Chapitre 20

Même après la scène glaçante que je venais de voir, je ne pouvais contraindre mon cœur d'imiter la motivation de mon ami. Je me laissais prendre au jeu.

La journée était tout simplement magnifique. Un ciel bleu sans nuage et la température clémente d'une fin d'été procuraient des conditions optimales pour un entraînement complet ! Haldir m'entraîna tout d'abord près des piliers de pierre. Nous étions devant plusieurs colonnes, qui étaient regroupées pour permettre de passer de l'une à l'autre sans trop de soucis. Il commença l'escalade de l'un d'entre eux, et je le suivis. L'exercice m'était bien moins difficile que lors de mon premier entraînement avec Stephan. Désormais, je montais plus vite et plus haut, en étant bien moins fatiguée, en grande partie grâce à l'exercice physique quotidien que demandait la vie d'un Gardien et qui m'avait forgé de bien meilleurs muscles qu'auparavant. De même, mes paumes étaient moins fragiles, habituées à l'exercice. Malgré les quinze mètres de haut de la structure, on parvint en haut assez rapidement, et on observa le paysage familier de l'arrière-cour vu depuis les hauteurs. Entre le quartier général et nous s'étendait le grand lac, dont l'eau clair laissait parfois apercevoir les mouvements rapides de petits poissons. Plus à droite, presque à l'opposé, il y avait un autre lac, plus petit, mais envahi de végétaux et rempli d'une eau plus trouble que celle du grand lac. Enfin, à l'extrémité du terrain, la forêt abritait de nombreux rochers et butes qui étaient propice à un entraînement physique axé sur l'agilité, l'équilibre et le tonus.

C'est là-bas que nous nous dirigions, en courant, après l'échauffement que nous offrait l'escalade. Nos longues foulées se voulaient aussi régulières et légères que possible, pour optimiser notre énergie et nous accorder une meilleure endurance. La distance à parcourir était longue, mais elle permettait de bien échauffer nos muscles et nos corps avant l'effort, ainsi que de travailler un peu notre souffle.

J'arrivai finalement, un peu après mon camarade, qui avait déjà rejoint notre zone favorite. Ici, tout un parcours était praticable : une dizaine de pierres obliques suffisamment distantes pouvaient être sautés pour atteindre un arbre à la forme atypique sans toucher le sol. Puis nous montions dans ledit arbre, qui offrait une plateforme de choix pour la suite du parcours, qui consistait à se balancer sur un dérivé de trapèze pour attraper ensuite une branche épaisse et monter dessus avant de refaire l'enchaînement en sens inverse.

On exécuta l'exercice plusieurs fois, à tour de rôle avant de changer de parcours pour effectuer d'autres exercices similaires. Quand on eut suffisamment exercé pour commencer à sérieusement transpirer, on décida de faire une pause, avant d'attaquer l'exercice à l'épée.

On ne resta pas immobile, même pendant la pause. Au contraire on exploitait ce temps pour marcher d'un bon pas jusqu'à l'armurerie et récupérer nos lames respectives.

Je pris ma lame, qui n'était toujours pas nommée, et mon bo, que je commençais doucement à maîtriser, tandis qu'Haldir récupérait son épée et sa paire de dagues avec lesquels il s'entraînait régulièrement. Puis on alla s'installer dans la zone réservée aux duels. Etant déjà échauffés, on s'accorda seulement un cours moment de reprise en main du matériel avant de se placer face à face pour commencer un duel.

Tout se faisait presque sans mots, car tout ce que nous avions accomplie ce matin faisait partie de notre entraînement habituel, grâce auquel on s'exerçait trois ou quatre fois par semaine, dès que l'on n'avait pas de leçon. Le plus souvent, nous l'accomplissions seulement tous les deux, mais quelques fois, Florian, Mathéo ou un autre apprenti venait se joindre à nous, de temps en temps à plusieurs. Un jour, nous nous étions même entraînés avec Samia, sur ce schéma. Stephan l'approuvait, car il comportait un programme complet qui travaillait presque toutes les compétences vues avec lui.

Je me concentrais à nouveau sur mon duel, pour tenter comme lors de certaines rares séances, de l'emporter. Haldir avait ses deux dagues tandis que je combattais à l'épée. Nous faisions souvent ainsi, car cela nous permettait d'expérimenter d'autres styles de combat. Avec en face de moi un adversaire muni de fine dagues habilement maniées, je devais être plus prudente, car une des dagues passait facilement sous une feinte pour venir frapper sournoisement les hanches.

Haldir attaqua en premier, avec sa main droite, en direction de mon épaule gauche. Je me baissai pour éviter le coup tout en surveillant d'un œil son autre main. Je savais qu'il avait encore du mal à se servir des deux armes simultanément, mais je restais prudente. Je profitai d'être en bas pour bondir vers lui en lançant ma lame vers son flan droit ; je me retrouvais derrière lui. Il fit volte-face en évitant de justesse l'attaque et riposta immédiatement avec sa deuxième arme, cette fois-ci vers ma jambe. Je bloquais la lame à l'épée, et tentais et tentait une feinte, qui fut également esquivée. Il s'éloigna un peu ce qui me permit de préparer ma prochaine attaque qui visait son thorax. Seulement mon ami me pris par surprise en combinant ses deux lames pour passer derrière moi et me prendre à revers. Rapidement, je me retrouvais avec un couteau sur la gorge. Je levais la main gauche pour déclarer forfait et il me relâcha. Je rengainais mon épée.

