Chapitre 9

Note aux juges du concours de La Place Aux Merveilles: vous n'êtes plus tenus de juger à partir d'ici, ce chapitre et les suivants ayant été publiés après le début de la période de jugement. Mais si vous voulez poursuivre pour votre lecture personnelle, vous êtes les bienvenus!

— Alba, lève-toi !

Cet appel déchira les délicieuses ténèbres, les merveilleux abîmes du sommeil dans lequel sombrait Alba. La journée de la veille l'avait complètement épuisée. Après avoir été avertie de l'instauration de l'état d'urgence, elle avait été explorer la ville en compagnie de Lio. Ils avaient visité tellement de parcs, remonté tellement de rues, suivis tellement de chemins, que le sprint qu'ils avaient dû courir pour rentrer avant le couvre-feu avait fini d'exténuer la jeune femme.

— Alba, que fais-tu ?

Un second appel la tira définitivement des profondeurs dans lesquelles elle plongeait. Elle était bien réveillée maintenant. On frappait avec force et hâte à présent, inutilement, puisqu'elle était levée, et avait déjà parcouru la moitié du chemin qui menait à sa porte. Alba ouvrit cette dernière, et tomba nez-à-nez avec Lamia.

— Cela fait deux heures que le soleil a commencé à briller, et tu n'es même pas levée !

— Si, si, je viens de me lever.

— Soit, mais la journée ne t'a pas attendue. Lio et Rostam t'attendent en bas, ils veulent te voir rapidement.

Alba descendit en vitesse les escaliers, attrapa une poignée de noix et de raisins qu'elle avala en guise de petit-déjeuner, et sortit. Devant la porte de l'auberge, ses deux compagnons patientaient, en observant le trafic qui encombrait la rue. À cause du couvre-feu, l'entrée des caravanes de marchandises dans la ville avait été perturbée, d'où l'intense arrivée de charrettes, de wagons et autres transporteurs de biens.

— Ah, te voilà ! Lio et moi t'attendions pour nous acheminer tous ensemble vers un cours de l'université ouvert au public. Aujourd'hui, c'est un professeur éminent, très connu, qui traitera le sujet des relations diplomatiques avec les gobelins depuis cinq siècles.

Que racontait-il donc ? Le visage questionneur d'Alba rencontra le regard expressif de Lio, qui hocha la tête vers la rue. Alba comprit. Entourés comme ils l'étaient de passants, de marchands, Rostam ne pouvait prendre le risque de mentionner les Gardiens du trône.

Ils se mirent alors en marche. Rostam les mena vers les catacombes, là où les corps des Lorendiens reposent dans des cryptes creusées dans le granite sur lequel était bâtie la capitale. Ils s'enfoncèrent sous terre, descendant par un escalier de pierre qui aboutissait dans un immense couloir illuminé par d'énormes torches qui flamboyaient d'un éclat coruscant, vacillant dans les bouffées d'air froid qui circulaient. Le souterrain était ainsi transformé en une mystérieuse cave, oscillant entre le clair et l'obscur. En faisant attention à ce que personne ne les suive, ils s'engagèrent dans l'artère principale, tournèrent plusieurs fois dans des couloirs secondaires et des petites galeries, avant d'arriver devant une crypte simple, insignifiante, sans décors ni fioritures. À l'intérieur, un seul corps, renfermé dans une boîte en verre.

Mais Rostam ne s'y intéressa pas. Il poussa d'une main un petit coin de pierre qui sortait du mur, et un pan entier de la crypte coulissa, laissant voir un passage sombre menant vers un carré de lumière. Tous les trois se dirigèrent vers cette lumière, tandis que le mur se refermait derrière eux. Avant d'entrer dans la salle, Rostam arrêta les deux jeunes de ses mains, et prononça deux mots : « Reine » et « Loyauté ». Un doux sifflement lui répondit. Alors, ils purent s'avancer dans l'antichambre. Deux gardiens armés se tenaient de chaque côté de la porte par laquelle ils venaient d'entrer, et les saluèrent.

