Chapitre 3

Mes yeux s'ouvrirent lentement. J'eus comme un sentiment de déjà-vu. J'étais étendue dans une mare de sang. Face contre terre. Je ne sentais plus mon corps. J'évitai de bouger et j'essayai de rassembler mes esprits.

Mais qu'est-ce qu'il se passe ?

J'avais l'impression d'être passée sous un trente-trois tonnes. J'inspirai profondément, mais le liquide qui envahit mes narines m'étouffa et je m'étranglai en toussant. Des bribes de souvenirs se superposèrent et les derniers évènements m'apparurent clairement. Je portai vivement la main à ma poitrine et je fus à deux doigts de pleurer de soulagement quand je sentis les battements sourds de mon cœur au creux de ma paume.

Je suis vivante ! Alléluia !

J'étais de retour dans le bureau.

J'étais aussi étrangement apathique. Mon regard se posa sur mon bras gauche, là où une plaie béante s'ouvrait quelques heures ou quelques minutes auparavant. Je ne savais plus. La notion de temps m'échappait totalement. La blessure avait disparu et le serpent était sagement en place. Il me sembla qu'il avait changé, mais je n'eus pas le loisir de m'appesantir sur cette impression ni de l'observer plus attentivement.

La porte s'ouvrit avec fracas. Des jambes entrèrent dans mon champ de vision, mais je restai immobile, à l'affût. Je me sentais étrangement vide.

— Tu peux bouger ? demanda la voix grave d'Imriel.

— Bon sang ! Ce n'est pas possible un chaos pareil ! enragea un inconnu.

— Tais-toi, Alrick, et va informer les autres. Il faut lui préparer une chambre. Fais appeler Damarisse, et fais en sorte que ses parents soient prévenus. Il faut qu'ils soient rassurés sur l'état de leur fille.

— C'est juste que j'ai horreur qu'on gaspille la nourriture, protesta le fameux Alrick, en bougonnant.

— Arrête l'humour et fais ce que je te demande !

J'entendis la porte claquer et le visage d'Imriel apparut dans mon champ de vision.

— Il va falloir te relever. Tu ne peux pas rester à mariner jusqu'à l'aube. L'odeur du sang pourrait faire craquer certains vampires.

Je n'eus pas la force de me rebeller face à ce discours si peu empathique. Je bougeai avec précaution et refermai la main dans un bruit poisseux. Les sensations revinrent peu à peu dans mes membres. Je redressai la tête et je pris appui sur le sol pour me mettre à quatre pattes. Le veilleur ne fit pas un geste pour me venir en aide.

Merci beaucoup, j'apprécie !

Je restai un instant immobile, nauséeuse, puis je me levai avec précaution. Un vertige me saisit et je me retins de justesse au bureau de chêne, laissant l'empreinte de mes doigts sur le plateau.

Tant pis, un peu plus ou un peu moins !

Je fis une rapide inspection des dégâts après m'être stabilisée : tous mes os étaient intacts et je n'avais plus l'ombre d'une blessure même si j'étais couverte de sang.

— Tu ressembles au personnage de Carrie au bal du diable*, se moqua-t-il.

Surprise et vexée par sa référence cinématographique, je le fixai, incapable de la moindre réaction.

— Allez ! Je t'accompagne dans tes nouveaux appartements.

Quoi ?

Sans protester, épuisée, je le suivis dans le couloir principal et je m'étonnai qu'il ne prenne pas de chemin plus discret. Mes pas laissaient des empreintes poisseuses sur le marbre blanc. Je ne pus m'empêcher de penser au travail que cela allait donner au personnel de maison. Toujours mes vieux réflexes.

— Les servantes en ont vu d'autres, crois-moi sur parole, m'affirma le veilleur en surprenant mon regard sur le sol.

