Chapitre 3.2
♪ : The Chronicles of Narnia Soundtrack - The Wardrobe
Les chantonnements des oiseaux la tirèrent peu à peu de son sommeil. L'épisode de la veille n'était plus qu'un mauvais souvenir, si bien qu'Aymee avait oublié la sensation de brûlure qui lui avait déchiré l'estomac. Son premier réflexe fut, par ailleurs, d'examiner sa plaie afin d'être sûre qu'elle n'avait pas subi tout cela inutilement. Quelle ne fut pas sa joie quand elle vit que sa blessure commençait déjà à cicatriser et que de légères croûtes s'étaient formées à la surface de sa peau. Aymee n'avait jamais expérimenté l'algatin jusqu'à ce jour, mais elle devait bien avouer qu'il était efficace. Une intense énergie parcourut son corps et lui donna l'impression qu'elle était prête à affronter n'importe quelle créature qui croiserait son chemin. Au vu de cette montée d'adrénaline, il était hors de question qu'elle reste les bras croisés une journée de plus. Elle n'avait pas perdu de vue sa mission et elle l'accomplirait, quoi qu'il lui en coûte.
Se redressant lentement, histoire de ne pas brusquer son organisme qui était resté allongé pendant un moment, Aymee jeta un regard sur les vêtements laissés au bout de la paillasse. La gentillesse d'Esmeralda la touchait profondément, elle qui n'était pas habituée à ce genre d'altruisme sur Aphatis. Bien que les vêtements ne soient pas assortis à son style, elle s'en accommoderait parfaitement. Le tissu et le cuir n'étaient pas donnés et elle se jura intérieurement d'en prendre soin et de la rembourser. La gardienne détestait avoir des dettes, même si elle n'appartenait pas à ce monde. Elle ne partirait pas sans s'en être acquittée.
Silencieuse, Aymee enfila la blouse noire qui trônait sur la chaise, avant de laisser ses doigts parcourir le gilet sans manches au laçage croisé. Le travail qui avait été fait sur le cuir était remarquable. Il était évident que leurs deux planètes n'avaient pas évolué de la même manière, mais les habitants d'Eyama étaient doués de leurs mains et parvenaient à réaliser des choses qu'ils ne réussissaient plus à faire eux-mêmes, en l'absence de machines. Ce genre de savoirs s'était perdu à Aphatis, qui avait laissé les nouvelles technologies prendre le dessus, au plus grand désarroi d'Aymee. Après tout, elle n'avait pas choisi de spécialiser ses missions sur cette planète pour rien. Elle s'y sentait rattachée, passionnée... Ce sentiment ne se retrouvait pas n'importe où, uniquement dans les rêves, et il était important de les suivre avant de les perdre de vue. Sur cette douce pensée, elle se changea entièrement et abandonna avec plaisir ses anciens habits pleins de sang et déchirés par endroit. Il était grand temps qu'elle retourne réaliser sa mission. Aymee ne resterait pas dans ce lit une journée de plus.
D'un geste vif et rapide, elle réunit tous ses cheveux sur le sommet de son crâne en queue-de-cheval haute, pour éviter d'être dérangée dans les combats. Si elle recroisait un berglimo, elle voulait être préparée. La Gardienne se pencha pour ramasser son sac à dos en cuir qui traînait sur le sol et jeta un rapide coup d'œil pour être certaine que rien ne manquait à l'appel : sa carte, ses potions, quelques morceaux de tissus, une gourde réalisée à l'aide des matériaux de cette planète et, évidemment, son poignard. Tout naturellement, elle vint le glisser dans sa paire de bottes, là où était sa place. Il était primordial pour elle d'avoir une lame cachée, en cas de combat au corps à corps. Cela permettait de surprendre l'ennemi, de le déstabiliser et parfois de reprendre le dessus, alors que tout semblait perdu. Un doux sourire s'étira sur ses lèvres quand elle se remémora les nombreux entraînements qu'elle avait entrepris avec Ashton. Elle le voyait encore pester, alors qu'il s'était fait avoir pour la cinquantième fois par son poignard. Bon sang, elle espérait que tout se passe bien de son côté !
