Chapitre 8.1
♪ The Chronicles of Narnia Soundtrack - 02 - Evacuating London
Ce qui avait suivi le blizzard avait été assez comique. Le trio avait commencé à se déshabiller chacun dans un coin de la cavité et avait pris plaisir à quitter leurs habits trempés. Aucun d'entre eux n'avait pensé que la fraîcheur extérieure sur leur peau nue serait pire que tout. À l'instar de ses compagnons, Aymee ne pouvait pas voir ce qui se passait derrière elle, mais elle percevait très clairement le claquement de leurs bottes contre le sol boueux. Edwin et Esmeralda sautillaient sur place et tentaient de ne pas penser au vent aride qui les enveloppait. La Gardienne se plut à les imaginer en train d'effectuer une danse de lutins et fut même incapable de contenir un fou rire incontrôlable. La fatigue, le froid et l'aventure qu'ils venaient de vivre ne l'aidaient sûrement pas, mais à cet instant elle avait besoin de se libérer de toutes ces tensions. L'amusement se trouva être la seule possibilité qui s'offrait à elle en cet instant, bien qu'il soit en décalage complet avec la réalité. Aymee avait peut-être l'air stupide aux yeux de ses partenaires et elle s'en moquait éperdument. Tout ce qu'elle savait, c'était que son euphorie lui permettait de lutter contre les vents glacés et de se réchauffer un minimum.
Quelque part, elle avait l'impression de ne jamais avoir remarqué les bienfaits que le rire pouvait avoir sur elle. Une sensation de bien-être venait de naître au creux de son estomac et, très rapidement, elle explosa et s'étendit dans l'ensemble de son être. Cette énergie était comparable à une vague qui venait s'abattre de toute sa puissance contre un rocher qui jonchait le sable. Aymee n'avait jamais prêté attention aux ondes positives qui se diffusaient en elle et elle devait avouer qu'elles avaient une puissance inconsidérée.
La Gardienne se tenait donc debout et essayait d'enfiler son autre chemise, qui avait eu la chance d'échapper à ces intempéries. N'importe quelle personne baignant dans la spiritualité l'aurait pointé du doigt et l'aurait accusé d'être possédée. Ses nerfs avaient lâché à cause de la fatigue et elle n'était visiblement pas la seule, puisque Esmeralda ne tarda pas à la rejoindre dans sa folie passagère.
Cette étrange scène dura de longues secondes, au cours desquelles Edwin les regarda d'un air intéressé et surpris. Il finit par comprendre les sentiments qui habitaient les deux demoiselles qui l'accompagnaient et ne parvint pas à camoufler son léger sourire en coin. La tension qui les habitait depuis qu'ils avaient quitté Asporg venait de redescendre brusquement et l'atmosphère qui les entourait devint plus légère.
Quand le calme et la sérénité les regagnèrent enfin, Edwin fut le premier à prendre la parole, alors qu'il tassait ses vêtements en boule dans son sac, sans la moindre délicatesse.
— Aymee, tu pourras nous sortir la carte du territoire que tu as dessiné quand tu étais enfant. À en juger par l'immense sourire qu'il arborait, il était fier de sa petite plaisanterie qui n'avait pas du tout amusée la Gardienne à leur première rencontre. Pourtant, le temps avait permis de l'adoucir et, ce jour-là, elle se surprit du détachement qu'elle prit vis-à-vis de sa remarque.
— Je n'ai peut-être pas de talent en dessin, mais moi je sais plier mes vêtements.
Un sourire narquois se dessina à la commissure de ses lèvres, alors qu'elle arqua ses sourcils d'un air provocateur. Aymee était plutôt fière de sa répartie qui avait pris Edwin par surprise. Pendant de longues secondes, il se gratta l'arrière du crâne et fut incapable de répondre quoi que ce soit.
— À quoi bon le faire, ils sécheront aussi vite dans mon sac, qu'ils soient en vrac ou remarquablement bien pliés.