Nous évoluâmes silencieusement dans les couloirs et j'eus du mal à le suivre. Sa foulée était rapide alors que je marchais avec hésitation. Nous ne croisions personne et c'était plutôt une bonne chose. Je ne savais pas à quoi je ressemblais, mais cela ne devait pas être beau à voir. Nous sortîmes du bâtiment principal et l'air nocturne me frappa de plein fouet, l'oxygène envahit mes poumons et je me sentis revivifiée. Nous longeâmes l'allée de hêtres centenaires qui conduisait chez l'ordre d'Imriel : la demeure des sentinelles. L'édifice se dressait du côté Est du parc. Sa façade blanche se profila bientôt, c'était un chef-d'œuvre d'architecture gothique. Les lucarnes et les fenêtres à croisées de pierre laissaient filtrer une douce lumière qui conférait à la construction des allures mystiques. Le fronton était riche en sculptures et j'admirai la galerie qui couronnait l'immense porte en bois ciselé. Une douzaine de statues représentant des dragons et des griffons salua notre entrée alors que le vampire poussait le lourd battant. Il avança dans le hall sans m'accorder un seul regard et je le suivis comme un petit chien, jusqu'au majestueux escalier central qui devait mener aux étages. Nous poursuivîmes notre ascension jusqu'au quatrième et nous nous enfonçâmes dans un couloir orné d'œuvres picturales colorées.

Arrivé devant une large porte sculptée, il se tourna vers moi.

— Une douche ne te fera pas de mal. Tes vêtements et tes effets personnels ont été transférés. Quand tu auras terminé, rejoins-moi à la bibliothèque du rez-de-chaussée.

Il disparut sans que j'aie le temps de lui répondre. Je soupirai, excédée.

Non, mais sérieusement ? Laisse-moi comme ça, en plan, au milieu du couloir ! Je peux très bien gérer la situation toute seule !

Je portai la main à mon front pour essayer d'émerger du brouillard et clarifier les évènements, mais impossible de me concentrer. J'étais trop épuisée. De toute manière, rien ne pourrait changer ce qui avait été fait. J'étais morte cette nuit et j'étais revenue à la vie en tant que gardienne d'Apophis. Je ne savais pas ce qu'impliquait ce statut, mais il semblait important. Je ne pouvais que m'estimer heureuse d'être sortie de ma cérémonie avec un grade plus élevé que celui avec lequel j'y étais entrée !

J'ouvris la porte et m'immobilisai pour admirer les lieux. La chambre était immense. Le sol de marbre blanc était recouvert de tapis persans somptueux dont les couleurs chatoyantes réchauffaient l'ambiance. Un lit de chêne clair drapé d'une courtepointe en soie aux motifs tissés jaune-or, crème et rouge trônait au centre de la pièce. Il semblait si confortable que je mourus d'envie de me jeter dans ses bras séance tenante ! Des meubles précieux ornaient subtilement l'alcôve. D'épais rideaux pourpres décoraient la grande fenêtre qui devait donner sur le parc.

Je m'arrachai à ma contemplation et je me dirigeai d'un pas lourd vers la première porte, à droite. Comme je m'y attendais, c'était la salle de bain. Je tentai laborieusement d'ôter mes vêtements poisseux, sans succès, avant d'aviser des ciseaux posés en évidence. Les lames aiguisées tranchèrent les tissus souillés de sang séché avec une facilité déconcertante et je me retrouvai bientôt nue, au milieu de la pièce. Je rentrai dans la cabine de douche et réglai la température au maximum. Un soupir de plaisir m'échappa en sentant l'eau brûlante couler le long de mon corps. Je fermai les paupières, en espérant qu'elle allait effacer les épreuves, en même temps que le liquide vermeil qui me maculait. C'était un souhait vain, je le savais. J'attrapai le savon et je commençai à le passer sur ma peau. Mes muscles se délassèrent lentement et je gémis de satisfaction. Une fois propre, je contemplai, absente, le filet d'eau tourbillonner et emporter le reste de sang. J'appuyai ensuite mon front contre la paroi, les yeux clos, et me laissai aller dans ce cocon protecteur.

Un long moment plus tard, je tournai le mitigeur. J'étais exténuée et je ne pensais qu'à sombrer dans un oubli bien mérité.

Pas question d'aller retrouver Imriel dans la bibliothèque. Je vais me coucher !

Je tendis le bras pour saisir une serviette et je suspendis mon geste, épouvantée : du sang séché le recouvrait entièrement. Je m'empressai de vérifier le reste de mon corps pour constater le même phénomène. Je portai avec hésitation les mains sur mes membres pour voir s'il s'érodait sous mes doigts, mais il resta en place. Je me frictionnai alors avec force, mais j'eus beau frotter de plus en plus vigoureusement, j'avais l'impression que la matière était collée sur ma peau. La panique m'envahit.

— Je suis folle, murmurai-je d'une voix cassée que je reconnus à peine.

Il faut qu'il disparaisse ! chuchota quelque chose en réponse.

