Chapitre 2.0

♪ : Ludovico Einaudi - Divenire


    Aymee commençait déjà à sentir le tiraillement dans ses mollets. Ils marchaient depuis deux heures déjà et chaque minute sonnait plus interminable que la précédente. Les deux Gardiens ne prenaient pas le temps de se parler en dehors des quelques informations qu'ils échangeaient sur l'itinéraire qu'ils venaient d'emprunter. Pourtant, la jeune femme devait bien avouer qu'elle n'était pas contre une petite pause. Elle ne parvenait plus à réfléchir correctement et des petites perles de sueur brillaient sur son front. Même si les rayons du soleil peinaient à se faufiler à travers les feuillages des immenses arbres, cela ne les empêchait pas d'avoir terriblement chaud. Il ne fallait pas se tromper sur son compte : Aymee était assez endurante. En revanche, s'orienter en terres inconnues était bien plus périlleux.


— Si on s'arrêtait cinq minutes ? suggéra Markus en ralentissant la cadence.


    Bon sang, oui ! Elle n'aurait jamais osé le lui demander, par peur d'être étiquetée comme le « boulet de la mission ». Prenant place sur l'un des immenses rochers qui trônaient dans la forêt, elle sortit sa gourde de son sac et s'avina de longues secondes. Se réhydrater lui permettrait de penser un peu plus clairement.


    Peut-être même un peu trop... Son regard noisette se déposa sur le sentier qu'ils étaient en train de suivre depuis une bonne heure déjà. Son visage s'assombrit petit à petit, quand elle prit conscience de la ruse dont elle avait été victime. Ses poings se resserrèrent un peu plus fermement autour de sa gourde, tandis qu'elle tentait de rester calme. Il existait forcément une autre explication. Ils ne s'étaient pas trompés de chemin. Impossible !


— Tu es sûr que tu ne t'es pas trompé de direction ? Ce sentier n'est pas répertorié sur ma carte, en direction d'Asporg.


    Markus fronça les sourcils et fit mine de réfléchir un instant, mais Aymee n'était pas dupe. Il venait de se jouer d'elle. Il prétendait être en accord avec ses idées, pour la pousser sagement à le suivre. Elle était vraiment stupide ! Elle aurait dû se rendre compte plus tôt qu'il lui avait menti. Ils se dirigeaient tout droit vers le sud, alors qu'ils devaient aller vers le nord à la suite de leur discussion.


— Tu te fous de moi, Markus ? s'exclama-t-elle brutalement, en se relevant de son rocher avec autant d'animosité qu'il était possible d'avoir.

— Toi comme moi, nous savons que nous serions encore là-bas, en train de débattre sur le chemin à prendre. J'ai usé de mes propres moyens pour faire accélérer les choses, conclut-il d'un haussement d'épaules, comme si tout ça n'avait aucune importance pour lui.


     Le feu commença à monter aux joues d'Aymee et cela n'avait rien à voir avec de la gêne ou de la timidité. Elle était folle de rage. Elle détestait que l'on se joue d'elle ainsi. Cette situation expliquait très clairement pourquoi elle détestait travailler en groupe. Il y en avait toujours un pour se croire plus malin que les autres. La jeune fougueuse ne voyait aucune raison valable pour rester en sa compagnie. Cette mission, elle pouvait l'accomplir seule et sans son aide. Avec une attitude aussi puérile, il ne serait qu'une perte de temps.


— Je n'ai pas envie de faire équipe avec un gamin immature comme toi, pesta-t-elle entre ses lèvres en rebroussant chemin.

— Non, mais attends. Tu ne vas tout de même pas partir pour si peu !

— Je me connais et je sais que je peux compter sur mes capacités pour régler cette affaire, pesta-t-elle entre ses lèvres. En revanche, je n'avais même pas connaissance de ton existence, avant qu'on nous mette en binôme. J'avais déjà des doutes, mais tu viens de me montrer assez clairement que tu n'étais pas digne de confiance.


     La jeune femme ne daigna pas se retourner et ne put constater la stupéfaction de Markus face à des propos si virulents. Sa silhouette altière se mouva entre les majestueux arbres, jusqu'à disparaître totalement et marquer la fin de leur collaboration.


    À quoi bon rester ici ? La dirigeante du Conseil avait été assez claire dans ses consignes : le portail s'ouvrirait de nouveau dans une semaine. Si les deux Gardiens n'avaient pas accompli leur mission d'ici là, il ferait son apparition tous les jours, à la même heure. C'était le protocole. Ils avaient trente secondes pour franchir le portail ou ils se retrouveraient coincés sur Eyama une journée supplémentaire.


