Chapitre 4

Mon regard se portait sur le plafond. La lune éclairant faiblement la chambre, j'essayais de trouver le sommeil. Ou plutôt, je fuyais le sommeil. Je ne voulais pas dormir. Je ne voulais plus revoir ce cauchemar. Même avec Cameron dans le même lit que moi, j'avais continué à faire le même cauchemar récurrent. La gueule de la bête ouverte, m'invitant à y entrer. Mon bébé qui s'agrippait à moi, cherchant à m'y attirer. Je finissais par me réveiller au moment où il m'appelait "maman". Un soupir s'échappa de mes lèvres, alors que je me retirais des couvertures. Cela ne servait à rien de rester là à repenser à tout ça. Ça ne m'aidait pas, de plus, je ne voulais pas déranger Cameron avec ça. Il dormait paisiblement, et son repos était bien mérité. J'espérais qu'il faisait de beaux rêves.

Je descendis dans le jardin. L'air était glacial, et la neige gelait mes pieds. J'aurais sûrement dû prendre des chaussures, mais je n'en avais pas spécialement envie. Je m'assis à même le sol, levant ma tête vers le croissant de lune. Cette dernière avait beaucoup de mal à briller en ce temps hivernal. Je remontais les genoux vers ma poitrine, en observant l'astre lunaire.


« Tu devrais rentrer avant d'attraper froid. Me fit remarquer Gabriel, en se posant à côté de moi.

- Je ne suis même pas sûre, si je suis capable de tomber malade d'un coup de froid. Rétorquai-je, en posant mon regard sur mes doigts frigorifiés.

- Haylie, tu es..

- Si tu me dis que je suis humaine, je te jure que je te botterai le cul. Le coupai-je, en lui lançant un regard noir.

- Non, j'allais dire que tu es mortelle, et que ton corps n'est pas à l'abri d'une vilaine grippe. Avoue-t-il, en posant un manteau sur mes épaules. »


Je lâchai un soupir, avant de passer mes bras dans les manches du manteau. C'était un manteau de Cameron. Je me demandais bien où Gabriel avait pu trouver son manteau. À moins qu'il n'ait eu le culot d'entrer dans notre chambre pour le prendre, je ne voyais pas comment. Cameron n'était pas du genre à laisser traîner ses affaires n'importe où, sauf peut-être dans son bureau et dans la chambre. Peut-être qu'il l'avait laissé traîner dans son bureau et que Gabriel l'avait récupéré pour me couvrir avec. C'était plus plausible comme ça.


« Tu comptes fuir encore ? S'enquit l'ange à mes côtés, provoquant un petit rire amer de ma part.

- Non, je ne peux pas.. plus faire ça à Cameron. Et je suis prête à mettre ma main à couper, que même si on trouvait un château dans les nuages pour fuir, il arriverait à nous y rejoindre et à me faire revenir ici. Soupirai-je, en levant la tête vers la lune.

- Comment prévois-tu la suite alors ? Questionna-t-il, en m'enveloppant dans l'une de ses ailes. »


Un autre soupir franchit mes lèvres, alors que mes yeux retombaient sur la neige. Il en avait de ces questions, lui. J'ignorais quoi faire, c'était tout simplement trop confus. Je savais que je devais parler un premier temps avec Cameron. Mettre mon cœur à découvert. Après, j'aviserais. C'était tout ce que je pouvais faire pour l'instant. Je lançais un regard vers Gabriel, qui m'observait calmement. Je me demandais toujours comment ce type faisait pour rester aussi calme et aussi maître de lui constamment. Enfin presque, constamment, il avait mal réagi avec Ronan après tout.


« Tu vas rester ? Demandai-je, changeant de sujet par la même occasion.

- Tu veux que je m'en aille ? Répondit-il, en haussant un sourcil.

