Chapitre 24

Ils me regardèrent tous étrangement. Ce n'était pas comme si j'avais dit quelque chose de bizarre. La dernière localisation du Sidh se trouvait bien en Irlande tout de même ? À moins que je ne me sois trompée. Pourtant j'étais persuadée que c'était là-bas. Clervie était d'origine irlandaise et elle avait le génome du Gardien. Bon mon père était d'Écosse mais c'était des voisins non ? Et j'étais prête à parier qu'il avait des origines irlandaises.


« Qu'est-ce que vous avez à me regarder comme ça ? Questionnai-je, perplexe.

- Comment en es-tu arrivée à cette conclusion ? Répliqua Cailean, intrigué.

- Gabriel me l'a dit lui-même. Et son but c'est d'ouvrir le Sidh. Donc un plus un égal deux. Répondis-je en haussant les épaules. ».


Keïr se frotta les yeux avec ses paumes, tout en jurant à voix basse. Je savais bien qu'il pensait que cette info aurait pu leur servir depuis des heures, mais il fallait bien laisser le temps à ma mémoire de revenir. Surtout que je n'y pensais presque plus, j'avais été un peu occupée par autre chose. Je sentis la frustration revenir au galop alors qu'ils commençaient enfin à dévier leurs pensées de l'impuissance qui nous étreignait tous.


« Je vais aller réserver les billets d'avion et faire le nécessaire pour qu'on puisse mettre un pied en Irlande. Grommela Keïr, en rentrant dans la maison.

- Je vais l'aider et m'occuper de prévenir tout le monde. Ajouta Cailean en le suivant. »


Je les regardais partir, un peu triste. Mon cœur se serra en pensant à la vitalité de cette information. J'aurais dû m'en souvenir avant. Les lèvres pincées, je continuais de fixer la maison comme si elle pouvait me faire remonter dans le temps pour que je puisse donner cette information plus tôt, ou encore empêcher que l'enlèvement n'ait lieu.

Je sentis deux bras m'entourer, et je savais que c'était Cameron. Je posais ma tête contre son épaule, en regardant dans le vague. Il me caressa doucement le dos, et déposa de petits baisers sur mes cheveux. Il n'y avait plus vraiment besoin de mots entre nous. Il ressentait mes émotions et moi, les siennes. Il était rempli d'inquiétude. Je le serrai contre moi, essayant de lui faire passer des sentiments positifs.


« Tout va bien se passer. Rien ne nous arrivera. On les sauvera et on le mettra hors d'état de nuire. Verbalisai-je, en essayant de me convaincre par la même occasion. »


Il hocha la tête et m'embrassa. Après deux ou trois baisers, je finis par m'éloigner un peu. Je lui offris un petit sourire, car je savais bien qu'il était frustré par cet éloignement. Seulement, nous avions beaucoup à faire et ce n'était pas en nous éparpillant que nous réussirons à sauver Peter, Luke et Ben. Il lâcha un soupir, et m'offrit un baiser aérien avant de rejoindre Cailean et Keïr.


« Je n'aurais jamais cru devoir tenir la chandelle un de ces jours. Plaisanta Vlad, pour me rappeler sa présence. »


Je me tournais vers lui, un sourire amusé sur les lèvres. Il s'étira avant de venir me rejoindre. Vlad posa une main sur mon épaule, avec un sourire tranquille.


« Alors que comptes-tu faire ? Questionna-t-il, calmement.

- Me préparer pour aller en Irlande. Ensuite improviser pour le sauvetage. Y aller avec un plan ne servira à rien. Gabriel est capable de prédire nos mouvements.. Et il y a des chances qui nous surveillent même en cet instant. Déclarai-je, en réfléchissant longuement à tout ça.

- Dire que je croyais qu'il ne pouvait pas y avoir pire que ton loup. Soupira-t-il, en imitant un frisson. »


Je haussai un sourcil, avant de me rappeler que Cameron lui en avait fait voir de toutes les couleurs. Par ma faute, enfin en même temps, il n'avait pas à me mordre comme ça pour me traîner jusqu'à une grotte. Je tirai une moue légèrement boudeuse.


« Tu m'as mordue. Lui rappelai-je, en croisant les bras sur ma poitrine.