On refit plusieurs matchs en changeant d'armes à chaque fois, et je ne gagnais qu'une fois, épée contre épée.

Puis il était déjà l'heure de manger. On regagnait donc la taverne après avoir rangé le matériel.

On ne fit pas de pause après le repas, et seulement un echaufement express. Et on alla immédiatement ensuite préparer nos montures. Elles étaient toutes deux aux paddocks, donc on commença par les ramener le long du mur du QG pour les y brosser, puis les seller. Enfin on monta en selle et on alla les détendre en carrière.

Le poil bai de Viadro luisait d'un éclat plus clair au soleil, sans aucune poussière. C'était également un très bon cheval, par ses allures impécables et par sa docilité apparente. Il évoluait avec fluidité sous la selle d'Haldir et ses crins noirs s'élevaient avec régularité au rythme de ses foulées.

Dagorian était également irréprochable, donc rapidement, on décida d'aller les détendre dur les barres, dans l'objectif de sauter. On se rendit donc dans la carrière adjacente, plus grande, et munies de divers obstacles plus ou moins hauts et larges. Je sautais d'abord un petit vertical à plusieurs reprises tandis qu'Haldir préféra un croisillon. Puis on enchaîna sur un oxer avant de définir un parcours sur des obstacles plus hauts. On termina en sautant une ligne d'obstacles terminée par une barre de SPA qui passa sans problèmes pour Dagorian, mais sur laquelle Viadro hésita légèrement. Il fallait dire qu'Haldir était moins à l'aise à cheval qu'à pied. Enfin je proposais de sauter un petit tronc couché à côté de la carrière, ce qu'il accepta avec un peu de nervosité, mais l'obstacle fut passé avec fluidité pour les deux chevaux.

La séance commençant à s'éterniser, et afin de ne pas fatiguer nos montures plus que nécessaire, on s'arrêta là avec eux. La fatigue commençait à se fair eressentir pour nous aussi, mais cela ne nous empêcha pas d'aller chercher nos arcs pour tirer un peu. Haldir abandonna bien vite l'arc pour le lancer de dagues, et c'est peu après ce changement que Stephan vint à notre rencontre pour juger de nos capacités. Il nous lança alors un petit défi.

« Et si vous tiriez à l'aveugle ?

- Comment ? » M'étonnai-je. « Mais c'est impossible... Comment peut-on viser à l'aveugle ?

- Toutes mes excuses, je me corrige » Expliqua Stephan. « Ce que je vous demande, c'est de viser, uniquement grâce à la vision énergétique !

- Mais même là ce n'est pas évident » Fit remarquer Haldir. « Nos cibles sont en bois, et attachées aux arbres... Les distinguer à cette distance n'est pas aisé !

- Cela est vrai. » Convint notre mentor. « Mais c'est là tout l'interet de l'exercice ! »

Il emprunta alors mon arc pour nous faire une démonstration. Il se plaça de profil par rapport à sa cible et tourna la tête dans le sens opposé, les yeux fermés, afin de nous assurer qu'il ne pouvait rien voir. Il banda l'arme, puis calmement, manifestement concentré, il lâcha la flèche, qui vola en ligne droite pour se planter dans la cible, à une cinquantaine de mètre.

« Elle n'est pas tout à fait au centre » Observai-je, impressionnée.

« Je n'ai jamais tiré avec cet arc » Sourit Stephan en ouvrant les yeux. « Et j'admets ne pas être le meilleur dans cette discipline !

- Vraiment ? » Demandai-je. « Qui l'était ?

- Mon père » Sourit fièrement Haldir en se tournant avec attention vers une cible à une dizaine de mètre, une dague à la main.

Stephan acquiesça et nous quitta, prétextant des tâches urgentes. Je regardai Haldir fermer les yeux, et tenter un tir, sourcils froncés. La dague retomba mollement après avoir heurté le tronc, à une trentaine de centimètres au dessus de la cible.

Je décidai de me concentrer à l'aide de la méditation. Je m'assis sur le côté, loin de la trajectoire de mon partenaire aveuglé, et tentai de discerner à l'aveugle ses tirs infructueux. La couleur or pâle caractéristique du métal des dagues tranchait dans le vert des cibles- et des troncs- ce qui rendait leur perception aisée. Je tentai donc, pour préparer mes propres tentatives, de différencier les cibles des troncs de plus en plus distants. Quelques temps plus tard, je me relevai et récupérai mon arc.

En plaçant l'encoche de ma flèche dans la corde tendue, je ne quittais pas mon objectif de mes yeux omniscients. Mais plus le temps passait, plus ma vision de disloquait jusqu'à faire naître une migraine qui pulsa derrière mes yeux, dissipant encore plus ma concentration. Seul quelques uns de mes tirs touchèrent l'extrémité de la cible, tandis que les autres passaient à côté de l'arbre et retombaient dans l'herbe.

Rapidement terrassés par la fatigue, on mit un terme à l'exercice et on rangea le matériel en traînant un peu des pieds.

Le soir arriva peu après, et passa tout aussi vit que le reste de la journée. Quand je me couchai, je m'endormi presque aussitôt.


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