Chapitre 8

Note: ce chapitre est un peu plus long que d'habitude, et beaucoup de personnages sont introduits en peu de temps. Il n'est pas nécessaire de tous les apprendre maintenant, j'ai mis un document explicatif à la fin du chapitre.


Lio et Alba se faufilèrent à travers la foule qui s'amassait, et d'un pas rapide reprirent leur marche vers le Parc Royal.

- N'empêche qu'il a dû avoir très peur, s'exclama Lio, il ne reviendra pas nous filer de sitôt. Je me demande pourquoi il nous suivait. N'importe, j'en informerai mon père ce soir.

- Que font tes parents ? Font-ils partie des Gardiens du trône ?

- Non, mes parents n'ont pas choisi de s'y engager, mais ils m'ont laissé libre de faire ce que je veux. Mes deux parents travaillent dans un atelier de forgerons, c'est là que je travaille aussi quand je n'ai pas de missions à accomplir.

La matinée se passa agréablement, Alba fut charmée par la beauté et la majesté du Parc Royal. Entre de larges étendues de gazon frais et court circulaient de longues voies en sable blanc bordées de hauts arbres qui ombrageaient la promenade. À midi, les deux mangèrent dans la rue, ayant acheté quelques victuailles à une marchande ambulante. Partout, des gens causaient des évènements de la veille. De tous les sentiments qui s'exprimaient, c'était surtout l'incompréhension qui régnait. De l'incompréhension face à un acte si brutal dans une vie qui semblait parfaite. De l'incompréhension face à l'illusion de sécurité qui était brisée. De l'incompréhension face aux circonstances non maîtrisées par le pouvoir qui avant-hier paraissait inébranlable.

Alors que Lio et Alba finissaient de manger, une escouade de cavaliers armés débarqua, et se plaça devant une fontaine, à la vue de tous les passants. L'un d'entre eux déroula un parchemin et lut :

« Par l'ordonnance de la reine et de ses conseillers, à la suite de l'attentat contre la gracieuse personne de sa majesté, évité grâce au courage et à l'action des forces de l'ordre, un état d'urgence est proclamé sur la capitale, pour protéger la population et empêcher toute éventuelle nouvelle tentative.

Un couvre-feu sera donc instauré à partir de la première heure après le coucher du soleil ; toute personne présente dans les rues après cette heure-ci sera arrêtée. Des gardes seront présents à toutes les portes de la ville, et toute personne souhaitant entrer ou sortir devra présenter un motif valable. Des fouilles seront autorisées si nécessaires. Les Gardes Royaux seront déployés dans la ville entière et auront le droit d'intervenir à tout moment. L'État tiendra la population au courant de toute nouvelle décision.

Longue vie à sa Majesté la Reine ! »

Des murmures d'inquiétude circulaient dans la foule, une sorte d'effroi se propageait. L'état d'urgence n'avait pas été proclamé depuis plus de cinquante ans. En deux jours, la vie des Lorendiens venait d'être bouleversée.

- Qu'est-ce qu'ils racontent ? Ce ne sont pas les forces de l'ordre qui ont sauvé la reine ! s'exclama Alba, indignée.

- Calme-toi, lui répondit Lio, en l'entraînant à l'écart pour ne pas se faire remarquer, car quelques personnes avaient levé la tête en entendant Alba. À mon avis, il y a deux possibilités pour expliquer cette déformation de la vérité.

- Déformation de la vérité ! C'est carrément un mensonge, tout le monde a vu que les soldats ne savaient pas quoi faire, ils étaient complètement débordés par les évènements !

Alba allait vraiment s'énerver pour de bon. Lio tenta de la calmer :

« Alba, nous-mêmes nous ne voulons pas nous dévoiler au grand public, il vaut mieux pour nous et pour la reine que nous restions dans l'ombre. Si le gouvernement revendique cette intervention, cela nous permet de rester discrets. Le Complot doutera peut-être de notre existence en tant qu'entité distincte de l'État.

La deuxième raison que je voulais évoquer se rapporte davantage au gouvernement. La tentative d'assassinat hier a ébranlé l'État, notamment les conseillers et les responsables militaires. Il se trouve que la reine n'est pas que menacée par le Complot, mais est aussi en danger du côté de son entourage. La plupart de ses conseillers et de ses généraux sont en conflit permanent entre eux pour gagner sa faveur et devenir plus importants. Ils ne cherchent que leurs propres intérêts. Hier soir, à la réunion du conseil d'État, chacun a rejeté la faute sur les autres. Les généraux ont accusé les conseillers d'envelopper la reine dans une atmosphère faussée de mensonges. Ces derniers ont ensuite critiqué la gestion ratée de l'attentat. On a même reproché aux généraux de mal entraîner les soldats. Résultat : le gouvernement est divisé et en colère. »

Un silence s'imposa pendant quelques moments. Seuls et silencieux milieu de la foule mouvementée. Alba se remettait de sa colère.

