Chapitre 7.2


♪  Uncharted 4 - Cut to the Chase [Extended]



     Le trio marchait depuis une bonne heure déjà et avait entamé une longue discussion sur l'histoire du territoire. Aymee avait ainsi pu en apprendre davantage sur ce qu'il s'était produit en ces lieux. L'Institut leur avait expliqué comment le continent d'Eyama était venu à se diviser en quatre tribus, mais ils n'avaient pas eu des cours d'Histoire approfondis sur le sujet. De toute manière, les Gardiens n'auraient jamais pu en avoir. Les tensions étaient toujours quelque chose de complexe et ils avaient pu apprendre qu'il n'existait pas qu'une vérité fondamentale. Plusieurs versions subsisteraient et le vécu serait différent d'une tribu à l'autre. Pourtant, du point de vue d'Aymee, il restait important de se renseigner et d'essayer de comprendre ce que la personne en face avait pu vivre.


— Les enfants de l'Aile Ancienne ont encore du mal à faire confiance aux étrangers, poursuivit Edwin, les bras se balançant le long de son corps au rythme de sa marche.

— Pour quelle raison ?

— Il y a quelques années, nous avons donné refuge à des habitants de l'Aile d'Acier. Ils se disaient être des rebelles, contre l'idéologie de leur dirigeante, expliqua la benjamine de la fratrie, en se mordillant avec nervosité l'intérieur de la joue.

— Meredith l'a découvert et est passée à l'offensive ? s'interrogea Aymee, bien loin de connaître la véritable histoire d'Eyama.

— Pire encore. Ce groupe n'était pas constitué que de rebelles. Il y avait aussi des espions et ils nous ont attaqués en pleine nuit, après avoir tué les traîtres à l'Aile d'Acier.


     Un frisson parcourut son échine, lorsqu'elle se mit à imaginer les atrocités qu'ils avaient pu vivre. Les espions n'avaient aucun scrupule, comme ils avaient pu le voir à l'auberge, un peu plus tôt. Ils pénétraient des lieux sans défense et attaquaient ou piochaient des informations qui pourraient être utiles pour la suite. S'ils s'en étaient pris à eux, ils auraient très bien pu s'en prendre à des femmes ou à des enfants, pendant leur sommeil... Aymee n'osait poser la question aux descendants de Tosmar, parce qu'elle savait que leur réponse ne lui conviendrait pas. Les actes de barbarie étaient présents, peu importe la planète dans laquelle ils se trouvaient. Rien ne pouvait les justifier. Pas même des petites guerres entre territoire, pas même une quête du pouvoir. Des êtres déshumanisés prenaient la vie de parfaits innocents, sans aucune raison apparente.


— Je pense que la tribu de l'Épée Rouge n'a toujours pas digéré le changement de territoire, clama Esmeralda, l'air songeur et absent.

— Ce ne serait pas étonnant. Autrefois, tous les mages étaient réunis au sud du continent, où est située la plus puissante source de magie.


     Aymee avait lâché ses paroles avec un petit haussement d'épaules. Elle ne connaissait pas toute l'histoire d'Eyama, mais elle avait en sa possession un bon nombre de connaissances sur la magie. Ce n'était guère étonnant puisqu'il s'agissait de la matière qu'elle avait le plus apprécié au cours de ses années à l'Institut.


     Quoi qu'il en soit, à l'époque, une bonne partie des mages s'étaient réunis aux abords d'une plage et pas pour n'importe quelle raison. Un filao, grand et majestueux, longeait les bords de mer. En ce lieu résidait la plus puissante source de magie d'Eyama. Les légendes disaient que l'arbre avait été ensorcelé par Ieyr, des centaines d'années auparavant. Cet homme était le plus grand guide que ce peuple puisse avoir. Les livres narraient ses exploits, ses sortilèges les plus étonnants et difficiles à reproduire. Il était un symbole.


— Pour une femme qui vient d'une petite île, tu connais assez bien l'histoire de notre territoire, s'étonna Esmeralda, enveloppée dans son épaisse cape qui lui offrait tout le confort possible dans ce froid de plus en plus tenace.

— Je me suis énormément renseignée et mon père aimait me transmettre ses connaissances lorsque j'étais plus jeune.


     Pour une fois, Aymee ne mentait pas à ses compagnons de voyage. Tout ce qu'elle savait sur Eyama, elle l'avait appris dans les livres à l'Institut ou dans son lit d'enfant, lorsque son père venait la border. Elle se souvenait parfaitement du nombre de fois où elle lui avait demandé de rester plus longtemps, de lui raconter une nouvelle histoire sur cette planète pas si lointaine. La plupart du temps, la fatigue gagnait sur sa curiosité et elle s'endormait au milieu d'une explication passionnante. Lorsque Thomas repartait en mission, elle devait parfois attendre plusieurs semaines pour connaître la fin. Une véritable torture pour une enfant impatience.


— Il doit te manquer, lança à nouveau la benjamine, avec une légère moue désolée et compatissante. Pour ma part, il ne passe pas un jour sans que je pense à notre mère et à ce qu'elle a pu devenir. Je me sens un peu coupable de ne pas avoir pu faire davantage...

