Chapitre 9

- Ah tiens, salut Kyra ! M'accueillit gaiement Tara que l'on se croisa dans le couloir. Tu étais passé où ?

Ses cheveux blonds avaient été rassemblés en une tresse sophistiquée, probablement pas par elle. Ses yeux pétillaient de bonheur et un large sourire barrait son visage.

- Avec Johan figures-toi ! Lui répondis-je. Il m'a montré les écuries, et j'ai pu monter mon cheval ! Il s'appelle Dagorian.

- C'est trop cool ! S'exclama-t-elle. Tu as vu le mien ?

- Non désolée... M'excusais-je. Je ne sais pas lequel c'est. Mais tu le verras bientôt je suppose, ils ont des chevaux magnifiques !

Il y eut un silence, nous étions toutes deux perdues dans nos pensées. Les miennes revivaient mon expérience avec Dagorian. Son doux pelages gris pommelé, son imposante tête ceinte d'intelligent yeux noirâtres, son galop régulier au rythme des battements de mon cœur...

- Tu sais, reprit Tara, les Gardiens ont l'air de vraiment t'apprécier... Le seul à s'être intégré plus vite que toi ici est Haldir ! Moi je trouve aussi que, plus que tous les apprentis, tu as ta place ici. Ce lieu, ce statut, ce titre, tu appelles ça comme tu veux, mais c'est ton monde.

- Merci, bredouillais-je surprise car je ne m'attendais pas au compliment, mais c'est ton monde aussi à présent, pas seulement le mien...

Elle sourit, me regardant d'une façon presque admirative. Une lueur féerique brillait dans son regard. Je souris en m'apercevant que ma pensée était iconique.

- Pourquoi ris-tu ? Me demanda-t-elle.

- Pour rien ! M'exclamais-je. Je me disais juste que tu ressembles bien à une fée !

Elle me regarda de travers, ne sachant sans doute pas comment prendre ma remarque. Mes traits se détendirent et elle sembla comprendre que mon commentaire était un compliment.

- Haldir est rentré ? Demandai-je pour parler d'un sujet moins gênant.

- Oui, je crois qu'il est dans sa chambre. Me répondit Tara.

- Je pense que je vais aller le voir, proposais-je. La journée d'hier a été particulièrement dure en émotion pour lui. Il a appris des choses, toute une partie de son enfance s'est effondrée...

- Oui vas-y, approuva-t-elle. Tu as raison, il a besoin de toi en ce moment.

- Bon bah, salut... Dis-je en partant.

- Salut...

Tara se dirigea vers la salle commune d'un pas dansant tandis que je montais les escaliers pour accéder à l'étage. Arrivé devant la porte de mon ami, je toquais trois coups. Haldir vint m'ouvrir rapidement, agréablement surpris dans ce qui semblait être des préparatifs de voyage. Septique, je lui demandais s'il comptait partir. Il secoua la tête en s'esclaffant :

- Mais non ! Rit-il. Je faisais juste l'inventaire de mes affaires ! Stephan m'a autorisé à aller récupérer les quelques objets que je possédais...

- Oh !

Je regardais Haldir ranger. Il n'était pas aussi malheureux que je l'imaginais. En réalité, il avait même l'air plutôt content. Ses cheveux blonds trop longs étaient emmêlés au-dessus de ses yeux bleu pensifs. Sa peau claire diffusait faiblement la lumière qui arrivait par la fenêtre ouverte. Ses vêtements d'apprenti Gardien lui allaient plutôt bien, et ne gênaient aucunement ses mouvements souples, rapides et précis. Haldir était toujours efficace au travail. Il utilisait ses grandes capacités acquises pendant l'enfance pour agir de manière brève, sans pour autant négliger la qualité de son travail. A mes yeux, Haldir était parfait. Mais jusque-là, rien d'inhabituel, je m'étais sans doute inquiété pour rien.

- Alors, commençais-je, tu étais avec Stephan parait-il ?

- Et toi, répliqua-t-il malicieusement, tu étais avec Johan parait-il ?

Je souris en levant les yeux au ciel d'amusement.

- Vous avez fait quoi ? Tentais-je.

- Je te retourne la question ! Contra-t-il.

- Ça me fait penser que je ne vous ai pas vu ! M'exclamais-je, Vous étiez où ?

- Moi je vous ai vu en revanche ! Répondit Haldir. Lorsque je suis rentré...

Je soupirais...

- On était dans la forêt au fond de l'arrière-cour. Céda-t-il.

- Ah ? M'étonnais-je. Je n'y suis pas encore allé... Elle est grande ?

- Tu ne veux pas aller voir par toi-même ? Demanda-t-il galamment.

- On peut ? Questionnais-je.

- Pourquoi on ne pourrait pas ? Répondit Haldir. Elle fait partie du QG, on peut s'y balader !

- Et s'ils ont besoin de nous joindre ? Contrais-je.

- Tu doutes qu'ils y arrivent ? Rit mon ami. Ils trouvent toujours un moyen ne t'en fait pas !

Après un instant de réflexion, je ris avec lui. Il était vrai que les Gardiens semblaient capables de tout. Quelques centaines de mètre de distance ne seraient pas un problème. Ni même quelques kilomètres.

- Alors on y va ? Demanda à nouveau Haldir.