Aymee secoua le visage de gauche à droite. Il était à Aphatis, il était forcément en sécurité. D'ailleurs, si elle voulait le revoir, elle devait accélérer la cadence. Tout en passant la sangle de son sac sur son épaule, elle tira le rideau qui séparait les deux pièces de cette petite bâtisse. Face à elle se trouvait une sorte de séjour. Celui-ci était agréablement chauffé par un feu de cheminée. Le mobilier y était peu nombreux, mais les bouquets de fleurs et les plantes qui trônaient aux quatre coins de la pièce venaient rajouter des couleurs à ce foyer assez sombre. En son centre trônait une table entourée par deux rondins de bois, sur lesquels étaient assis Esmeralda et Edwin.
— ... Et quand je suis allé voir le commerçant, tu sais ce qu'il m'a dit ? commença l'aîné de la fratrie, incapable de terminer son histoire, étant donné que son arrivée sembla susciter immédiatement l'attention de sa sœur.
— Aymee !
Un immense sourire vint illuminer le reste de son visage et ce changement d'attitude suffit pour qu'Edwin se retourne face à elle pour constater qu'elle était bel et bien sur pied.
— Comment te sens-tu ? répliqua-t-il avec un léger froncement de sourcils.
— Beaucoup mieux. Je vous remercie pour tous les soins que vous m'avez apportés.
— Remercie plutôt Edwin. Il était mort d'inquiétude, hier soir. Il n'a pratiquement pas fermé l'œil de la nu... Aïe ! clama-t-elle d'une voix un peu plus stridente, qui lui fit rapidement comprendre que le concerné venait de lui mettre un coup de pied sous la table.
La complicité de ces deux-là l'amusa presque instantanément. Elle n'était pas du genre à montrer aussi facilement ses émotions, mais la fatigue et les blessures accumulées ne l'aidaient pas à les maîtriser comme elle l'aimerait. Dans tous les cas, la Gardienne était tout simplement incapable d'être renfrognée envers eux, alors qu'ils lui avaient sauvé la vie, de façon indéniable.
— Je vous remercie pour votre hospitalité, vraiment, commença-t-elle avec le plus grand sérieux du monde. Malheureusement, je ne peux pas rester plus longtemps.
— Pourquoi ? riposta soudainement la benjamine, la bouche entrouverte. Tu te remets à peine de tes blessures.
— Esmeralda !
Edwin tourna son visage vers elle et l'observa avec de grands yeux ronds, pour lui faire comprendre que son attitude était clairement malpolie et que les motivations personnelles d'Aymee les regardaient strictement pas. En vérité, la jeune femme savait qu'elle ne pourrait pas être honnête avec eux. Ils ignoraient, comme le reste du peuple, l'existence d'une planète et d'une technologie bien plus avancées que la leur. Une immense faille, un déséquilibre viendrait se créer dans leur système. Comment réagiraient les habitants d'Eyama s'ils apprenaient que d'autres personnes étaient capables de créer un portail et de les envahir à tout moment ? Sans oublier le Conseil d'Aphatis qui se nourrissait de la magie, des savoirs et des plantes de cette planète depuis des décennies... Aymee n'avait aucune envie d'être la personne qui créerait un tel désordre, quand bien même ces deux-là avaient l'air d'être des personnes de confiance. À cette heure-là, la meilleure alternative était de rester évasive et de leur mentir.
— Je recherche quelqu'un.
— Ah ? Qui ça ?
Esmeralda se révélait être une femme bien plus curieuse qu'elle ne l'aurait imaginée. La mâchoire de la Gardienne se contracta et elle sentit un petit agacement naître en elle. N'allait-elle donc pas s'arrêter avant d'avoir tous les éléments ? Forcée à mentir davantage, elle utilisa son histoire de vie personnelle pour peaufiner un peu plus son mensonge. Après tout, si elle croisait ces prisonniers en leur compagnie, elle devrait justifier le fait qu'elle les menotte et qu'elle les bâillonne pour le ramener sur Aphatis.
— Mon père est mort, il y a quelques années, devant ma mère et moi-même. On recherche les hommes qui ont fait ça, pour le venger.
Elle récita son mensonge, tout en tentant de garder un visage des plus impassibles. Aymee n'était pas douée pour mentir. Au contraire, les personnes qu'elle rencontrait lui reprochaient souvent d'être bien trop honnête pour être appréciable. Elle ignorait si la demoiselle allait adhérer à son histoire, mais elle voulait qu'elle cesse de lui poser des questions. Esmeralda entrouvrit une nouvelle fois la bouche, sans doute pour demander autre chose, ce qui eut le don d'énerver davantage leur invitée. La Gardienne serra ses poings aussi forts qu'elle le put, comme si elle y trouvait un moyen d'évacuer son agacement. Edwin ressentait la même pression, puisqu'il lui coupa la parole d'un ton sec et d'une fermeté sans égale.
