🌟 10.3 : Théa
Après une heure de promenade amoureuse au Zoo, le couple marcha longuement vers le parc le plus proche.
Ils se racontèrent des blagues le long du trajet, bien que ce ne fut le point fort de la jeune fille, et rièent en s'imaginant des scénarios de leur vie à deux.
Comme presque tous les adolescents s'aimant, ils se faisaient des promesses : un jour, nous nous marierons, nous aurons deux ou trois enfants, nous ne nous quitterons jamais, je t'aimerai toujours, pour toi je ferai tout...
Dans le parc, ils s'assirent sur un banc, dégustant une glace chacun. Théa posa délicatement sa tête sur l'épaule de Nev. Elle ne pouvait s'empêcher de se demander s'ils finiraient leurs jours ensemble.
— Théa...
— Oui, fit-elle en relevant faiblement la tête vers lui.
— Je te sens préoccupée ces derniers temps. Qu'est-ce qui cloche ?
— Comment ça ? Explique-toi.
Elle se dégagea complètement de l'épaule de Nev pour soutenir son regard.
— Au téléphone, tu sembles lasse, accablée et perdue. Tu ne m'écris et ne m'appelles plus avec le même enthousiasme qu'avant. Et la semaine dernière, tu ne répondais ni à mes appels ni à mes messages. Moi ça m'inquiète. Je me pose des questions. Cela a-t-il un rapport avec un truc que j'ai fait ?
Théa examina son petit ami avec des yeux doux, lui montrant au travers de ses prunelles tout l'amour qu'elle lui portait.
— Ça n'a aucun rapport avec toi, le rassura-t-elle.
— Tu admets avoir un problème alors ?
Théa expira de fatigue, relâchant ainsi ses muscles comme pour s'abandonner, puis détourna son regard de Nev.
— Oui. Excuse mon attitude, ces derniers jours n'ont pas été faciles à vivre pour moi. Mais c'est fini !
Elle semblait persuadée par ses derniers mots.
— Que s'est-il passé ?
— Rien de grave. En plus c'est réglé.
— En es-tu certaine ? On peut en parler.
Théa pointa de nouveau sa tête vers le jeune homme.
— Ton intérêt me touche, mais c'est réglé, je vais mieux ! Aussi, je ne veux pas gaspiller ce moment pour parler de choses futiles.
Nev la dévisagea avec un haussement d'épaule. Épaules contre lesquelles sa petite amie se blottit une nouvelle fois.
La sollicitude qu'il lui témoignait, l'attendrissait.
Elle se sentait si bien en sa présence que la simple idée qu'il la quitte la rendait malade. Chose qu'il ferait sans doute en découvrant ses pouvoirs. Qui, tendrement, aimerait quelqu'un d'aussi anormal qu'elle ? Voilà pourquoi l'envie de se confier à lui ne la tentait pas.
Tout chez ce garçon lui plaisait. Ses prunelles pers, sa tignasse sombre, son sourire étincelant, sa carrure banale, son incroyable humour et sa façon de lui parler et regarder la faisaient succomber. Elle aurait tout donné pour s'enfuir avec lui, même si au fond d'elle une voix lui soufflait que c'était naturel, car Nev était son premier amour.
Ils restèrent dans cette position enlacée durant de longues minutes qui leur parurent si courtes.
— Oh, il est déjà treize heure ! remarqua Théa en sortant son portable du petit sac en bandoulière qui l'accompagnait. Je dois rentrer !
Elle se leva du banc.
— Reste encore un peu, supplia Nev en se levant aussi.
— J'aimerais, mais j'ai dit à Céline que j'irai l'aider avec son devoir.
— Juste quelques minutes ! insista-t-il.
— Je ne peux vraiment pas, même si être avec toi est ce qui me fait me sentir bien...
— Alors embrasse-moi au moins avant de mettre les voiles.