Il haussa les épaules, ses yeux d'un noir profond plantés dans les siens. Ils s'observèrent un moment, avant de laisser un rire mélodieux franchir le seuil de leurs lèvres. Cette situation était ridicule, mais de petits piques entre compagnons de voyage ne faisaient pas de mal. Après tout, leur relation tendait à évoluer depuis leur rencontre, trois jours auparavant. Aymee le ressentait au fond d'elle-même : elle n'était plus la même qu'à son arrivée. Elle ignorait comment et à quel point, mais elle savait que cette quête lui avait permis d'en apprendre davantage sur elle et sur la personne qu'elle voulait devenir. Quelques jours et quelques échanges cordiaux lui avaient permis de faire le point sur sa situation, ce qui ne pouvait que la terrifier. La Gardienne avait toujours aimé la routine, son quotidien parfaitement agencé, mais à présent elle se jetait dans l'inconnu et elle ne savait pas ce qu'elle allait découvrir sur les autres et sur elle-même.
— Nous ne devrions pas tarder à voir ce fleuve, reprit-t-il en examinant la carte d'un air attentif. Pour l'instant, nous sommes dans ce coin-là et nous devons nous rendre à Belris.
Il laissa son index glissé le long de la carte, pour leur montrer le chemin qu'ils leur restaient à parcourir. Si ces informations s'avéraient exactes, ils étaient plus ou moins à l'ouest d'une source d'eau et la traverser risquait d'être une tâche particulièrement désagréable. Enfin... Que signifiait ce mot après la blizzard qu'ils venaient de rencontrer en chemin ? Il ne faisait aucun doute que ce fleuve serait l'étape la plus calme de leur aventure.
— Il devrait nous rester une ou deux journées de marche, n'est-ce pas ?
Aymee ne connaissait pas très bien le temps de déplacement sur Eyama, mais son approximation se révélait exacte. Ils étaient partis de leur village presque deux jours auparavant. Le trio n'avait donc pas pris énormément de retard par rapport à ce qu'Edwin leur avait indiqué avant de partir. Le blizzard les avait ralentis de quelques heures seulement et s'ils gardaient leur cadence actuelle, ils pouvaient espérer arriver très prochainement à Belris.
La Gardienne ignorait si son impatience modifiait le cours du temps, mais elle avait l'impression de marcher depuis une semaine. Depuis qu'elle était petite, elle rêvait de se rendre à Belris qui était le point de ralliement des mages, mais également des apprentis. Elle s'était nourrie de la puissance des ouvrages de l'Institut et des histoires que son père lui contait pour imaginer l'ampleur de ce village. D'ici peu, Aymee pourrait constater de ses propres yeux l'exactitude des mots dont elle s'était abreuvée durant toutes ces années.
— Le soleil devrait se coucher dans une heure ou deux, répliqua Esmeralda en prêtant un regard attentif au ciel gris et nuageux. Et j'ai l'endroit idéal pour la nuit.
— Ah oui ?
Edwin était visiblement surpris de l'initiative de sa sœur et ne parvenait pas à comprendre pas comment elle pouvait connaître de bons itinéraires dans les montagnes du Nord. Aymee le comprenait. Ces terres étaient plutôt désertiques et, à ses yeux, il n'y avait rien à en tirer mise à part un nez bouché et des orteils congelés. Malgré tout, sa confiance était suffisamment grande pour qu'il suive sa petite sœur sans contester et sans poser de questions.
Tout deux savaient pertinemment qu'Esmeralda était pleine de ressources et ils ne se trompaient pas. Au bout d'une petite heure de marche, elle s'arrêta au pied d'une montagne et les regarda avec un immense sourire.
— Nous y sommes ! s'exclama-t-elle en levant les deux bras en l'air, fière de sa trouvaille.
— Hum... Oui, c'est bien... Mais tu pourrais nous expliquer ce que l'on fait devant une montagne avec quelques étranges motifs sur sa façade ?
