Chapitre 14

Lorsque l'aube me réveilla, les Gardiens étaient rentrés. Stephan, comme les autres, agissait comme si de rien n'était, et ce ne fut que face à mon insistance que mon mentor me révéla, que l'intervention s'était très bien passée. Je m'étais inquiétée pour rien. Après tout, c'était la mission des Gardiens, ma future mission que de combattre orcs et gobelins. Je me décidais donc à dédramatiser, et remis un sourire sincère sur mon visage quand Haldir se planta devant moi pour m'offrir un jeu d'une dizaine de flèches, gravées et striées d'argent.

« C'était donc ça que tu préparais hier ? Demandai-je. C'est... Magnifique.

- Oui ! Sourit mon ami d'un air contrit. Ça et autre chose... Je travaille dessus depuis plusieurs semaines déjà...

- Waouh ! Merci ! » M'exclamai-je, émue.

Haldir avait souri et nous nous étions enlacés, dans une étreinte de bonheur.

Une courte heure plus tard, je me rendais devant l'armurerie pour ma deuxième leçon. Stephan arriva peu de temps après moi, une série de lames entre les mains. Des dagues aux épées en passant par les cimetères et les katanas, il y avait de tout. Le Gardien aligna les lames au sol avant de me saluer.

« Aujourd'hui, Kyra, nous allons travailler le maniement des armes de corps-à-corps. Expliqua mon mentor. J'ai ici plusieurs lames, que tu vas pouvoir essayer, et nous allons voir celle avec laquelle tu es la plus à l'aise.

- D'accord. Acquiesçais, je.

- Qu'est-ce qui t'intéresse le plus ? Demanda Stephan. Une épée lourde, des lames jumelles, une arme à deux mains, un sabre, des dagues ?

- Euh... Hésitai-je. Plutôt une épée à une main, assez légère. »

Stephan acquiesça, et prit parmi les armes une épée droite assez épaisse, mais longue d'un petit mètre seulement. Le pommeau était simple, et la poignée trop étroite pour deux mains. Quand je la saisis, elle me parut trop peser sur l'avant. Je fis quelques moulinets maladroits et fronçai les sourcils.

« Plie tes genoux. Remarqua Stephan. Arque ton dos, et détend ton poignet.

Il dégaina sa propre lame et se posta en face de moi comme exemple. Je corrigeai ma posture et il afficha un air approbateur.

- C'est mieux. Dit-il. Mais relâche encore un peu ton épaule.

Il amorça quelques coups simples en expliquant comment parer. Je tentais de l'imiter, mais mon arme adhérait mal à ma paume et me tirait sans cesse par l'avant.

- Tu devrais peut-être essayer avec une épée plus arquée. » Proposa Stephan.

Sur ces mots, il sélectionna une autre lame, bien plus longue, fine, et légèrement plus courbe que l'autre. Ses parures étaient plus élaborées, plus raffinées, mais elle restait simple. L'arme me parut tout de suite plus maniable. Le poids était dans mes mains, ce qui me permettait une meilleure précision.

Je répétais les exercices au ralenti, les mouvements me vinrent plus naturellement. Je hochai la tête en direction de Stephan et nous nous mîmes en garde. Mon mentor amorçait le premier mouvement verticalement. Et soudain, tout s'enchaîna très vite. Je levai le bras et mon instinct prit le dessus. Une voix me murmura à nouveau « Salmare » à l'oreille et je parai le coup. Stephan enchaîna, et je bloquai à nouveau sa tentative. Puis je tentai un coup droit qui fut bloqué. D'un naturel qui n'était pas le mien, je feintai, fis un pas sur la droite et lançai mon bras vers les côtes de mon adversaire, qui para de justesse avant de redoubler d'adresse et de m'assommer d'une pluie d'attaques que je ne pu totalement arrêter. Je me retrouvai rapidement à terre, une épée à la gorge. Je déglutis alors que mon esprit retrouvait sa clarté.

« C'est bien pour une première ! Sourit Stephan. Maintenant, pense à utiliser tes pieds. Ce sont eux qui font bouger ton corps et te donnent l'élan nécessaire pour porter un coup. »

Nous nous entraînions encore un long moment quand je finis par poser mon épée, épuisée. Stephan me la fit rengainer. Puis il la posa à l'écart des autres, avant de m'entraîner vers les piliers de pierre. Il me fit grimper, ce que je peinai à faire avec la fatigue des combats. Enfin nous nous assîmes sur le rebord du pilier, en son sommet. En face, Romain s'entraînait à l'épée avec Pierre. Il se débrouillait plutôt bien. Loin à droite, Tara s'essayait à l'équitation sous la direction de Johan. Sa jument à la robe dorée trottait d'un pas léger, portant sa cavalière sur un grand cercle. Le quartier général s'élevait à quelques centaines de mètres. Je fermai les yeux, savourant la brise légère, mais les réouvris rapidement quand les points scintillants refirent leur apparition.