— Ne dis pas de sottises, Esmeralda ! la réprimanda son frère, qui sortait enfin de son silence prolongé. Elle nous aimait et je suis certain qu'elle n'aurait pas voulu que tu mettes ta vie en danger pour elle.

— Tu parles comme si elle n'était plus là...

— Je n'en sais rien, mais tu as entendu ce qu'a dit le Conseil. Une attaque se prépare, mais pour qu'elle soit réussie, nous ne devons pas nous précipiter. Nous devons prendre le temps de songer à toutes les éventualités possibles.

— Mais j'en ai assez d'attendre ! Je veux me battre ! lança-t-elle avec cette petite flamme dans le regard qu'Aymee n'avait jamais vu auparavant, une détermination sans égale.


     La seule réponse de son aîné fut un long soupir qui lui fit comprendre qu'il était du même avis qu'elle, mais qu'il ne serait pas raisonnable de se précipiter. Une certaine ambivalence subsistait, mais la Gardienne la comprenait parfaitement. Choisir entre la raison et son devoir n'était pas chose aisée. La patience se révélait être la meilleure réaction à avoir ; le temps aidait inéluctablement à la meilleure prise de décision qu'il soit. Il ne fallait jamais se précipiter, même si Aymee avait encore du mal à se faire à cette idée.


     Perdue dans ses pensées, elle n'avait pas remarqué que la neige s'épaississait à vue d'œil. La visibilité avait considérablement réduit et ils leur étaient impossible de voir à plus de deux mètres devant eux. Ce changement météorologique avait été brutal et aucun d'eux n'aurait pu s'attendre à un tel revirement. Chaque pas devenait de plus en plus difficile, si bien que leurs bottes en cuir disparaissaient dans la neige et ne suffisaient plus à retenir l'humidité. Aymee ne sentait même plus ses propres orteils et elle avait l'impression que la situation était irréversible. Si quelqu'un lui avait écrasé le pied avec la plus grande violence qu'il soit, il était certain qu'elle n'aurait rien senti. Quant à la neige, elle venait fouetter la peau de leur visage sans la moindre délicatesse. Par chance, ils avaient traversé les frontières du Nord depuis un moment déjà et ils ne risquaient plus de finir figés sur place au contact du moindre flocon. Ils se seraient transformés en glaçon avant même d'avoir pu lancer un juron. Malgré tout, la tempête de neige n'était pas des plus agréables. La Gardienne dressait ses mains devant son visage, en espérant que ses épais gants en cuir lui permettraient de se protéger un minimum.


     Plus ils marchaient, plus les conditions climatiques devenaient intolérables. Ils peinaient à garder les yeux ouverts à cause du froid et aucun d'eux ne pouvait se vanter d'avoir chaud ou d'être en état de marcher encore plusieurs heures.


— Ça... arrive... souvent ?, grelotta la Gardienne entre ses lèvres, les bras croisés sous sa poitrine, dans l'espoir que cela change quelque chose.

— Je l'ignore... souffla l'homme du groupe. Nous... devrions trouver... un abri.


     Aymee aurait aimé motiver la troupe et ne pas perdre davantage de temps pour sa mission, mais elle devait bien avouer que cela était loin d'être raisonnable. S'ils restaient dehors, ils mouraient de froid. C'était une certitude ! Du moins, elle l'avait imaginé jusqu'à ce qu'Esmeralda leur fasse entrevoir une autre possibilité.


— S'il s'agit d'un blizzard, on peut en avoir pour plusieurs jours... Et puis, les mages ont beaucoup de protection contre... ce genre d'événements... Nous devrions continuer à avancer... Je pense que l'on sera bientôt en sécurité.


     Ils eurent à peine le temps d'acquiescer qu'un grondement se fit entendre au loin. Il résonna si fort qu'Aymee eut l'impression que ce bruit venait de lui transpercer littéralement la poitrine. Ses jambes se figèrent soudainement sur place et elle tenta d'observer ce qu'il se passait à travers la brume, sans le moindre succès. Selon elle, il n'y avait rien de plus terrifiant que de ne pas pouvoir percevoir ce qui allait se passer ou ce qui allait lui tomber dessus. Elle avait de bons réflexes, certes, mais contre des événements naturels, elle ne pouvait rien faire. La Gardienne était incapable d'adapter son comportement face à un tremblement de terre, un éboulement ou un volcan rentrant en éruption. Certaines choses la dépassaient totalement et cette situation en faisait partie. Un blizzard... Dans les montagnes du Nord réputées comme dangereuses et imprévisibles. Ils n'auraient pas pu plus mal tomber.


— Edwin, tu avais bien une corde dans ton sac ? cria-t-elle dans l'espoir qu'il puisse l'entendre malgré le vent qui sifflait dans leurs oreilles.

— Oui. Pourquoi ?

— Sors-la !


     Ni une ni deux, son camarade s'arrêta et la sortit avec difficulté. La moindre maladresse et ils risquaient de ne jamais retrouver leurs matériels. Aymee pensait à ses fioles. Si jamais l'une d'entre elles tombait dans la neige, ils pouvaient être certains qu'ils ne la retrouveraient pas. Quand son camarade lui tendit enfin la corde, elle la passa à travers la sangle de son sac à dos et fit de même avec les leurs.


