Chapitre 22

A notre retour, à peine Stephan prévenu des évènements et même avant, le quartier général s'était métamorphosé en fourmilière. Quasiment tous les Gardiens se rendirent, armés, sur place, sur ordre express du chef, qui fut le premier à rentrer au bout de longues heures, A bout de souffle et couvert d'entailles sanguinolentes. Il transpirait à grosses gouttes et ses cheveux en batailles n'arrangeaient pas son apparence, déjà peu glorieuse grâce à sa peau couverte de poussière. Après avoir envoyé Johan et Silla auprès des autres Gardiens qui se battaient toujours, Stephan me prit à part.

« Nous devons discuter. » M'annonça-t-il avec un regard tellement grave que la culpabilité me rongea sans réelle raison. Je m'écartais d'un pas, mais Stephan interpréta mal ma réaction. Il soupira en observant l'état de sa tenue.

« Retrouves moi dans mon bureau dans dix minutes »

*****

Dix minutes plus tard, plus anxieuse que jamais, je gravis marche après marche les escaliers du dernier étage, où se trouvait la chambre et le bureau de mon mentor. Je n'eu même pas à frapper que Stephan m'ouvrait déjà, m'invitant à entrer.

Il avait arrangé ses cheveux et pris une douche rapide, mais ses blessures étaient toujours suintantes, et ses yeux agités trahissaient ses nerfs à vifs. Cependant, quelle que pu être la fatigue ou l'inquiétude qui l'habitait, il faisait de son mieux pour ne rien laisser transparaître, sans doute pour ne pas m'inquiéter, à moins que ce ne soit un stratagème pour se protéger lui-même du stress.

Il s'assit avec lourdeur sur un siège, semblant porter le poids du monde sur ses épaules -ce qui était peut-être le cas d'ailleurs- et m'invita à faire de même en me désignant une chaise en bois sculptée. Je suivis ses indications et attendis qu'il parle. Au bout d'une dizaine de minutes cependant, il n'avait toujours pas ouvert la bouche et je commençais un m'inquiéter plus que nécessaire. Je craignais plus encore, de minute en minute, qu'il m'interroge sur les évènements de cette nuit.

Finalement, alors que j'hésitais à le faire moi-même, il se décida à parler pour poser la question tant redoutée.

« Que s'est-il passé dans la Forêt Noire avec Nicolas ? »

Mon pouls s'accéléra et des images terrifiantes de membres squelettiques apparaissant par à-coups me traversèrent l'esprit. Je frémis, rien qu'en y repensant.

« Eh bien... Nicolas m'a fait quérir, au milieu de la nuit... « commençai-je.

Et je lui racontai d'une traite tous les évènements, avec autant de détails possibles, tels que je les avais vécus. Stephan m'écouta du début à la fin, sans intervenir, les coudes sur les genoux et la tête entre les mains, pensif. Mon récit terminé, il ne bougea pas et laissa un instant planer le silence, plongé dans ses pensées que j'essayais en vain de deviner.

Après de longues minutes, il me remercia et me congédia, sans me faire part d'une de ses remarques rassurantes, et encore moins de ses préoccupations. Je descendis donc les marches du deuxième étage encore plus anxieuse qu'à l'allé, et faillit ne pas apercevoir Haldir qui m'attendait calmement.

« Kyra ? » M'appela-t-il. « Je peux te parler deux minutes ? »

Je relevai la tête avec surprise et acquiesçai.

« Qu'est-ce qu'il y a ? » Lui demandai-je avec curiosité. Il semblait indécis, ce qui arrivait rarement.

Sans répondre, il me fit entrer dans sa chambre, et me désigna la fenêtre. Je m'approchai tandis qu'il fermait doucement la porte. Le ciel commençait à se colorer de teintes bleu-violet avec l'aube qui arrivait. Le matin était dégagé, presque sans nuage. Ne remarquant rien d'anormal, je baissai mon regard sur l'arrière-cour.

Là, au milieu du terrain, des étincelles slalomaient entre les brindilles. C'était subtil, assez discret, de sorte que si je n'avais pas cherché quelque chose d'inhabituel, je ne l'aurais jamais remarqué.

« Qu'est-ce que... »

Je regardai Haldir avec incompréhension.

« Tu crois qu'on devrait prévenir quelqu'un ? »

Je jetai encore un coup d'œil par la fenêtre pour surveiller les mouvements des étincelles.

« Qui veux-tu prévenir ? Il n'y a presque plus de Gardien au quartier général, et ceux qui restent ont visiblement des préoccupations plus importantes... »

Evidement... Haldir n'était pas au courant des évènements d'Allemagne...

« Je pense qu'on devrait aller vérifier ce que sont ces étincelles » Me dit-il.

Je fus tentée de l'en dissuader, certainement par lâcheté. Et si ces étincelles étaient du même type que les perturbations rencontrées un peu plus tôt ? Mais Haldir avait raison. A défaut de Gardiens, il fallait bien que quelqu'un d'autre y aille. Et y aller à deux était toujours plus prudent que d'y aller seul.

