il ferme son livre d'un coup sec et braque ses yeux dans les miens.

- Le monde d'où tu viens ? C'est un monde parfait, où tout le monde est gentil, le boulanger chante des chants de Noël en longueur de journée ? Un parfait cadre Disney ? La perfection n'est qu'une chimères, chaque jours tu croise en moyenne deux criminel si ce n'est plus. Tu vis entouré de voleur, violeurs, de psychopathe et sociopathes en tout genres. Ton médecin est peut-être un violeur, le plombier est peut-être un tueur un série, le gentil monsieur qui te dit bonjour à  chaque fois que tu le croise dans la rue est peut-être un père et un mari violent. Nous cachons tous notre nature profonde derrière les règles sociales. Mais une fois les portes closes et les rideaux tirets...
Tout en parlant, il s'est rapproché, il saisit une mèche de mes cheveux et tire légèrement dessus pour défaire la boucle.

-... Dans ce monde tu as deux options petite serveuse, être la proie où être le chasseur. Si tu décide d'être le chasseur tu dois aiguisée tes instincts.

Je tourne légèrement la tête pour mordre sa paume dans l'espoir qu'il arrête son manège avec mes cheveux.
Mon acte impulsif prouve juste à quel point mon instinct de survie est égal à zéro. Je ne devrais pas provoquer un type qui n'a pas hésité à lancer un couteau sur son frère.

- Ne me touche pas. Il ébauche un sourire en regardant sa paume c'est comme s'il avait désormais une certaine fascination pour elle. Riccardo a un soupir théâtrale avant de dire.

- Médusa sera très en colère si je rentre à la maison avec la morsure d'une autre femelle.

- Oh parce que Médusa est la seule femelle qui te supporte. Comme c'est triste !

- Non, c'est la seule femelle que je supporte.

Ça me fait une belle jambe !

- Qu'est-ce que tu me veux ? Je doute que tu trouves ton frère dans ma chambre. Et d'ailleurs, retire tes chaussures de mon lit, c'est dégoûtant.

Je le pousse de mes pieds pour ôter ses bottes en cuir des draps. Riccardo en profite pour saisir mes jambes et les poser sur les siennes avec un sourire insolent, il remet ses immondes bottes sur mon lit.

Je parcours des yeux son étrange livre, ses tatouages et son arme.

- Qui es-tu au juste ? Il fait tourner son livre dans sa main, c'est étrange mais c'est comme si le revolver qui y est tatoué se met en action.

- La pieuvre de l'ombre.

- Mais encore ? Pour toute réponse j'ai un sourire énigmatique. Puis il déclare.

- Comment arrives-tu à pleurer avec une telle facilité, je trouve ça fascination. Je serre les dents, étirant mes jambes. Je lui donne un coup de pied au passage.

Nullement ébranlé, Riccardo se penche pour récupérer quelque chose sur le sol.

- Je t'ai apporté ça ! Il pose plusieurs sacs sur le lit. Surprise puis méfiante, je ne m'en approche pas.

- C'est quoi ?

- Des vêtements, des trucs de filles, j'en sais foutre rien. J'ai demandé à quelqu'un de t'en acheter.

- Je rêve ou tu fais acte de gentillesse ?

- On m'a toujours appris à faire la charité aux pauvres. Je lève les yeux au ciel, mais évidemment. Dans le premier paquet, il y avait du déodorant, du parfum, des serviettes hygiéniques et même des produits de soin pour la peau. Je saisis une bouteille de shampoing et l'ouvre, il est à la vanille. Dans un autre sac, il y a des vêtements basiques de tous les jours et des chaussures, et dans un autre de la lingerie. Je ne peux m'empêcher de rire en prenant un string dans mes mains.

- Sans aucun doute, c'est un homme qui a acheté ça ! Il pouffe en croisant ses jambes.

- Oui, Pedro.

- Vous êtes au courant que les filles ne peuvent pas porter ça tous les jours ?

- Parle pour toi, les filles que je fréquente ne portent rien d'autre. Je remets les achats dans le sac.

- Merci, mais je veux te rembourser. Il hausse un sourcil.

- Tu n'en as pas les moyens. Contentes-toi d'accepter les cadeaux sans faire de vagues.

Je me sens agacée par le ton qu'il emploie mais je décide pour une fois de ne pas m'emporter.