— Tu as posé assez de questions.
À ce moment, Aymee avait littéralement envie de tomber à genoux au sol et de lever les deux mains vers le ciel, pour remercier la grande puissance qui avait entendu ses prières. Cela faisait plusieurs millénaires que la religion n'existait plus à Aphatis et que ses habitants ne croyaient qu'en la science pure et dure. Néanmoins, la Gardienne croyait en une force bien plus grande qu'eux, comme le destin ou le facteur chance. Elle était intimement persuadée que la vie lui donnait ce qu'elle méritait, en fonction des actions qu'elle accomplissait. Parfois, il y avait même des petits miracles qui se produisaient, comme ce jour-là où elle avait souhaité tellement fort qu'Esmeralda ne lui pose pas davantage de questions.
— Tu sais où commencer tes recherches ? Eyama est très vaste, s'inquiéta le grand brun, arborant toujours un visage des plus sérieux.
— Pas vraiment, à vrai dire... Je sais seulement qu'ils sont présents sur ce continent.
Ils n'avaient pas pu s'échapper ailleurs. Les portails que pouvaient ouvrir le Conseil ne pouvaient se faire que sur ce territoire, déjà bien vaste. Les Gardiens des Mondes n'existaient pas depuis suffisamment longtemps pour être allés voir ce qui existait par-delà les mers d'Eyama. Au vu de leurs connaissances, il s'agissait uniquement de petites îles sans grande importance et sans besoin d'exploration, étant donné que les ressources principales qu'ils recherchaient se trouvaient sur ce continent.
— Je connais quelqu'un qui pourrait t'aider. Un sorcier, plus exactement.
Eh bien... Aymee n'aurait jamais pu deviner qu'un tel mensonge l'amènerait vers un excellent moyen de résoudre sa quête. Une étincelle d'interrogation naquit dans son regard, alors qu'elle déposa son sac au sol, à côté de son arc et de ses flèches, pour venir s'asseoir à côté d'Esmeralda.
— Je t'écoute, lança-t-elle en déposant ses deux mains jointes sur la table, avec le plus grand sérieux du monde.
— Notre frère est parti, il y a quelques années, rejoindre la tribu de l'Épée Rouge.
La jeune femme quitta un instant son regard pour se plonger dans ses souvenirs. Cette tribu vivait à l'écart de toutes les autres. Elle avait décidé de ne prendre part à aucun conflit et de vivre de leur côté, au Nord du continent, dans les montagnes. Le seul lieu d'habitation connu à ce jour était Belris, mais pour y parvenir...
— Nous en aurions pour trois jours de marche, minimum, expliqua-t-il en la coupant dans ses propres calculs. Cela pourrait te convenir ?
Trois jours de marche... Le Conseil leur avait laissé une semaine pour retrouver les prisonniers et elle avait passé deux jours à Maït. Elle n'aurait que deux jours pour revenir, au risque de louper le portail. D'un autre côté, elle n'avait pas d'autres choix. Au vu des conflits géopolitiques, la tribu de l'Épée Rouge serait sans doute la seule à pouvoir lui venir en aide. Sans eux, capturer ces hommes serait comme chercher une aiguille dans une botte de foin... Sans oublier la boîte demandée par le Conseil. La séparation de Markus avait été une très mauvaise idée. Ils n'avaient aucun moyen de communication, uniquement un point de rendez-vous, à l'endroit même où ils avaient fait apparaître le portail. En somme, ce sorcier était la seule chance qu'elle avait.
— Je marche, clama-t-elle en laissant son regard basculer entre ces deux hôtes.
— Père ne devrait pas tarder à revenir de sa chasse, expliqua Esmeralda, visiblement inquiète qu'il puisse ignorer où ses deux enfants s'étaient rendus. Je réunis mes affaires.
Aymee et Edwin hochèrent la tête en parfaite harmonie, alors que la benjamine quittait la pièce dans laquelle ils se trouvaient. Pendant un court instant, il planta son regard dans le sien et la jeune femme fut incapable d'identifier l'émotion qui venait d'éclairer son visage. Peut-être de la simple sympathie à son égard ? Son attention dériva assez rapidement vers la table, pour échapper à cette situation qu'elle jugeait intense et pesante à la fois.
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