    Aucun souci à se faire. Ils se reverraient très prochainement. Aymee se réjouissait déjà à l'idée de voir sa tête lorsqu'elle le retrouverait, le prisonnier derrière elle. Quand cette situation arriverait, la jeune femme serait prête à lui montrer à quel point il avait eu tort de se jouer d'elle comme il venait de le faire. Elle le savait, elle en était intimement persuadée : Asporg était la meilleure destination possible. Son instinct ne s'exprimait pas toujours, mais quand il le faisait, elle voulait l'écouter.


    Lorsqu'elle jugea avoir mis une distance suffisante entre Markus et elle, la Gardienne s'arrêta pour sortir la carte de son sac. La nuit tomberait dans quelques heures et elle allait sûrement devoir monter un campement dans cette immense forêt. Si seulement elle n'avait pas fait de détours inutiles... Elle restait convaincue qu'une nuit dans un village empli d'étrangers n'était pas une bonne idée. Il fallait être en sécurité et prendre en considération tous les vecteurs d'Eyama.


— Bon, par où vais-je bien pouvoir passer ? songea-t-elle à haute voix, en se mordillant l'intérieur de la joue, comme souvent, lorsqu'elle avait une décision à prendre.


*


    La nuit commençait déjà à tomber et Aymee n'avait aucune idée d'où elle se trouvait à l'heure actuelle. Pourtant, elle était persuadée d'avoir marché en direction du nord, sans s'arrêter en chemin. Elle ne devait pas être bien loin de ce village tant recherché. Jamais elle n'aurait assez de cran pour lui avouer, mais à cet instant, elle regrettait de ne pas être restée avec son partenaire. La jeune femme avait été impulsive, alors qu'ils étaient en territoire inconnu. En plus de s'être mise inutilement en danger, elle avait fait de même avec la vie de Markus. Si jamais il lui arrivait quelque chose à Ufron, ce serait uniquement de sa faute. Elle l'avait peut-être conduit à une mort certaine et si c'était le cas, elle risquait de s'en vouloir pendant un bon moment. Pourquoi fallait-il qu'elle se remette en question lorsqu'il était trop tard ?


    Aymee poussa un râlement qui venait du creux de son estomac et mit un violent coup de pied dans un petit caillou qui jonchait le sol. Elle avait commis une faute grave et le Conseil risquait de la destituer de ses fonctions s'il apprenait qu'elle était partie de son côté et avait laissé son partenaire foncer droit vers la mort. Elle devait rebrousser chemin... Ou peut-être serait-il plus judicieux de dormir et de s'y rendre le lendemain matin ? D'un autre côté, s'il avait des problèmes, Markus serait mort avec l'aube.


    Plongée dans sa réflexion, la jeune femme mit un moment à se rendre compte qu'elle venait d'être enveloppée par un épais brouillard. Elle était parfaitement consciente que l'obscurité allait bientôt régner sur le territoire, mais le froid était arrivé bien trop rapidement pour que cela ne pousse pas à la curiosité. Quelque chose se tramait. La terre se mit à trembler un peu plus à chaque seconde, l'obligeant à prendre appui contre l'arbre le plus proche. Le grondement se rapprochait d'elle et elle put distinguer une immense silhouette traverser l'épais nuage de fumée. Les sourcils froncés, la gardienne dut placer la main devant son visage, pour éviter que la poussière ne l'aveugle davantage.


— Bordel, murmura-t-elle, tout en prenant conscience qu'elle se trouvait dans un sacré pétrin. Pourquoi faut-il que je tombe sur un berglimo le jour de mon arrivée ?


     Cette créature était la pire qu'il soit sur ce territoire. Elle mesurait plus de deux mètres et avait une allure semi-squelettique. Il était presque impossible d'entrevoir ses côtes, elles étaient recouvertes de légères couches de chair, bien souvent ensanglantée. Les ouvrages de l'Institut disaient qu'il s'agissait de celles de leurs victimes et qu'elles permettaient de dissuader toute personne saine d'esprit de s'en prendre à elles. Aymee devait bien avouer que cela avait fait son petit effet. Elle l'observait depuis de longues secondes, la bouche entrouverte, incapable de bouger, ni de faire quoi que ce soit. Le berglimo choisissait soigneusement ses proies, qui étaient souvent des personnes perdues en pleine forêt. Bon sang, elle aurait dû se douter qu'une telle chose lui arriverait ! Elle n'était pas chanceuse, elle ne l'avait jamais été. Cet événement inattendu en était d'ailleurs la preuve.