« Prévenons quand même quelqu'un qu'on sort... »

La première et seule personne que l'on croisa entre le premier étage et la porte d'entrée fut Emilie. Aussi ce fut elle qui fut chargée de prévenir Stephan en cas de non-retour de notre part. La responsabilité parut la stresser un peu, mais elle nous assura qu'on pouvait compter sur elle. J'en étais un petit peu plus rassurée.

Puis on sortit et je frissonnai dans le petit matin, sans doute plus de tension que de réel froid, bien que la température s'avérât fraîche. Haldir marchait devant et je le suivais avec précaution dans la pénombre qui régnait encore.

On arriva bientôt à une dizaine de mètre des étincelles qui se déplaçaient toujours avec frénésie. Elles ne m'avaient pas paru aussi grosses vues d'en haut. Après les avoir observées quelques minutes, Haldir fit quelques pas supplémentaires. Je l'arrêtai, les évènements d'Allemagne agissant encore comme une vive mise en garde dans ma mémoire.

« Attends... » Marmonnai-je, et je fermai les yeux pour mieux me concentrer.

J'élargis ma perception pour observer les étincelles sous un autre angle à base de poussières brillantes. A la différence de ce que j'avais aperçu dans la forêt, qui absorbait l'énergie, ces étincelles en produisaient. Vue depuis une perception énergétique, elles étaient beaucoup plus impressionnantes, plus comparables à des éclairs qu'à des étincelles.

Je fis signe à Haldir d'être prudent et on s'approcha doucement. Ce qui me m'évoquait des décharges d'énergie se déplaçaient suivant un schéma précis. Elles dessinaient un symbole qui m'était inconnu, à moi comme à mon partenaire. Quand on se trouvât à moins de six mètres du phénomène, les étincelles arrêtèrent progressivement de se déplacer, jusqu'à s'arrêter devant nous à une distance respectable. Curieuse, je m'approchai encore un peu et tandis la main à un ou deux mètres des étincelles...

Soudain, une voix grave nous lança un avertissement et je sursautai violement, me tournant vers la source du bruit. Stephan accourait vers nous avec une colère mêlée d'inquiétude. Le temps que je me retourne vers les étincelles elles avaient disparu.

« Kyra, Haldir ! » S'écria-t-il. « Qu'est-ce que vous faîtes là ? »

Il nous fit signe de reculer tandis qu'il s'approchait de l'endroit où les étincelles s'étaient arrêtées. Il fronça les sourcils en réalisant qu'il n'y avait rien.

« Emilie m'a dit que vous étiez venu voir un phénomène bizarre. Kyra, tu étais en Allemagne tout à l'heure, le danger que peut représenter ce phénomène ne t'es jamais venu à l'esprit ? »

Il me regardait avec un regard plein de reproches. Je baissais les yeux aux sols avant de me reprendre.

« Si ! C'est justement ce qui m'a poussé à accompagner Haldir pour vérifier. On a été prudents... »

Il m'interrompit avant que je ne puisse m'expliquer davantage. Sa voix semblait cependant plus calme et moins alarmée.

« Et tu n'as pas jugé bon de prévenir un Gardien ? »

Je jetai un coup d'œil à Haldir qui fit un pas en avant pour se placer à ma hauteur.

« C'était notre intention. » Dit-il. « Seulement vous n'êtes actuellement que deux au quartier général, et nous n'avons trouvé aucun d'entre vous. Nous avons estimé que l'anormalité de la situation était assez pressante pour justifier d'aller vérifier de plus près seuls. »

Haldir parlait d'une voix calme et mesurée. Je l'admirai pour ça.

« J'ai pris le temps d'analyser le phénomène de loin avant de nous approcher. » Expliquai-je. « C'était très différent de ce que j'ai pu observer en Allemagne. Ces étincelles semblaient même être l'opposé de ce que j'ai pu voir là-bas. Et elles se déplaçaient. »

Stephan parut surpris.

« Des étincelles ? »

Il sembla réfléchir un instant alors que je confirmai, mais il soupira au bout de quelques minutes et nous raccompagna jusqu'au quartier général.

« Votre réaction était compréhensible... » S'excusa-t-il. « Je ne peux vous reprocher votre courage, d'autant que vous avez fait preuve de courage. »

Il garda le silence un moment, jusqu'à ce qu'on atteigne l'édifice. Sa voix était lasse et son visage, fatigué.

« La nuit a été longue, mais la situation s'arrange. La situation en Allemagne est stabilisée. Les autres ne devraient plus tarder à rentrer... »

Il nous regarda alors comme il regarderait un des Gardiens de sa génération, sans cacher sa lassitude sa tension qui se dissipait lentement. C'en était presque effrayant de le voir ainsi. Je n'avais désormais plus aucun doute sur le fait que les évènements de la nuit étaient loin d'être anodins.

« Il est temps pour nous d'aller nous reposer. » Dit-il. « Elène fera le guet dès son retour. »

Il nous regarda une dernière fois et hocha la têteavant de nous laisser pour monter à l'étage.


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