Chapitre 6
J'avais accompagné Silla pour aller ouvrir la porte, me demandant qui attendait derrière. Ils étaient trois, Mathéo, qui semblait à peine arrivé, et les deux jumeaux que la guerrière appela Romain et Julien.
Silla les fit entrer et les mena à une table à part. J'allais la suivre quand un mouvement discret attira mon regard. J'aperçus alors Haldir qui descendait silencieusement les escaliers, et je l'attendis donc, ayant hâte de lui raconter toutes mes découvertes. Il me rejoignit et nous nous approchâmes des autres garçons qui venaient d'entrer. Les adultes avaient déjà recommencé à discuter, et Mathéo nous invita à nous asseoir pour nous présenter les jumeaux. Ils étaient tous deux les apprentis de Morian, donc les apprentis nains.
- Haldir et moi sommes des elfes, leur confiais-je, vous deux, des nains. Et toi Mathéo ?
- Aucune idée ! Avoua-t-il. Mais j'avais un mot sur mon bureau qui me citait comme un apprenti de Davar ou un truc du genre...
Davar ? Stephan n'avait pas cité un tel nom... à moins que...
- Il n'y avait pas plutôt marqué Danrar ? Demandais-je.
- Ah si ! S'exclama-t-il. Mais comment tu as deviné ?
- J'ai discuté avec les adultes avant votre arrivée, dis-je avec un clin d'œil. Du coup tu es un vampire Math.
Je leur racontais ensuite tout ce que j'avais appris sur les planètes et écosystèmes avant de leur désigner les différents guerriers en les nommant.
Yonan et Pierre étaient très certainement des nains. Julien me le confirma juste après. Samia était assise entre Silla et Stephan, elle devait donc être une fée, et, Nicolas et Shayna étant les vampires, il ne restait plus que Johan et Elène pour les centaures !
C'est cette conclusion trouvée que ma sœur débarqua, très rapidement suivie par Ella, et un autre garçon qui se nommait Florian. Elléonora s'avéra être vampire, et Ella et Florian, les centaures. Tara et Emilie, qui arrivèrent plus tard étaient donc les deux fées. Les jumeaux se dévouèrent pour tout réexpliquer, car je m'étais détournée. Je songeai à cette nouvelle vie, qui paraissait si incroyablement compliquée, mais en même temps tellement naturel. Comme si tout ce que je venais d'apprendre, je le savais déjà inconsciemment, et que ça ne faisait que ressortir...
***********
Une bonne heure plus tard, la faim me tiraillait l'estomac. Cependant je n'osais pas aller demander à Silla l'heure du déjeuner alors je discutais avec Haldir et les autres.
- Au fait Haldir, demandais-je, depuis quand tu promenais le chien à l'aube ?
Le beau blond sembla surpris par la question, mais y répondit avec détachement.
- Depuis le début des vacances, ça évite à ta mère de le faire.
- Et tu n'as pas jugé bon de me prévenir ? Continuais-je.
- Pour quoi faire ? Ria-t-il. Je te connais tu te serais levée exprès chaque matin pour m'accompagner ! Je n'ai pas besoin d'une Kyra épuisée !
- Rien ne dit que je l'aurais fait... Grommelais-je, légèrement vexée.
Les autres apprentis nous regardaient d'un air amusé.
- Vous êtes en couple tous les deux ? Demanda Julien.
Mes yeux s'agrandirent comme des soucoupes et je me tournais vers Haldir.
- Non. Répondit-il en détournant les yeux de gêne. Seulement très bons amis.
- Un peu plus qu'amis quand même ! S'exclama Émilie. En faîte ils ont une relation quasi fusionnelle... Un peu comme des frères et sœurs mais en plus fort.
Julien hocha la tête, mais il souriait toujours d'un air goguenard en nous regardant.
Mais Silla brisa -bien heureusement- ce moment gênant en nous invitant tous à rejoindre la table des guerriers pour manger. J'acceptais de bon cœur, à l'image de tous les autres apprentis.
Des chaises furent rajoutées pour nous face aux autres guerriers, et Silla nous servit du ragoût, qui s'avéra délicieux.
Samia prit la parole, nous demandant si tout allait comme on voulait. Intimidés, nous autres apprentis ne répondîmes pas. Finalement, Haldir le fit pour nous.
- Oui, ça va, dit-il.
Bizarrement, son intervention débloqua quelque chose, et les apprentis se détendirent.
- Y a-t-il une bibliothèque ici ? Demanda Tara.
- Oui, sourit Stephan. C'est la deuxième porte à droite en rentrant dans le bâtiment. Il vous est libre d'accès à la limite des deux dernières rangées de la salle dont les livres sont marqués d'une étiquette rouge. Mais je vous demanderai de ne pas sortir les livres de la salle sans autorisation de Silla ou l'un d'entre nous.
