Chapitre 4
Ce n'était peut-être pas la meilleure idée du monde de dormir sur le canapé dans une telle position, alors que la journée du lendemain s'annonçait charger. Je me retrouvais perclus de courbature à des endroits dont j'ignorais l'existence jusqu'à ce jour. J'avais réussi à laisser Lisa avec sa sœur. Ces dernières se trouvaient en compagnie de Peter pendant que je me débrouillais. Cailean était retourné travailler, je lui avais dit que je le ferais appeler si j'avais besoin de lui. J'étais donc assise sur une chaise dans le jardin, avec une dizaine de loups au garde à vous devant moi. À mes côtés, j'avais Audrick, alors que Rowena était dans la cuisine à faire à manger pour les petites. Lisa n'avait pas beaucoup mangé, et elle voulait lui cuisiner un plat qu'elle mangerait avec beaucoup plus de facilité que des pâtes. Je regardais chaque loup, et j'avais posé ma main sur ma marque pour me donner du courage. Dire que j'allais devoir donner des ordres à ces molosses pour qu'on puisse résoudre cette affaire pronto avant que mon Alpha ne revienne de sa mission. Je lançais d'abord un regard vers Audrick, qui hocha simplement la tête pour me dire de commencer.
« Bon. Vous savez qu'hier je suis sortie faire une balade dans la forêt pour me dégourdir les jambes, et je suis tombée sur la fin d'un combat entre deux loups. La louve morte est la mère des deux petites que j'ai amené ici, afin de les protéger. Comme Cameron, l'Alpha, n'est pas là pour décider de leur sort, j'ai décidé de les garder avec nous le temps qu'il rentre. Le danger rode toujours pour elles dans la forêt. Donc j'espère que vous les accueillerez et que vous ne leur ferez pas peur ou de mal. Ce ne sont que des petites filles et de braves gaillards comme vous, surentraînés de surcroît, n'ont rien à craindre. Commençai-je, en présentant la situation actuelle.
- Ce n'est pas pour nous que nous nous inquiétons, Madame. Intervint l'un des loups.
- Pas de Madame. Haylie suffit. Et je ne me sens pas en danger avec elles. Elles sont adorables. Répliquai-je, en souriant.
- Crétin ! Évidemment qu'elle ne craint rien. T'as vu comment elles sont attachées à elle. Elles ne veulent presque pas la quitter, surtout la toute petite. Soupira un autre loup, en donnant une tapette à l'arrière crâne du premier.
- Je pense qu'elles ont dû sentir la force de la mam'zelle et qu'elles s'y sont soumises sans rien dire. C'est pas la femme de notre chef pour rien ! Décréta un autre, le plus petit d'entre eux d'ailleurs. »
Tous affirmèrent ce propos, en lançant des arguments et des compliments. Je les laissais jacasser un peu, avant de redemander le silence. Audrick ne faisait qu'observer. Impassible à tout ce qui se passait. Je lâchai un soupir, après qu'ils se turent. Enfin un peu de calme, j'allais pouvoir donner les directives.
« Bon, comme vous le savez, nous avons récupéré le corps de la mère, et j'ai demandé à Rowena de prévenir les louves pour s'occuper des funérailles. Ensuite, j'aimerai que certains d'entre vous partent avec Audrick pour l'Antre des Solitaires. Je voudrais que vous interrogiez les solitaires pour avoir des informations sur les événements d'hier. Les autres ratisseront la forêt à la recherche d'indices, en partant du lieu du meurtre. Tout ce que vous trouvez d'étrange, d'inhabituel dans la forêt, je veux que vous venez me les rapporter. Le moindre détail, tout. Est-ce bien clair ? Je veux retrouver le loup monstrueux qui a fait ça. En revanche, si vous le trouvez mais qu'il est bien plus fort que vous, je veux que vous battiez en retraite. Je veux le retrouver, lui faire payer mais pas au détriment de vos vies. Suis-je assez claire ? Ordonnai-je, en fronçant des sourcils.
- Chef, oui Chef ! S'exclamèrent-ils, alors qu'ils me firent un salut militaire, avant de se répartir les tâches. »
Je laissais le champ libre à Audrick, pour m'occuper de la suite. Je devais en savoir plus sur Kathya, Lisa et leur mère. En entrant dans la cuisine, je vis Peter, avec Kathya et Lisa. Rowena essayait de faire manger la petite, mais elle refusait d'ouvrir la bouche. Kathya était entrain de manger sa part, alors que Peter s'enfournait dans la bouche une grosse fourchette de Lustucru. J'avais très envie de me taper le visage avec la paume de ma main, exaspérée par mon petit frère. Il n'en avait jamais marre avec ses pâtes ? Je lui en avais fait hier, et si je venais à lui en faire la remarque, il risquait de me sortir que ce n'était pas la même chose. Il était bon en baratin seulement quand il s'agissait de pâtes. Je rejoignis, Rowena qui essuyait un énième échec avec Lisa qui était sur les genoux de sa sœur. Quand j'arrivais près d'elle, ses petits bras se tournèrent vers moi. Prête à s'agripper à moi, je lui souris et la pris dans mes bras, alors que la mère de Cameron lâchait un soupir.
