Chapitre 5

- Bienvenue à toi, je suis Davilien, et voici mes compagnons Olidar et Néphralie, annonça un vieil homme, à la barbe blanche et aux cheveux qui paraissaient teints en janthine. Nous sommes heureux de pouvoir t'offrir un refuge pour l'instant.

- Merci à vous, répondit Alba.

Lio la mena à l'écart vers une autre table, et ils s'assirent.

- Alors, peux-tu m'expliquer ce qui s'est passé, et ce que vous faites tous ? demanda Alba.

- C'est assez long à expliquer, mais je t'en fais une version raccourcie. Nous sommes convaincus qu'un grand danger menace la royauté. Depuis plusieurs années, un complot semble se tramer contre la famille royale. Des personnes agissent dans l'ombre, et nous pensons que la reine est menacée. Je ne peux pas te donner plus d'informations là-dessus, cela reste confidentiel. C'est donc à la suite de ces observations qu'un groupe d'hommes et de femmes, dévoués à la reine, se sont rassemblés pour former une résistance contre ce danger. Nous avons alors le devoir de protéger la reine, la famille royale, de chercher des informations par rapport à ce complot, et d'intervenir si besoin. Au cours du temps, d'autres se sont affiliés à nous. Aujourd'hui, nous sommes passés tout près d'une catastrophe. L'ennemi a été plus rapide que prévu, nous n'avons eu conscience du danger qu'à la dernière minute. Mais c'était sûr qu'ils allaient tenter quelque chose ! La reine était une cible facile. Nous avons vraiment été bêtes ! Au moins, le pire a été évité, et, s'il y a une bonne nouvelle dans tout cela, c'est que ce groupe complotiste a été démasqué. La royauté ne peut plus ignorer son existence.

- Tu veux dire qu'ils avaient conscience du complot ?

- Nous avons essayé plusieurs fois d'avertir la reine, mais notre message, je pense, n'est jamais parvenu jusqu'à elle. Il y avait toujours des courtisans ou des hauts gradés qui ne nous prenaient pas au sérieux, qui disaient que ce n'étaient que des balivernes, des racontars.

- Et si eux étaient au service du complot ?

- J'en doute fortement. Pas dans le cercle privé de la reine en tout cas. À mon avis, ce ne sont que des vieux orgueilleux, qui tiennent à leur position élevée, et qui ne veulent pas compromettre leur poste. Ils ne pensent qu'à leur propre réussite. Personne ne veut porter une mauvaise nouvelle comme celle-là. Néanmoins, il est clair qu'il est difficile, presque impossible, de savoir en qui nous pouvons faire confiance.

- Et pourtant tu m'as invitée ici.

- Ça se voit que tu es honnête et loyale. Lors du combat, je t'ai observée, c'était clair que tu n'étais pas du côté des ennemis. Et surtout, tu ne viens pas de Lorendia. De ce que nous savons, le complot est borné à la capitale. J'ai de bonnes raisons pour avoir confiance en toi.

- Effectivement, je viens de la campagne, de la ville de Kaloga. Mon père avait des affaires avec un client important, qui fournit des vêtements à la ville, Calisthème Sul'Lani, je crois qu'il s'appelle. Je l'ai accompagné pour la journée.

- On ne peut pas dire que tu sois venue au meilleur moment.

Tout au long de leur conversation, d'autres personnes descendaient par la trappe, pareilles à des ombres, silencieuses et anonymes. Chacun à leur tour, ils saluaient ceux qui étaient déjà présents avec une formule qui semblait servir de mot de passe , et tiraient une chaise pour s'intégrer dans le groupe principal. Personne ne faisait attention à la présence d'Alba. Les lumières vacillantes des bougies éclairaient vaguement la scène, laissant voir par instants des visages fermes et déterminés. On discutait peu, quelques informations étaient échangées par-ci, par-là.

- Que penses-tu de la reine et de la royauté ? demanda Lio.

- C'est vraiment le seul régime que j'ai connu. En tout cas, je n'ai jamais souffert de la part de la monarchie, et je n'ai entendu que du bien de la reine Camilla. J'imagine que si jamais le complot réussissait, et que la reine mourrait, ce serait un chaos absolu. J'admire du coup votre groupe, qui se dévoue entièrement pour la protéger.

- Je vois. C'est difficile de se faire une opinion d'une chose si l'on n'a jamais connu autre chose. Quelqu'un de ma famille a rejoint le groupe d'abord, puis, un jour, j'ai vu des preuves de ce complot, donc je me suis engagé aussi. C'était il y a un an. Depuis, plusieurs personnes nous ont aussi rejoints.

- Combien êtes-vous en tout ?

- Je ne peux pas te le dire, même si j'ai confiance en toi. Ce sont des informations qui ne doivent pas tomber entre de mauvaises mains.

Ils se turent. Quelque temps après entra un homme à la haute taille, qui avait une forme d'autorité, et fit un rapport à tous ceux qui étaient présents.

« Les bonnes nouvelles d'abord. Lors de l'attaque, nous avons pu disperser le groupe qui a attaqué la reine, nous en avons abattu cinq, les autres ont fui un peu partout dans la ville. Même s'ils étaient supérieurs en nombre, je crois que c'est un effet de surprise qui nous a avantagé. Ils ne s'attendaient pas à rencontrer une quelconque forme de résistance. En les poursuivant, nous en avons tué encore trois. Les autres ont pu s'échapper. La reine et les autres membres de la famille royale sont en sécurité au palais, les Gardes Royaux ont la situation sous contrôle. Nous avons jugé qu'il était mieux de ne pas signaler notre intervention à la royauté, nous allons garder le secret pour le moment.

