Chapitre 14
« Cela ne vous a pas suffit de vous servir de lui vivant, il faut que même une fois mort, vous le condamniez au néant ? Grognai-je, en reniflant un peu.
- Je pensais t'avoir offert ta revanche sur un plateau d'argent. Après tout ce qu'il a fait à ton frère et à toi... tu le défends ?
- Il était vrai qu'il n'était pas un saint, mais il aurait pu changé. Être quelqu'un de bien, dans d'autres circonstances. Il avait juste besoin d'un peu d'aide. Déclarai-je, en lui lançant un regard noir.
- Es-tu entrain de me blâmer, ma jolie ? Interrogea-t-il, son regard s'assombrissant dangereusement.
- En partie seulement. Soufflai-je, en ne me défilant pas.
- Et bien tu as raison ! S'exclama-t-il, soudainement, un rictus satisfaisant sur les lèvres. »
J'avais beaucoup de mal à suivre les humeurs de ce spectre, et à le déchiffrer. J'étais dans tout les cas, bien trop choquée pour essayer de suivre quelque chose. Je fermais les yeux un instant, en repensant à ces derniers instants où je *l'*avais vu pour la dernière fois. Je comprenais mieux pourquoi on ne retrouvait pas son corps. Il l'utilisait comme bon lui semble.
« J'ai dû mener quelques autres expériences mineures, en dehors de toi. Après tout je devais trouver un moyen de rester dans un corps sans à avoir à le changer toutes les deux semaines. Donc j'ai fait quelques expériences avec lui. Et je dois dire que ça marche bien plus que je ne l'aurais pensé. Le corps ne me rejette pas et j'ai une plus grande possibilité de manœuvres. Me relata-t-il, tout excité de partager ça.
- Comme me capturer de tes propres mains ?
- Entre autre. Au début, j'avais un peu peur que ça ne marche pas. Parce que tu as bien vu son instabilité mentale. La haine qu'il te vouait au début, était parce qu'il savait qu'il subissait tout ça, parce que je voulais être prêt de toi, et qu'il n'avait pas le choix. Raconta-t-il, comme si c'était nos vieux souvenirs en commun. »
Je grimaçais en repensant à tout ça. Il avait toujours cherché un moyen de me blesser et de façon indélébile. J'ignorais que c'était à cause de ça. Je croyais seulement qu'il n'appréciait pas le fait que son père avait de l'intérêt pour moi. Maintenant je comprenais pourquoi c'était presque une maladie chez lui. Ces expériences lui avaient retourné le cerveau.
« Je n'ai pas apprécié qu'il s'en prenne à toi ainsi. Parce qu'à cause de ça, tu t'es tournée vers ce clebs immonde. Cracha-t-il, irrité. »
Je ne dis rien, mais mon regard parlait pour moi. Un regard rempli d'une colère froide qui gèlerait le plus ardent des enfers. Il me fit un sourire ironique, ignorant mon regard.
« J'ai dû augmenter certaines doses pour pouvoir prendre le contrôle de son corps. Même si c'était trop tard pour t'arracher des mains de ce chien dégoûtant. Comme tu ne semblais pas venir de mon côté, j'ai usé d'un moyen très pratique pour calmer la frustration et ma colère. Ton père sait vraiment faire les enfants. Ton demi-frère a été un exutoire incroyable. Soupira-t-il, en se souvenant comme si ça avait été un merveilleux moment. »
J'avais envie de vomir. Ce type était un psychopathe hystérique. Il était bien plus dangereux que les autres singes. Je fermais les yeux, pour m'exhorter au calme et de ne pas laisser libre court à ma colère. Ça ne servirait à rien, mis à part le faire jubiler de joie. Je devais rester calme face à ce monstre. Surtout je devais changer de sujet.
« Ma mère... Tu as parlé de ma mère.. pourquoi a-t-elle voulu te suivre ? T'aider à faire ça. Soufflai-je, en grinçant un peu des dents.
- Ta mère était une âme pure et innocente. Clervie avait proposé son aide pour m'aider à retourner chez moi. Elle a vu qui j'étais au-delà de cette monstruosité. Je lui avais dit tout les dangers qu'il y avait mais elle a insisté. Je suis profondément tombée amoureux d'elle. J'allais lui dire que j'étais incapable de lui faire passer ces dangereuses expériences, seulement j'ai appris qu'elle était enceinte. Enceinte de toi. Je manquais de temps, mais je me refusais de faire du mal à ta mère... donc à la place, c'est à toi que j'ai fait subir les expériences, en faisant croire que c'était à elle que je les prodiguais. Un petit embryon que personne ne voyait pour l'instant. Répondit-il, en narrant ses souvenirs. »
Il avait dupé ma mère pour la préserver. Je sentis mon cœur se serrer. Il avait abusé d'elle, en quelques sortes. J'avais les yeux qui brûlaient de faire couler de nouvelles larmes, mais je les retins tant et bien que mal.