- Je sais. C'était un peu extrême mais tu ne m'aurais jamais écouté sinon. Se justifia-t-il, en prenant la même position que moi.

- Bon très bien je te concède ça. Conciliai-je, en levant les yeux au ciel. »


Il me sourit, avant de décroiser les bras et de m'inviter à rentrer à la maison. Je finis par lancer le sujet de la Russie, et il se fit un plaisir de me raconter un peu ce qu'il s'était passé à leur retour dans le pays. Il y avait de quoi m'occuper tout un après-midi, et c'était sûrement le but recherché par ce dernier.


***


Je les entendais. Les pleurs et les cris. Je les ressentais. La douleur et la peur. Ils étaient terrifiés tous autant qu'ils étaient. Certains avaient beau être courageux, ils étaient terrifiés par leur bourreau. L'endroit était sombre et humide, comme dans une cave obscure. Seule la flamme d'une bougie éclairait un minuscule coin de pièce. La chaleur de cette seule et unique source de lumière était loin d'être suffisante pour réchauffer les corps gelés et meurtris.

Je partageais avec eux cette souffrance. Mon corps était tout aussi glacé que le leurs. Le froid pénétrait jusque dans les os, les rendant dans un état comateux. Ils s'agglutinaient les uns contre les autres, se partageant leur peu de chaleur qu'ils pouvaient avoir. Quelques uns étaient déjà sûrement morts, mais leur cadavre restait croupir dans ce lieu sordide.

Aucun ne s'approchait de la flamme dansante, l'observant faire des mouvements sensuels comme une danseuse exotique. C'était comme si elle cherchait à les attirer, à les envoûter pour qu'ils se rassemblent autour d'elle. Seulement tous avaient bien trop peur de ce qui pourrait arriver si ils s'approchaient. Tout comme Icare, ils pouvaient se brûler les ailes.

Un bruit métallique retentit dans la cave. C'était un son de raclement, on traînait quelque chose de lourd sur le sol en pierre. Quelque chose comme de l'acier. Des tintements de chaînes suivirent le raclement. Je sentis mon cœur se serrer à l'idée de savoir ce qui se passait. J'aurais voulu fermer les yeux, mais cela m'était impossible.

Des pas résonnèrent un peu plus loin. Une trappe s'ouvrit, laissant passer un rayon de lumière éblouissant. Tous avait fermé les yeux, criant face à autant de lumière. C'était comme si ils ne supportaient plus ça. Ça leur faisait trop mal, parce qu'ils étaient devenus des créatures nocturnes, à force d'être enfermé dans ces ténèbres.

Quelqu'un descendit les marches, faisant grincer l'escalier. Un bruit sourd et mât, et un corps avait été jeté comme un sac poubelle tout près de la bougie. Le grincement des marches, la trappe se referma et les pas s'éloignèrent lourdement. Le nouveau venu ne bougeait pas.

C'était à peine si on entendait sa respiration. À la flamme de la bougie, on pouvait discerner son dos. Dos qui était couvert de cicatrices, de bleus et de sang séché. On l'avait torturé, le mettant aux portes de la mort. Il serait incapable de tenir la nuit.

Pourtant le corps remua. Il se tourna sur le dos, respirant un peu plus fort. Comme si il avait juste eu besoin de quelques minutes pour récupérer de ces blessures. Son visage se tourna vers eux, les yeux toujours fermés. Il ouvrit la bouche et tous étaient suspendus à ses lèvres. Je n'arrivais pas à distinguer son visage, mais une angoisse me prenait au plus profond de mes entrailles.


« Approchez les petits. Chuchota-t-il, d'une voix presque inaudible mais ils l'avaient entendue. »


Personne n'osait s'approcher malgré l'ordre doux qu'il avait donné. Il se tourna sur le côté, essayant de se redresser. Cependant il n'était pas encore en état de le faire. Il était encore trop faible, mais retenta de se redresser et au bout d'un énième essai, il réussit. Il leur fit signe d'approcher, mais aucun ne bougea.