- Merci.

- Tu vois, ce n'est pas si difficile et tu aurais dû commencer par ça.

Putain, il m'énerve ! Je descends du lit avant d'enfiler mes chaussons, j'ai faim et je sens que si je reste longtemps avec lui, on va encore en venir aux mains. Riccardo aussi se redresse, il saisit sa veste et son livre pour me suivre à l'extérieur.

- J'ai pensé à un truc. Derrière moi, il pouffe.

-Je suis surpris de constater que tu as cette faculté.

Je ferme brièvement les yeux, j'inspire et j'expire avant de compter jusqu'à 10. Je ne vais pas m'énerver. Je descends les marches mais lui choisit la méthode rapide, il se laisse glisser sur la rampe d'escalier. Trouvant cela amusant, je décide de faire de même, malheureusement je n'ai pas son agilité et je manque de me casser la gueule, ce qui le fait marrer.

__ Doucement ! Il me retient avant que je ne me fracasse le visage sur le sol, mon souffle ralenti quand je sens ses grandes mains sur ma taille même à travers mon tee-shirt, je relève la tête pour me rendre compte qu'il m'observe avec attention.
J'ai soudain l'impression que le decore autour de nous vient de disparaître, qu'il n'y a plus que lui et moi. Je me sens mise à nu par son regard de lynx et contrairement à ce que j'ai toujours connu ce n'est pas desagreable.
Quelque chose se passe en moi, une chose de fort que je ne comprend pas, que je ne veux pas ressentir.
Le doigt de Riccardo remonte sur mon ventre en une caresse insistante et une flèche de desire me traverse.

- Tes yeux. Il déclare d'un ton grave, il deglutie et j'observe avec fascination le jeu de sa pomme d'Adam qui monte et qui descend.
Je meloigne de lui en me sentant trop bizarre. Surtout ridicule de le dévorer ainsi du regard dans de telles circonstances.

Arrivant en cuisine, j'allume le four pour réchauffer la pizza que Cass m'avait laissée.

- Quelle est ton idée ? Je prends du fromage dans le réfrigérateur et j'en ajoute une bonne poignée sur la pizza. Riccardo est adossé sur le plan de travail, son arme dépassant de sa ceinture. Je suis anxieux à chaque fois que je le vois, ça me rappelle que j'ai tiré sur le compagnon de Jawad par accident. La seule chose que je ne regrette pas, c'est d'avoir roué Claude de coups. Putain, c'était tellement satisfaisant de voir disparaître son air supérieur.

- Pourquoi tu souris ? Mon sourire s'agrandit.

- Oh, rien, je viens juste de me souvenir que j'ai roué la fille qui m'a coupé les cheveux de coups.

- Tu as aimé ?

- Étrangement oui, j'étais satisfaite.

- Finalement, tu n'es pas irrécupérable. J'arrête le four pour ensuite sortir la pizza que je pose sur un plat sur le plan de travail. Riccardo se précipite vers le placard pour sortir une bouteille en verre très élégante contenant de l'huile d'olive de Californie. Il en arrose une bonne quantité sur la pizza.

- Je peux savoir ce que tu fais ? C'est mon repas.

- Apporte des verres d'eau, je souffle.

- Ne me donne pas d'ordre,néanmoins, je saisis une carafe dans le réfrigérateur.

- Ne t'avise pas de m'asperger.

- Ne m'énerve pas dans ce cas. J'essaie de me hisser sur le plan de travail comme lui, mais j'ai beaucoup de mal. Il me regarde avec amusement avant de se décider à descendre.

- Ne me touche pas, je peux le faire.

- Mais oui, bien sûr, comme sur la rampe d'escalier. Il me saisit par la taille et me hisse sans efforts, wow, il est vraiment musclé ce démon.

Je m'installe en tailleur en face de la pizza et j'en prends une grande part, le fromage dégouline de partout, j'adore ça !

- C'était quoi ta grande idée ? Riccardo a déjà fini une part et en prend une autre. C'est quoi cette machine ?

- Ma mère vient de l'île de Saint-Barthélémy, je me suis dit que je pourrais y aller, le temps que ça se calme.