« Quand ta mère a su pour toi, elle m'a tout de suite demandé d'arrêter pour que tu puisses grandir et naître en bonne santé. Clervie t'aimait beaucoup. Si tu avais pu voir l'éclat qui s'allumait dans ses yeux, entendre les doux vibrations de sa voix quand elle chantait pour toi. C'était comme si tu étais tout son monde. Je m'en veux un peu de lui avoir menti lors de sa grossesse. Je lui avais dit que ce que je lui administrais, était pour ton bien étant donné que les expériences avaient débuté, et que ça pouvait empêcher d'avoir un impact sur toi. Continua-t-il, une mine sombre et amer.
- Seulement, ce n'était que la suite de tes expériences. Soufflai-je, sans le lâcher de mon regard noir.
- Exact. Je ne pouvais pas arrêter à si bon chemin. Surtout qu'aucun problème n'était survenu. Tu grandissais en bonne santé dans son ventre et l'expérience se déroulait sans encombre contrairement aux autres fois. »
Je n'avais vraiment besoin d'écouter la suite pour savoir ce qu'il s'était passé ensuite. Je n'avais pas besoin des détails, mais il finit tout de même son histoire.
« Puis tu es née. Tes constantes étaient bonnes, celles de ta mère aussi. Ça avait été laborieux mais il ne restait plus grand chose pour que vous soyez réunis. Seulement lorsqu'on a coupé le cordon ombilical, ta mère s'est simplement éteinte comme si on avait coupé le câble d'alimentation. Elle avait à peine rouvert ses yeux pour te chercher et te prendre dans ses bras, qu'elle était morte. Relata-t-il, en dévisageant plein d'amertume. »
J'inspirai et expirai. Ma mère était morte d'une façon des plus étranges. Cela ne m'étonnait pas plus que ça. Après tout, nous vivions dans un monde où l'impossible devenait possible, alors pourquoi pas une mort comme ça. Je fermais les yeux un instant, essayant de rester concentrer. La fatigue me reprenait rapidement, tentant de m'assommer au passage.
« Pourquoi je ne me souviens pas de ma vie avant d'arriver chez mon père ? Questionnai-je, en pensant que c'était une interrogation logique après ce récit.
- Tu as cherché simplement à oublier ta vie au labo. Après ta naissance et la mort de ta mère, tu suivais une batterie de test chaque jour. Tu as grandi en faisant ses tests, et tu étais une enfant relativement calme, beaucoup te croyait muette, et ils avaient peur de toi. Tes yeux n'exprimaient pas la vie, seulement la puissance folle qui t'habitait. Comme une marionnette, tu étais manipulable, et je faisais de mon mieux pour prendre soin de ma jolie poupée. »
Je grinçais des dents à cette appellation, alors qu'un rictus amusé apparut sur son visage. J'avais envie de le lui faire ravaler, tellement je sentais la colère faire bouillir mon corps.
« Puis cette garce et traîtresse t'a emmené voir ton père et je ne pouvais plus t'approcher. Tu étais censée m'appartenait, rester près de moi et m'aider à rentrer chez moi, comme ta mère l'avait voulu. Mais au lieu de ça, tu as commencé à vivre. À avoir d'autres personnes que moi, autour de toi ! Alors j'ai tout fait pour te récupérer le plus vite possible. Seulement ton père n'était pas un homme qu'on évince rapidement. J'ai du attendre 13 ans pour le dégager de ma route. Je pensais avoir le champ libre, mais ce clebs s'est mis sur mon chemin ! Je n'avais plus la patience d'attendre de l'évincer comme je l'avais fait avec ton père, surtout que tu prenais conscience de ta force et de ce qui sommeillait au fond de toi. Bansidh*. »
Je le regardais, en fronçant des sourcils. J'espérais qu'il plaisantait. Je n'avais rien d'une Banshee. Je n'étais pas une messagère de la mort. Je n'avais rien de tel. Je n'en avais même pas l'apparence. Je ne criais pas, ne chantais pas et ne gémissais pas pour signaler la mort de quelqu'un. À moins que je ne m'en rappelais pas, mais même si c'était le cas, je doute fortement d'en être une.
« Je...
- Oh si tu l'es. Seules les Banshees peuvent ouvrir le portail du Sidh.
- Tu as fait toutes ces expériences sur ces personnes pour créer une Banshee artificielle. Et même si j'en suis le résultat, je suis fausse. Tu penses vraiment que le Sidh se laissera duper si facilement ? Objectai-je, en fronçant des sourcils. »
Il éclata d'un rire sinistre qui me glaça le sang. Il avait fait des tentatives pour créer un être magique vivant au Sidh. Elles étaient liées à ce dernier, et il était impossible de copier ce lien. Elle était bien trop unique et complexe pour être si facilement donné au premier venu. Cependant, si il se permettait de rire ainsi, cela voulait dire que j'avais visiblement loupé une partie importante dans le lot.
« Tes ancêtres étaient des Gardiens. Tu penses que le Sidh te rejettera entièrement alors que tu portes son empreinte comme tes ancêtres ?