Théa rougit, puis se mit sur la pointe des pieds pour atteindre les lèvres de son amoureux et... y déposer les siennes. Elle attrapa son sac et s'éloigna à toute allure sans rien adresser d'autre à Niv qu'un sourire faisant office d'au revoir.
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Théa enfonça son index contre la sonnette de l'immense portail en bois devant elle, donnant sur une somptueuse villa. Celui-ci s'ouvrit automatiquement au bout d'une minute, la conviant à pénétrer la propriété.
La jeune fille marcha sur une voie de graviers, délimitant de chaque côté un beau jardin aux plantes entretenues avec soin. Sans s'attarder à admirer le charmant décor naturel qu'offrait ce jardin de par l'extravagance harmonieuse de sa flore, Théa fit de petites enjambées sur le gravier qui la mena tout droit à la porte de la maison où l'attendait Céline.
Elle frappa quelques secondes, le temps que Céline vienne l'accueillir.
La propriété était vraiment magnifique. Elle disposait d'une piscine de l'autre côté de la maison, de deux jardins, d'une terrasse avec salon, d'un terrain de tennis, d'un pavillon annexe et d'un garage.
La maison se composait de plusieurs pièces : deux très spacieux séjours, quatre chambres immenses, équipées chacune d'une salle de bain et d'un dressing ainsi que deux autres chambres moins importantes, une agréable cuisine équipée et ouverte sur la salle à manger, deux bureaux, une terrasse à l'étage, une mini salle de sport et une bibliothèque.
La décoration et les meubles se coalisaient entre le moderne et l'ancien.
Céline conduisit Théa à sa chambre, une pièce modérément grande avec salle de bain, dressing et bureau intégrés. Il y avait même un petit salon. Et sur l'un des sièges de ce salon, était assis Yann.
Théa comprit immédiatement ce que signifiait tout cela.
— Je vois que vous m'avez attirée ici avec un canular pour parler de cette histoire, lâcha-t-elle, pas dupe, d'une voix dure.
Yann la salua avec un mouvement de main empoté. Le garçon s'excusa pour la méthode usée en vue de la faire venir, mais c'était le seul moyen puisqu'elle déniait parler de cette petite affaire de destin les concernant tous.
Il s'avança vers elle.
— Qu'espérez-vous de moi ? demanda l'africaine, agacée.
— Que nous discutions de tu sais quoi, révéla Yann, presque immédiatement après la question de Théa.
— Je pense n'avoir rien à dire à ce sujet, annonça Théa, toujours aussi agacée en plus d'être mal à l'aise.
— Moi j'affirme le contraire. Depuis que Veronica, enfin, Cephause ou peu importe son nom, nous a révélés qui nous sommes, tu as mis de la distance entre toi et nous. Tu t'obstines à ne pas vouloir donner les véritables raison de ta peur, pourtant tu en souffres...
— Et pas qu'un peu, ça se voit ! l'interrompit Céline.
— Qu'est ce qui ne va pas ? Qu'est ce qui te fait peur ? Dis-le nous ! Nous sommes tes amis et les amis c'est fait pour ça, non ?
Théa reçut toutes ces questions comme des agressions auxquelles elle répondit :
— TOUT ! La magie, les autres mondes, combattre un méchant fou et dangereux ! Absolument tout dans cette histoire m'effraie !
La jeune fille ne put contenir le trop plein d'émotions qui explosa en elle. Sa voix chancela alors que des larmes roulaient sur ses zygomas.
Un silence accompagna sa déclaration.
Les trois adolescents restèrent debouts, incapables d'avancer quoi que ce soit. Ils s'examinaient les uns les autres. Théa noya son visage rubicond dans le creux de ses mains, reniflant faiblement. La jeune fille semblait être dans état désolé.
Ce fut Yann qui mit fin à cette ambiance muette.
— Je ne comprends pas, soit plus claire, lui sussura-t-il à l'oreille.
Il ne comprenait guère la raison véritable à l'origine de la peur de son amie et la mine dont son visage aimable faisait étalage, dévoilait pleinement son incompréhension.