On continue de manger en silence, je n'ai pas arrêté d'y penser. Je trouverai bien un moyen de prévenir mon père une fois là-bas, soit en lui envoyant une lettre ou simplement l'un de mes cousins pourrait aller le voir, mais j'ai peur de mettre ma famille en danger. Quand je pense à Rex et à son fiancé qui sont morts injustement juste parce qu'ils avaient accepté de faire un bout de chemin avec moi, je ne suis plus tout à fait sûr. Mais aussi puissant que soit Adrian Leblanc, il ne peut pas m'atteindre à Saint-Barthélémy. Si ?

- Dis quelque chose ! Il arque un sourcil.

- C'est une idée de merde.

- Tu en as une meilleure peut-être ? Je prends une autre part, alors que je suis en train de me servir à boire, Riccardo claque des doigts en faisant signe en direction de son propre verre.

- Je ne suis pas ton chien. Fais-le toi-même. Avec son éternel sourire narquois, il récupère le verre que j'ai rempli avant que j'aie eu le temps d'en boire. Merde, il m'agace !

- La meilleure solution est de rester ici et d'attendre.

- Attendre jusqu'à quand ? Je dois voir mon père !

- Fais moi confiance, tout va s'arranger ?

- Te faire confiance ? Ne le prend pas personnelement mais apres ce que j'ai vecu le peu de naiveté qui me restait s'est envolé.

Je reponse à Adrian Leblanc à tout ce qu'il m'a fait cette nuit là c'est suffisant pour que me sente salle, j'ai la sensation que même je prend un bain d'acide rien ne pourra retirer l'empreinte de son corps sur le miens, je suis marqué à avis.
Je sens quelque chose sur mon visage, j'ai un léger mouvement de recul quand Riccardo replie son doigt sur le coin de mon œil pour recueillir une larme.
Je m'écarte honteusement en m'attendant à un commentaire mordant de sa part. Mais il ne dit rien et en un sens c'est pire.

- Oh mon dieu, qu'est-ce qu'il fait ici ! Cass pénètre dans la cuisine main dans la main avec Giacomo. Elle porte une robe sombre courte et un long manteau, le tout agrémenté de bottes en cuir. Ses cheveux bleus retenus en chignon et son maquillage sombre la font ressembler à une vampire dans les séries. Giacomo, fidèle à lui-même en costume trois pièces, lance à son frère un regard amusé alors que Cass le fusille du regard.

- Gayle, je commence à t'apprécier, mais si ta présence signifie que je vais devoir me coltiner ce type chez moi, ça va pas le faire.

- Tu veux dire chez mon frère ? Tu parles comme si vous étiez mariés.

- Va te faire voir. Puis, devenant sérieuse, elle me sourit avant de me prendre dans ses bras. Je suis légèrement déstabilisé.

- Chérie, nous avons une nouvelle pour toi, mais je ne sais pas par où commencer.

- Par le commencer peut-être ? réplique Riccardo.

- Va te faire voir Ric ! crache Cass. Entre eux, c'est l'amour fou, mais je ne m'y intéresse pas. Quelque chose dans le ton de Cass m'a alerté.

Qu'est-ce qui se passe ?

- C'est ton père, il a fait un malaise, il est à l'hôpital. Son état est stable à présent, rassure-toi.

Je hoche machinalement la tête. Je savais que ça finirait par arriver.

- Je vous remercie de m'avoir prévenu. Je peux appeler l'hôpital pour lui parler ? Giacomo soupire en secouant la tête de manière accablée.

- Gayle, je ne pense pas que ce soit une bonne idée. Je suis persuadé que sa chambre est sur écoute, mais si ça peut te rassurer, ta sœur est avec lui.

C'est au moins ça, je suis persuadé que Emma prendra soin de lui. Mais... je ferme les yeux, je ne vais pas y penser, il ne faut pas que je me mette à pleurer devant eux. Mon appétit envolé, je descends du plan de travail, je croise le regard de Riccardo. Il a l'air pensif, je me demande même s'il me voit tellement il semble absorbé, puis il cligne des paupières et se met à sourire. Non mais, il est sérieux ? Mon père est entre la vie et la mort et ça lui fait rire.

- Tu es vraiment un monstre.

- Non, écoute , laisse moi t'expliquer... Je ne le laisse pas finir.

Je lui verse le verre d'eau au visage avant de me diriger vers la sortie.

-Putain ! Il éructe derrière moi.

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