« Elle ne veut pas manger. Crut-elle bon d'expliquer même si je voyais plutôt bien la situation. »
Je pris la cuillère que Rowena me tendit, et prit un peu de riz bouilli avec des morceaux de poulet à l'intérieur. Je dirigeais la cuillère vers la bouche de Lisa et cette dernière mangea sous le regard surpris de Rowena. Elle fit une petite moue boudeuse.
« Il semblerait qu'elle ne mange que quand c'est toi qui lui donne. »
Je lui offris un sourire contrit. Je donnais donc à manger à Lisa, en posant mon regard sur Kathya. Il fallait qu'elle me donne des informations, mais je ne voulais pas la contraindre à m'en dire plus. Je me voyais mal faire un de ces interrogatoires de police. Je devrais sûrement être patiente, mais l'idée de régler cette histoire me taraudait. Heureusement qu'une petite voix calme dans ma tête, m'incitait à la vertu de la patience.
« Alors ? Tout se passe bien ? S'enquit Peter, en écartant la boîte vide de pâtes.
- Oui. Il ne reste plus qu'à attendre...
- Ou bien ? Insista mon frère en sous-entendant la fin de ma phrase, et en regardant Kathya.
- Écoute, je n'ai aucune envie de forcer Kathya à déballer son histoire dans son entièreté. Soupirai-je, en redonnant une cuillère à Lisa qui avait presque fini son assiette.
- Si elle ne nous le raconte pas. On ne pourrait pas l'aider, et de plus, si elle pouvait nous permettre de reconnaître le sauvage qui a fait ça à sa mère, on le retrouverait plus vite. Fit-il remarquer, en soupirant.
- Peter, j'ai dit que je ne voulais pas la forcer à...
- C'est bon. Je vais vous raconter. Me coupa-t-elle, le visage sombre. »
Je la dévisageais, alors que Lisa enfouissait son visage dans mon cou. Je lui caressais le dos afin de la réconforter. Nous regardions tous Kathya, qui regardait son assiette vide comme si il reflétait toutes ses pensées. Elle inspira un petit coup, puis se lança dans la narration de son histoire.
« Nous venons de Russie, comme vous l'avez remarqué. Nous venons de la meute Dragunov. Ma mère, Kristina, s'est disputé avec l'Alpha, et elle nous a fait venir en France pour échapper aux représailles. Commença-t-elle. »
Personne ne dit rien, même si son histoire ne tenait pas debout. Elle n'était peut-être pas au courant de tout, et elle était encore trop jeune pour que sa mère confie une histoire plus lourde. En tout cas, il y avait bien des représailles, pas des petites étant donné que la louve avait été tuée sans remord devant ses filles. Cependant nous savons quelle type de personne rechercher, un russe qui aurait fait le voyage jusqu'en France pour elles. À moins qu'ils aient de la main d'œuvre en France.
« Kathya, si c'est trop dur pour la suite...
- Non, ça ira. Me coupa-t-elle, avant de poursuivre. On a fuit jusqu'ici, espérant que quelqu'un veuille bien nous aider, mais qui aiderait des rescapés d'une meute de Russie. Les meutes russes sont connues pour leur sauvagerie barbares, après tout. Déglutit-elle, en prenant une petite inspiration pour ne pas éclater en sanglot.
- Kathya... il faut que tu nous dises qui est à tes trousses. Insista Peter. »
Je la regardais, avec son visage, qu'elle essayait de garder impassible. Des sanglots s'élevèrent dans les airs, c'était Lisa. Elle pleurait dans mon cou, son corps tremblant sous ses sanglots. Je tentais de la calmer en la berçant, alors que Kathya restait immobile. Je savais qu'elle essayait de ne pas pleurer. C'était flagrant, ses yeux étaient remplis de larmes contenues. Je me levais avec la petite dans mes bras, et passa un bras autour des épaules de Kathya. Elle se blottit contre moi alors que Peter allait protester, je lui lançais un regard noir.
« Ça suffit Peter ! Elle est très éprouvée, laisse-la tranquille. Houspillai-je, en le fusillant du regard.
- Mais... il faut savoir à qui on a affaire ! S'exclama Peter.
