Chapitre 10 - L'effet Portal (Kylian)



Minuit sonne.

Je tapote le sol depuis dix minutes de mon pied, dans l'attente de voir Alex revenir. Il est sorti avec Émilie, et j'espère vraiment que c'est pour faire sa déclaration cette fois.

Face à moi, Margot continue de m'écrire. On a passé plus de deux heures à discuter, rire, échanger. Elle m'a montré des gestes et paroles en langue des signes, j'ai continué à faire le clown. Cela a plutôt l'air de marcher. On s'entend vraiment bien, elle et moi, et je suis « plutôt doué en drague », comme elle m'a dit.

Je suis en train de lui mimer une anecdote – moi, en train de me cogner la tête contre le mur du bassin parce que je ne l'ai pas vu et que j'ai oublié de compter -, quand deux ombres s'approchent de la table. Je relève la tête et découvre Alex et Émilie.

         Main dans la main.

         — VICTOIRE ! m'écrié-je, poing brandit.

         Margot se retourne vers eux. Elle m'observe, puis les regarde. En voyant leurs mains serrées, elle semble comprendre et lève un pouce pour les féliciter.

         — Ça y est !!! Il te l'a dit ? m'exclamé-je en allant serrer Émilie dans mes bras. Enfin, il va arrêter de me prendre la tête et il va pouvoir te donner tous ses poèmes plutôt que me les faire subir.

         — Ces poèmes ? répète Émilie, étonnée.

         — Ah ! Tu ne lui en as pas parlé ?

         Alex secoue la tête, les yeux écarquillés. Oups ! Je n'aurais peut-être pas dû le dire tout de suite, elle risque de s'enfuir en découvrant sa prose. Il faut dire que mon frère est plus doué en natation qu'en poésie.

         — Euh... J'ai dû me tromper de personne, t'inquiète.

         — Tu m'as écrit des poèmes ? demande quand même Émilie à Alex.

         — Je... Peut-être... mais... non... en fait...

         — Rassure toi, ces vers sont mieux construits ! le coupé-je. Même si bon, ce n'est pas non plus un grand artiste. Enfin, en tout cas bravo. J'ai cru qu'il ne te le dirait jamais.

         — Moi aussi.

         Alex se tourne vers elle, surpris.

         — Comment ça, toi aussi ? Tu le savais ?

         — Kylian en avait peut-être parlé un jour...

         Alex se tourne vers moi, les joues rouges.

         — TRAITE ! FAUX FRÈRE !

         — JE N'AI PAS FAIT EXPRÈS ! m'exclamé-je. Ça m'a échappé un matin au bord de la piscine.

         C'était après qu'il m'ait lu un poème, justement. Je n'en pouvais plus. Émilie éclate de rire et dépose un baiser sur la joue d'Alex qui s'arrête aussitôt. Ils sont mignons ensembles, je suis content qu'il ait enfin passé outre sa peur et qu'il lui ait tout dit. Cela va lui faire du bien et rebooste sa confiance en lui.

         — Maintenant, tu vas enfin pouvoir te concentrer sur la compét', ricané-je. Au lieu d'écrire des poèmes, tu vas miser sur la médaille d'or et devenir champion du monde. Hors de question que Boki ramasse une vingtième médaille.

         — C'est clair ! confirme Émilie. Je ne vais pas vous lâcher, tous les deux.

         Et j'y compte bien.

         Margot, qui s'est levée en même temps que moi, s'est rapprochée pour tenter de suivre la conversation. Je tente de la lui résumer en mimant grossièrement mon frère, Émilie, puis un cœur. Elle semble comprendre et éclate de rire. J'adore quand elle rit. Mon frère capte nos regards et se penche vers moi :

         — Et toi alors... Ça avance, l'opération séduction ?

         — Doucement, mais sûrement ! Margot m'apprend à draguer. Ça marche plutôt bien. J'irai sans doute plus vite que toi en tout cas.

         — Pfffff !

         Il me donne une tape sur le torse et on commence à se chamailler sous le regard des filles. C'est normal, on est frère, on adore se taper dessus, c'est un truc de mec ! Émilie finit par nous rappeler à l'ordre et propose d'aller boire un dernier verre avant d'aller nous coucher. On récupère chacun quelque chose à boire et nous asseyons.         

         Émilie est à côté de mon frère et lui tient la main.

         Margot est à côté de moi et m'écrit des SMS.

         Je souris, face à Alex.

         Il n'y a pas que Léon Marchand qui a droit à son histoire d'amour dans les bassins.

         L'effet Marchand. L'effet Portal. L'effet natation, oui.

         Il faut croire que les nageurs sont plutôt beau gosse, et que la natation française fait rêver. J'en profite pour lever mon verre et déclare, en prenant le temps d'articuler pour Margot :

         — À nous.

         — À vous, répète Émilie. Bravo pour vos médailles.

         Margot trinque, nous suivons.

         Et lorsque je porte mon verre à mes lèvres, je ne peux m'empêcher de me dire.

         Nous étions deux.

         Nous sommes quatre désormais.

         Parce que jamais deux sans quatre.

         Et parce que le sport paralympique a encore de beaux jours devant lui. Dans les jours qui suivront, nous assisterons aux prochaines compétitions, pour soutenir ceux et celles qui - comme nous - se dépassent chaque jour pour donner le meilleur d'eux-mêmes, malgré leur handicap.

*

Et voilà, cette histoire est terminée. Je sais qu'elle n'était pas très longue, comparée aux deux tomes sur Léon Marchand et Apolline, ou même à l'histoire sur Tom Dailey et Léon Marchand, mais je connais moins ces athlètes paralympiques. Il me tenait tout de même à cœur de pouvoir parler d'eux et d'offrir aussi à lire une histoire qui les mette en valeur.

Les jeux paralympiques sont moins « visibles » que les jeux des valides, souvent moins regardés, mais j'ai trouvé que de beaux efforts avaient été faits cette année, à Paris, que ce soit dans l'adaptation des lieux et infrastructures, ou dans l'accueil qui leur était réservé.

Si cela vous intéresse, il y a de supers reportages qui ont été réalisés par des athlètes paralympiques où on découvre des sportifs avec des parcours de vie incroyables. Des gens qui ont un vrai courage et donnent une vraie leçon de vie au monde. Moi, ils m'impressionnent ces gens-là.

J'espère donc que vous avez apprécié de découvrir cette petite histoire sur les frères Portal, leur entraîneuse et Margot, la bénévole atteinte de surdité. Ces deux femmes n'existent pas dans la vie réelle, mais je souhaite à ces deux frères de rencontrer l'amour, de gagner d'autres médailles, et surtout, d'être heureux !

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