— Mon Dieu, je perds les pédales !

J'attrapai vivement une serviette immaculée et je me remis à gratter jusqu'à ce qu'elle soit complètement rougie. Un coup d'œil sur le sol et je me figeai davantage : l'eau qui stagnait à mes pieds était de plus en plus épaisse, elle changeait de consistance et devenait noire. J'étais tétanisée, incapable d'extraire mes pieds de cette étrange bourbe qui semblait grossir de seconde en seconde.

Ma tête tournait et mes oreilles sifflaient en continu. Mon cœur battait si vite qu'il allait exploser ! Je saisis mon crâne entre mes mains et je me mis à sangloter, impuissante à me calmer. Une éternité parut s'être écoulée lorsque cette transe cauchemardesque s'interrompit brutalement. La tension qui retenait mon corps prisonnier disparut, et je tombai à terre, le souffle court, épuisée et frigorifiée.

Lève-toi ! m'encourageai-je doucement, au bout d'un moment. Il ne faut pas rester là.

Je me redressai avec lenteur, je regardai mes bras, puis le sol de la douche. Il n'y avait plus aucune trace de sang. Rien.

Tu as halluciné, ce n'était pas réel.

J'attrapai une autre serviette que j'entourai autour de ma poitrine et je regagnai la chambre à pas lents. Je m'étendis sur le lit avec précaution, comme si j'étais en verre. J'avais le sentiment de perdre la raison. Mon regard se posa sur la marque. Le serpent était toujours au creux de mon poignet, mais il avait changé de forme. Il n'était plus seulement enroulé en forme de 8, il était devenu la copie conforme de l'idole du temple. Son corps formait à présent plusieurs boucles successives jusqu'à sa tête dressée. Sa couleur aussi avait évolué. On aurait dit que de l'or pur avait été tatoué à même ma peau. Je passai doucement les doigts sur le dessin et je perçus avec stupéfaction le relief des écailles. Je sursautai brusquement en les sentant glisser le long de leur pulpe et je constatai, horrifiée, que le reptile s'était mis en mouvement. Il ondula autour de mon bras, passant et repassant sous ma main comme un chat quémandant une caresse. Ses reflets dorés et émeraude semblaient prendre de plus en plus d'éclat et son corps froid paraissait se réchauffer à la chaleur du mien. Étrangement, mon effroi disparut aussi soudainement qu'il était apparu. Je l'effleurai à nouveau, fascinée par son aspect, et je finis par sombrer dans les bras de Morphée.

***

— Alanna ? Réveille-toi !

La voix de Damarisse me sortit d'un sommeil agité.

— Allez, marmotte, debout !

J'ouvris les yeux en maugréant. Je n'étais pas du matin ! Je me redressai ensuite précipitamment, soulagée de retrouver mon amie et de constater que les cauchemars qui avaient bouleversé ma nuit n'étaient que des chimères. Je me laissai retomber sur l'oreiller et me cachai le visage.

— Damarisse, j'ai fait un rêve terrible ! Tu vas te payer ma tête pendant des jours quand je te raconterai mes délires.

— Euh...

« Euh » ?

C'était bien la première fois que j'entendais Damarisse s'exprimer par une interjection !

— Alanna, je suis désolée de devoir être brutale, mais tout ce que tu as traversé la nuit dernière était réel !

Je me redressai, abandonnant mon oreiller, et la dévisageai.

— Je suis navrée que tu aies vécu une mort aussi horrible ! murmura-t-elle. Tu dors depuis vingt-quatre heures. J'ai convaincu Imriel de te laisser tranquille, mais il va falloir faire face à la réalité. Tes parents sont fous d'inquiétude et j'ai bien peur que ton père oublie la plus élémentaire des prudences s'il ne constate pas de ses propres yeux que tu es en vie !

Je restai muette suite à ce discours et je pris conscience de l'environnement étranger et de la grande chambre où j'avais dormi. Tout ceci était bien réel effectivement !

Damnation !

— Je ne sais plus où j'en suis !

— C'est bien normal. Il va falloir que tu t'habitues.

— J'ai eu des hallucinations dans la douche... j'ai l'impression de devenir cinglée !

— Il faut que tu sois courageuse ! C'est difficile, mais tu n'as pas le temps de pleurer sur ton sort ! Dis-toi qu'il va être plus qu'enviable. Tu es une gardienne ! Rien que cela ! Je suis si fière !