    Bien loin de se laisser impressionner, elle dégaina son arc et pointa une flèche en direction de la créature. Les berglimos n'accordaient pas une seconde chance à leurs adversaires. C'était tuer ou être tué. Quelque part, Aymee savait que l'attaquer était totalement inconscient et irréfléchi, mais elle n'avait pas d'autres choix. Elle ne connaissait pas cette forêt et elle ne pourrait pas fuir éternellement. Il s'agissait d'une réelle opportunité pour eux : de pauvres victimes perdues et désemparées. Pourtant, la Gardienne ne baisserait pas les bras. Elle était prête à se battre et tout tenter pour pouvoir quitter ces lieux, saine et sauve.


    Sans la moindre once d'hésitation, elle décocha sa flèche qui fonça tout droit en direction de sa cage thoracique de son adversaire, mais cette attaque n'eut pas l'effet escompté. Son arme ricocha et termina sa course sur le sol boueux. Elle aurait dû s'en douter. Comment vaincre une créature qui n'était faite que d'os et de la chair de ses proies qu'elle brandissait fièrement ?


    Le berglimo arrêta sa marche et baissa son regard glaçant en direction d'Aymee. Durant le laps de temps qui précédait sa riposte, la Gardienne comprit qu'elle allait passer un sale quart d'heure. D'un geste violent et brutal, il lança son poing en direction du ventre de sa victime. La jeune femme se retrouva totalement impuissante et vola sur quelques mètres, avant de terminer son parcours contre un tronc d'arbre. Un gémissement de douleur retentit dans la forêt, alors qu'elle tentait de reprendre ses esprits. L'abominable créature, toujours prête à en découdre, se rapprocha de son corps affaibli et s'apprêta à lancer un nouveau coup qui pourrait s'avérer fatal. Aymee détestait l'avouer, mais elle ne pouvait rien y faire. Elle se contenta seulement de tâter la terre, à la recherche de son poignard qui était visiblement tombé de sa botte au cours du combat. Elle n'était même pas sûre que cette appellation convienne à la situation, puisqu'elle se faisait très clairement massacrer. Ses yeux exténués se fermèrent, prêts à accepter sa sentence, alors même qu'elle ne baissait jamais les bras. Elle se sentait terriblement affaiblie et incapable d'entamer une course à travers la forêt. Les ouvrages qu'ils avaient étudiés à l'Institut n'avaient pas suffi à apprendre comment battre un berglimo sur son propre terrain. Elle était cernée.


    Pourtant, à l'instant-même où elle baissait les bras, une voix retentit au loin et le coup fatal ne parvint jamais à son visage. Sa vision était quelque peu troublée, mais elle n'avait aucune difficulté pour voir qu'une silhouette masculine déambulait à travers les arbres. Les sourcils d'Aymee se froncèrent légèrement, partagés entre la douleur qu'elle ressentait dans le creux de son ventre et l'incompréhension de la scène qui se jouait devant elle. Sa démarche était visiblement très fluide et lui donna, pendant un instant, l'impression qu'elle hallucinait. 


    Était-il réellement en train de lui venir en aide ? Peu à peu, elle parvint à intégrer plus de détails sur son environnement. Cet homme était armé d'une immense épée. Il fonça sur la bête en adoptant une trajectoire courbée et parfaitement calculée. L'un après l'autre, il évita les coups que la créature tentait de lui infliger. Les pupilles fixées sur son adversaire, ses longs cheveux ébènes ramenés en un chignon parfait, il étudiait chaque mouvement du berglimo. Lorsqu'il jugea le moment opportun, il brandit son épée et la plongea dans la cage thoracique du monstre, transperçant les différentes couches de peau sanguinolentes.


    Aymee ne sut exactement ce qu'il avait fait, mais le berglimo poussa un hurlement si strident qu'un frisson lui parcourut l'échine. Son sang se glaça dans ses veines, alors qu'elle vit son regard s'éteindre devant elle. Le seul réflexe qu'elle eut en cet instant fut de cacher son visage pour éviter les projections de poussière que venaient de produire sa chute. Le squelette de la créature ne devait pas peser bien lourd, mais les morceaux de chairs qui le recouvraient étaient assez conséquents pour créer un tel phénomène.