- Qu'est-ce qu'il y a au sous-sol ? Questionna Florian.
- Des salles interdites sans un guerrier à vos côtés. Annonça le chef.
- Et les autres salles du rez-de-chaussée ? Demandai-je à mon tour.
- Les deux portes du fond conduisent à l'écurie et à l'armurerie, expliqua Stephan. N'y allez pas tant qu'un guerrier ne vous y aura pas emmené. La porte en face d'ici conduit à un gymnase, et les autres à des salles d'entraînement spécialisées. Les étages sont dédiés aux chambres et aux salles de bain. On y trouve aussi mon bureau.
- C'est super grand ! S'exclama Julien.
Le repas finit, Stephan nous renvoya. Je retournai dans ma chambre, me demandant où je pourrais trouver l'heure, de peur de manquer mon rendez-vous.
Désespérant de trouver une horloge, je m'assis sur mon lit quand mon médaillon -que j'avais complétement oublié au passage- se mit à luire avant de s'arrêter comme il avait commencé.
Je l'examinais, espérant en découvrir la raison, et finis par tomber sur une petite encoche permettant d'ouvrir le médaillon ! À l'intérieur se trouvait justement une montre, et j'étais à cinq minutes de manquer mon rendez-vous !
Alors, remerciant mon médaillon d'avoir brillé, je descendis en vitesse et sortis. Étonnamment, en lieu et place d'une fournaise due au soleil de midi, la température était plutôt clémente. Le QG ne devait pas se trouver en France...
Je contournai le bâtiment et découvris avec stupeur l'immensité de l'arrière-cour. Un immense pré, sans doute réservé aux chevaux s'étendait, vide au loin sur la gauche, et des paddocks vides également se trouvaient un peu plus proche, à moitié cachés de l'autre côté du bâtiment. Divers décors tels que des forêt, un lac ou des falaises caillouteuses occupaient l'espace dont la superficie empêchaient quiconque de tout voir en même temps.
Stephan m'attendait sur falaise semblable à un promontoire. Enfin, pas vraiment une falaise, plutôt un pilier de pierre de cinq mètres de haut dont l'accès nécessite d'escalader.
Pour moi qui ne savais pas grimper, ce pilier paraissait immense, mais sa hauteur était pourtant ridicule face aux autres piliers qui montait à une quinzaine de mètres.
Le guerrier me vit et me fit un signe de tête m'indiquant de le rejoindre en haut.
Seulement même cette hauteur m'impressionnait, tant et si bien que je doutais d'arriver en haut, donc je restais pétrifiée. Une seule chose me remotiva. Haldir aurait continué, il m'aurait dit de continuer, et d'avoir confiance. Alors je m'accrochais aux prises, m'éraflant la paume à cause de la roche coupante et dure.
Et, mètre après mètre, je grimpais. Puis je finis par arriver, à bout de souffle mais fière de moi. Mes mains étaient couvertes d'écorchures dont certaines saignaient.
Cependant, j'attendais la réaction de mon mentor, or, Stephan ne me regardait pas.
Il était assis en tailleur, les yeux fixés au loin devant lui. Ne sachant que faire, je m'assis, également, tentant d'imiter sa position, mes mains au niveau des genoux, et j'attendis.
J'attendis longtemps, durant une heure peut-être, ou deux, peut-être même trois ou quatre. Je n'y faisais pas attention. Je ne pensais plus.
Parfaitement détendue, mon corps tout entier était à l'écoute de mon environnement. Les yeux fermés, j'écoutais les oiseaux, je crus entendre un cheval renâcler dans l'écurie, alors même qu'elle se trouvait assez loin.
- C'est bien, dit soudain Stephan, me faisant sursauter. Tu connais la valeur de la patience.
Il patienta quelques minutes, puis repris paisiblement :
- Maintenant dis-moi, que ressens tu ?
Légèrement surprise par la question, je répondis sans réfléchir. En vérité je n'étais même pas sûre que ce fût moi qui répondis. Mon subconscient le faisait pour moi.
- Je ressens tout. Dis-je. Je sens le vent, la terre, j'entends les oiseaux, les bruissements du vent dans les arbres, et je sens mon cœur battre au fond de moi...
Réellement c'était plus que juste entendre et sentir. Tout brillait autour de moi, de millions d'étincelles scintillantes. Mais je n'arrivais pas à trouver les mots pour l'expliquer.
Stephan attendit, patient.
- Je sens aussi autre chose, continuais-je, hésitante. Comme un fourmillement, un rayonnement, qui est partout et nulle part à la fois.
Stephan sourit, et me regarda enfin. Je pu tout de même discerner sur son visage un semblant de surprise, comme s'il il ne s'attendait pas à ma réponse, mais qu'il l'avait prédit en même temps.
