Chapitre 3 : Kyra

Dans les faits, j'étais très stressée, mais l'adrénaline surpassait le trac tandis que mes camarades de la septième génération achevaient leurs parcours avec plus ou moins de succès. Leurs performances étaient beaucoup moins impressionnantes que celle de nos mentors, et il y eut beaucoup plus d'erreur, bien qu'aucun d'entre eux ne semble déçu. Certains furent surpris par la difficulté de l'épreuve qui avait semblé si facile avec la sixième génération, et Ella, Romain et Julien chutèrent ainsi avant d'arriver au bout. La chute de Romain, sur l'accrobranche, fut particulièrement malencontreuse, puisqu'elle lui valut une légère entorse au poignet qui le disqualifia définitivement des épreuves physiques. L'incident provoqua une interruption momentanée de la manche, qui reprit au bout d'une demi-heure, quand Silla après lui avoir procuré des soins, assura qu'il serait guéri pour les épreuves équestres dans deux jours – grâce aux compétences exceptionnelles de la Gardienne en manipulation énergétique et en soin.

Il était temps de dévoiler le dernier module, qui permettrait peut-être aux disqualifiés d'être sauvés, et de reprendre la compétition.

« C'est une épreuve subaquatique ! » présentai-je, tandis que Stephan et Johan retiraient la bâche qui recouvrait le module. « Vous aurez des embûches à franchir sous l'eau, telles que des arches ou des passages étroits. Enfin, à la fin du module, vous devrez soulever une grille métallique pour franchir le dernier obstacle et gagner le droit de reprendre la compétition ! »

La grille en question était plutôt lourde, je le savais d'expérience, ayant aidé à l'installer et à tester le module. Il était possible de s'aider de quelques objets dissimulés au fond de l'eau, tels que des poutres en bois ou des rochers, mais même ainsi, l'obstacle serait difficile à franchir. Les candidats auraient probablement besoin de remonter plusieurs fois à la surface pour reprendre leur souffle avant d'arriver au bout du module et de l'épreuve.

Très calme, Elène se lança en premier, et ne tarda pas à arriver à la grille. Je la vis remonter une fois à la surface, où elle prit le temps de tranquillement reprendre son souffle, qui était aussi lent et régulier que l'épreuve le permettait. C'était là une des clés du module : rester calme pour ne pas s'essouffler sous l'eau, auquel cas il aurait été dangereux de poursuivre l'épreuve. Ce n'était pas la première fois que des épreuves subaquatiques étaient proposées lors d'un tournoi, mais elles demeuraient toujours parmi les épreuves les plus difficiles, mentalement et physiquement. Malgré tout, Elène parvint sans problème à franchir la grille et parvint à regagner sa place pour les épreuves suivantes.

Julien et Ella passèrent ensuite individuellement, et bien qu'ils eurent plus de peine à se repérer sous l'eau pour franchir les obstacles et la grille, ils finirent par se garantir à leur tour une place dans la compétition. Mis à part Romain à cause de sa blessure, aucun participant ne fut donc éliminé dès la première épreuve, et j'en étais ravie !

Le classement à l'issu de la première manche se définit donc ainsi : parmi les anciens, Shayna et Nicolas se plaçaient première et deuxième devant Samia et Pierre, tandis qu'Elène n'avait encore aucun point à cause de sa chute. Pour les apprentis, c'était Haldir, Florian et Mathéo qui gagnèrent des points d'épreuves, prenant un peu d'avance sur Julien et Ella.

La première manche se clôtura ainsi, me laissant l'impression d'avoir effectué un saut dans le temps. Mais la journée était loin d'être terminée. Je devais à présent arbitrer la course d'endurance, qui traversait presque la totalité de l'arrière-cour. Pour être plus précise, j'étais en charge de chronométrer les concurrents.

« A mon signal ! »

Stephan annonça le départ de la course de la 6e génération, qui se déroulait sur ... kilomètres, et débutait un peu au sud du grand lac.

« Prêts ? Partez ! »

Aussitôt le départ donné, je lançai le chrono, et enfourchait Dagorian, mon étalon que Johan avait fait marcher en attendant la course. Le parcours que nous avions dessiné faisait le tour du petit lac par l'ouest, et s'achevait au sommet de l'un des piliers de pierre, après avoir escaladé les ... mètres de paroi rocheuse. Pour pouvoir noter le temps de parcours des Gardiens, je devais donc m'y rendre, et le chemin le plus rapide était incontestablement de longer le grand lac à cheval.

Il me fallut moins de cinq minutes pour y parvenir, et s'ensuivit une fastidieuse ascension jusqu'au sommet du pilier, qui représentait l'arrivée. Mais le chrono tournait toujours et je n'eus pas à attendre longtemps l'arrivée des premiers participants : Nicolas était en tête, suivi de près par Pierre, ce qui ne fut pas sans me surprendre. Je n'étais pas sans savoir que les vampires possédaient des capacités physiques exceptionnelles, qu'ils transmettaient partiellement aux Gardiens auxquels ils étaient associés ; les performances de Shayna et Nicolas à l'épreuve d'agilité suffisaient amplement à le démontrer. Néanmoins, la petite taille de Pierre, qui avait de petites foulées, ne laissait pas soupçonner qu'il tiendrait tête à ses collègues.