    Quoi qu'il en soit, la jeune gardienne avait besoin d'un peu de temps pour remettre toutes ses idées en place. Elle ne saisissait pas la raison pour laquelle elle avait eu cette chance. Quelqu'un venait de l' aider sans même la connaître. Ce grand brun venait littéralement de risquer sa vie pour une inconnue. Quel genre de personne faisait une chose pareille ? Peut-être venait-elle d'une société bien trop individualiste pour comprendre ce genre d'élan ? Sur Aphatis, on leur avait appris dès la naissance à donner le meilleur d'eux-mêmes pour obtenir la place qu'ils méritaient au sein de la société. Tout était basé sur le mérite et quelque part, cela donnait un sens à leurs actions. L'altruisme était très rare, encore plus au sein de l'Institut qu'elle avait fréquenté. Les places étant limitées pour devenir gardien des mondes, ils avaient très vite été mis en compétition les uns avec les autres. La coopération n'était pas son fort et les actions dénuées de tout intérêt personnel encore moins. Cette façon de penser était assez répandue sur sa planète d'origine. Pour l'ensemble de ces raisons, elle ne croyait pas en la bienveillance de ce nouveau venu. Il allait lui demander quelque chose en échange, elle en était intimement persuadée. Pourtant, il était hors de question pour Aymee de se retrouver avec des dettes. Il fallait qu'elle file d'ici au plus vite.


    La Gardienne rassembla le reste de ses forces pour se redresser, en prenant appui sur le tronc d'arbre. Elle était une femme forte et indépendante. Elle n'avait pas besoin d'un chevalier servant pour lui venir en aide. Elle n'était pas en détresse et était prête à accepter la mort si elle venait se présenter. En revanche, Aymee n'était pas prête à dépendre de quelqu'un et à devoir lui rendre des services en retour.


— Attends, je vais t'aider ! s'exclama-t-il en voyant la difficulté qu'elle avait à se relever, à la suite du coup qu'elle venait de recevoir au creux du ventre.

— Je vais bien.


    Aymee leva sa main en l'air, lui faisant ainsi comprendre qu'elle pouvait se débrouiller seule. Elle était jeune et autonome. Elle n'avait jamais eu besoin de personne et ce jour n'allait pas marquer un nouveau tournant dans son existence. Hors de question.


— Bien. Dans ce cas, je me présente, clama-t-il en portant une main dans son dos, comme pour la saluer avec tout le respect possible. Je suis Edwin, fils de Tosmar, des enfants de l'Aile Ancienne.


    Elle avait presque failli oublier que les habitants d'Eyama portaient des titres à rallonge. L'idée d'avoir simplement un nom de famille pour identifier toute une lignée lui paraissait bien plus simple et plaisante. Comme quoi le mode de vie était bien différent entre leurs deux planètes.


— Eh bien, Edwin, je te remercie de ton aide et je te souhaite une bonne journée.


    Aymee hocha légèrement la tête pour le saluer et commença à effectuer quelques pas, en direction du village d'Asporg. Elle préférait s'éclipser rapidement, avant que l'homme ne lui demande quelque chose en échange. Il le ferait... Les êtres humains étaient tous les mêmes. Sur cette pensée, elle jeta un bref coup d'œil au cadavre du berglimo et se questionna sur la façon dont il avait pu le tuer. Cette créature n'était faite que d'os et de chairs, qui ne lui appartenaient même pas. L'Institut leur avait toujours expliqué qu'elle était inatteignable et qu'il valait mieux fuir devant elle que la combattre. À cet instant, Edwin semblait avoir lu dans ses pensées et reprit la parole d'un ton calme et posé.


— Le berglimo possède un point faible : un organe vital au centre de sa cage thoracique. Il le camoufle avec de la chair pour se protéger, commença-t-il en marchant lentement dans sa direction, pour finir par s'arrêter à ses côtés. Mais le seul véritable moyen de l'atteindre est de posséder une lame avec cette rune.


    Il fit tourner son épée entre ses doigts et lui présenta un symbole gravé dans son arme. Il s'agissait d'un cercle coupé en deux par une ligne droite. Malgré tous les cours qu'elle avait eus à l'Institut, elle n'avait pas une connaissance accrue concernant la magie. Ce domaine était bien trop vaste et elle était persuadée que, même après des années de recherches, leurs ouvrages n'étaient pas complets à ce sujet. Preuve en était : aucun gardien des mondes ne savait comment tuer un berglimo.


     Même s'il n'y paraissait pas, Aymee était vraiment reconnaissante que cet inconnu lui ait donné ces quelques précieuses informations. Elle adorait apprendre de nouvelles choses et sa soif de connaissance était telle qu'elle tourna son visage dans sa direction et se perdit dans son regard d'un marron intense. En cet instant, elle ne fit rien d'autre que d'en attendre davantage. Aymee voulait qu'il lui déverse son flot de savoirs, mais il s'en abstint. Il se contenta de rester silencieux et se mit lentement à sourire en comprenant qu'il venait d'obtenir tout son intérêt.