- Oui, répondit-il. Il s'agit de l'énergie, ce que les humains appellent bêtement la magie bien qu'ils soient incapables de la percevoir. Elle est en chacun de nous, hommes, elfes, animaux, plantes... Mais seuls certains d'entre eux peuvent la détecter, comme les elfes, les fées, les centaures, les félins et quelques autres animaux sauvages. Et seuls les elfes et les fées peuvent la canaliser, et la manipuler.
Il fit une pause dans son monologue pour me laisser digérer tout ça avant de reprendre.
- Je ne t'interdis pas d'essayer, annonça le Gardien. Mais je te mets en garde. Si tu veux la plier à tes ordres, tu devras puiser dans tes propres réserves !
Sur ce il se leva et descendit d'un bond de la falaise malgré la hauteur. Moi je le rejoignis de manière plus classique, n'étant pas aussi habile. Mon mentor fit le tour du quartier général et ouvrit une lourde porte en acier. Celle de l'armurerie...
- Tu as déjà manié une arme ?
La voix de Stephan se répercuta entre les murs de l'armurerie. Dans ma tête, un flash, un mot... Salmare ? J'avais eu peine à le saisir tant l'évocation fut brève. Mais j'ignorais autant la signification du mot que la raison de son apparition dans mon crane. Et j'en étais complètement déboussolée.
- Non... euh oui ! Bredouillais-je. Un arc.
- Très bien, autre chose ?
Nouveau flash. Une image, mais trop rapide cette fois. Je ne le compris pas.
Stephan avait visiblement pris ma réaction pour la surprise de la question. Ou alors ces flashs étaient chose courante, explication dont je doutais.
- Euh... répondis-je avec force hésitation, je ne crois pas...
Cette fois Stephan fronça les sourcils, mais il ne commenta pas. Ma réponse sonnait fausse. Mon inconscient me criait que je n'avais pas tenu qu'un arc, pourtant je n'avais jamais touché d'autres armes. L'effet était tel que ma certitude vacillait.
Stephan m'indiqua de le suivre.
Tandis que l'on marchait parmi les nombreuses armes, certaines pour le moins étonnantes comme un petit tube de fer de quelques centimètres de long seulement, il m'expliqua que certaines d'entre elles portaient un nom sur leur présentoir. Celles-ci, je n'avais pas le droit d'y toucher pour l'instant. Mais toutes les autres, qui "n'avaient pas encore forgé leurs histoires" selon ses mots, étaient à ma disposition ainsi qu'à celle des autres apprentis.
Ensuite il m'indiqua de choisir un arc et sortit.
Je regardais autour de moi. Les armes étaient posées sur des étagères, ou accrochés directement aux murs gris ferraille. La pièce était grande, et même parmi les seuls arcs, je comptais au moins une quinzaine de pièce non étiquetées. Ceux-ci étaient entreposés dans le coin sud-est de la pièce, près de la porte métallique, sur des présentoirs à même le mur. Leurs couleurs et formes étaient très variées, allant du fin bois claire à l'épais bois foncé, en passant par toutes les tailles entre soixante et cent quatre-vingts centimètres. L'un d'entre eux attira cependant mon regard.
Il était fin, noir, mesurait environ un mètre quarante, très souple mais légèrement résistant au moment de le bander, plus, en tout cas que l'arc artisanal que j'avais fabriqué chez moi. Sa corde était plutôt épaisse, mais étrangement lisse et brillante. Sa poignée à peine visible était ornementée de fins motifs élégants. J'ignorai quel bois le composait, mais il me plaisait, et son contact avec ma paume provoquait chez moi une agréable impression de confort.
Rapidement décidée, je récupérais donc son carquois plein assorti, puis rejoignis Stephan dehors. Mon mentor se tourna vers moi en hochant la tête. Il m'emmena jusqu'à un large hameau d'arbres non loin, qui ressemblait à une petite forêt.
- À présent, dit le guerrier, montres-moi ce que tu sais faire.
Acquiesçant à mon tour, j'attrapais une flèche dans le carquois attaché dans mon dos et, visant un arbre à une vingtaine de mètre représentant une cible aisée, je bandais l'arc. En faisant cela, je ressenti la formidable puissance de l'arme qui s'étira avec une légère résistance, se ployant entre mes doigts pour donner à la fine flèche noire une force perforante suffisante pour franchir la distance la séparant de l'arbre. Puis, le bras plus stable que jamais, je lâchais la corde qui vibra d'un son grave et profond, comme le chant d'une ancienne forêt sombre et mystique. Alors même que le tir ne m'avait demandé qu'un effort moindre, la flèche siffla et fila se planter dans un œil du tronc visé, parfaitement parallèle au sol, et enfoncée de plusieurs centimètres dans l'arbre qui m'avait pourtant paru solide.