Théa releva la tête, prise de sanglots étouffés. L'interrogation de Yann la bouleversa. Toute l'aversion reposant au plus bas d'elle remonta à la surface dans un torrent de mots émus :
— J'ai peur de découvrir d'où provient réellement ce pouvoir, d'apprendre que je viens probablement d'un autre monde, que mes parents ne sont peut-être pas les miens, que je dois quitter tout ce que je connais. Dès l'instant où je m'étais découverte cette... capacité, l'inquiétude m'envahit. Bien que je trouvais cela amusant au départ, avec le temps, je comprenais que ça ne l'était pas. Ce pouvoir faisait de moi quelqu'un de différent, d'anormal. Je voulais faire part de ce secret à mes parents, cependant, j'appréhendais leur réaction. Comment réagiraient-ils à cela ? Et même s'ils le prenaient bien, qu'adviendrait-il si une autre personne l'apprenait ? Je ne souhaite pas passer le reste de mon existence traitée comme un rat de laboratoire sur lequel une multitude d'expériences serait menée. Aussi, tenter d'expliquer ce phénomène, serait une vraie torture pour mes parents. Voilà pourquoi je n'en ai jamais parlé, ni même expérimenté toute l'étendue de ce pouvoir. Ma vie n'est assurément pas parfaite mais je l'aime comme ça. Elle se rapproche de l'ordinaire et je ne veux pas que des anormalités viennent la troubler ! Vous comprenez ?
Yann n'en croyait pas ses oreilles et son expression ébahie en témoignait.
— Je comprends... fit-il mollement.
— Pas moi ! éructa Céline.
La blonde voyait en cette histoire une opportunité. Une opportunité de quitter sa mère, son beau-père et sa demie-sœur, une occasion en or de s'en aller loin de tout... mais surtout, de contribuer à rendre l'univers meilleur...
— Même si je sais ce que tu ressens, Théa, tu dois mettre tes émotions de côté. Ici, il s'agit de devoir, pas de sentiments personnels. Tu as été choisie pour sauver le monde et c'est exactement ce qu'il faut faire car c'est ton destin.
Théa dévisagea Yann avec un faux sourire.
— Vous n'avez rien compris !
— Bien au contraire, intervint Céline. C'est juste que nous ne sommes pas sur la même longueur d'ondes. J'étais là, j'ai vu et entendu Stany et Linda se faire massacrer par un homme aux pouvoirs puissants, pour moi. Je me suis faite enlevée par ce même type... Alors, si je suis, genre, censée sauver le monde de personnes comme ça, je n'hésiterai pas une seconde !
— Que devrais-je faire alors ? proféra Théa irritée.
— De faire comme nous et d'accepter, genre, sans te poser de questions, soutint Céline, plus compatissante. C'est pas non plus la mer à boire, tu sais ? Bon, il t'est difficile de croire ou d'accepter les trucs absurdes comme la magie, saches que tu n'es pas la seule, mais nous n'avons pas le choix.
Théa resta impassible, les yeux et le nez carmins. Elle affichait un aspect des plus mis à sac.
En la voyant ainsi, Yann et Céline n'avait qu'une envie, la prendre dans leur bras et la serrer très fort dans l'espoir de la réconforter. Ils s'en abstinrent, ne sachant pas comment elle réagirait.
— Théa, murmura Yann en déposant sa main sur l'épaule de celle-ci, d'aussi loin que je m'en souvienne, tu as toujours voulu aider à rendre le monde meilleur, faire la différence. Tout ça, ces pouvoirs... c'est ce qu'il te manquait. Je te connais forte, imperturbable, donc ne laisse pas tes peurs t'ébranler.
Elle ancra ses prunelles marrons à celles bleues de Yann puis souffla d'un ton las :
— J'en ai assez entendu pour aujourd'hui.
La main de Yann glissa de son épaule.
La jeune fille tourna les talons...
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