Depuis plusieurs secondes déjà, Aymee observait les runes d'un air attentif. Elle en avait déjà étudié des similaires en cours. Les mages les utilisaient souvent pour faire ou défaire un sortilège. En l'occurrence, ils avaient devant eux un symbole de feu et de chaleur, qui laissait penser à un refuge au cœur même de cette montagne. La Gardienne n'était pas surprise le moins du monde. Les légendes racontaient que les mages avaient créé plusieurs refuges, dans les montagnes du Nord, où leurs confrères pouvaient rester pour la nuit. Ce jour-là, Aymee constatait avec stupeur qu'il ne s'agissait pas que de simples spéculations.
— Ta sœur est un véritable génie !
— Est-ce que quelqu'un peu m'expliquer ce qu'il se passe ici ? tenta une nouvelle fois Edwin, en se grattant nerveusement l'arrière de la nuque.
Esmeralda fit un mouvement de tête en direction d'une petite entrée camouflée par des feuillages. L'excitation montait en Aymee et elle ne parvenait plus à rester en place. Un frisson lui parcourut l'échine et son cœur semblait tambouriner de plus en plus fort contre sa poitrine. Elle était impatiente de découvrir ce qu'il se cachait à l'intérieur de ce refuge, contrairement à Edwin qui traînait de la patte.
— Allez, viens ! s'exclama-t-elle en lui attrapant la main pour le pousser à entrer dans le tunnel.
Il ne faisait aucun doute que la magie régnait en ces lieux. À chacun de leur pas, des torches s'allumèrent et leur dévoilèrent le chemin. Aymee fut même incapable de contenir son étonnement. Sa bouche était entrouverte et il était possible de voir ses yeux pétiller à travers la faible luminosité. Elle était si ébahie qu'elle en oublia presque qu'elle maintenait la main d'Edwin depuis plusieurs minutes déjà.
Elle y prêta attention au moment où ils s'échangèrent un immense sourire. La Gardienne ne comprenait pas comment elle n'avait pas pu le remarquer avant, elle qui détestait toute forme de contact physique. Le rouge lui monta instantanément aux joues et elle finit par racler sa gorge.
— Excuse-moi, murmura-t-elle avant de le lâcher de son emprise.
Edwin ne prit pas la peine de lui répondre. Il était bien trop concentré par ce qui les entourait, comme si on risquait de leur sauter dessus à tout moment. Pourtant, rien ne se produisit et au bout de quelques minutes, ils atteignirent un lieu immense désertique et au décor surprenant.
Les murs autour d'eux étaient couverts d'une épaisse couche de peinture bleue. Si ses souvenirs étaient bons, il s'agissait d'un mélange d'eau et d'huile, pour favoriser sa tenue, ajouté à des plantes pour la pigmentation. Pourtant, là n'était pas le plus impressionnant. De petites pierres argentées étaient plantées aléatoirement dans les parois et celles-ci brillaient avec intensité, comme si une petite flamme vivait en chacune d'elle. Ils avaient devant eux la représentation d'un ciel étoilé, qui les laissa bouche bée. Aymee n'avait même pas encore rencontré de mages, mais elle savait qu'elle ne parviendrait pas à rester impassible devant eux. Tout ça... dépassait tout entendement. Ses yeux brillaient de fascination et d'excitation, si bien qu'elle distingua à peine les échanges entre Esmeralda et Edwin.
— Comment as-tu connu un tel endroit ? s'étonna ce dernier, encore sous le choc.
— Elder m'a envoyé une missive, il y a quelques mois. Il m'a parlé de son escapade dans cette grotte et comment m'y rendre si jamais j'entamais une longue marche pour lui rendre visite, expliqua-t-elle tout naturellement, avec un léger haussement d'épaules. Je ne pensais pas venir ici un jour.
— C'est vraiment sublime ! s'exclama Aymee, laissant son index glisser le long du mur jusqu'à ce qu'elle frôle une des pierres.
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