- N'y a-t-il donc aucun moment de prévenir la reine ?

- Il est très difficile d'approcher la reine. Son entourage empêche tout contact non désiré. En étant un peu cynique, je peux dire que les assassins hier se sont plus rapprochés d'elle que n'importe quel autre membre du peuple depuis dix ans. Le pays semble aller bien, mais des fissures profondes existent. Nous ne savons même pas si la reine est consciente de l'influence de ses conseillers sur elle. Pour le moment, faisons juste de notre mieux.

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Alors que dans la ville entière, l'étonnement, l'indignation ou les récriminations se propageaient, une atmosphère encore plus tendue dominait la grande salle du Conseil d'État. Dans cette pièce haute aux murs plaqués de bois sombre venaient de se rassembler les divers membres du gouvernement, assis autour d'une longue table rectangulaire en marbre, les conseillers de la reine d'un côté, les responsables militaires de l'autre. Il ne manquait plus que la souveraine du pays pour commencer. En attendant, les deux côtés se dévisageaient avec haine, mépris ou rancœur. Seuls quelques rares visages restaient calmes et patients au milieu de cette hostilité muette.

Les portes s'ouvrirent et une voix forte annonça : « Sa Majesté la Reine ! ». L'ensemble des participants se levèrent, certains avec un peu de mauvaise volonté, et le ressentiment disparut de leurs visages, laissant place à une impassibilité qui cachait bien habilement les sentiments violents en eux.

La reine parut dans une robe sombre, et prit sa place à la tête de la table. Malgré les évènements et les émotions qu'elle avait dû subir la veille, son visage était calme et déterminé, sa voix claire et décidée.

« Mesdames, Messieurs, la réunion peut commencer, dit-elle. Je viens de m'assurer personnellement de la proclamation de l'état d'urgence. Chaque quartier de la ville en a été informé publiquement. Nous avons donc mis en place cette première mesure. Que proposez-vous pour la suite ? »

Pendant un court moment, personne ne dit rien, chacun observait les autres pour voir qui allait prendre la parole en premier. Finalement, Ricardo Sul'Jo, Général de l'infanterie, dont les cheveux noirs plaqués à son crâne mettaient en avant son visage pointu, se racla la gorge, et s'exprima :

- Votre Majesté, il y a, à mon avis, deux possibilités. Soit les assassins sont toujours dans la cité, dans ce cas il faudrait organiser une fouille de toutes les maisons, de toutes les rues, de tous les souterrains, soit ils sont à l'extérieur, et alors, il faut envoyer des soldats dans le royaume entier pour les poursuivre.

Un silence glacial s'établit autour de la table. Un vieux conseiller secoua la tête :

- Quels vains efforts ! Vous essayez de réparer la faute qui a déjà été commise. Il fallait être sérieux et consciencieux avant l'attentat, pas après. Si vous nous aviez écoutés, la tentative d'assassinat ne se serait jamais passée.

- Aldo Sul'Dolo, tu n'es qu'un fanfaron orgueilleux ! Tu dis que nous aurions dû vous écouter, toi et ta bande de courtisans, sauf que vous n'aviez rien dit, vous étiez juste assis là, devant nous, à profiter de vos privilèges, en protégeant votre égo disproportionné.

Ces dernières paroles avaient été prononcées avec fermeté et haine par le Général des Armées, Lysandre Sul'Marius, un homme robuste dont les cheveux gris délicatement peignés témoignaient de son âge et de son soin corporel. Les conseillers ne furent pas longtemps à apporter une réponse brutale et claquante, apportée par Lirytheira Sul'Dracona, conseillère en espionnage :

- La vérité est que nous avions conscience du danger qui menaçait la reine bien avant vous, mais que votre entêtement nous a empêché d'en avertir le Conseil !

Encore une fois, tout le monde se tut. Les messages passaient maintenant par les yeux plutôt que par les bouches. La reine avait assisté à cette scène sans mot dire, elle paraissait osciller entre la consternation et l'appréhension.

C'est alors que le Général de cavalerie, Frédéri Sul'Gasto, prit la parole, avec calme et dignité :

- Nous nous écartons du sujet principal de la réunion. Réfléchissons plutôt aux mesures qu'il conviendrait de prendre.

- Tais-toi vieux fou ! réagit Lirytheira. Tu ne sais pas comment doit fonctionner le Conseil d'État ! Il importe tout d'abord de résoudre la question de la responsabilité. Retourne t'occuper de tes cavaliers !


Plusieurs heures plus tard, la porte de la salle s'ouvrit, et les membres du Conseil sortirent, indignés, furieux, éreintés par les débats orageux qui avaient eu lieu. Seule la reine resta un moment, puis, avec un soupir, quitta la pièce.




Voici le document qui présente les différents personnages du Conseil, généraux d'un côté, conseillers de l'autre:


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