Ils arrivèrent enfin dans une pièce aux grandes proportions, éclairée par un feu qui brûlait avec vivacité dans un petit braséro. Quelques bancs avaient été placés autour du foyer de lumière et de chaleur, car l'air souterrain était frais. Alba regrettait un peu de ne pas avoir pris de veste. Une demi-douzaine de Gardiens du trône étaient déjà présents. Rostam fit asseoir les deux jeunes.

Ils patientèrent un moment. Alba reconnut Davilien, ainsi que plusieurs autres qu'elle avait vus lors de sa première rencontre avec les Gardiens. De temps en temps, quelques figures entraient et allaient aussi s'installer sur les bancs. Au bout d'un quart d'heure, ils devaient être une vingtaine. Rostam prit la parole :

« Je pense que nous sommes au complet. Je vous ai donc convoqués pour faire le point sur l'enlèvement des trois notables et des autres personnes, probablement effectué par le Complot en guise de représailles. Iéno, tu as la parole. »

Ce dernier, un jeune homme dont les cheveux blonds, la bonne mine et la belle figure indiquaient un âge d'une vingtaine d'années, se leva et présenta les recherches qui avaient été faites :

Depuis que l'enquête avait commencé, une douzaine de femmes et d'hommes avait travaillé sans relâche pour retrouver des traces des disparus. Ils avaient interrogé des dizaines de témoins, suivi toute trace qui pouvait indiquer le chemin des ravisseurs, fouillé des souterrains suspects, fait tout leur possible. De ceci ressortait une réponse à peu près certaine. Les hommes enlevés étaient encore à Lorendia. On était assez sûr qu'ils n'avaient pas quitté la cité. Il s'agissait donc maintenant de les retrouver. Les mesures proposées étaient simples : poster des espions aux postes de la ville pour pouvoir lancer l'alerte si jamais on faisait sortir les captifs. L'état d'urgence allait en quelque sorte aider les Gardiens du trône, car, en utilisant des contacts haut-placés, ils pourraient faire fouiller tout chariot suspect. Pendant ce temps, on enverrait une équipe — plusieurs équipes même — fouiller les catacombes et les souterrains de la ville, une tâche certes longue et fatigante, mais qui devait sans nul doute porter du fruit. Les ravisseurs et leurs prisonniers ne pourraient pas rester cachés pour toujours.

Des volontaires se proposèrent pour participer aux fouilles, et la réunion se clôtura.

Alors que Rostam ramenait Lio et Alba vers l'air libre, cette dernière leur demanda :

— Est-ce que je pourrais prendre part aux expéditions dans les catacombes ? J'ai l'impression de ne rien faire en ce moment, et je voudrais faire quelque chose d'utile. De plus, je serais à la recherche de mon père.

Rostam se chargea de lui répondre :

— Il faut savoir que ces fouilles sont très dangereuses et risquées. Les catacombes de Lorendia existent depuis des siècles et nul ne peut prétendre en connaître même un quart, tant elles s'étendent loin et profondément. On ne sait pas ce qui pourrait s'y cacher. Mais c'est intéressant que tu parles de te rendre utile aux Gardiens du trône. Lio et moi avions justement quelque chose à te proposer. Venez, asseyons-nous sur ce rebord.

Il se tourna vers Lio pour que celui-ci continue.

« Je ne sais pas si on te l'a déjà dit, mais parmi les Gardiens du trône, nous avons plusieurs informateurs, qui soit ont infiltré certains milieux, soit y étaient déjà présents. Nous avons des yeux, des oreilles, des bouches et des bras à la cour, dans l'armée, parmi les notables de la ville, et ce n'en sont que quelques exemples. Cependant, nous n'avons personne dans l'École Royale.