— Je n'y comprends rien ! C'est quoi exactement ce statut ?

— Imriel va répondre à tes questions. Je ne suis pas habilitée à en discuter.

— Tu parles d'un cadeau ! marmonnai-je dans ma barbe.

— Sois patiente, tu sauras chaque chose au moment voulu. La deuxième étape est de rassurer tes parents, puis de prendre des forces pour commencer ton apprentissage.

— Il consistera en quoi ? J'ai quand même été formée la plus grande partie de ma vie ! Je pensais être rodée !

— Des tas de nouveautés qui impliquent de taper sur des gens, tu vas adorer ! Plus la peine de cacher ton mauvais caractère ! Imriel et Delwyn te mettront au courant.

— Qui est Delwyn ?

— Le jumeau d'Imriel.

— Il ne manquait plus que cela, grommelai-je, un numéro deux.

— Ne sois pas impolie ! Je t'ai mieux éduquée que cela ! Ne me fais pas honte devant les gardiens ! Je te laisse vingt minutes pour te rendre présentable.

— OK, chef ! maugréai-je avec autant d'enthousiasme qu'un paresseux sous anxiolytique.

— Au fait, ne panique pas quand tu verras tes yeux, m'avertit-elle, en disparaissant dans l'instant.

— Quoi ? Qu'est-ce que...

Je m'arrachai au confort douillet de ma couche et courus dans la salle de bain. Je restai bouche bée devant le reflet que me renvoya le miroir. Un fantôme aux cheveux ébouriffés et aux iris ambrés me dévisageait. Mon teint habituellement pâle était carrément blême et ma crinière paraissait avoir subi une attaque nucléaire ! Mais le pire était mes yeux ! J'avais toujours été fière de leur nuance bleutée, héritée de mon père, mais toute trace saphir avait disparu de mes prunelles. Je reculai, consternée par leur étonnante couleur dorée. Mon cœur battait la chamade face à ce spectacle.

Je vais craquer !

Je rapprochai mon visage de la glace pour observer attentivement les nuances whisky, parsemées d'or qui constellaient désormais mes iris. La même nuance que celles d'Imriel !

Bon sang ! C'est quoi cette nouveauté ?

Le domaine rassemblait un grand nombre de vampires affiliés qui constituait une cour guerrière. Les plus puissants d'entre eux formaient la garde spéciale de Sehen qu'on désignait sous le nom de sentinelles ou de veilleurs. Parmi ces soldats, certains étaient reconnaissables à leurs magnifiques yeux dorés. Je comprenais tout à coup que ces cas particuliers étaient des gardiens d'Apophis.

Je luttai contre l'envie de partir immédiatement à la recherche de Damarisse pour lui demander des explications et je furetai dans un placard où je dégotai une brosse à cheveux. Je démêlai tant bien que mal mes longues boucles et les tressai rapidement en une natte épaisse. Je retournai ensuite dans la chambre et ouvris la porte de la grande armoire en chêne. Mes habits y étaient soigneusement pliés. Un soupir de soulagement m'échappa. J'avais une vraie passion pour les fringues et je trouvais rassurant d'avoir mes affaires avec moi. Pourtant ce n'était pas facile pour une fille coupée du monde de se fournir en vêtements. Damarisse avait toujours été ma dealeuse privilégiée ! Je choisis ma tenue, enfilant rapidement des dessous en dentelle grise, un jean noir et un pull sombre en cachemire, à même la peau. Je complétai le tout avec une paire de Converse en cuir grenat et un blouson de motard au col en fourrure.

Ma nouvelle situation me perturbait énormément. Ma vie avait toujours été soumise aux sangsues et à l'échelle de valeurs qu'ils avaient instaurées avec les humains qui évoluaient dans leur sphère privée. Rien ne m'avait préparée à devenir autre chose.

Qu'est-ce que je suis, en fait ? Cette question me taraudait. La condition de vampire était exclue vu que mon cœur battait de nouveau. Morte-vivante ? Visiblement pas ! Même si j'avais été ressuscitée, mon corps fonctionnait normalement. Je soupirai et m'approchai de la haute fenêtre qui donnait sur la forêt. Plusieurs maisonnées s'étaient constituées dans les différents pays du monde avec à leur tête un maître très puissant. Un conseil leur permettait de se retrouver régulièrement pour prendre des décisions communes et assurer une cohabitation sereine. Les dissensions restaient nombreuses avec les autres communautés surnaturelles, mais les vampires avaient créé des alliances qui fortifiaient leur position politique. Les guerres de pouvoir avaient fait trop de ravages par le passé pour qu'ils n'en tirent pas les conséquences.