— Pour plus de sécurité ! hurla-t-elle à travers la bourrasque.


     La Gardienne aurait aimé détailler davantage ce qu'elle avait en tête en les attachant les uns aux autres, mais le climat ne lui permettait pas de le faire. En vérité, elle espérait qu'ils puissent avancer plus vite, sans prendre le risque de se perdre. Esmeralda n'avait pas tort : le seul moyen d'échapper à cette tempête de neige, c'était de la traverser sans sourciller. Le Nord était réputé pour ses blizzards et, même s'ils se terraient dans un coin pour échapper à celui-ci, ils en rencontreraient probablement une autre.


— Bordel... souffla-t-elle entre ses lèvres tremblotantes et qui viraient au bleu.


     Aymee ne se sentait pas très bien. Si la fraîcheur lui avait donné de l'énergie au moment de son réveil, ce n'était plus le cas actuellement. Les muscles de ses cuisses la tiraillaient et n'appréciaient visiblement pas l'eau glacée qui traversait le tissu de son pantalon. Quant à ses mollets... Elle priait pour pouvoir les ressentir un jour. La jeune femme avait la terrible impression que ses jambes ne lui appartenaient plus. Le mouvement mécanique était bel et bien là, mais elle avait l'étrange impression qu'il ne provenait pas d'elle. Oscillant entre la frustration et l'appréhension, elle songea à tous ces mages qui avaient choisi de vivre ici. À quel moment ils avaient jugé préférable de vivre dans ces conditions extrêmes ? Enfin... Ils avaient la chance d'avoir des pouvoirs, eux ; quelques formules et mouvements de poignets et le tour était joué.


     Les minutes qui suivirent cette discussion furent les plus longues de la vie d'Aymee. Elle était incapable de déterminer l'heure de la journée et depuis combien de temps ils marchaient. La folie avait menacé de s'abattre sur elle, à tout instant. Le blizzard lui avait paru durer une éternité et elle s'était surprise à imaginer être un oiseau. Comment était la vie là-haut ? Est-ce que ses escapades auraient été plus compliquées que sur la terre ferme ? Elle en doutait. Au pire, elle aurait subi quelques minutes de bourrasques et non pas des heures entières. Avaient-ils au moins marché des heures ? Nom d'un dragon, elle mourrait de faim !


     Quand la tempête se calma, le trio put enfin distinguer le contour des montagnes au loin. Ils découvraient finalement ce territoire qui avait été un mystère entier depuis leur réveil. La neige était moins épaisse et ils pouvaient espérer se réchauffer un peu, tant ces terres grouillaient de petites cavités.


— Nous devrions allumer un feu et nous changer, au risque de tomber malade et si ce n'est pas déjà fait, suggéra Edwin, avec des joues plus rosées qu'à son habitude.

— J'espère qu'Elder a bien appris aux côtés des mages. Il pourra sûrement déboucher mon nez en quelques secondes, s'enjoua sa jeune sœur en effectuant des petits sauts sur place, dans l'espoir de se réchauffer.


     La Gardienne, occupée à se frotter ses mains l'une contre l'autre, ne manqua pas d'écouter leur échange et ne put s'empêcher de sourire. Elle n'avait pas de fratrie, mais elle imaginait parfaitement le lien qui pouvait unir Elder, Esmeralda et Edwin. Ils exprimaient de la sincérité, de la bienveillance et de la complicité, les uns envers les autres. Face à un tel constat, Aymee se demandait ce qu'elle serait devenue si elle avait eu un frère ou une sœur. Aurait-elle été plus tolérante ? Plus douce ? Elle l'ignorait, mais quelque part elle avait de la gratitude envers les enfants de Tosmar, pour l'avoir fait rentrer dans leur monde et découvrir le fonctionnement de leur famille. Elle était également heureuse de voir que sa quête pouvait leur être bénéfique, en leur permettant de revoir leur frère aîné. Il était parti depuis quelques années, si elle avait bien compris les échanges qu'ils avaient eus avec leur père.


— Vous devez être impatients de revoir Elder.

— Oh ça, oui ! s'exclama Esmeralda, alors que de petites étincelles dansaient au travers de ses pupilles. Je suis persuadée que tu l'apprécieras.


     Aymee ne put contenir un léger rire, mais elle se contenta de hocher la tête, pour ne pas la contrarier. Elle n'était pas du genre à apprécier grand monde, mais elle était prête à faire un effort pour Esmeralda et Edwin. Après tout, la Gardienne n'était pas aussi têtue qu'elle en avait l'air et elle était même capable de s'ouvrir au monde qui l'entourait quand elle le voulait. 


*


Hello. Je m'excuse du temps de publication. J'ai dû prendre le rythme scolaire, ahah. Comment s'est passé votre rentrée de votre côté ? J'ai mis un peu de temps à rédiger ce chapitre. J'espère qu'il n'y aura pas d'incohérences ou de maladresses et que vous passerez un bon moment. Merci de votre fidélité et à très vite !

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