L'École Royale est l'école la plus prestigieuse du royaume. Là sont formés les meilleurs élèves d'Éveria, ils reçoivent des cours dans des matières spécialisées, comme la littérature, les arts, la magie, la diplomatie. De cette école sortent les élites, les futurs dirigeants et possesseurs du pouvoir. Si la lutte contre le Complot devait durer des années, les meilleurs protecteurs et alliés de la reine et de la Royauté seraient à trouver parmi eux. L'idéal serait donc de créer une cellule parmi cette jeune élite de demain.

Je t'explique ce qu'est une cellule. Les Gardiens du trône ne suivent pas une organisation verticale, ce serait prendre trop de risques. Nous n'avons pas de chef suprême, et les réunions où tous les membres sont présents, comme lors de ta première soirée ici, sont très rares. Nous fonctionnons surtout grâce à une communication horizontale. Nous sommes organisés en cellules, des petits groupes discrets pouvant aller de cinq membres à une trentaine. Dans chaque cellule, quelques responsables prennent des décisions avec leur groupe. Parfois, les responsables de différentes cellules vont se réunir pour discuter et préparer des plans ou des interventions.

Voici donc notre proposition. Grâce à un contact très haut-placé, nous pouvons t'offrir une place à l'École Royale. Tu serais ainsi notre espionne dans l'école, tu nous transmettrais toutes les informations que tu pourrais recueillir sur ce qui s'y passe, en qui nous pouvons avoir confiance... En tout cela en suivant des cours, en te formant.

Qu'en dis-tu ? »

Alba réfléchit :

— C'est sûr que cette mission a des avantages. Mais sachant que je ne suis que temporairement parmi les Gardiens du trône, comment ferez-vous si mon père est libéré et que je quitte Lorendia ?

— Toute information collectée sera utile. Nous sommes bien conscients qu'il s'agit d'un poste temporaire.

— Le niveau ne sera-t-il pas trop haut pour moi ? J'ai étudié dans une école professionnelle appliquée, je ne sais pas si je pourrais suivre les cours de la meilleure école d'Éveria. Et comment expliquerai-je mon arrivée si tardive, alors que les cours ont commencé il y a si longtemps ?

— J'ai toute confiance en toi, Alba. Je suis sûr que tu pourras t'adapter. Et le plan a déjà été élaboré. Tu te nommes Laura, tu es une étudiante boursière de Lorendia, qui suivait une formation à la campagne, mais qui, à cause de problèmes de santé, a pu intégrer l'École royale, grâce à une autorisation spéciale, afin d'être plus proche de ta famille et des soins nécessaires. Tu pourras garder ces « soucis de santé » secrets, on pensera juste que c'est quelque chose d'assez grave que tu ne veux pas dévoiler.

— Dans ce cas, je ne vois pas d'inconvénient à accepter. Mais est-ce possible de suivre une formation pour devenir sylvine ? C'est mon but, mon rêve, depuis longtemps.

— Je crois qu'il n'y a pas de cours spécialisés pour cette formation, mais cela doit être possible de choisir cette discipline en matière optionnelle. Justement, il ne te reste plus qu'à choisir ta spécialisation : littérature, arts, combat, magie ou diplomatie.

— Magie ? La Magie de la Parole ? Je ne savais pas qu'elle était encore enseignée. Je croyais ce pouvoir enseveli dans les décombres du passé, perdu pour toujours. S'il y a donc la possibilité d'apprendre la Magie de la Parole, je veux bien la choisir.

— De toutes les formations, tu as choisi la plus exigeante et la plus compliquée, rit Rostam, dont le sourire cachait cependant mal une certaine gêne. Nous essaierons de t'obtenir une place dans cette formation, si c'est vraiment ce que tu veux.


Voilà, l'aventure d'Alba se poursuit donc. Qu'attendez-vous par la suite? Qu'est-ce qui va se passer selon vous? N'hésitez pas à répondre en commentaires!


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