- Peter, je comprends que c'est urgent de savoir qui a fait ça, mais forcer Kathya a se plonger dans le souvenir de cet horreur... ce n'est pas bien. Expliquai-je, en serrant les petites contre moi.
- Très bien. Souffla-t-il, en levant les yeux au ciel.
- Vlad Kozlovski. Il a une cicatrice en forme de lune sous l'œil droit. Informa Kathya, alors que des larmes silencieuses coulaient sur ses joues. »
Je lâchai un autre soupir, avant d'inviter Kathya à me suivre dans la chambre. Lisa venait de s'endormir et la jeune louve devait aussi avoir envie de quitter la table et les deux paires d'yeux scrutateurs. Peter se leva, sûrement pour aller voir Cailean. Rowena alla vers le lavabo, soit pour faire la vaisselle, soit pour continuer à cuisiner. J'emmenais donc les petites jusqu'à la chambre, où je déposais Lisa sur le lit. Elle se détacha de moi, pour se rouler en boule et continuer de dormir. Kathya s'allongea à côté de sa sœur, le regard fixé dans le vide. Je passais ma main dans ses cheveux bruns, et machinalement, elle vint quémander des caresses. Je continuais à lui caresser les cheveux, alors qu'un petit grognement de plaisir sortait de sa bouche.
« Tout va bien ? Questionnai-je, doucement.
- Oui... merci d'être là, pour nous. Souffla-t-elle, en fermant les yeux. »
Je souris, alors qu'elle s'endormait sous mes caresses. Quand je fus certaine qu'elle dormait toutes les deux, je descendis dans la salon. Peter et Rowena m'attendaient avec les louves. Je fronçais des sourcils, en les voyant tous rassemblé ici. Les petits louveteaux vinrent m'entourer comme à chaque fois qu'on se voyait. Ils essayèrent tous d'attirer mon attention sur eux, pour que j'aille jouer avec eux. Cependant je n'avais pas la tête à jouer, donc je m'excusai auprès eux et leur promis de remettre ça à plus tard, et qu'on jouerait toute la journée si ils le voulaient. Ils étaient un peu déçus, mais ils s'écartèrent pour me laisser passer.
« Je croyais que vous vous occupiez de...
- Oui, mais on pensait aussi que tu aurais besoin de soutien ! Me coupa Rowena, alors que les louves baissaient les yeux sur leurs enfants ou sur leurs mains.
- Rowena... qu'est-ce que vous mijotez ? Interrogeai-je, en fronçant des sourcils. »
Je vis Peter se retenir de rire, alors que la mère de mon loup faisait les yeux ronds. Ça sentait la magouille à plein nez, et je n'étais pas née de la dernière pluie. Pire que tout, je vivais en plein complot depuis deux ans, à force, j'avais l'habitude de détecter ce genre de plan foireux. Je croisais les bras sur ma poitrine, en attendant qu'elle me dise ce qu'elle planifiait. Si elle voulait détourner mon attention, elle était déjà bien mal partie. J'allais réitérer ma question mais on sonna à la porte. Je lançais un regard vers Rowena, avant d'aller ouvrir la porte. À ma plus grande surprise, je vis Michel. Ma petite blonde qui avait toujours le sourire aux lèvres, sauf quand je soupirais.
« Michel ? Mais que...
- Le patron m'a dit que vous travaillerez chez vous, mais vous connaissant, je sais que vous serez entrain de soupirer à toutes heures ! Alors je suis venue ! S'exclama-t-elle, radieuse comme le soleil d'été.
- Et bien, ce n'est pas tout à fait faux, mais.. et vous, votre travail ? M'enquis-je, perplexe.
- Mon travail c'est de vous assister. Me rappela-t-elle, et je devais dire que ça m'était sortie de la tête.
- Je suis heureuse de vous voir Michel, mais...
- Vous avez des problèmes familiaux et vous voulez que je repasse un autre jour ? Devina-t-elle, en haussant un sourcil.
- Oui. Ça ne vous dérange pas ? Soufflai-je, de soulagement en voyant qu'elle ne cherchait pas à s'imposer de force.
- Vous inquiétez pas ! Je suis une pro des réconciliations ! Déclara-t-elle, en me poussant gentiment sur le côté pour entrer. »
J'ouvris les yeux en grand, surprise de voir son audace. Je savais qu'elle avait un tempérament assez déraisonnable, mais je ne l'imaginais pas s'imposer comme ça. Michel alla droit vers le salon, alors que je la suivais. Je me demandais bien comment elle savait où se trouvait le salon alors qu'elle n'était jamais venue ici. En la voyant débarquer, les louveteaux retrouvèrent les bras de leur mère respective, et ces dernières les protégeaient de cette inconnue. Peter haussa un sourcil amusé en voyant Michel, cette dernière rougit légèrement en posant son regard sur lui, avant de reprendre contenance.