- Non. Tu es sûrement le seul qui comprend ce que je suis entrain de vivre en ce moment. Soufflai-je, en posant ma tête contre son épaule. »


Le silence s'installa entre nous, laissant seulement le bruit du vent jouer avec les branches nues des arbres. C'était un silence très confortable, et je serais sûrement tombée dans les bras de Morphée, si je n'avais pas senti la présence de Cameron derrière nous. Je lâchai un soupir de résignation, avant de me décoller de Gabriel, et de me lever. Il fallait vraiment que je mette les points sur les i avec Cameron en ce qui concernait mon ami ailé. Je ne voulais pas que ce dernier finisse par lui sauter dessus avec l'intention de le tuer. J'offris un sourire à Gabriel, qui hocha simplement la tête. Il se leva et ouvrit ses ailes pour s'envoler dans la nuit. Je me tournais ensuite vers mon Alpha, qui semblait renfrogné.


« Tu n'as pas à être à ce point jaloux. Dis-je, en m'approchant de lui.

- Je ne suis pas jaloux. Je suis contrarié que tu sois si proche de lui, et très possessif. Ce n'est pas la même chose. Me corrigea-t-il, en me prenant dans ses bras. »


Il m'embrassa tendrement le front, tandis que je levais les yeux vers le ciel. Même si il jouait sur les mots, je pouvais comprendre son point de vue. Moi aussi, ça ne me plairait pas qu'il soit si proche d'une autre fille.. d'ailleurs, s'était-il rapproché d'une fille en mon absence ? Il en avait le droit après tout, c'était moi qui avais fui loin de lui. J'aurais pu supposer que ce soit Fr an, après tout elle était adorable et honnête. Tellement honnête que je ne pouvais pas douter d'elle. Heureusement qu'elle était liée à un autre.


« À quoi penses-tu ? Me murmura-t-il, à l'oreille.

- Qu'on devrait s'asseoir pour se geler les fesses, et parler. Répondis-je, en m'écartant de ses bras pour retourner à ma place initiale. »


Contrairement à Gabriel qui s'était assis à côté de moi, Cameron s'assit derrière moi. J'étais assis entre ses jambes, ses bras m'entourant et son torse contre mon dos. Je me mis dans une position un peu plus confortable contre lui, mes yeux fixant la neige blanche. Il était temps d'ouvrir les portes aux confidences, à dévoiler les secrets. Je lui avais promis de tout lui dire, et c'était une promesse à tenir. Cependant j'ignorais par où commencer. Je devais y réfléchir afin de ne pas me perdre dans ce que j'allais lui révéler.


« Tu m'as terriblement manqué. Chuchota-t-il, en enfouissant son nez dans mon cou.

- Je suis désolée. »


Il déposa quelques baisers au creux de mon épaule, allant même jusqu'à lécher la marque qu'il m'avait faite. Je fermais les yeux, profitant de cet instant. Cette distraction arrivait plutôt à point nommé. J'avais bien du mal à faire le vide pour pouvoir penser correctement. Ses lèvres remontèrent et se déplacèrent sur ma nuque, alors que de ses doigts, il dégagea mes boucles afin de la rendre accessible.


« Cameron...

- Hm ? Répondit-il, en continuant d'embrasser ma peau.

- J'ai peur. Je suis effrayée par ce que je peux être au fond. Soufflai-je, en ouvrant à demi mes paupières. »


Il s'arrêta, et ses bras se resserrèrent autour de moi. Ses lèvres revinrent au creux de mon épaule, et je sentis la caresse de sa bouche. Un frôlement comme pour me consoler, et me dire qu'il serait toujours là pour moi. Un soupir tremblant s'échappa de mes lèvres, alors que j'essayais de mettre des mots sur ce que je désirais lui dévoiler.


« Tu te souviens quand je suis partie voir mon père en prison pour qu'il réponde à mes questions ? Finis-je par me décider à raconter.

- Oui. Répondit-il, en continuant à m'offrir de tendres caresses dans ce froid.

- Il m'a dit que contrairement à Peter, je ne pourrais pas réveiller le gène du Loup en moi. Parce que je ne suis pas comme lui. Je.. j'aurais dû leur appartenir dès le départ. Ma mère m'a mise au monde dans l'un de leurs laboratoires. Avouai-je, en fermant les yeux.