Parmi tous ceux qui vivaient au domaine, les plus bas sur cette échelle étaient les Écarlates, des humains qui s'offraient de leur plein gré pour obtenir un travail, assurer leur protection ou par pure fascination pour ces êtres hors du commun. Ils se soumettaient volontairement, mais toujours avec le mirage d'une vie éternelle au fond des yeux. Ils servaient souvent de banque de sang. Venaient ensuite les femmes des serviteurs qui tenaient les maisons en tant qu'employées. Leur sort était le plus routinier qui soit, mais également le plus « normal ». Dans cette hiérarchie complexe, les enfants qui naissaient des unions des serviteurs devaient combiner intelligence, culture, adresse ou toute autre qualité qui les ferait sortir du lot. Ceux qui se démarquaient vraiment étaient devenus rares. Dès que j'avais été suffisamment âgée, j'avais appris à agir dans l'ombre et à développer mes dons. Je me devais d'être discrète et de ne pas faire de vagues à cause de ma condition spéciale. J'avais simulé une docilité à toute épreuve pour endormir la méfiance. J'avais ainsi pu me familiariser avec certains représentants surnaturels et gravir les échelons jusqu'à mon intégration auprès de Damarisse. Elle m'avait éduquée comme une jeune noble de son époque pour me rendre aussi féminine et douce que possible. « Les apparences sont essentielles » me répétait-elle sans cesse. Je n'étais pas à proprement parler la candidate idéale pour ces choses-là, vu mon penchant très prononcé pour les sports de lutte et mon côté garçon manqué, mais c'était donnant-donnant.

J'avais eu le privilège d'être initiée aux méthodes de combat par les meilleurs maîtres du genre et j'avouais sans fausse modestie que j'étais très douée. Cette activité me permettait d'extérioriser ma colère et de gérer mes émotions. Dans un environnement où les guerriers proliféraient, il était facile d'observer et de s'éduquer au quotidien. Au fil des années, j'avais appris de nombreuses techniques jusqu'à atteindre l'excellence, à force de travail et de persévérance. Mon enseignement au combat avait été aussi poussé que mes capacités intellectuelles.

Certes, j'avais toujours été consciente qu'une humaine ne ferait jamais le poids face à des métamorphes ou à des buveurs de sang, mais pouvoir casser la figure d'un mage à l'occasion ou rétamer une petite sorcière prétentieuse avait ses avantages, sans parler d'exploser la tête de congénères trop entreprenants. Cela pouvait paraître audacieux, vu qu'on pouvait se prendre un sort en représailles, mais les magiques n'ayant pas le droit d'utiliser leurs dons à l'intérieur de nos murs, sans autorisation officielle, c'était pratique. Damarisse m'avait souvent expliqué que les femmes du domaine étaient des ombres pour les vampires. Elles faisaient partie du décor. Elles n'étaient pas consommables de quelques manières que ce soit. Pas suffisamment précieuses pour avoir un intérêt réel. Je ne risquais donc rien avec eux. Par contre, avec les autres surnaturels, c'était différent. Je devais me méfier et savoir me défendre.

« Sois intelligente et vive d'esprit. Reste humble, baisse les yeux et réfléchis bien avant d'agir. Fais-toi passer pour la brebis et laisse la louve observer. De cette manière, tu ne seras jamais une proie. Il faut juste qu'ils pensent que c'est le cas. » Le conseil de Damarisse résonna en moi, mais il ne trouva pas le même écho que d'habitude. Quelque chose ne tournait pas rond. Ma maîtrise habituelle fondait comme la neige au soleil. Je me sentais plus agressive que jamais alors que ce n'était pas dans ma nature. J'essayai de relativiser : Damarisse avait sans doute raison, j'avais besoin d'un peu de temps pour me remettre. Un peu rassurée, je me dirigeai vers la porte que j'ouvris brusquement et fonçai dans le couloir à la recherche d'Imriel. 



*Carrie au bal du diable est un film d'horreur américain réalisé par Brian De Palma et sorti en 1976. Il s'agit de l'adaptation de Carrie, le premier roman de Stephen King.

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