Chapitre 6

Rowena força Salazar à prendre un bain. Habitué à la vie sauvage, l'adolescent appréciait sentir la nature sur sa peau. La boue lui rappelait la terre au sein de laquelle son corps allait reposer à sa mort, les feuilles symbolisaient le temps qui passe et les saisons qui se succèdent, l'humidité représentait le sang de la vie affranchi de la couleur. Mais la jeune têtue avait une manière bien à elle de s'occuper de ses hôtes. Salazar avait beau crier et exprimer son mécontentement, elle lui arracha ses vêtements crasseux et le poussa, sans ménagement, dans la baignoire en marbre blanc. Rowena brûla les habits sous le regard effaré du jeune druide. Nu et sale, celui-ci tenta, tant bien que mal, de cacher sa virilité.

L'inconfort laissa vite place à la curiosité. Salazar analysa cette nouvelle matière qui s'étendait sous son postérieur. Il caressait la surface immaculée pendant que Rowena l'aspergeait d'eau claire. Glam observa la scène avec attention. Son maître n'avait pas souvent l'occasion de fraterniser avec des gens. Le serpent surveillait ses pensées et actions en espérant prévenir un éventuel « accident ». Aucun des deux ne voulait répéter le malheur du paysan.

Une fois le sorcier lavé et séché, Rowena lui prêta des vêtements en lin trop grand pour lui. Salazar retroussa le tissu au niveau de ses chevilles et ses coudes. Le pantalon serrait sa taille et la chemise dénouée laissait transparaître le haut de sa poitrine d'éphèbe. Mal à l'aise, il la remercia. La jeune fille fronçait les sourcils. Son regard était incisif et ses gestes brusques. Malgré ses efforts, elle semblait fortement incommodée par la présence d'une autre personne dans son quotidien.

Les deux jeunes gens s'attablèrent à un maigre repas composé d'une soupe de pissenlits trop aigre, de pain rassis et d'une chope de vin imbuvable. Salazar chercha une occasion de lui parler de son projet mais la jeune fille restait obstinément le nez plongé dans un livre. La soirée ne fut qu'une longue succession d'ordres autoritaires et de silence pesant. Salazar fut presque soulagé lorsque Rowena l'abandonna dans l'une des chambres du château. La pièce était tristement vide. Seul un grand lit à baldaquin drapé de lin fourré de plumes trônait fièrement au milieu.

La fermeté de la couche intriguait énormément l'adolescent. Il n'avait jamais expérimenté un lit avec un matelas. Il s'appuya dessus, la couchette épousa la courbe de ses mains puis reprit sa forme d'origine lorsque la pression cessa. Le jeune garçon sauta dessus un moment. La douceur de la literie le rassura. Il s'enroula dans les couverture et s'y installa avec Glam.

Salazar dormit très mal. Les coussins maintenaient constamment son corps en position assise et l'empêchaient de complètement se reposer.

Son marais lui manquait. Cette modeste vie d'ermite semblait bien rassurante face à ce faste inconnu. Les courbes irrégulières de la terre, les sillons poisseux de la boue, l'humidité qui s'infiltrait dans ses vêtements et même les insectes qui glissaient le long de sa peau lui semblaient préférable à cette insupportable richesse.

Recroquevillé dans ses draps, Salazar se sentait intimidé par cet environnement si luxueux malgré le délabrement qu'il subissait.

Les lieux étaient à l'image de leur propriétaire : magnifique, noble, brisé et froid.

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