- Tu n'étais pas destinée à leur appartenir. Tu es mienne. Gronda-t-il tout bas, en s'arrêtant de mordiller mon cou. »


Je frissonnais dans ses bras. Son grondement de possessivité me faisait frémir de plaisir. Il déposa un baiser sur mes cheveux, un soupir s'échappant de ses lèvres. Il voulait certainement en savoir plus, et me poser plein de questions, mais il se retenait. Il ne désirait pas me forcer à tout lui avouer. Il cherchait à faire en sorte que je vienne vers lui. J'appréciais vraiment cette qualité chez lui. Il avait la patience. Une patience que je n'aurais pas si j'étais à sa place d'ailleurs.


« Tu sais avant l'incident.. je.. je faisais des rêves, Cameron. Ce n'était pas de simples rêves étranges.. ils me mettaient en garde contre les choses qui allaient se passer. Racontai-je, en regardant mes pieds.

- Des rêves prémonitoires ? S'enquit-il, se mettant à me caresser doucement.

- Je ne dirais pas qu'ils sont prémonitoires.. c'est plus complexe que ça. C'était comme si mon esprit était dans un autre espace-temps. Et.. et je voyais Junior là-bas. Avoua-je, en espérant qu'il ne le prenne pas mal.

- Je vais voir si il n'existe pas un moyen pour que j'entre dans tes rêves pour te débarrasser de lui. Dit-il, après un petit silence. »


Un petit rire s'échappa de mes lèvres, en entendant sa réponse. Le pire, c'était que je savais qu'il était très sérieux sur ce sujet, et qu'il était bien capable de trouver un moyen de le faire, même si ce dernier pouvait paraître ridicule. Un sourire fleurit sur mes lèvres, tandis que je me collais davantage à lui. Être dans ses bras, était sûrement l'endroit où je me sentais le plus en sécurité. Dire que je m'étais éloignée de ça.


« Je ne dis pas que sa compagnie m'enchante, mais il m'a beaucoup aidé, tu sais. C'est lui qui m'a conseillé ce que je devais demander à mon père.. d'ailleurs, qu'est-ce que vous avez fait des corps ? Manifestai-je, en me tordant le cou pour voir le visage de mon compagnon.

- Brûlés, les cendres nourrissent la forêt. Me répondit-il, sans faire de commentaires sur ce que j'avais dit sur Junior.

- Bien. D'ailleurs, dans ces rêves.. tu y apparais aussi.. mais sous ta forme de loup. Je ne sais pas trop ce que ça veut dire.. mais tu n'étais pas de mon côté. Soufflai-je, en retournant à la contemplation de mes pieds.

- Je n'étais pas de ton côté ? Répéta-t-il, en espérant que je développe.

- Oui.. tu préférais être du côté du serpent. J'avais beau t'appeler, tu ne voulais rien entendre. Ajoutai-je, en me mordant la lèvre inférieure. »


Un autre silence se fit, mais celui-ci était bien plus désagréable que les autres. La tension avait augmenté, crispant mes muscles. Je voulais savoir ce qu'il en pensait, mais j'ignorais ce que j'espérais vouloir entendre.


« Leannan, je pense que cela veut dire que tu ne devrais pas avoir peur de ce serpent, et d'essayer de comprendre ce qu'il te veut. Il n'est pas là par hasard, et si tu t'ouvres à lui, peut-être s'ouvrera-t-il à toi en retour. N'essaie pas de le voir comme ton ennemi. Il est sûrement comme un enfant, seul, désorienté et effrayé. Il te semble menaçant parce qu'il n'a que ça pour se protéger. Supposa-t-il, en me câlinant.

- Mais..

- C'était comme moi avec ma part de loup. Même si la situation est différente, c'est sensiblement la même chose. Il faut que tu l'acceptes, que tu parviennes à te connecter à lui et à lui parler.

- Et si jamais, il veut me dévorer ? Prendre ma place, et je ne sais pas moi.. vous faire du mal ?! Objectai-je, en frissonnant de peur.