« Michel, ce n'est pas nécessaire. Tentai-je, de la raisonner.
- Si ça l'est ! Je peux vous aider !
- On est ravi de pouvoir avoir votre aide, Michel. Sourit Peter. »
Elle détourna la tête de mon frère pour se consacrer uniquement à moi. Elle avait visiblement encore du mal à faire face à mon frère. Il faudrait peut-être lui dire que tout ceci n'était pas bien grave et que c'était le passé. Je lâchai un soupir, ce qui me valut un regard d'avertissement de la part de la blonde. J'allais dire le fond de ma pensée, quand le regard de Peter m'en dissuada. Il s'approcha de moi et se pencha vers mon oreille.
« Je sais que tu veux lui dire, mais pas tout de suite. C'est tellement plaisant de la voir comme ça. Chuchota-t-il, tout bas pour que Michel n'entende pas. »
Je lui donnai un coup de coude réprobateur, et il fit une grimace avant de s'éloigner. Un autre soupir s'échappa de mes lèvres, sous le regard mécontent de mon assistante. Enfin bref, je devais me débarrasser d'elle, j'avais bien d'autres choses en tête que de m'occuper de Michel. J'avais déjà deux petites et si je devais faire attention à mon assistante, j'étais mal partie pour le reste de la journée. J'attrapai le bras de Michel pour la conduire à la porte. Ce n'était pas très sympathique, mais je n'avais pas spécialement le temps de la baratiner.
« Excuse-moi de te traiter durement Michel, mais je n'ai absolument pas besoin de toi pour aujourd'hui. J'ai plein de choses à gérer et je n'ai aucune envie de te mêler à ça. Racontai-je, en ouvrant la porte.
- Non, je comprends. C'est moi qui n'aurais pas dû m'imposer de la sorte. Me sourit-elle.
- Ne t'en fais pas. Merci d'être passée. Lui répondis-je, en lui retournant son sourire. »
Elle s'en alla, en me faisant un signe, et je la regardais partir. Ses cheveux blonds reflétaient les rayons de soleil, créant des réflexions platines. J'allais rentrer, mais elle se retourna vers moi, un grand sourire sur les lèvres. Je l'observais, intriguée, et elle me fit de grands signes de bras. Je fronçais des sourcils, en lui faisant un simple signe de la main. Je me demandais bien ce qui lui prenait. Ses cheveux voletaient dans les airs, donnant l'illusion qu'elle avait des ailes dans le dos. Je ne savais pas si c'était le soleil qui tapait trop fort, en ce printemps, mais j'avais cru voir de véritables ailes derrière elle. Cela n'avait duré qu'un petit instant, mais un instant incroyable. Je serais restée à la contempler, comme une idiote, si sa voix ne m'avait pas tiré de cette transe.
« Ah, au faite Haylie. La vérité sort de la bouche des enfants, mais souvent cette même vérité peut être falsifiée. La vérité peut venir du mensonge, tout comme le mensonge peut venir de la vérité. Bon courage ! S'écria-t-elle, avant de disparaître juste après avoir bifurqué à droite au portail en fer. »
Son regard bleu scintillait d'une étrange lueur. Quelque chose de fascinant, mais perturbant. J'avais eu l'impression d'être aspirée à l'intérieur, et que mes forces me quittaient. Je venais de perdre pieds, autant dire que j'avais fini par terre et sur les fesses. Mes jambes m'avaient lâchés pour une raison que j'ignorais, et ma marque me brûlait. Je la frottais, en essayant de comprendre ce qu'il venait de se passer. Les paroles de Michel raisonnaient dans ma tête, et je ne comprenais pas la réaction de la morsure. Il n'y avait pas de danger, et si il y en avait un, les loups l'auraient déjà senti. Alors que je me relevais, à l'aide de la porte, ma marque m'envoya une décharge de douleur, comme si elle ne voulait pas que je me redresse. Je restais donc assise à l'entrée, scrutant dehors pour voir d'où pouvait venir le danger.
J'essayais de me relever encore une fois. Je m'apprêtais à subir une autre brûlure de la part de la marque de Cameron, mais une ombre noire me fonça dessus et je sentis une douleur se répandre dans tout mon être. Je ne voyais qu'une fourrure noire, alors que la douleur irradiait mon corps. Ses crocs s'étaient plantés profondément dans ma chair. L'odeur du sang remplissait mes narines, mon propre sang. Alors que je sombrais dans l'inconscience pour échapper à la douleur, j'entendis l'écho lointain d'un grondement bestial... Cameron.
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