Savoir une telle puissance entre mes doigts était grisant, car jamais auparavant un arc ne m'avait offert de telles sensations.
Stephan me regarda avec un sourire.
- C'est bien, mais je pensais qu'une archère aurait choisi une cible moins évidente !
- Ce n'était que l'échauffement, rétorquai-je avec un nouvel entrain.
La remarque du Gardien avait éveillé mon instinct de compétitrice, et je ne demandais qu'à lui montrer que j'avais du talent.
Il m'indiqua une branche, sur la gauche. Je remarquais alors que de discrètes cibles parsemaient les arbres alentours. Celle qu'il me demandait de viser se trouvait au moins au double de la distance de ma cible précédente, et fixée à la branche elle bougeait au rythme du vent, ajoutant un peu de difficulté au tir. D'autant plus qu'elle n'était pas très large.
Ravie du défi, je bandais de nouveau l'arc, un peu plus fort cette fois. La flèche siffla pour se planter à quelques centimètres du centre de la cible, la faisant se balancer d'avant en arrière. Mais j'avais mieux dosé le tir et la flèche ne traversa pas la cible, et n'en tomba pas non plus.
- C'est déjà mieux ! Admit Stephan.
Je continuais à tirer une demi-heure durant, atteignant des cibles toujours plus lointaines, et avec toujours plus de précision. Manier cet arc m'était d'une facilité déconcertante. Il était comme une extension de moi-même et perforait chacune des cibles choisies.
Quand j'eus vidé une deuxième fois mon carquois et récupéré mes flèches, Stephan me retint.
- Cela suffit pour l'instant Kyra, dit-il. Va te reposer, je te préviendrais pour ta prochaine leçon. Tu pourras, si tu le souhaite, venir t'entraîner ici en attendant, mais n'en fais pas trop d'accord ?
J'opinais, encore sous le charme de l'arc qui chantait au moindre tir, heureuse de pouvoir m'entrainer à l'envie.
- Bien, répondit-il. Si tu pouvais te limiter à la seule pratique de l'arc pour le moment ce serait mieux, au moins jusqu'au prochain cours. La porte de l'extérieur s'ouvre à la formule Leitha, associée à ton médaillon. Je ferai marquer cet arc à ton nom, il est clair qu'il t'a choisi !
J'acquiesçais à nouveau, même si je ne compris pas la dernière phrase, mais peu m'importait au fond, j'étais radieuse.
- Merci ! M'exclamais-je.
*****
De retour dans ma chambre, je consultais mon médaillon. Le temps avait vite filé, l'aiguille avait passé les six heures. Je décidais donc que je méritais bien une douche et attrapais une serviette et une tenue de rechange dans mon armoire avant de monter à l'étage supérieur.
L'escalier donnait sur trois couloirs, le premier, assez large, continuais devant moi jusqu'aux chambres des guerriers elfes et se finissait au bureau de Stephan. Les deux autres partaient sur les côtés. Je suivis celui de gauche et, après un coude vers a droite, je tombais sur deux portes étiquetées salle de bain. Je rentrais dans une d'entre elles et découvrit une pièce banale, si on exemptait encore une fois ses proportions gigantesques. Elle comportait une douche et une baignoire, dont la taille équivalait à celle d'une petite piscine. Équipée de WC et d'un grand lavabo, ses murs étaient couverts de nombreux miroirs.
Décidément les Gardiens aimaient faire grand.
Lavée et ressourcée, j'étais allée faire un tour à la bibliothèque, dont la superficie m'étonna encore une fois, alors même que je m'y attendais. Bien que les deux derniers rayons soient interdits, il y avait largement de quoi lire.
Parcourant les allées, j'avais remarqué un ouvrage abimé s'intitulant "Mille mœurs et légendes des Gardiens, de l'Antiquité à aujourd'hui". Silla m'autorisa à l'emprunter, mais me précisa tout de même que le "aujourd'hui" n'était plus tout à fait à jour. En effet le livre datait du XIXe siècle, soit l'époque où la guerrière avait fait ses débuts, mais il contenait tout de même quelques infos intéressantes. Ainsi j'avais appris que les Gardiens existaient déjà à l'Antiquité, avant l'an 820, et qu'ils étaient alors connus de tous. À cette époque, il y avait aussi des hommes dans leurs rangs, jusqu'à l'an 789 où ils avaient été bannis de l'ordre. Et les Gardiens étaient devenus des légendes, et les légendes, des mythes. Leurs membres étaient méprisés et chassés, alors ils disparurent, protégeant Gaïa, la Terre, dans l'ombre, et les humains ne se souvinrent plus d'eux.
La seule chose quin'avait pas changé au fil du temps était leur mission.
Toujours, les Gardiens de Gaïa protégeraient la Terre.
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