« Stephan ? Demandai-je. Est-ce que l'énergie peut nous permettre de voir l'âme d'une personne ?

Stephan fronça les sourcils à ma question.

- Non. Qu'est-ce qui te fait penser cela ? Demanda-t-il.

- Rien. Je... euh... Marmonnai-je. Hier, j'ai cru voir quelque chose de différent dans les yeux de Haldir. Au milieu des points violets, il y avait une couleur plus prononcée, plus forte...

- Ne me dis pas que... Tu vois déjà l'essence des Gardiens ? S'étonna Stephan.

- L'essence ? Demandai-je. Je pensais que c'étaient des points d'énergie...

- Tu veux dire que tu réussis à voir les points colorés sur ce qui t'entoure ? Fit Stephan, de plus en plus surpris.

- Oui. Pourquoi ? M'étonnai-je à mon tour. Ce n'est pas normal ?

Mon mentor porta son regard au loin, avec, semblait il, un soupir d'admiration.

- Disons que... Hésita-t-il. Tu es exceptionnellement douée. Ce sont bien des points d'énergie que tu vois, mais ce que tu as aperçu chez Haldir était son essence. Son esprit elfique si tu préfères ! La sienne est particulièrement marquée, mais le fait que tu aies réussi à la voir prouve que tu as une excellente aisance avec l'énergie !

Il se tourna vers moi et plongea ses yeux dans les miens.

- Tu es au moins aussi talentueuse que Philippe. Affirma-t-il. Ce qui n'est pas peu dire !

Je ne répondis pas, faute de mots pour exprimer mes pensées.

- A quel point vois-tu l'énergie qui t'entoure ? Demanda Stephan.

- C'est-à-dire ? »

Il m'ordonna de fermer les yeux, et m'interrogea sur le nombre de doigts qu'il présentait devant moi. La première fois, ma vision était claire. Les doigts violacés de mon mentor tranchaient dans le gris pâle ambiant. Puis, au fil des demandes, ma vision se troublait et le violet de Stephan se mélangeait au gris jusqu'à n'être plus discernable. À la onzième tentative, je me trompais et une migraine commença à pulser derrière mes paupières. Tandis que je pensais avoir lamentablement échoué au test, Stephan siffla, impressionné, en annonçant que c'était excellent.

« Si tu souhaites t'améliorer, tu peux tenter de projeter l'énergie dans la zone que tu veux éclaircir. Me conseilla Stephan.

- Comment ? Questionnai-je.

- Imagine les points lumineux s'agglutiner autour du brouillard. Dit Stephan. Comme tu l'as fait hier pour observer Haldir de loin. Mais méfie-toi, l'exercice peut s'avérer épuisant si tu n'en as pas l'habitude.

J'acquiesçai.

- L'autre exercice que tu peux effectuer consiste à tenter de tout voir simultanément. Expliqua Stephan. Ne te contente pas d'observer en détail, regarde tous les points lumineux qui t'entourent, élargie ta vision.

- Très bien. Acceptai-je.

Nous restâmes encore un moment à observer le soleil monter dans le ciel, puis Stephan se leva et rentra au QG. Moi, je l'accompagnai jusqu'à l'armurerie pour ranger les armes que nous avions laissées. La longue épée courbe dont je m'étais servie fut temporairement marquée à mon nom, et le chef des gardiens s'en alla.

Je récupérais mon arc et les flèches que Haldir m'avait confectionnées, et ressorti. Les flèches étaient très bien taillées : solides et affutées, elles étaient aussi équilibrées et légères. Elles s'envolaient gracieusement quand je faisais chanter la corde de mon arc. J'avais l'esprit plus clair que la veille, mes performances s'en trouvaient donc améliorées. J'atteignais à présent des cibles à une cinquantaine de mètres, avec une précision croissante. Et tandis que je tirais, un mot se formait dans mon esprit.

Non. Pas un mot. Un nom.

L'effet était étrange. Mon ressenti formait des lettres qui, elles-mêmes, formaient un mot.

« Deleriar » Murmurai-je, soudain immobile.

J'avais finalement devinéle nom de mon arc... Un bien étrange nom, soit dit en passant, qui n'avaitprobablement aucune signification. Mais je l'avais trouvé. Et un sourirehabitait mon visage, ce soir-là, quand j'allai l'annoncer à Samia.


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