Il expira lourdement, et tenta de prendre une posture plus assurée, en pensant que c'était la raison pour laquelle personne ne venait vers lui. Il esquissa un semblant de sourire, avant de tendre une main vers eux. Encore une fois, personne ne répondit à son appel. Il garda sa main, persistant à attendre dans cette position qui devait lui demander beaucoup d'efforts.

L'un d'eux finit par se mouvoir. Se rapprochant avec lenteur et hésitation vers lui, c'était une petite fille. Une petite fille qui ne devait pas être plus âgée de 7 ou 8 ans. Elle avait la peau sur les os, et son corps entier était transi de froid. Elle posa sa main squelettique dans celle bien plus grande de l'homme. Il referma doucement sa main sur la sienne, la caressant de son pouce. Il étendit ses jambes devant lui, ne portant rien d'autre qu'un caleçon. Il invita la petite à s'asseoir sur ses cuisses.

La petite le regardait de ses yeux vides et sans vie. Elle avait été trop malmener, torturer. Elle avait bien trop froid pour refuser un peu de chaleur. Elle s'assit donc sur ses genoux, et il referma ses bras sur elle, partageant sa chaleur avec elle. La petite tremblait dans ses bras, mais rapidement elle se détendit et se colla contre lui.

Les autres enfants firent bientôt comme la petite fille. Ils rejoignirent le jeune homme, se collant comme ils pouvaient les uns contre les autres. Ils cherchaient tous de la chaleur, et il était le seul à pouvoir leur en donner.

Des larmes coulaient de mes yeux face à ce spectacle. C'était tellement triste, horrible et ça me prenait en plein cœur. Il n'y avait qu'un monstre pour séquestrer des enfants et leur faire subir de tels ignominies. J'avais envie de les prendre dans mes bras, de leur partager chaleur et amour moi aussi, comme lui, il le faisait.

Mes yeux se posèrent sur son visage dans l'ombre. Je peinais à discerner ses traits mais il me disait quelque chose. Quelque chose de familier. Ses yeux s'entrouvrirent légèrement, et je sentis mes larmes débordés de plus belle, mon cœur ratant un battement.

Peter.


Je me redressais d'un coup sur mon siège, en gémissant le prénom de mon frère. Mon corps était entièrement gelé, comme si mon rêve avait eu un impact sur la réalité. Ou plutôt, c'était comme ça que j'essayais de me convaincre. Je savais que cela s'était déjà passé. Chaque partie de mon rêve me revenait avec plus de netteté à chaque fois que j'y repensais.

Des bras chauds m'entourèrent et un puissant sentiment de chaleur m'enveloppa. Je me blottis contre le corps chaud de Cameron, et je repensais à ces enfants complètement morts de froid. Ils avaient tellement besoin d'aide, et ça me tuait de savoir que je ne pouvais rien faire pour eux, en cet instant. Combien seront capable de tenir le temps qu'on vienne à leur secours ? Je serais incapable de le dire. Peter partageait sa chaleur avec eux, mais si lui aussi succombait au froid ? Il avait beau être un loup-garou, il n'en restait pas moins qu'il pouvait mourir.


« Leannan. Me chuchota Cameron pour me faire revenir vers lui.

- C'est monstrueux. Dis-je d'une voix brisée.

- Je sais. Me souffla-t-il, en essuyant mes larmes tendrement.

- Il faut tous les sauver, Cameron. Ils ne méritent pas un tel sort. Reniflai-je, en me collant davantage à lui. »


Cameron me tenait fermement contre lui. Je laissais ma tête se reposer contre son épaule. La tête de Cameron était posée sur la mienne. Je fermais les yeux, et les images de mon rêve me revenaient. Chaque partie de mon être tremblait d'horreur. Je craignais le pire pour eux. Comment pouvait-on faire une chose pareille ? Cela me donnait envie de vomir. Il fallait que cet avion aille plus vite. Beaucoup plus vite que ça.

Gabriel n'allait pas s'en sortir, si il faille que j'aille le traquer jusqu'en enfer pour lui faire payer ses crimes, j'y plongerais la tête la première. Il n'y avait pas de mots assez forts pour décrire ce qu'il faisait. Il était bien pire qu'un monstre. C'était un démon voué au plus grand Mal et il fallait s'en débarrasser au plus vite.

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