- Les Gardiens ont disparu au moment où le Sidh a été fermé. Lui rappelai-je, et il éclata d'un nouveau rire.
- Ma pauvre Haylie. Tu n'as encore rien compris. Souffla-t-il, avec son sourire sournois. »
Quelque chose en moi remua. C'était le serpent. Il s'agitait un peu, comme si on l'avait appelé. Je clignais plusieurs fois des yeux, en espérant faire la lumière sur ce que je ne comprenais pas. Mon raisonnement n'avait aucune faille. Le Sidh était fermé, avec ça la venue des Banshees n'étaient plus possible, et la lignée des Gardiens avait plus ou moins disparu. Il ne restait rien d'autres que des histoires, et cette chose visqueuse qui cherchait à se maintenir en vie. Le Sidh n'allait pas rouvrir ses portes comme ça. Pas après toutes ces années. C'était absurde, comment comptait-il faire ce miracle ?
« Le Sidh a commencé à montrer des signes. Il répond à toi, à la puissance que tu dégages. Sinon, pour quelle raison t'aurait-il donné le moyen de trouver le portail ? Mieux encore, le moyen de l'ouvrir ? Ricana-t-il, une lueur démente dans les yeux. »
Je ne comprenais pas où il voulait en venir. Je n'avais aucun moyen pour... Le cristal ! C'était ça le moyen pour ouvrir le portail du Sidh ? Mon visage devint encore plus livide. J'avais été attirée par cette lumière, et c'était la clef pour ouvrir l'Autre Monde. C'était une blague ? C'était presque comme si son plan se déroulait à la perfection. Enfin presque, je n'étais pas sous son joug.
Mon cœur se glaça, tandis que j'entendis siffler le serpent en moi. J'avais récupéré la clef, et c'était le Sidh qui me l'avait envoyé sur un plateau d'argent. J'étais donc la seule à pouvoir ouvrir le portail entre les deux mondes. À quel point tout ceci était hasardeux, opportuniste ou je ne savais quoi encore ? À moins qu'une force supérieure ne jouait avec moi et adorait me foutre dans une merde indéfinissable. J'inspirai et expirai, il fallait que je trouve un moyen de m'en sortir. Vivante et sans trop de bobo si possible.
« Je ne l'ouvrirai pas. Finis-je par dire d'une petite voix.
- Bien sûr que si, tu vas l'ouvrir, ma jolie. Quand tout sera prêt, nous nous en irons pour rejoindre la terre de tes ancêtres. Et alors, tu ouvriras le portail pour moi. Rétorqua-t-il, me lançant un regard noir. »
Je le défiais du regard, n'ayant aucune envie de faire ce qu'il dit. Je ne pouvais pas laisser ce type avoir ce qu'il voulait après tout le mal qu'il avait fait. Si le Sidh avait décidé de ne pas le récupérer, c'était sûrement pour une bonne raison. Il était hors de question que je rouvre ce fichu portail pour son plaisir. Surtout que quelque chose me disait que ce n'était pas tout. Il y avait sûrement des motifs cachés derrière tout ça. Surtout qu'il exhalait la vengeance par les pores de sa peau ou de son plasma. Difficile à dire.
« Même si vous me torturez, je ne l'ouvrirai pas. Arguai-je, en continuant de le défier alors que je n'étais pas du tout en position pour.
- Je t'ai observé plus que quiconque ma jolie. Je connais tes faiblesses plus que n'importe qui, tes peurs et tes angoisses. J'ai été ton compagnon de voyage, tu t'en souviens ? Me rappela-t-il, en se délectant de chaque mot qu'il prononçait, me faisant me crisper davantage. »
Je ne pouvais pas nier que pendant ce court laps de temps, nous avions été considérablement proche, pas au point de faire des pyjamas party et de grandes confessions à l'eau de rose, mais il en savait plus que je ne voulais bien l'admettre. Gabriel avait été un ami à qui je tenais beaucoup. Seulement, je ne pouvais plus associer l'image de l'ange noir protecteur à ce spectre tortueux et malveillant. Gabriel n'existait plus ou n'avait jamais existé. Il n'y avait que le chef de l'Ouroboros, et il m'avait eu dans un moment de faiblesse. Tout ça parce que j'étais d'une stupidité affolante. Il se pencha vers moi, son sourire s'élargissant.
« Il va bientôt être temps pour toi de me ramener d'où je viens. Bansidh. »
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* Bansidh, Banshee, banshie ou bean sí est une créature féminine surnaturelle de la mythologie celtique irlandaise, considérée comme une magicienne ou une messagère de l'Autre monde (sidh). Elle est comparable à d'autres créatures mythologiques d'Europe (mythologie galloise ou nordique). Ultérieurement, dans les légendes du folklore irlandais et écossais, la banshee est décrite comme une messagère de la mort, une créature surnaturelle féminine qui commence à gémir ou à crier quand quelqu'un est sur le point de mourir. La banshee est souvent comparée à d'autres créatures légendaires d'Europe ou du monde, comme la Dame blanche. (source : Wikipédia)
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