- Après le repas ? Suggérais-je. On aura plus de temps.

Le visage de mon ami se fendit d'un nouveau sourire.

- Très bien ! Dit-il en me tendant son bras comme au temps de la Renaissance.

*****

- Tu ne m'a pas dit du coup, avança Haldir lorsque plus tard nous marchions dans la forêt. Tu faisais quoi avec Johan ?

Les très divers arbres nous entouraient de leurs ramures multicolores. Quelques pins laissaient des couches d'épine au sol qui amortissaient le son de nos pas. Des tapis de mousse étaient visibles à d'autres endroits, au milieu des plants de ronce. De petits animaux s'y cachaient, fuyant quand ils se rendaient compte de notre présence. On ne se serait pas cru dans l'arrière-cour d'un quartier général de Gardien.

- Tu ne m'as pas dit non plus ce que vous aviez fait avec Stephan.

Son rare rire cristallin retentit dans les bois.

- On a surtout discuté... Alors ? Insista-t-il.

- Il m'a montré l'écurie, avouais-je. Ils ont de magnifiques chevaux, c'est vraiment impressionnant. L'espace réservé aux chevaux est immense. Et même leur équipement est particulier !

- Et ton cheval il est comment ? Sourit-il.

Haldir ne me connaissait que trop bien. Il savait exactement quels détails j'avais envie de lui raconter.

- Tu veux le voir par toi-même ? Ris-je.

Mon camarade haussa un sourcil, intrigué, mais il me suivi volontiers lorsque je pris la direction des prés. Passé l'orée des bois, je ne mis pas longtemps à apercevoir Dagorian. Il galopa vers nous et vint se frotter à moi dès que je fus assez près.

Haldir l'observait les yeux brillants.

- Il est vraiment magnifique, souffla mon ami, tu avais raison.

- Il s'appelle Dagorian, racontais-je, et...

Un hennissement strident m'interrompit, provenant du fond du pré. Dagorian releva brusquement son imposante tête, et la tourna vers l'origine du son, dans les sous-bois de l'extrémité du pré.

- Qu'est-ce que c'était ? Demanda Haldir.

Un immense étalon noir sortit du couvert des arbres en galopant furieusement. Ses muscles puissants le propulsaient en avant et il avalait les mètres de ses larges foulées. Une autre silhouette apparut en courant et je reconnus Johan. Il tenait à la main un licol et essayait en vain d'approcher l'étalon noir en furie.

Il était en mauvaise posture, aussi lorsqu'il nous aperçut, il vint vers nous. Quand il fut assez près, je vis sur son visage qu'il était désespéré. Il posa le licol sur la barrière en bois à côté de moi.

- Je ne sais plus quoi faire, dit-il. Asfaloth refuse de se laisser approcher. Ça ne peut plus continuer. Ce manège dure depuis plusieurs années déjà.

Je compris, Asfaloth était la monture de Philippe. Sa solitude et son désespoir devaient être grands pour qu'il refuse tout contact. Il s'était immobilisé, la tête haute, les yeux fixés sur nous.

- Je peux peut-être essayer... Dit Haldir.

Johan le regarda, inquiet, mais ne protesta pas. Haldir prit son absence de réponse pour un assentiment, et attendit que j'acquiesce pour sauter par-dessus la barrière et avancer vers Asfaloth, le licol dans les mains.

Quand il fut arrivé à moins de dix mètres de l'étalon toujours immobile, il ralentit. Posant le licol à ses pieds, il tendit les mains pour amadouer l'étalon, et parcourut quelques mètres supplémentaires, doucement.

Je voyais Haldir parler, mais de loin je n'entendais pas ses mots. Je tentais d'élargir mes sens afin de mieux voir, et ma vision se teinta de couleurs scintillantes. Ma tête commença à tourner et je fermais donc les yeux. Ma vision scintillante devint claire comme de l'eau de roche et je pu voir avec netteté la scène qui se déroulait pourtant à plus d'une centaine de mètre de moi. Ce fourmillement étonnamment familier me permettait de voir les choses invisibles à un regard normal. L'énergie avait dit Stephan la veille. Cette énergie que je semblais maîtriser avec une facilité anormale. En me concentrant encore je pouvais voir chaque petit point de lumière qui parsemait l'univers. Chaque élément avait sa couleur. L'étalon luisait d'un bleu indigo, l'herbe et les végétaux apparaissaient vert pâle, et les mouvements de l'air faisaient surgir des vagues grises. Tout était en mouvement permanent, rythmé par la pulsation d'un cœur ou les balancements du vent.

Haldir tenait entre sesmains la tête d'Asfaloth. Lui rayonnait d'un mélange de couleur d'une teinteviolacée. Je vis mon ami remuer les lèvres une dernière fois, et me jeter unregard. Tout le court temps où il me fixa, je vis avec précision de mes yeuxclos ses pupilles perçantes, et je cru apercevoir autre chose derrière l'âme demon ami. Une essence surnaturelle qui l'enveloppait de l'intérieur d'une lueurplus forte et protectrice. Puis il tourna à nouveau la tête vers l'étalon etl'apparition disparut de mon champ de vision. Quelques secondes après jerouvrais les yeux pour admirer Asfaloth galoper en cercles autour d'Haldiravant de disparaître à nouveau au fond des bois, bien vite rejoint parDagorian.

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