Les nains sont persévérants et bornés, et cela se traduit chez eux par une grande endurance. Ces mots de Philippe me revenaient à présent ; il était plus que probable que ce trait ait été transmis à Pierre au cours des deux cents dernières années. L'association des Gardiens avec un être ne se faisait pas au hasard, ou du moins pas complètement.

Mais il restait l'escalade, et malgré son endurance, Pierre eut bien plus de mal que Nicolas à gravir le pilier. Ce dernier grimpait avec agilité, sa grande taille lui permettant de gravir aisément la paroi en s'appuyant sur les meilleures prises. Ainsi, le vampire boucla un parcours en dix minutes et vingt-et-une secondes tandis que Pierre arriva au bout de onze minutes et neuf secondes. Bientôt, Shayna, Elène, puis Samia achevèrent de gravir le pilier à leur tour, et l'épreuve se termina. S'ils étaient essoufflés, ils récupérèrent rapidement, si bien qu'ils regagnèrent le départ du deuxième parcours en trottinant à côté de moi et de ma monture.

Les apprentis de la 7e génération étaient déjà prêts au départ, trottinant sur place pour finir de s'échauffer. Leur course à eux commençait à l'est du quartier général, et traversait la zone de tir à l'arc pour venir longer le petit lac avant de rejoindre les piliers de pierre. Le parcours s'étendait ainsi sur ... mètres, et s'achevait après une ascension de ... mètres. Le niveau était donc moins élevé que lors du précédent parcours, mais les apprentis devaient être capables de terminer les trois épreuves de la catégorie, et ce dans la même journée. L'épreuve d'agilité les avait déjà bien fatigués et un parcours plus complexe n'aurait donc présenté aucun intérêt.

De la même façon que le parcours précédent, le départ fut donné, et je me retrouvai à nouveau à galoper vers les piliers de pierre. Pas de raccourci possible cette fois, je devais donc me hâter, car je savais pertinemment qu'Haldir ou même Florian auraient tôt fait d'atteindre le pilier d'arrivée, et de le gravir sans attendre. L'ascension était cependant moins complexe que la précédente, et je parvins au sommet à temps. J'eus même le loisir de souffler un peu pendant quelques courtes minutes avant de voir apparaître Haldir, loin devant Mathéo et Florian, qui couraient côte à côte.

L'ascension du pilier ne posa d'ailleurs aucun problème à mon compagnon, que j'accueillis avec un grand sourire lorsque le chronomètre atteignit neuf minutes et quarante-six secondes. Math et Florian avaient alors atteint la paroi rocheuse, suivis de près par Julien et Ella. Cette dernière, seule fille à concourir dans la catégorie, mis fin à l'épreuve en dix minutes et cinquante-quatre secondes, à bout de souffle, mais visiblement très heureuse. Un large sourire trônait entre les bouclettes blondes qui s'étaient échappées de sa queue de cheval, et ses yeux pétillaient.

Les apprentis ayant tout juste commencé leurs entraînements en tant qu'adolescents entre quatorze et dix-sept ans, ils ne pouvaient pas encore pleinement profiter des capacités de leurs associés respectifs, et je n'échappais pas à la règle, même si je possédais des prédispositions particulièrement évidentes pour la manipulation énergétique, un héritage accordé par mon alter-ego. Mais ainsi, les apprentis de Danrar étaient moins favorisés que l'étaient leurs mentors : seule l'entraînement quotidien de Mathéo lui avait permis de se positionner entre Haldir et Florian.

Mon compagnon, à l'issu de la deuxième épreuve, avait déjà pris la tête du classement provisoire, devant Florian et Mathéo, qui devraient se battre pour la seconde place lors de la dernière épreuve. Julien et Ella suivaient loin derrière, handicapés par leurs chutes dans la première épreuve. Quant aux Gardiens de la 6e, Nicolas et Shayna dominaient le classement, suivis par Pierre, puis Samia et Elène. Désormais, il ne restait plus que la course d'orientation pour les départager.

Celle-ci avait été la plus difficile des trois épreuves à concevoir, et l'installation des balises nous avait pris pas mal de temps. Les participants commençaient au fin-fond de la forêt, sans boussole ni carte. Plusieurs balises étaient cachées avec différents symboles, et des indices très vagues sur la direction à prendre pour trouver la prochaine balise. Une subtilité demeurait néanmoins : plusieurs séries de balises avaient été disséminée, et plusieurs menaient à l'arrivée, mais les Gardiens n'avaient aucun moyen de savoir lequel était le bon. Bien entendu, ils ignoraient que l'arrivée les attendrait dans une aspérité de l'un des piliers de pierre, et que de nombreux leurres étaient positionnées au sommet de différents piliers. Il devenait ainsi facile de perdre du temps en escaladant chaque pilier à la recherche d'indices, et la chance aurait sans aucun doute un rôle à jouer au cours de l'épreuve.