     Cette esquisse d'amusement fut d'ailleurs suffisante pour la ramener à elle. Elle eut une drôle de sensation au creux de son estomac dont la raison lui était inconnue au départ. Peu à peu, elle prit conscience qu'elle n'avait pas l'habitude que les gens expriment de la joie en sa présence. Il n'y avait qu'avec Ashton et sa mère que cela se produisait. La jeune gardienne avait le don de repousser tous ceux qui se rapprochaient un peu trop d'elle. L'origine remontait à la disparition de son père, quatorze ans plus tôt. À compter de ce jour, elle n'était plus parvenue à donner sa confiance à quelqu'un. Pourtant, elle se trouvait incapable d'expliquer pourquoi. Elle s'était tout simplement exclue du reste du monde et avait formé une sorte de bulle impénétrable autour d'elle. Était-ce la peur de perdre à nouveau quelqu'un qu'elle aimait ? Ou alors, avait-elle peur d'avoir un point faible que des personnes mal-intentionnées puissent exploiter ? Elle n'en savait rien. En revanche, face à la réminiscence de tous ces souvenirs, elle voulait simplement être le plus loin possible d'Edwin. Si elle restait plus longtemps, il risquait d'avoir assez de cartes en main pour la faire chanter.


     D'un élan assez brusque, elle recula de quelques pas et attrapa son sac à dos. Elle devait partir d'ici avant que la nuit tombe, mais elle ne parvenait plus à trouver sa carte qu'elle avait fait tomber à l'arrivée du berglimo. La jeune femme laissa son regard parcourir le sol, alors qu'elle tournait lentement sur elle-même, jusqu'à ce que l'inconnu revienne à la charge. Il agitait fièrement le parchemin devant elle, avec un immense sourire de fierté qu'elle avait envie de lui faire ravaler. Qu'il la laisse en paix !


— Je pense que c'est ce que tu cherches.

— Merci, lâcha-t-elle difficilement entre ses lèvres, tout en récupérant furtivement la carte qu'il tenait entre ses doigts, mais pas assez pour qu'il s'abstienne de tout commentaire.

— On dirait que tu as autant de talent en cartographie que tu en as en combat.


    Se moquait-il d'elle ? Pensait-il qu'ils étaient déjà assez intimes pour se lancer dans l'ironie ? Aymee le foudroya du regard et roula furtivement le morceau de parchemin. Certes, elle n'était pas douée en dessin et elle l'acceptait, mais elle ne voulait certainement pas que l'on juge sa manière de combattre. Elle y passait des heures et il s'agissait de quelque chose dont elle était fière. Visiblement, elle avait eu raison : lui accorder trop de temps en sa compagnie lui donnait assez d'éléments pour la toucher personnellement.


     Un léger grognement s'échappa de ses lèvres, alors qu'elle s'avança vers lui pour lui montrer ce qu'une femme qui ne savait pas combattre était capable de faire. Elle aurait aimé voir disparaître ce sourire satisfait de son visage, mais elle se plia soudainement en deux. Son grognement se transforma en gémissement de douleur et elle eut l'impression qu'on lui brassait les entrailles. Elle souleva lentement sa chemise noire et constata que le berglimo était parvenu à l'atteindre. Une coupure d'une dizaine de centimètres traversait son ventre et elle comprit rapidement pourquoi il n'avait pas de mal à découper ses victimes. La peau qui entourait l'entaille se teintait d'une drôle de couleur, entre le bleu et le gris. À la vision de sa blessure, Aymee commença à ne pas se sentir bien. Le monde autour d'elle fonctionnait au ralenti et ses oreilles se mirent à siffler. Rapidement, elle eut l'impression d'être totalement dépossédée de son corps et un de ses genoux rencontra le sol. Elle tenta de chercher le regard d'Edwin, pour lui demander à nouveau de l'aide, mais son énergie la quitta et elle s'écroula durement contre le sol, aux côtés du cadavre du berglimo.


*

Hello ! J'espère que vous allez bien. Je sais que ce chapitre est assez long. J'ai essayé de le diviser en deux, mais j'allais vous couper en pleine action et les parties auraient été inégales. En tout cas, je croise les doigts pour que cette nouvelle publication n'ait pas été trop longue ou pénible à lire et je vous dis à la semaine prochaine. Prenez soin de vous ! :)


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