- J'irai te repêcher dans son estomac. Il ne pourra pas me tromper. Me chuchota-t-il, en me serrant plus fortement contre lui. »


Les larmes menaçaient de couler. Comment pouvait-il savoir les mots que je désirais le plus entendre ? Je n'avais jamais vraiment suivi les conseils de Cameron, peut-être parce que j'avais peur de voir qu'il avait raison.. je n'en savais trop rien. J'avais peut-être peur de voir ça, d'un angle différent, de ce qui pouvait m'y attendre.. mais en cet instant, j'avais décidé de les suivre. Parce qu'il avait réussi à me rassurer. Cette phrase sonnait comme une promesse éternelle, qu'il m'avait maintes et maintes fois faite, mais que je n'avais jamais voulu voir. Il était peut-être temps que j'ouvre les yeux, que j'accepte le changement. J'avais quelqu'un à mes côtés, et qui était descendu en enfer, et qui était prêt à le refaire pour moi.


« Cameron...

- Oui ? Me répondit-il.

- L'Ouroboros cherche à me récupérer, parce qu'ils m'ont fait des choses quand je n'étais encore qu'un embryon dans le ventre de ma mère. Dévoilai-je, sans même faire dans la subtilité.

- Et ? Si ils veulent mourir plus jeunes ça les regarde, non ? Répliqua-t-il, en m'embrassant le cou, alors que je sentais un sourire se dessiner sur ses lèvres.

- J'ai beaucoup de sang sur les mains, tout le long de mon... enfin de ma fuite avec Gabriel, j'ai tué sans aucun remord. Je suis peut-être déjà un monstre assoiffé de sang. Lui révélai-je, en repensant à tout ce qui s'était passé les derniers mois.

- Tu veux boire du mien peut-être ? Se moqua-t-il.

- Je ne rigole pas Cameron, je ne suis déjà peut-être plus celle que tu as connu, voir aimer. Rétorquai-je, en sentant une larme rouler. »


Il recueillit la larme. Ses doigts sur ma joue gelée, me réchauffaient. Je pouvais sentir sa tendresse, et quand il plongea ses yeux dans les miens, d'autres larmes tombèrent. Il me regardait avec tellement d'affection et d'amour que c'était bouleversant. Jamais personne ne m'avait regardé comme ça, sauf lui. Comment pouvait-il me faire sentir comme le centre de son monde, avec un simple regard... c'était un mystère.


« J'ai traversé l'enfer, et je ne peux pas vivre tout simplement sans toi. Murmura-t-il, tendrement.

- Je t'ai caché que j'attendais ton enfant, et en plus, je l'ai perdu.. non, je l'ai tué parce que j'ai été stupide. Parce que je suis une incompétente et imbécile de première. Reniflai-je, en essayant de ne pas éclater en sanglots. »


Il soupira, et je savais qu'il voulait me dire que cette conversation avait déjà eu lieu et qu'il n'y avait plus rien à dire sur le sujet, mais c'était un poids que je portais. Je ne pouvais pas me pardonner ça, et il le comprenait sûrement.


« Tu ne l'as pas tué, tu as fait une fausse couche. Ce n'était pas de ta faute, mais je ne vais te contredire sur le fait que tu es stupide et une imbécile de première. Tu aurais dû m'en parler, et je pense que je te l'ai souvent dit. Dit-il, sur un ton mi-plaisantin, mi-sérieux.

- Je suis désolée. Hoquetai-je, en le laissant essuyer mes larmes.

- Je t'ai déjà dit que je te pardonne, et je suis sûr que lui aussi. Ne te blâme pas pour des choses comme ça. C'est notre enfant, et même si il n'a pas vu le jour, nous le chérissons. C'est le plus important. Me réconforta-t-il.

- Je fais des cauchemars de ce jour, Cameron.

- C'est parce que tu ne t'es pas encore pardonnée, que tu n'acceptes pas sa mort prématurée comme étant ce qu'elle est. Tu t'accables et tu te désignes comme coupable. Me dit-il, en me berçant. »


Je me laissais aller dans ses bras. Les larmes sortaient toutes seules, et je ne tentais pas de les arrêter. C'était comme une purge. Elles lavaient toute cette crasse qui m'empêchait de voir ce que j'avais sous les yeux depuis le début. Un homme, un soutien, quelqu'un qui serait là quoi qu'il arrive pour moi. Qui me rattraperait si jamais je venais à sauter dans le vide.


« Tu es perdue et apeurée. Tout comme je l'ai été. Tu as été ma force à ce moment-là... maintenant, laisse-moi devenir la tienne. Me souffla-t-il, avant de me couvrir de baisers brûlants et tendres. »

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