Pour les apprentis, les balises seraient moins variées et plus nombreuses, mais le schéma restait presque le même : un départ dans la forêt, sans boussole ou carte, et une arrivée quelque part dans les piliers de pierre. A eux de se débrouiller pour se frayer un chemin hors des bois et de découvrir quelle était la dernière balise. Tous les moyens étaient permis pour ceci avec ce qu'ils avaient à leur disposition lors de l'épreuve.

Le début de l'épreuve sonna en milieu d'après-midi. Bien entendu, les Gardiens de la 6e génération s'élancèrent en premiers, et la plupart mirent moins de deux minutes à émerger des sous-bois. Le point de départ avait beau se situer au plus profond de la forêt, les Gardiens vivaient ici depuis près de deux-cent ans, et connaissaient l'arrière-cour et la forêt comme leur poche. Elène fut particulièrement rapide.

La Gardienne d'Aeglar était responsable surveillance au sein de la confrérie. Je connaissais peu les détails du métiers et les qualifications requises, mais je savais que son travail reposait sur une attention soutenue et permanente, et surtout sur une perception quasiment omnisciente de son environnement. En d'autres termes, Elène savait utiliser la perception énergétique à la perfection, et dans un large périmètre, ce qui lui permettait de se repérer facilement, et d'autant mieux dans les endroits qu'elle connaissait.

J'étais moi-même particulièrement habile à cet exercice, et j'en connaissais la difficulté. Il y avait de quoi garder une violente migraine pour une petite demi-heure d'exercice avec un périmètre de tout juste un kilomètre. La pratique permettait d'apaiser un peu les effets secondaires à force de répétition, mais l'effort restait important.

Elène connaissait son avantage, mais elle risquait de se faire suivre et de faire profiter de son avantage aux autres si elle ne se dépêchais pas. Je sentais qu'elle dissimulait son aura par mesure de précaution, mais elle n'en courait pas moins à vive allure pour rejoindre au plus vite les piliers de pierre, avant que ses collègues ne sortent des bois. Elle se cacha alors derrière un pilier pour souffler avant de se reconcentrer sur les balises.

Elle attrapa d'abord une balise en forme de triangle que je savais être un leurre avant d'escalader un autre pilier. Celui-ci n'était pas particulièrement haut, et il y avait bel et bien une balise à son sommet, qui n'était pas l'arrivée, mais qui contenait néanmoins un indice. Elène répéta l'opération encore quelques fois avant de faire une énième pause, les yeux fermés pour mieux se concentrer. Elle s'élança alors vers le sud.

Les autres Gardiens avaient eux aussi rejoints les piliers, mais aucun n'avait remarqué les mouvements vifs de la Gardienne qui escaladait un dernier pilier. Arrivée en haut, elle s'accroupit pour ne pas être vue par les autres Gardiens, et me montra un foulard rouge qu'elle agita pour me prouver qu'elle était bien à l'arrivée. Je lui fis un signe de tête et notait son temps sur une petite feuille de score.

Cinq minutes et dix-sept secondes, c'est le temps qu'il lui avait fallu pour venir à bout de notre jeu de piste. J'aurai sans doute été vexée si les autres Gardiens n'avaient pas mis au moins deux minutes de plus à finir eux-mêmes la course d'orientation. Les sens d'Elène étaient vraiment monstrueux.

Tandis que Stephan et moi faisions le compte final des points, les autres Gardiens allèrent ramasser les balises de la 6e, puis Elléonora et prirent le relais pour mettre en place les balises de la deuxième course. Alors que le départ était donné, un autre candidat nous surpris, bénéficiant sans aucun doute d'une chance considérable, associée à un sens de l'observation marqué.

Haldir lui-même n'était pas encore sorti du couvert des arbres que Florian courait à en perdre haleine, suivant la seule série de balise qui menait directement à l'arrivée. Il agissait méthodiquement, et rapidement, indice après indice, pour éviter les leurres et ne pas perdre de temps. Et voilà qu'il était déjà en bas du pilier d'arrivée, le regard déterminé et sans trembler. Les autres apprentis commençaient à affluer, mais Florian était déjà au sommet, et agitait devant mes yeux médusés un drapeau rouge.

Moi qui pensais avoir élaboré un parcours difficile, ma fierté en prenait vraiment un coup. Mais les autres apprentis ne furent pas aussi rapides. Haldir commit l'erreur d'aller chercher un leurre, et Ella parvint habilement à lui passer devant, pour finir son parcours à la deuxième place. Mathéo suivit peu après, et Julien fut le plus long en achevant la course en presque dix minutes.

Ainsi s'achevèrent les épreuves physiques, nous laissant, pour la plupart, lessivés par la pression ou les efforts. Malheureusement, la journée nous réservait encore une surprise.

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