Je passe aux mauvaises nouvelles. C'était prévu, mais suite à cette tentative ratée d'assassinat, ils savent maintenant qu'ils ont un groupe de résistance d'une force qui n'est pas à négliger. Ils vont donc prendre plus de précautions, de ce fait, nous allons aussi devoir redoubler d'efforts. Deuxièmement, en s'enfuyant dans la cité, ils ont commencé à répandre leur vengeance. Et ce n'étaient pas des méfaits aléatoires. Ils ont ciblé des personnes particulières. Plusieurs notables ont été enlevés, dont Thadule Sul'Wittéric, Garmanius Sul'Romnax et Calisthème Sul'Lani. Ils semblent donc avoir une bonne connaissance de la ville... »

Un nom particulier avait frappé l'oreille d'Alba.

- Calisthème Sul'Lani, c'était le client chez qui mon père est allé, expliqua-t-elle à Lio. Cet homme vient de dire qu'il a été enlevé ?

Lio se leva sans rien dire, et partit chuchoter quelque chose à l'oreille du porteur de nouvelles. Il revient vers Alba, le visage grave.

- On part tout de suite, il faut voir la situation chez lui. Nous serons accompagnés, pour plus de sécurité.

Quelques minutes plus tard, une petite troupe se mit en route. Alba était entourée de Lio, Olidar, et cet homme qui avait apporté les nouvelles, qui s'appelait Rostam. Ils marchèrent rapidement, la guidant vers la maison près de laquelle elle avait laissé son père quelques heures plus tôt. Combien d'évènements s'étaient déroulés depuis ! Arrivant dans la rue, Alba vit que la porte de la maison avait été forcée. Des traces de bagarre pouvaient se voir dans la terre devant la porte. Une sangle d'équarius arrachée sembla confirmer leurs peurs. Des personnes à l'intérieur avaient été surprises et enlevées par des cavaliers chevauchant des équarius. De ce que l'on pouvait voir au sol, trois personnes avaient été emportées.

À l'intérieur de l'habitation richement décorée, il y avait encore plus de traces d'une lutte. Une autre porte avait été défoncée. On pouvait comprendre que le marchand et les autres s'étaient barricadés dans ce bureau, mais n'avaient pas pu résister longtemps. En fouillant la pièce du regard, Alba vit un petit bout de papier qui dépassait de sous une armoire. Elle le ramassa et reconnut tout de suite l'écriture de son père :

« Chère Alba,

Je ne sais pas si ce bout de papier te parviendra un jour. Je prie que tu le trouves en revenant ici.

Je suis sur le point d'être enlevé. Ne t'inquiète pas pour moi.

Il ne faut surtout pas que tu rentres à Kaloga. Reste à Lorendia, trouve-toi un métier, ou un moyen de subsister, mais ne te fait pas remarquer. Adresse-toi à l'auberge de la Hayligeu Vurst de temps en temps, je tenterai de te donner des nouvelles.

Au revoir, 

Ton père. »

Alba finit de lire la lettre, et prit une longue inspiration. Son monde venait de la lâcher. En quelques heures, elle venait de perdre ses repères. Désormais, elle était seule dans la ville. Lio, voyant son désarroi, vint vers elle. Que se passait-il ? Elle lui tendit la lettre. Il la lut deux fois, puis se retourna vers Rostam. Ils causèrent un moment, et Lio revint vers Alba.

- Je suis vraiment désolé, dit-il. Ça doit être dur pour toi, mais j'ai une proposition à te faire. Tu ne peux pas rester à la rue à Lorendia, ce ne serait pas digne de toi, et c'est devenu dangereux. Au nom des femmes et hommes qui se sont engagés à protéger la reine, je t'invite à nous rejoindre. Tu auras un lit, un toit, et de quoi manger. Tu feras partie d'une grande famille, tu trouveras en nous des camarades. C'est une existence difficile, mais j'ai confiance en toi, je suis sûr que tu pourrais réussir. Je ne doute pas de ton dévouement à la reine. Qu'en dis-tu ?

Alba, surprise par cette proposition, ne répondit pas tout de suite...

- Il faut que je réfléchisse un moment.

Elle sortit derrière la maison, dans le petit jardin, pendant que les autres continuaient leur enquête.

Devait-elle accepter ? Il était évident qu'elle devait trouver un point d'appui à Lorendia, que ce soit un métier, un logement ou une corporation. Mais elle n'avait pas encore fini son éducation, elle était loin d'avoir les compétences nécessaires pour exercer le métier de sylvine. Elle pouvait peut-être trouver un autre travail, mais elle n'avait pas beaucoup d'argent avec elle. Certes, l'offre de Lio avait ses avantages, elle pourrait compter sur un logement, et avoir assez à manger. Cependant, était-ce sa vocation d'entrer dans ce groupe de résistance ? Son père approuverait-il ? Elle ne se voyait pas combattre, ni verser son sang, même en étant dévouée à la reine. S'ils pouvaient lui donner une tâche tranquille, elle serait prête à les rejoindre.

Elle revint vers eux.

- J'ai pris ma décision. J'aimerais beaucoup me joindre à vous, j'ai conscience du danger qui menace la reine, mais je ne veux pas combattre, ni manier une arme.

Lio sourit :

- Nos activités ne se réduisent pas qu'au combat. Nous avons de nombreuses personnes qui infiltrent différents milieux, récoltent des informations, ou apportent du support à ceux qui sont sur le terrain. Il se peut qu'il y ait une situation où tu doives combattre, mais tu ne seras pas forcée à en faire ton métier.

- Alors j'accepte.

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